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Le quartier Dongpalane, prémice d’une rue commerçante

La rue Dongpalane, axe structurant du quartier 1 La Dongpalane, épine dorsale du réseau de voirie

2. Le quartier Dongpalane, prémice d’une rue commerçante

Dans le secteur étudié, les découpages correspondent à un maillage de voies très lâche articulé sur la rue Dongpalane, laquelle oriente l’espace. Quelques voies de desserte interne de même direction sont également visibles, mais actuellement se terminent régulièrement en impasse, notamment du côté de Nongchanh. On peut cependant supposer que certaines constituent l’amorce de tracés et de découpages qui pourraient se prolonger dans un futur proche.

À la hauteur du vat Ban Fai, le canal Hong Ké coupe orthogonalement la rue Dongpalane, traversant l’ensemble du quartier de Khouvieng à Cosco. Ses berges ont été aménagées en 2000, son tracé redressé et reprofilé (à partir d’éléments de béton préfabriqués) modifiant, de ce fait, ses relations avec la mare. Des voies en terre battue permettent désormais le passage de véhicules à quatre roues entre Dongpalane et Khouvieng, mais seulement à vélo et à pieds sur le tronçon menant à Cosco. Excepté en bordure du canal, le territoire situé entre Dongpalane et Khouvieng n’admet pas de liaisons.

Ce réseau met en évidence deux territoires distincts, à l’est et à l’ouest de l’axe structurant de la rue Dongpalane. Approximativement parallèle au boulevard de Khouvieng, lui-même parallèle à la courbe de la rive du Mékong, le tracé de la rue suit la croissance de la ville ; elle s’inscrit dans le prolongement des logiques géo-historiques qui ont présidé à la mise en place de la trame des voies, notamment dans la ville coloniale. Pour quelques temps encore, et bien que ce secteur soit en cours d’urbanisation, les territoires situés de part et d’autre de la rue Dongpalane demeureront caractérisés par des modes d’occupation du sol liés à des formes architecturales et urbaines fortement différenciées.

Sur les planches d’analyse graphique établies à partir de photos aériennes et des relevés de terrain (Pl. Dgpl-10-15) sont localisés très précisément les constructions, leur implantation et l’importance de leur emprise au sol ; mais aussi le tracé des rues, chemins, cheminements, et les autres utilisations de l’espace. Ces projections orthoplanes permettent de voir au premier regard la distribution de la voirie et du domaine bâti, de même que leur répartition. En outre leur négatif, les espaces non construits mais néanmoins utilisés ou exploités, ainsi que ceux laissés en l’état naturel sont également saisissables. Ces cartes sont complétées par la représentation, clairement désignée par les légendes, des éléments structurants du quartier donnés à trois ans d’intervalle, en 2000 et 2003, ce qui autorise une comparaison significative. On constate ainsi la manière dont l’espace urbanisé a marqué le quartier, modelé son organisation. Et quels en furent les causes ou les acteurs ; et aussi le processus de conquête des espaces non urbanisés, dont nous savons qu’ils sont considérés, pour partie, par les uns comme réserve naturelle à préserver ; par les autres, en totalité, comme réserves foncières à coloniser.

Les grands équipements – pagodes, marchés, ministères, institut, écoles et autres bâtiments publics ou privés d’intérêt collectif – sont toujours riverains d’une rue asphaltée, qu’ils aient été implantés avant que la voie soit revêtue, en modifiant ou accueillant alors l’aménagement, comme c’est le cas pour la pagode et la fabrique de plastique de la rue Phonesinouane par exemple ; ou que la rue, préalablement revêtue et ses rives équipées, les ait attirés, comme c’est le cas du marché Dongpalane actuellement en profonde rénovation et extension.

Les formes urbaines commerciales organisées le long des voies principales – Dongpalane, Mahosot/Nongbone et Phonthan – suscitées par la proximité des marchés et en formation sur Cosco

sont constituées essentiellement de compartiments qui abritent en leur rez-de-chaussée toutes les activités économiques de la rue dont elles constituent l’encadrement en continu.

L’espace situé à l’arrière de ce front est modérément construit. Il reste marqué par les états antérieurs à dominante agricole. Les groupements villageois initiaux, dont ban Fai, se maintiennent ; densifiés, étendus et transformés, ils jouxtent des développements urbains plus récents, aux formes architecturales et urbaines différenciées. La présence de lambeaux de rizières, de potagers, de plantations arborées, de zones de mares et d’étangs continue de marquer profondément le paysage (Pl. Dgpl-10&11). Le découpage agricole, celui des digues de l’ancien système hydraulique, des chemins et des sentiers qui desservaient les groupements villageois et les terrains cultivés impriment leur antécédence sur le tissu actuel. Les amorces de micro réseaux de desserte terrestre qui s’établissent au rythme des constructions qui transforment le site en épousent autant que possible les tracés.

