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Le Centre d’Etudes et de Recherche pour l’Islam et le Développement

3.2 Les maisons d’édition

3.3.2 Les clubs de réflexion religieuse

3.3.2.1 Le Centre d’Etudes et de Recherche pour l’Islam et le Développement

Le CERID est né en 1984. Selon le vice-président Ibrahima Mahmoud Diop (Barham),182 c’est en réaction à l’interrogation de certains intellectuels se

demandant si l’islam n’est pas un frein au développement. C’est ainsi que se regroupèrent des intellectuels musulmans aux profils divers en vue de prouver le contraire dans les multiples champs du savoir que sont l’histoire, la science, la philosophie, l’économie, la théologie, etc.

La liste des membres en donne la preuve : - Falilou Diop, avocat ;

- Khadim Mbacké, chercheur à l’Institut Fondamental d’Afrique Noire (IFAN) ; - Ibrahima Mahmoud Diop (Barham), professeur islamologue ;

- Makhtar Diouf, professeur de sciences économiques ; - El Hadj Rawane Mbaye, directeur de l’Institut islamique ; - Assane Sylla, Chercheur à L’IFAN ;

- Dr Pape Maguette Camara, médecin ; - Abdou Caba Touré, professeur de lettres ;

181Joseph Mathiam, « En écoutant un militant de la Négritude », Club Nation et Développement, 1969. 182Le Musulman , n°10, février 1984, p.15 et 16.

- Doudou Ndiaye, magistrat ;

- Serigne Mbaye Diop, professeur de mathématiques ; - Me Cabibel Diouf, avocat à la Cour ;

- Dr Daouda Diouf, cardiologue ;

- Mouhamadou Bamba Ndiaye, professeur.

Figurent parmi les thématiques abordées la dimension économique de la Zakat, la solidarité panislamique comme moteur du développement, les miracles scientifiques du Coran et de la Sunna, la formation des montagnes, l’océanographie, etc., avec, surtout, la ferme volonté pour chacune d’y apporter un regard propre, comme le confirment les dires du vice-président, Ibrahima Mahmoud Diop, affirmant qu’ « à chaque problème (…) nous nous efforcerons de présenter les solutions que l’islam préconise à ce stade et défendront ces solutions. C’est un dessein énorme, c’est pourquoi nous lançons un appel à tous les intellectuels183».

Un cas significatif à cet effet est celui économique. Makhtar Diouf traite de «Zakat et technique fiscale »184, en vue d’indiquer la spécificité, et surtout la solution

originale avancée quant à la redistribution des revenus.

L’économie classique avec Adam Smith (La Richesse des Nations, 1776) pose plusieurs règles sur la rationalité fiscale : la règle de commodité (l’impôt doit être perçu de la manière la plus commode par le contribuable, ainsi un impôt sur l’agriculture se fera à la fin de la récolte) ; la règle de certitude (le moment et le montant de l’impôt doivent être notifiés et connus du contribuable) ; la règle de proportionnalité (chaque contribuable doit payer en fonction de ses moyens) ; la règle d’économicité : il ne doit pas sortir des poches du contribuable plus d’argent que le dû à l’Etat.

Selon l’économiste sénégalais, toutes ces lois sont respectées par la Zakat- obligation religieuse, exigeant à chaque musulman de redistribuer une partie de ses biens. Celle-ci est perçue, en effet, sur la capacité financière de l’individu, de l’année échue ; le paiement se fait à des périodes clairement indiquées et selon des modalités précises ; l’assiette de l’impôt tient compte des revenus et de la richesse du sujet ; enfin, il est interdit de réclamer un montant dépassant le dû ; qui plus est, il est exigé que la quote-part destinée aux administrateurs soit très réduite, de manière à ne pas créer une bureaucratie de percepteurs.

183 Cité par M. Touré dans Le Musulman, n° 10, p. 16.

Ce qui est visé, en vérité, c’est de proposer un autre modèle économique de redistribution des revenus fondé sur la religion, et non sur une théorie économique comme celle du prix Nobel 1976 : Milton Friedman. Celui-ci proposait un impôt sur le revenu négatif. Selon sa théorie, il était possible de fixer un montant à partir duquel tout revenu annuel inférieur pourra être exempté d’impôt, avec cet inconvénient que les gros contribuables sont de grands électeurs avec qui le pouvoir politique doit compter.

Pour Makhtar Diouf, avec la Zakat islamique, cette difficulté sera contournée, car « le musulman qui s’acquitte de la Zakat le fait de gaîté de cœur, parce que c’est une recommandation divine ».

Aussi préconise-t-il d’organiser la Zakat de façon à en faire un instrument efficace de politique économique pour la redistribution des revenus en vue de financer les œuvres sociales telles que l’éducation, la santé ou encore des activités génératrices d’emplois pour les jeunes.

Nous avons le tableau suivant :

« NOUS » « EUX »

Economie Economie islamique Economie classique

Régime fiscal Zakat Fiscalité moderne

Destinataires Nécessiteux, pauvres Trésor public

Imposables Pauvres exemptés Pauvres imposables

Croissance Positive Négative (V Pareto)

L’avantage comparatif résiderait dans la protection du pauvre sans que cela ne signifie l’instauration d’un système « éternel » de mendicité, d’assistance. Car l’islam, selon l’économiste, n’encourage pas la mendicité, en effet , « Si quelqu’un prend cette corde avec lui et rapporte son chargement de bois sur son dos pour le vendre, c’est bien meilleur pour lui que de mendier, qu’on lui donne ou qu’on ne lui donne (Sahih Bukhari, Sahih Muslim)185».

La question que l’on est en droit de se poser est : de même que les grands électeurs peuvent constituer une contrainte dans la réalisation du projet du prix Nobel Milton Friedman, de même l’égoïsme humain ne peut-il pas être un obstacle, en dépit de la foi ?

En définitive, il faut reconnaître qu’en se regroupant par affinité élective, les intellectuels musulmans non seulement se donnent un moyen de partager leurs idées avec leurs coreligionnaires, mais encore trouvent une occasion de les réunir autour de leurs théories. C’est ainsi que la revue Le Musulman avance qu’ «un cercle de lumière s’est levé sur notre pays (n’en déplaise aux « autres » et son éclairage promet d’être constant pour les musulmans. (…) Puisse Allah nous donner, à nous jeunes intellectuels musulmans, l’aptitude à poursuivre l’effort de nos aînés du CERID ! 186»

Dans une autre perspective religieuse, celle chrétienne, nous retrouvons un groupe de réflexion et d’action : « Présence chrétienne ».