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Les mouvements de libéralisation autonomes

2 Un nouvel environnement pour le transport ferroviaire ferroviaire

2.1 Évolutions institutionnelles et environnementales

2.1.3 L’ouverture à la concurrence en Europe

2.1.3.3 Les mouvements de libéralisation autonomes

Plusieurs pays européens ont choisi de libéraliser tout ou partie de leurs systèmes ferroviaires de façon autonome indépendamment des directives européennes. Les mouvements de déréglementation menés hors du système harmonisateur de la Commission débouchent sur des systèmes très divergents. Nous choisissons de dresser un panorama des formes institutionnelles de la concurrence qui ont été retenues car ce sont sur les exemples de ces pays que nous allons nous appuyer pour recueillir les premiers mouvements concurrentiels entre nouveaux entrants et opérateurs historiques.

Nous porterons une attention supplémentaire aux cas qui se rapprochent du contexte amené à se développer en Europe du fait de leurs portées prospectives supérieures.

En 1985, la Suède a été le premier pays à accomplir une séparation comptable entre les gestions de l’infrastructure et de l’exploitation (Jahanshahi M., 1998 ; Nash C., 1999 ; Baumstark L., 2000). Le marché a été déréglementé en 1988 par le biais du

« Transportation Act ». La restructuration du secteur avait pour objectif de redynamiser l’industrie, ce qui était motivé par les avantages environnementaux du transport ferroviaire. La Suède a adopté un système de concurrence pour le marché dans le transport régional et local et dans le transport grande ligne de voyageurs. Cependant, l’ouverture à la concurrence est partielle dans les deux cas. Dans le transport grande ligne de voyageurs, ce sont seulement les lignes déclarées comme étant déficitaires par l’opérateur historique qui sont attribuées par appel d’offres sous forme d’une contractualisation avec l’État. Cette organisation avait pour but d’éviter un

« écrémage » de la part des nouveaux entrants qui aurait consisté à se concentrer sur les trafics rentables en laissant les lignes déficitaires à l’opérateur historique. Dans le transport régional et local la mise en appel d’offres de concessions n’est pas systématique. Le transport de fret est également ouvert à la concurrence mais l’infrastructure est attribuée selon un système de droits du grand-père qui donne la priorité aux opérateurs déjà présents.

La question de la libéralisation en Suède a connu récemment de nouveaux débats en raison notamment de la poursuite de la dégradation de la situation financière de

l’opérateur historique SJ. Un certain nombre de députés ont notamment critiqué une ouverture à la concurrence partielle dans laquelle seuls les secteurs déficitaires sont concernés64. Un rapport rédigé par une commission d’enquête publique et remis au ministre des infrastructures, propose que des opérateurs puissent exploiter des services de transport de voyageurs sur tout le réseau ferroviaire suédois et non plus sur les dessertes déficitaires65.

La déréglementation britannique a consisté en une division horizontale de l’opérateur historique British Rail en 100 nouvelles entreprises privées. L’infrastructure a été confiée à une société privée nouvellement créée : Railtrack qui devait trouver sa propre rentabilité à terme. Les péages ont délibérément été établis sur des bases élevées construites sur la base du coût complet afin de pouvoir assurer une viabilité au gestionnaire d’infrastructure sans avoir recours aux financements publics.

L’exploitation est assurée par 29 nouvelles entreprises ferroviaires qui ont été créées sur les bases d’un découpage des lignes (25 de transport de voyageurs et 4 de transport de fret). Elles exercent leurs activités en monopole et leurs gestions sont conférées en ayant recours à des procédures d’appel d’offres. Le parc de matériel roulant de BR a été confié à de nouvelles sociétés également issues de l’éclatement de BR, les ROlling Stock COmpanies (ROSCOs). La maintenance du matériel roulant a été transférée à sept sociétés à qui ont été attribuées les installations de l’opérateur historique. Elles vendent leurs services aux opérateurs (les TOCs). Le cas britannique est donc particulier pour l’étude des structures des entreprises ferroviaires étant donné que la déréglementation a entraîné une désintégration et une reformation exogène des entreprises sur le marché ferroviaire. Cet exemple est donc relativement éloigné du modèle amené à se développer en Europe étant donné que le système ferroviaire a été recréé de façon exogène et que nous souhaitons étudier les stratégies endogènes des acteurs. Une autre différence fondamentale qui limite l’intérêt du cas britannique est que l’opérateur historique a été démantelé. Or, dans le reste de l’Europe, une telle mesure n’a jamais été évoquée et le jeu concurrentiel devrait reposer précisément sur

64 Svenska Dagbladet, 05-07-10/12/02; Dagens Industri, 05-12-13-16/12/02; Göteborg Posten, 05/12/02

65 Svensk Dagbladet, 25-26-27/11/2003, Dagens Nyheter, 25/11/2003

les différences de structures et de compétences entre les entreprises en place et les nouveaux opérateurs.