Principales formes architecturales et urbaines relevées dans le quartier

Côté est de la rue Dongpalane, l’espace délimité par les rues Mahosot/Nongbone, Cosco et Phonthan (environ 45 ha) comprend plusieurs ensembles architecturaux et urbains distincts.

Dans le centre du village Fai, les habitations sont disposées sur un territoire encore très arboré et s’appuient sur des chemins de terre carrossables qui en traversent le territoire et sur le canal Hong Ké : il s’agit de maisons lao plus ou moins transformées et de constructions dérivées de ce modèle. Quelques-unes persistent encore sur l’autre rive du canal, où elles se tiennent à l’ombre d’une pagode tutélaire (voir étude de cas).

A la périphérie, en direction des rues Dongpalane et Mahosot, les premières extensions du noyau villageois présentent des formes d’habitat mixte : les maisons sont bâties sur des parcelles souvent closes, les rez-de-chaussée sont en maçonnerie (brique ou parpaing) et les étages en bois. Au plus près de la rue, l’architecture se minéralise, le bois et autres matériaux végétaux cédant la place aux structures maçonnées des compartiments ; plusieurs chantiers rendent comptent de cette tendance.

Vers l’intérieur des tissus, ces extensions participent fortement à l’encerclement du territoire en gestation de quartier et au renforcement de l’importance des voies secondaires qui ne cessent de se développer. Ainsi, l’espace bâti continue à s’étendre par la construction de nouvelles maisons ou maisonnettes avec jardins. Son extension se fait progressivement, à l’initiative de modestes investisseurs qui, en cette occurrence, sont leur propre promoteur. C’est là, en vérité, un processus d’urbanisation très généralisé à Vientiane où se construisent ainsi, intuitivement, des quartiers encore peu minéralisés à l’intérieur des grandes mailles du réseau de voirie, faisant de la capitale laotienne une ville très aérée dont la dimension végétale et arborée est omniprésente.

Après l’incendie qui a détruit plusieurs maisons de ban Fai jouxtant l’enceinte du ministère de l’Industrie et du Commerce, ce quartier a été reconstruit en 2002-2003, son architecture s’en trouve radicalement modifiée. La ruelle, toujours en terre consolidée, a été élargie et son tracé redressé. Des maisonnettes de plain-pied, en rez-de-chausée ou deux niveaux, sont disposées en rangées le long de la rue : leur bâti est étroit (parfois 4 mètres de façade) et profond (jusqu’à 15 mètres) ; elles ouvrent directement sur la ruelle, occupant la totalité du terrain qui leur a été alloué (ni enclos ni jardin). La construction est simple : une ossature porteuse en béton, des murs maçonnés en brique, une toiture en tôle. Les formes architecturales et les modes de groupement de ces habitations rompent avec les modèles domestiques toujours bien représentés dans l’espace villageois et ses premières extensions.

Un mouvement d’urbanisation similaire se développe le long de la ruelle parallèle au canal en direction de la Cosco ; à proximité de cette nouvelle voie et du canal réaménagé, les villas sont grandes et luxueuses, elles s’intègrent à un nouveau quartier résidentiel. Les maisons enquêtées avaient été construites par de riches commerçants ; elles étaient louées principalement à des étrangers (diplomates, ambassadeurs et personnel d’ambassade, d’ONG, etc.) environ 1000 dollars par mois.

Le long de la rue Nongbone/Mahosot, on remarque un petit lotissement organisé autour d’un étang32 dont la trame viaire régulière et les compositions architecturales dénotent par rapport aux structures voisines. L’ensemble a été projeté et réalisé par une grande famille originaire de Vientiane au cours des années 50 et 60 ; il comprend trois petits bâtiments collectifs, dont un partiellement détruit par un incendie au début des années 90 et plusieurs villas mises en location33. Le propriétaire était un entrepreneur en bâtiment ; l’architecte, le chef de chantier, le menuisier et le peintre étaient vietnamiens. Le premier collectif des années 50 n’est pas sans rappeler les constructions édifiées à la même époque au Vietnam, notamment à Hanoi dans le quartier Long Xuyen. Aujourd’hui, les villas et des bureaux aménagés dans les collectifs sont mis en location, notamment à des ONG (2 trames du collectif, soit environ 100 m2, étaient louées 100 USD par mois en 2002) ; sur l’étang, un restaurant a été ouvert à côté du terrain de tennis. Rétrocédé à la famille au milieu des années 90, après avoir été confisqué en 1975, l’ensemble a pris une forte valeur foncière et immobilière ; il est actuellement l’objet de litiges familiaux portés en justice pour des questions d’héritage.

