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3.1 Les revues

3.1.1 La revue littéraire et culturelle : Présence Africaine (1947)

3.1.2.1 L’Université de Dakar

Un embryon de l’enseignement supérieur voit le jour en 1950 avec la création de l’Institut des Hautes Etudes154. Avant celui-ci existait dès 1918 une Ecole africaine

de Médecine de Dakar, puis en 1919 une section pharmacie et une section vétérinaire appelées à former des « médecins africains » qui sont en réalité des assistants des médecins militaires français155. En 1936 fut créé l’Institut Français d’Afrique Noire (IFAN)156 chargé de « l’étude scientifique de l’Afrique noire en

général (…) du pays, de ses habitants, de son histoire, de son évolution, de ses ressources, de ses productions ». En 1957, c’est la création de l’Université de Dakar. Les raisons de sa mise en place sont à chercher dans une croissance des effectifs issus du secondaire. Les lycées Faidherbe de Saint-Louis en 1920, Van Vollenhoven à Dakar en 1939 sans compter les collèges techniques, véritables viviers, peuvent « alimenter » le nouveau système d’enseignement. En effet, Les enseignements secondaires techniques et professionnels connaissent une augmentation continue entre les années 40 et 50157:

152 Aimé Patri, « Y a-t-il une philosophie bantoue ? », Présence africaine, n° 2, janvier 1948, p. 203.

153Jean Suret Canale, in Mélanges : réflexions d’hommes de culture, cité par Philippe Verdin, Alioune Diop, le Socrate noir, p. 163.

154Sur la genèse et la structure de cet Institut des hautes Etudes, lire André Bailleul, L’Université de Dakar : Institutions et

fonctionnement 1950-1984, Dakar, Université de Dakar, 1984, thèse de doctorat d’Etat en droit, première partie, section 1.

155 Parmi ces « médecins africains », on peut citer Félix Houphouët Boigny, qui deviendra premier président de la République de Côte d’Ivoire, Hamani Diori, premier président du Niger et le Sénégalais Amadou Cissé Dia, président de l’Assemblée nationale et dramaturge.

156 Il sera rattaché à l’Université de Dakar en qualité d’Institut d’université en mars 1959.

Tableau de présentation des statistiques de l’évolution des effectifs Enseignement secondaire -Année 1948 : 4174 -Année 1949 : 5408 -Année 1950 : 5476 -Année 1951 : 5745 -Année 1952 : 6161 -Année 1953 : 7068 -Année 1954 : 8549 -Année 1955 : 9734 -Année 1956 : 11211

Enseignement technique et professionnel : -Année 1949 : 1263 -Année 1950 : 1472 -Année 1951 : 1906 -Année 1952 : 3514 -Année 1953 : 3884 -Année 1954 : 4559 -Année 1955 : 5397 -Année 1956 : 6561

De façon concomitante, les effectifs dans le supérieur s’élèvent. En effet, si, à ses débuts, l’Institut ne comptait qu’une dizaine d’étudiants, une année après on est à 94 étudiants, et à plus de 400 étudiants avant la création de l’université de Dakar.

Ce qui est intéressant, c’est la façon dont le nombre de diplômés (au sens de tous les étudiants ayant réussi à un quelconque examen, certificats d’études supérieures (DUEL, DEUG) ou autres dans les diverses facultés ou ayant

obtenu un diplôme de fin de cycle : licence, maîtrise, doctorat, etc.) va croître en fonction des disciplines.

Prenons les années entre 1960 et 1968 avant la crise de mai 68 - qui fera baisser sensiblement les effectifs - afin de bien apprécier l’évolution158.

Année

universitaire Droit et sciences économi ques Médecine, pharmacie et dentiste Scien

ces Lettres et sciences humaines Total Inscrits en capacité et préparatio n UIT Total général des inscrits 1960-1961 339 157 344 339 1179 280 1459 1961-1962 285 269 261 393 1208 352 1560 1962-1963 391 207 434 488 1520 530 2050 1963-1964 486 244 536 570 1836 491 2327 1964-1965 576 285 623 683 2167 628 2795 1965-1966 624 322 696 758 2400 516 2916 1966-1967 703 365 830 916 2814 650 3464 1967-1968 785 458 855 1040 3138 779 3917

