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La question de l’adéquation entre infrastructure et débit

1.2 Formalisation de la structure

1.2.1 Le système technique du chemin de fer

1.2.1.3 La question de l’adéquation entre infrastructure et débit

Il existe, dans le transport ferroviaire, une obligation d’adéquation entre les caractéristiques de l’exploitation et celles de l’infrastructure car cette dernière influe sur la vitesse et donc sur le débit. En particulier, les trains doivent rouler moins vite dans les courbes que dans les lignes droites. Les pentes positives ou négatives ont également une influence sur la vitesse. Ainsi, les ponts, les tunnels et autres ouvrages d’art permettant de maintenir autant que possible la voie droite et sans relief ont une influence sur le débit. En fonction des investissements consentis dans la réalisation, l’entretien et le développement de la voie, les performances seront donc différentes.

Des illustrations peuvent être trouvées avec les voies de transport régionales de voyageurs ou les dessertes terminales de fret. Les faibles débits et vitesses nécessaires font que les voies peuvent comporter des courbes importantes et des différences de niveaux. Cela ne contrarie pas l’exploitation de ces lignes étant donné qu’elles offrent des performances conformes aux besoins. Inversement, sur les voies réservées aux trains à grande vitesse, il y a recours à un nombre important d’ouvrages d’art pour éviter que la voie dessine des courbes et pour niveler le niveau. Il doit donc y avoir une cohérence entre les investissements réalisés dans l’infrastructure et dans l’exploitation.

L’efficience économique diminue si les investissements liés à l’infrastructure ne sont pas cohérents avec ceux de l’exploitation. Ce serait, par exemple le cas, si des voies permettant l’accès à des grandes vitesses ferroviaires étaient construites sans que les trains correspondants ne soient acquis. Ce problème, qui est commun à beaucoup d’industries, est particulièrement aigu dans le transport ferroviaire étant donné l’importance des investissements et de l’adéquation entre les deux composantes. Il se pose donc, en cas de structure non intégrée, la question de la cohérence et du contrôle, notamment lors des phases de développement15. Pour Barrère (1998, P.52), « on peut

15 (Coeurderoy R. et Quélin B., 1998) en fournissent un exemple intéressant. En 1919, General Motors a pris pour fournisseur de carrosseries pour ses modèles de type « Berline » l’entreprise Fisher Body. Le volume de la demande pour les Berline s’est avéré supérieur aux prévisions. En conséquence, General Motors a demandé à son sous-traitant d’investir dans du capital technique afin de développer sa production pour suivre le marché. Cela devait permettre également une baisse des prix en bénéficiant d’économies d’échelle. Il lui a été aussi demandé d’installer ses usines de carrosserie près des usines

imaginer que l’opérateur d’infrastructure et l’opérateur de transport soient deux entités distinctes amenées à coopérer via le marché. Les limites de ce système, en phase de développement du chemin de fer, sont à chercher dans la mise en place des infrastructures. Une première limite est que les infrastructures correspondent à des investissements lourds et à durée de vie très longue. Le risque pour un investisseur est donc considérable et il ne le prendra que s’il a une garantie de retour de son capital.

Le marché ne peut lui fournir cette garantie. Qui dira que les infrastructures trouveront preneur et à un prix (le péage) permettant de rentabiliser leur production alors que la demande pour un service nouveau est largement imprévisible ? »

1.2.1.4 Conclusion

Nous avons montré à travers ces trois exemples qu’il existe des interactions fortes entre l’infrastructure et l’exploitation. Elles sont à l’origine de la vision d’un système ferroviaire indissociable et reposant sur la base de l’intégration verticale. Selon Bowley (1928), Sonnenschein (1968), Singh. et Vives (1984) ou encore Economides (1997), la désintégration verticale d’un monopole bilatéral entraîne une perte de qualité. La raison en est que la qualité d’un bien composite est celle de la qualité minimum du plus mauvais composant et que la séparation induit une incitation à investir moins grande que l’intégration. Economides illustre cette proposition par l’exemple d’un appel téléphonique longue distance. Le bien « communication téléphonique » est le composite des services fournis par la ligne longue distance et deux lignes locales. La qualité du bien final qu’est la communication d’ensemble dépend de la moins bonne prestation fournie par une des trois lignes. Dans le cas d’un bien composite issu de la production d’un monopole dual, aucun des producteurs n’est incité à investir de façon autonome dans un sens oeuvrant pour une meilleure qualité de sa production car l’amélioration

d’assemblage de General Motors afin de réaliser des économies de transport et de logistique. Fisher Body s’y opposa et la stratégie de General Motors se heurtait donc au fait que les carrosseries de ses berlines étaient produites par un sous-traitant sur lesquels il n’avait pas de prise hiérarchique. Pour solutionner ce problème, General Motors a entrepris d’absorber son sous-traitant. Cela s’est matérialisé en 1924 avec l’achat des premières actions de Fisher Body pour déboucher sur une fusion en 1926. Le fait se substituer une relation hiérarchique à une relation marchande permit à General Motors de développer sa stratégie sur l’ensemble de la chaîne de production de ses Ford T.

demande des actions coordonnées. L’entreprise face à un tel schéma productif n’aura effectivement pas d’avantage à le faire étant donné qu’elle ne pourra pas en tirer avantage en terme de développement de son marché. Une autre raison est que l’amélioration de la qualité a un plus grand impact sur les revenus et donc les profits dans le cas d’un monopole intégré que dans celui d’un monopole dual. La raison en est que le monopoleur seul peut accaparer l’intégralité des revenus supplémentaires générés par une augmentation de la qualité tandis qu’un monopoleur dual n’en bénéficie que d’une partie. Ainsi, deux monopoles complémentaires sont moins incités à investir dans la qualité qu’un monopole intégré. Shapiro et Varian (1998) ont montré que l’alliance wintel, qui a permis un rapprochement entre le fabricant de processeur Intel et Microsoft qui fabrique et commercialise le logiciel Windows, a permis une amélioration des performances. Dans le transport ferroviaire, les problèmes liés à la création de monopoles bilatéraux et complémentaires ont été analysés par Else et James (1994 et 1995). Selon leurs études, un monopole bilatéral ou complémentaire est moins efficient qu’un monopole intégré.

De façon complémentaire, l’intégration verticale peut également avoir pour origine la volonté de la part des opérateurs de ne pas laisser le contrôle d’un actif spécifique et vital à un fournisseur non contrôlé. Williamson (1975) explique que, dans le cas de transaction récurrente d’actifs idiosyncrasiques, la solution interne est préférable au recours par le marché. Le fait d’avoir un fournisseur unique et spécifique d’un bien ou service qui est nécessaire à des fréquences rapprochées induit un risque de comportement opportuniste car cela créé une situation de monopole dont le fournisseur peut tirer parti. « Pour se prémunir contre le risque de mauvaise surprise, une solution consiste à intégrer les activités considérées dans la chaîne hiérarchique de la firme.

C’est exactement ce qui s’est produit dans le domaine ferroviaire. La lourdeur des investissements initiaux et la nécessité de coordonner des activités techniquement complexes ont un peu partout conduit à substituer la hiérarchie au marché. Seul, le contact avec le client final était marchand. Toutes les opérations intermédiaires relevaient d’un processus hiérarchique » (Crozet Y., 2004, P.41). Selon Barrère (1998,

P.52), « comme les infrastructures forment un monopole naturel, l’offreur d’infrastructure doit être unique. Cela renforce le risque de comportements opportunistes de sa part et incite les sociétés d’exploitation à n’exploiter qu’à condition d’avoir la maîtrise de l’infrastructure »

1.2.2La complexification liée au développement des