Face au marché de Dongpalane, deux ruelles parallèles en impasse sont bordées de rangées de maisons identiques et mitoyennes – de plain-pied, en dur, en rez-de-chaussée ou à deux niveaux – construites sur des parcelles allongées et juxtaposées. Ces deux petits lotissements sont habités par une des communautés vietnamiennes de Dongpalane ; ils sont distinctement identifiables sur le plan de 1970 par les alignements de bâti perpendiculaires au chemin d’accès qui en assure la desserte et qu’ils consolident.

En dépit de transformations successives du bâti par surélévation, densification et modification des façades, les rangées d’origine constituent un ensemble urbain qui se singularise des formes architecturales et urbaines du quartier ; elles sont désormais interrompues et ponctuées de maisons dérivées du type lao, de maisonnettes et de villas. Ces ensembles ne sont pas sans rappeler les groupements d’habitations sur pilotis situés sur la mare de Nongchanh, vers les marchés du Matin et de Khuadinh, et habités par des Vietnamiens. Bien que construites en bois, les maisons organisées et desservies par une passerelle de bois centrale présentaient des similitudes dans leur organisation spatiale.

Le long de la rue Soradith, on retrouve les alignements de villas et de bungalows, particulièrement en aval de la chaussée, qui ont précédé la construction de la Dongpalane (voir plan 1970 ; les permis de construire des villas auraient été signés en 1963 et ceux des bungalows en 1969). Dans cette rue très résidentielle, le rôle d’attraction de la voie asphaltée est particulièrement probant : les lotissements anciens côtoient des résidences beaucoup plus cossues ; elle dessert un réseau serré de ruelles et de chemins en impasse branché très régulièrement sur son tracé.

A l’extrémité orientale du quartier, l’ancien camp américain se distingue des autres groupement avec ses alignements de maisons juxtaposées de part et d’autre de la boucle formée par la voirie.

Entre ces différents groupements distinctement identifiés, dispersés sur l’espace encore cultivé il y a peu, on observe un bâti mixte « pseudo villageois », imbrications d’éléments où l’habitat traditionnel lao est peu à peu consolidé et remplacé par un habitat moderne qui tend à se généraliser.

Côté ouest, l’espace compris entre Dongpalane, Khouvieng et Mahosot correspond aussi à 45 ha environ coupés en deux parties inégales par le canal Hong Ké. Les remblaiements de 2003 en ont fait un secteur en pleine transformation. A l’arrière du front bâti de compartiments, la profondeur des espaces urbanisés présente des variations résultats de remblaiements successifs ayant été réalisés en des points stratégiques, dans le prolongement des amorces de réseau, avant la disparition de la mare et pour gagner, alors, du terrain sur son emprise. Là, les impasses sont bordées de maisons modernes, parfois disposées sur une parcelle close ou directement ouverte sur la rue, comme on a pu le voir en d’autres lieux de Dongpalane, dans les extensions des espaces villageois. Ces constructions entérinent également la nécessité des voies de desserte de moindre ampleur qui innervent l’ensemble

32. L’étang a été creusé et la terre utilisée pour fabriquer les briques nécessaires à la construction de l’ensemble architectural. Il est à noter que des briqueteries sont déjà mentionnées sur les plans du début du XXe siècle ; elles sont certainement liées à la présence de Vietnamiens.

33. D’après un des propriétaire actuel du lotissement rencontré en septembre 2002, plusieurs villas ont été louées à des Français jusqu’aux années 70, puis aux Russes (1975-1982) qui occupaient également le collectif R+1 et les villas ; l’ensemble aurait été « squatté » de 1982 à 1994 par des Pakistanais, commerçants du marché du Matin.

des constructions d’habitation qui continuent de s’élever. De ce fait le fonctionnement interne du quartier s’en trouve assuré et amélioré.

En 2000, on pouvait encore relever deux modes de groupement de ces habitations sur la mare décrits dans l’étude de cas correspondante. Cette situation cartographiée en 2000 montre entre Dongpalane et Khouvieng la persistance de la mare de Nongchanh et des modestes agrégats d’habitat villageois qui la bordent où l’aquaculture, les vergers et quelques cultures potagères survivent au rythme des moussons. Mais la carte de 2003 nous informe de la disparition de ces vestiges d’une implantation villageoise et du comblement de la mare de Nongchanh. Les habitations sur pilotis avaient été démontées et l’ensemble urbain était en attente, les premiers projets commençaient à s’élever sur les franges des terrains récemment nivelés.

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