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Le tracé au regard des structures existantes

Analyse critique du projet de création de la T

3. Le tracé au regard des structures existantes

Avant d’entrer dans l’exposé de ce qu’on peut observer, en 2003, le long de cette voie récemment ouverte au trafic, il convient de s’arrêter sur le site linéaire de son implantation. Déterminer la ligne idéale du tracé d’une voie de cette importance suppose de concilier certaines exigences qui ne sont pas naturellement compatibles, ce qui implique des choix et des aménagements pour s’assurer le bénéfice à terme d’une telle décision. Il s’agissait de construire une transversale qui puisse remplir en même temps une fonction de plus grande accessibilité de certains quartiers (mise en liaison des quartiers entre eux et avec les espaces déjà urbanisés de l’ancienne ville intra muros) jusqu’alors relativement excentrés et une fonction de voie de contournement par le nord-ouest : à la fois by pass et grande voie urbaine de desserte rapprochée. C’est dire qu’à peine construite, son usage est soumis aux exigences imposées par la dimension marchande des activités socio-économiques fortement implantées sur les tronçons préexistants signalés précédemment.

Le tracé retenu s'est appuyé sur des voies existantes (sentiers, ruelles et rues, notamment à vocation marchande), certaines depuis les années 50, qui ont été re-profilées, élargies et correctement équipées, traversant ou desservant des espaces bâtis de types divers (villageois, commerçant, administratif, etc.). Ce fut notamment le cas pour les trois secteurs déjà urbanisés lors de la construction de la T2 : Sidamdouane et Sisavath qu'elle effleure, produisant un renforcement de leur urbanisation en leur bordure nord ; Dongmieng et Thongkhankham, puis Nongduang, implantés sur deux marchés d’importance que la T2, en créant en bordure de ces deux équipements commerciaux un carrefour très passant, a étonnamment vivifiés. Sur le reste de son parcours, des percées ont été opérées à travers des espaces naturels (rizières et zone humide) qui ont nécessité des grands travaux de remblaiement et de terrassement pour mettre leurs assises définitivement hors d’eau.

La simple description de ce constat porte le handicap d’un futur pas si lointain. Il est évident en effet qu’il faudra songer à repenser les capacités de la T2 à l’horizon d’une petite génération (une vingtaine d’années) et la remodeler pour lui conserver sa vocation première de fluidité de circulation d’engins motorisés, tout en maintenant sa vocation marchande qui ne peut se satisfaire que d’une limitation de vitesse sur les tronçons les plus densément urbanisés de son parcours. Il appartiendra alors aux gestionnaires de la cité de trouver une réponse à un avenir qui sans être pour demain se laisse néanmoins déjà entrevoir. C’est là un phénomène qui rattrape successivement toutes les grandes villes de l’Asie du Sud-Est. Vientiane à son tour devra lui apporter une réponse raisonnable et raisonnée. En définitive, les infrastructures mises en place peuvent pour le moment répondre à une situation qu’il faudra cependant reconsidérer dès que l’augmentation du parc des véhicules motorisés l’exigera, à moins que d’ici là une politique rigoureuse de transports en commun s’établisse.

59. Bounleuam Sisoulath, p. 360.

De la nécessité d’une étude rétrospective pour appréhender les transformations actuelles

Mais on n’en est pas encore là et la connaissance de la progression du choix du tracé de la T2 constitue une approche prospective des aléas, remords, innovations et conditions qui présideront aux implantations programmées de l’ensemble du réseau de voirie et d’infrastructures lourdes et primaires qui est appelé à façonner la capitale de la RDP lao de 2020. Pour les besoins de cette connaissance, nous avons restitué le tracé de la T2 sur six documents iconographiques anciens : trois photographies aériennes de 1954, 1959 et 1995 (pl. T2-4) ; trois plans de 1961, 1970 et 2002, fin de l'aménagement de la T2 (pl. T2-5). Ce dernier, qui est pourtant le plan de la ville le plus récent dont nous disposons, fait presque figure de document d'archives pour ce secteur particulier de la ville, au regard des transformations architecturales, urbaines et paysagères réalisées par la suite le long de cette percée. Sur la base de ce document, nous présenterons un état des lieux à l’automne 2003 qui tient compte des déstructurations et recompositions en cours depuis la fin du projet.

