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3.2 Les maisons d’édition

3.3.4 Les associations savantes

3.3.5.1 Les mouvements de soutien

Avec le départ de L.S.Senghor du pouvoir et l’arrivée d’Abdou Diouf en décembre 1980, qui était plus un technocrate qu’un homme politique d’une légitimité avérée, il se crée autour de lui, en vue de consolider son pouvoir, des mouvements de soutien. Mamadou Coumba Diop et Mamadou Diouf, dans Le Sénégal sous

Abdou Diouf, 232 en dénombrent plusieurs.

230 Sur ce parti politique PDS , lire RIPAS, n° 5, octobre-décembre 1982.

231 M. Mendy, Wade et le Sopi. La longue marche, Les classiques africains, 2001, t.1, p. 26.

232 M-C-Diop et M. Diouf, Le Sénégal sous Abdou Diouf, Paris, Karthala, 1990. Les raisons de ce départ avant la fin de son mandat en 1983 seraient liées à un environnement sociopolitique de plus en plus difficile à gérer. Les deux auteurs affirment, citant le quotidien national, Le Soleil , 28 janvier 1980 : « L’année 1980 a, en effet, été marquée au Sénégal, dès ses premières heures, par une forte tension politique dont les effets se sont fait sentir dans les lycées du pays et à l’université de Dakar. Etudiants et élèves du secondaire solidaires soi-disant de leurs camarades de Casamance ont, trois semaines durant, tenté de paralyser l’école sénégalaise.(…) Suivie (…) par une crise économique internationale qui, avec la flambée du prix de l’or noir, nous est nettement défavorable, et de l’autre sur le plan intérieur, par des difficultés financières qui ont nécessité

-Comité de soutien à l’action du président Abdou Diouf (COSAPAD) ;

-Union des populations du Ndiambour DOOLEL Abdou Diouf (UPD) ; région d’origine du président ;

-Sœurs unies du Plateau pour le soutien à l’action du président Abdou Diouf (USAPAD), arrondissement urbain dans lequel se situe le palais de la République ;

-Comité national des griots (communicateurs traditionnels) du Parti Socialiste pour le soutien à l’action du président Abdou Diouf, etc.

A ces associations, il faut adjoindre celles mises en place par des intellectuels : le Groupe de Rencontre et d’Echanges pour un Sénégal Nouveau (GRESEN) et le Groupe des 1500.

3.3.5.1.1 Le Groupe de Rencontre et d’Echanges pour un Sénégal Nouveau (GRESEN).

Il est créé en août 1982 par un groupe d’intellectuels, dont le professeur d’allemand Amadou Booker Sadji, ancien militant du Parti Démocratique Sénégalais, Ousmane Blondin Diop, sociologue et proche du cabinet du président de la République, et Iba Der Thiam, historien, militant syndicaliste.

Les objectifs233 sont :

- soutenir toutes les initiatives, toutes les décisions ou mesures progressistes, démocratiques, positives allant dans le sens des intérêts du peuple sénégalais visant l’union des cœurs, des esprits et des volontés vers un même but, la justice sociale, la renaissance culturelle, l’assainissement des mœurs sociaux politiques, syndicales et administratives, l’efficacité économique ;

- promouvoir un vaste courant d’opinion, en faveur de la consolidation des bases de notre jeune indépendance, au plan politique, économique, social et culturel ; - perfectionner sans cesse l’expérience démocratique en cours ;

- créer, développer et sauvegarder un climat d’échanges sereins et fructueux, de préjugés mutuellement favorables entre les acteurs politiques en scène, d’entente, d’harmonie et de paix sociale dans les perspectives de la mobilisation la plus large d’unité, pour l’édification de la nation, dans le respect des différences ;

- entretenir entre personnes de sensibilité politique idéologique quelquefois différente des relations de travail, de compréhension réciproque, de tolérance, de relativité dans les jugements, et pourquoi pas d’estime mutuelle, de vraie fraternité

la mise en œuvre d’un plan de redressement courageux mais sévère, l’opposition légale ou crypto-personnelle a cru ,sans doute, que son heure avait sonné » (p. 81-82).

africaine, voire de solidarité agissante, sans autre dessein que celui d’œuvrer pour le bien commun. Cette volonté de réunir des personnes aux idéologies si opposées en vue d’une solidarité agissante en dehors des cadres des partis politiques ne sera pas bien vue par le Club Nation et Développement (CND) qui regroupe les intellectuels ayant choisi « de prolonger la politique du président Abdou Diouf ».