Une autre particularité du cas britannique est liée aux problèmes qui ont été occasionnés par l’infrastructure, notamment suite à son exploitation par un gestionnaire privé. Les responsabilités sont difficiles à cerner car le réseau souffrait manifestement d’un sous-investissement chronique lorsqu’il était public mais qui s’est poursuivi avec la gestion privée (Mathieu M., 2001). Selon Begg et Shaw (2001), l’organisation du marché avait dès le départ des défauts de conception. Railtrack recevait des revenus particulièrement faibles pour chaque nouveau train circulant sur son réseau. En conséquence, le meilleur moyen d’améliorer les résultats de la compagnie était de réduire ses coûts et non de mettre en place une politique de volume, ce qui aurait posé des problèmes au niveau de l’entretien de l’infrastructure. En 2001, le ministre britannique des transports, M. Byers, a annoncé le placement sous tutelle administrative du gestionnaire d'infrastructure, Railtrack, dont la cotation en Bourse a aussitôt été suspendue. La situation financière était devenue intenable compte tenu des investissements importants à mener tant pour rénover le réseau à la suite de l'accident de Hatfield que pour de nouveaux projets (notamment l'adaptation à la grande vitesse de la West Coast Main Line et la construction de la ligne CTRL empruntée par Eurostar).

Figure 15 : le matériel roulant en Grande-Bretagne

Parc de

Le marché du transport ferroviaire a été libéralisé en Allemagne suite à une réforme entreprise en 1994. C’est un système de concurrence pour le marché qui a été retenu pour le transport régional et local de voyageurs. Le recours à la concurrence n’est pas systématique mais il est laissé à la discrétion des länder. Les marchés du fret et du transport grande ligne de voyageurs ont, eux, été libéralisés selon un mode de concurrence sur le marché. L’infrastructure est restée une composante de l’opérateur historique à travers DB Netz, qui est une filiale de la Deutsche Bahn. Cela créé une situation ambiguë étant donné que cette dernière est à la fois concurrente des nouveaux opérateurs et leur fournisseur obligé via la fourniture de sillons. Pour faire face à ces récriminations, la DB s’est dotée depuis le 1er février 2002 d’un délégué à la concurrence, M. Hedderich auprès duquel sont encouragés à s’adresser tous les concurrents qui s’estimeraient victimes de discrimination.

Ces différents pays qui ont libéralisé leurs transports ferroviaires nous donnent une base de travail pour opérer une conceptualisation des stratégies adoptées. Dans notre recherche sur les contours d’un futur modèle européen, nous sommes amenés à privilégier les exemples qui correspondent aux orientations de la Commission européenne. L’Allemagne et la Suède nous intéresseront en priorité pour le cas du transport régional. La Grande-Bretagne a également choisi un modèle de concurrence pour le marché mais la centralisation de son fonctionnement et l’absence d’opérateur historique nous semblent diverger du modèle européen. Le transport grande ligne de voyageurs a été libéralisé en Allemagne selon un modèle de concurrence sur le marché.

C’est donc l’exemple que nous considérerons comme le plus représentatif car les cas britannique et suédois correspondent à des modèles de concurrence pour le marché.

Dans le transport de fret, nous pouvons nous appuyer sur l’actualité depuis le 15 mars 2003 dans le transport international.

Tableau 8 : modalités d'ouverture à la concurrence

Pays Transport régional et local de voyageurs

Transport grande

ligne de voyageurs Transport de fret Allemagne Concurrence pour le

Les mouvements de libéralisation ne sont pas synonymes de concurrence si des barrières à l’entrée continuent de subsister. Ne pas prendre en compte cet aspect pourrait fausser les résultats de notre étude. Ce serait le cas si nous constations que les entrées sont nulles dans un pays où le secteur est libéralisé sans notifier le fait que des barrières à l’entrée exogènes ont prévenu les arrivées de nouveaux opérateurs. Or, les mécanismes pouvant empêcher le développement de la concurrence sont nombreux, d’origines diverses et peuvent être difficiles à percevoir. Un exemple parmi de nombreux autres peut être constitué par la durée de certification du matériel roulant.

Une procédure longue compliquera l’arrivée de nouveaux opérateurs et fournira une latitude aux opérateurs historiques pour réagir.