L'objectif d'une lecture rétrospective des documents anciens au regard des développements actuels est double : d’une part, comprendre comment a été projetée et mise en œuvre la confrontation entre le nouveau tracé et les structures existantes (en d’autres termes, il s’agit d’analyser le processus de création d’une rue, les logiques et les dynamiques qui sont entrées en œuvre dans sa réalisation) ; d’autre part, identifier et localiser les ensembles architecturaux et urbains qui en jalonnent et ponctuent le tracé : les structures anciennes qui perdurent ainsi que le pourquoi et comment de leurs transformations ; les conséquences à l'échelle urbaine de celles qui ont disparu ; les nouveaux ensembles qui renvoient à des modèles antérieurs ou des formes nouvellement importées.

En effet, si l’on veut conserver ce qui appartient à la dimension identitaire du Laos dont Vientiane doit témoigner dans sa façon d’en assumer la continuité en en acceptant la modernité, il faut envisager dès à présent l’élaboration souhaitée d’une suite urbanistique adaptée quoique lointaine à la construction du grand Vientiane. Cela passe d’abord par la mise en évidence des interactions qui opèrent entre la voie, le bâti qui la borde et les tissus qu'elle structure, selon les logiques de groupements (villageois, mixte : résidentiel/commerçant, artisanal/industriel, etc., les types architecturaux et urbains, et les caractéristiques socio-économiques du lieu60.

De la nécessité d’une étude fine des caractéristiques architecturales, urbaines, paysagères et socio-démographiques afin de saisir les spécificités de chaque quartier

Avant de décrire plus précisément les compositions et recompositions liées à la création de la nouvelle route, il serait bon de proposer quelques éléments de réflexion sur les phénomènes qui opèrent entre l’architecture et la ville, et en particulier leurs implications autour de la T2.

Un premier regard, moins étayé par des enquêtes spécifiques des différents secteurs urbanisés de la capitale du Laos, incite à admettre qu’il n’y a pas dans cette ville une grande mixité des formes architecturales et urbaines. Situation qui semble aller en se renforçant du fait même de la multiplication de constructions conjoncturelles qui renvoient régulièrement à de nouveaux modèles importés, porteurs d’une certaine image de la modernité. Toutefois, si on peut avoir une impression globale d’unité dans cette mixité61, une observation plus fine fait apparaître des différences entre les quartiers, bien que modestes et aux limites diffuses, dont les spécificités sont déterminées par l’origine des populations qu’ils regroupent et les strates historiques de leur formation. Dans cette conjoncture, on se demande quels pourront être les effets des poussées d’une urbanisation relativement rapide à l’échelle de Vientiane, qui réponde aux exigences imposées par la nouvelle donne qu’est la mondialisation, à laquelle la ville ne saurait échapper et que ses responsables politiques et économiques revendiquent. Il s’agit, pour le secteur auquel on s’intéresse ici, de considérer la convergence de ces caractères avec

60. Est-il nécessaire de signaler ici que la mise en chantier du schéma directeur du Grand Paris, c’est-à-dire de la région de l’Ile de France, n’est pas encore achevée, alors qu’elle a été programmée par Paul Delouvrier et les services de l’IAURP, aujourd’hui IAURIF, créé à cet effet, sous la magistrature du Général de Gaulle, il y a maintenant 40 ans ! Mutatis mutandis, vingt ans n’est donc pas un horizon mythique pour réfléchir à l’aménagement et l’urbanisation du grand Vientiane.

61. Cette impression d’unité dans la mixité ne concerne ni les espaces villageois qui, bien que compris dans le périmètre administratif de Vientiane, restent à l’écart du mouvement d’urbanisation ni les quartiers à vocation administrative ou commerciale affirmée par l’importance de leurs équipements publics (ou disponibles pour un large public), notamment dans l’ancienne ville intra muros et dans ses premières extensions urbaines.

ce que l’on note ailleurs, en prenant en compte la nouvelle transversale, désormais partie prenante du trafic et des activités dont elle renforce nécessairement l’intégration au reste de la ville.

Deuxième partie :

Etat des lieux : compositions et recompositions en 2000-2003

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