Ce que l’on remarque, c’est une croissance du nombre de diplômés sur le plan général puisque l’on passe de 1459 en 1960-1961 à 3917 en 1967-1968, l’année 1968-1969 connaissant une baisse notoire (avec 2688) en raison des événements de mai 68159. Cette même tendance est notée dans chaque faculté, avec comme point saillant la Faculté des Lettres et Sciences Humaines qui passe de 339 diplômés en 1960-1961 à 1040 diplômés en 1967-1968. On assiste presque au triplement du nombre de diplômés dans cette faculté en moins de dix années. Si, au départ, le nombre de diplômés de cette faculté est égal à celui de la Faculté de Droit et Sciences Economiques (339) ou proche de celui de la Faculté des Sciences (344), à l’arrivée on note un écart important : droit et sciences économiques (785) ; sciences (855) et lettres et sciences humaines

158Fatou Sow, Les diplômés sénégalais de l’université de Dakar (1949-1969), Dakar IFAN, p. 4.

159Sur la signification de cet événement au Sénégal, lire Abdoulaye Bathily, Mai 68 à Dakar ou la révolte universitaire et la

(1040), soit une différence variant entre 185 et 255 diplômés, même si l’on considère que le nombre total de diplômés ne comprend pas que des Sénégalais, mais d’autres nationalités venant des autres pays africains francophones, de la France, etc. il est alors nécessaire de faire la part des choses afin de savoir si le constat de progression reste valable160.

Tableau des diplômés sénégalais - 1960-1961: 434 - 1961-1962: 593 (M : 566 ; F : 27) - 1962-1963: 729 (M : 699 ; F : 30) - 1963-1964: 746 (M : 702 ; F : 44) - 1964-1965: 880 (M : 820 ; F : 60) - 1975-1966: 922 (M: 849 ; F: 73) - 1966-1967: 1144 (M: 1062 ; F : 82) - 1967-1968: 1495 (M : 1350 ; 145)

La progression des diplômés sénégalais de 1960 à 1968 est confirmée : de 434 en 1960-1961 on passe à 1350 en 1967-1968. La nouveauté, c’est l’apparition des diplômés féminins à partir de l’année universitaire 1961-1962, avec une progression continue à l’image des diplômés masculins. On passe de 27 en 1961-1962 à 145 en 1967-1968. Par ailleurs, ce qui vient encore renforcer ce bassin de ressources humaines compétentes, c’est le processus d’ « africanisation » du personnel enseignant. En effet, si, à ces débuts, le personnel enseignant était majoritairement français, au fil des années, on assiste à une augmentation du nombre d’Africains. Un tableau à titre indicatif sur les premières années de fonctionnement est assez parlant161.

Tableau des enseignants

(Les chiffres entre parenthèses représentent les enseignants africains)

160Fatou Sow, Les diplômés sénégalais de l’université de Dakar (1949-1969), Dakar, IFAN, p.5-6. 161André Bailleul, op. cit. p. 113.

Années Droit-

Sc. Eco Médecine, Pharmacie Lettres Sciences IFAN IUT Total 1961- 1962 18 (1) 50 (6) 28 (1) 37 (3) 19 (3) _ 152 (14) 1963- 1964 23 (3) 69 (13) 34 (3) 45 (5) 20 (5) _ 191 (29) 1964- 1965 23 (4) 82 (11) 33 (3) 49 (8) 19 (3) _ 206 (29) 1966- 1967 25 (6) 88 (24) 30 (3) 50 (8) 19 (4) _ 212 (45) 1967- 1968 26 (10) 101 (36) 44 (8) 55 (15) 15 (4) 6 247 (73) Si, en 1961-1962, on observe au maximum 14 enseignants africains, avec parfois un seul enseignant dans certaines facultés comme en Droit-Sciences économiques et Lettres, non seulement on constate une progression sensible d’année en année, mieux encore, en 1967-1968, on atteint le chiffre de 73, avec comme cas intéressant, celui de Médecine et Pharmacie avec 36 enseignants, ce qui n’est pas surprenant que les deux premiers maîtres de conférences agrégés africains en 1961 et 1962 viennent de cette faculté.

Les effets induits de cette multiplication de diplômés est la création de revues scientifiques autour desquelles se rassemblent les intellectuels.