Pour ces derniers, il y a une forme de concurrence déguisée. Ce qui se vérifie, selon eux, à la lecture de l’éditorial du mensuel du GRESEN, dans lequel il est écrit :

« Près de 700 membres appartenant à l’intelligentsia la plus fine de notre pays ont adhéré au GRESEN. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de notre pays, un groupement aura le privilège d’offrir à quelques-unes des intelligences les plus brillantes, les plus créatrices et les plus attachées à l’intérêt national la possibilité de s’organiser, de participer à tous les aspects de la vie nationale dans des conditions qui n’impliquent aucune contrainte, aucun dogmatisme, aucun fanatisme ». 234

Il y aurait dans une telle démarche, selon les intellectuels du CND, une volonté inavouée d’accéder au pouvoir sans passer par les contraintes liées à l’appartenance à un parti politique déterminé. Et ce qui le confirmera, comme le souligneront Momar Coumba Diop et Mamadou Diouf dans Le Sénégal sous

Abdou Diouf, c’est qu’ «(…) un an plus tard (…) le mouvement, qui se réclamait

jusqu’alors d’un soutien exclusif au chef de l’Etat sans faire partie du Parti Socialiste, réuni en assemblée générale le 14 janvier 1984, a décidé de rejoindre le Parti Socialiste à la veille du Congrès extraordinaire du PS les 21 et 22 janvier 1984 235». D’ailleurs, un des indices, selon ces deux auteurs, qui contribuait à

montrer le caractère partisan est que « l’ancien directeur de cabinet du président (1983/1988) son assistant et au moins deux autres membres du cabinet présidentiel sont membres du GRESEN. (…) de 1983 à 1988, trois ministres du gouvernement ( Alioune Diagne Coumba Aïta, Ibrahima Fall, Iba Der Thiam étaient membres du GRESEN236 ».

Le second groupe (Groupe des 1500) procède du même esprit : dépasser les clivages idéologiques rigides des partis en vue d’unir le maximum de compétences.

3.3.5.1.2 Le Groupe des 1500

Le principal initiateur de l’« appel des 1500 aux forces vives de la nation » (8 avril 1981) est l’historien Iba Der Thiam. Il s’agit pour lui de réunir toutes les forces vives de la nation afin d’éviter la dispersion des énergies nationales dans des

234 L’éditorial du numéro 5, avril 1985 du mensuel du GRESEN.

235 M-C. Diop et M. Diouf, Le Sénégal sous Abdou Diouf, Paris, Karthala, 1990, p. 120. 236 M-C. Diop et M. Diouf, Ibid.,, p. 122.

luttes idéologiques, des querelles doctrinales non productives, bref, de montrer que la politique peut être faite par des non professionnels. Mais une telle initiative est encore perçue comme une «manœuvre » en vue de se rapprocher du pouvoir. En effet, de 1983 à 1988, Iba Der Thiam devient ministre de l’Education nationale du gouvernement d’Abdou Diouf.

Pour le juriste Mariel Zouankeu dans RIPAS (n° 5, octobre-décembre 1982), une telle fin était prévisible. En effet, la critique des partis politiques, avec comme réponse la création de regroupements non partisans, est une solution avec ses avantages : la diversité des points de vue et l’accord sur des objectifs et non sur une idéologie. Cependant, pour le juriste, le destin de tels groupes est lié à l’atteinte des objectifs, mais aussi à l’institutionnalisation. En effet, lorsque les objectifs sont atteints, le groupe s’effrite ou est appelé à disparaître. Par ailleurs, pour « survivre » le groupe a besoin de se doter d’organes et de structures comparables à ceux des partis politiques classiques. « Or c’est un fait sociologique que des structures déterminées tendent à secréter une bureaucratie autonome, et dès qu’apparaît la bureaucratie, elle accapare l’essentiel des énergies du rassemblement et bien évidemment suscite et entretient des ambitions237. En d’autres termes, s’il faut chercher les réponses en dehors des

partis politiques, ces dernières sont vouées soit à se fondre tôt ou tard dans les partis politiques comme c’est le cas avec le GRESEN, ou alors à voir quelques- uns de ses membres développer des ambitions personnelles qui progressivement vont affaiblir le groupe.

En définitive, les engagements des intellectuels, qu’ils soient directs (partis politiques) ou encore indirects (mouvements de soutien dans ces diverses variantes), révèlent leur implication dans la vie publique et contribuent encore à asseoir leur légitimité sociale.

Mais le summum de ce processus de légitimation pour les intellectuels se donnera à travers la reconnaissance des pairs, dans des manifestations telles que les congrès, les colloques, les symposiums, etc.