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PARTIE I. Le cadre théorique

2.2 Le papier et ses origines

2.2.3 Les moulins à papier au Bas-Canada

Contrairement à la France, les moulins à papier au Bas-Canada apparaissent beaucoup plus tard. Le développement de l’industrie papetière canadienne s’observe souvent par la conversion de moulins déjà établis au XIXe siècle. Patricia Fleming rappelle qu’au Bas-Canada,

la fabrication du papier s’est développée dans trois régions : à St. Andrews (Saint-André-Est, comté d’Argenteuil) entre 1803 et 1805, à Jacques-Cartier en 1825 et à Portneuf en 1837. D’autres provinces emboîteront le pas : Nouvelle-Écosse, Nouveau-Brunswick et le Haut- Canada.110 Les premiers exploitants, régisseurs et/ou actionnaires, souvent d’origine écossaise,

ont des liens très étroits avec le milieu de l’imprimerie. Certains, comme James Brown, qui est à l’origine du premier moulin à St. Andrews, ont leur librairie à Montréal.111

Comme le rappelle Bryan Dewalt, les premiers papiers nord-américains étaient fabriqués manuellement. Ce n’est que vers les années 1840 que deux changements majeurs vont intervenir : l’introduction de la machine Fourdinier qui mécanise la fabrication du papier et le remplacement des chiffons par la pâte de bois.112 Toutefois, ce sont les recherches de George

Carruthers qui permettent de bien saisir l’invention et les premiers développements de la fabrication mécanique du papier. Dans une première partie d’un minutieux travail de recherche,

Paper-making, Carruthers a dressé un tableau exhaustif sur l’histoire de la fabrication

mécanique du papier au Canada.113 Une seconde partie donne un aperçu des origines

110 Fleming, P. L. (2004). Les dimensions matérielles du livre. Dans P. L. Fleming, G. Gallichan, et Y. Lamonde (dir.). Histoire du livre et de l'imprimé au Canada, I : des débuts à 1840. Montréal, QC : Presses de l’Université de Montréal, p. 101.

111 Brown est aussi imprimeur et relieur. Voir Chéné, L. (s. d.), op. cit.

112 Dewalt. B. (2005). L’imprimerie et les aspects matériels de l’imprimé. Dans Y. Lamonde, P. L. Fleming et F. A. Black (dir.). Histoire du livre et de l'imprimé au Canada. II: de 1840 à 1918. Montréal, QC : Presses de l’Université de Montréal, p. 102.

canadiennes du papier et l’histoire des cent premières années de la fabrication du papier au Canada.114

À l’exception du travail de Carruthers, il n’existe pas de vue d’ensemble de la production papetière pour le Canada puisque la plupart des chercheurs se sont intéressés au papier dans une perspective d’histoire régionale.115 Plus récemment, divers auteurs mentionnent l’utilisation du

papier en relation avec l’histoire du livre et de l’imprimé.116

Conclusion

Les deux parties de ce chapitre situent dans le temps et dans l’espace le propos de notre recherche. Des premiers pas dans la codification de la fabrication du papier et sa dissémination de la Chine vers la Corée et le Japon marquent un premier temps fort dans la ligne temporelle

114 Pour une vue sur l’histoire de l’industrie des pâtes et papiers au Canada, voir la base de données Bibliographies

sur l'histoire du livre et de l'imprimé au Canada (BHLIC / BHBiC), qui « recense les publications sur l'histoire de

l'imprimé au Canada du seizième siècle jusqu'à nos jours ». (Dernière mise à jour : 3 février 2010). Repéré à

http://www.collectionscanada.gc.ca/base-de-donnees/hlic/001062-100.00-f.php

115 Voir entre autres Waldie, J. K. (1931). Printed and made in Canada, I. Canadian Forum, 12(134), p. 53-55; Edwards, N.L. (1947). The establishment of papermaking in Upper Canada. Ontario History, 39, p. 63-74; Blyth, J. A. (1970). The development of the paper industry in old Ontario, 1824-1867. Ontario History, 62, p. 119-133; Reader, W.J. (1981). Bowater: a history. London, UK: Cambridge University Press; Hiller, J. (1982). The origins of the pulp and paper industry in Newfoundland. Acadiensis, 11(2), p. 42-68; MacKay, D. (1982). Empire of wood:

the MacMillan Bloedel story. Vancouver. Douglas & McIntyre; Rolland, Inc. (1982). Rolland, Inc. 100e anniversaire. Montréal, QC : Rolland Inc.; Horwood, H. (1986). Corner Brook: a social history of a paper town. St. John's, NL: Breakwater Books; Charland, J.-P. (1990). Les pâtes et papiers au Québec 1880-1980:

Technologies, travail et travailleurs. Coll. Documents de recherche, no 23. Québec, QC : Institut québécois de

Recherche sur la Culture; Donnelly, J. (2004). Par patriotisme : le premier moulin à papier du Haut-Canada. Dans P. L. Fleming, G. Gallichan et Y .Lamonde (dir.), op. cit., p. 107; Kesteman, J. P. (2009). Les débuts de l'industrie

papetière en Estrie (1825-1900) : histoire de l'industrie papetière en Estrie. Sherbrooke, QC : GGC éditions. Voir

également Charland, J. P. (1990).Les pâtes et papiers au Québec : 1880-1980 : technologies, travail et travailleurs.

Québec, QC : Institut québécois de recherche sur la culture.

116 Voir à ce sujet Hulse, E. (2000). Historical introduction. Dans A dictionary of Toronto printers, publishers,

booksellers and the allied trades, 1798-1900. Toronto, ON : Anson-Cartwright Editions; voir aussi Fleming, P. L.,

du papier comme objet matériel et culture. La rencontre des mondes chinois et arabe au VIIIe

siècle bouscule des traditions de fabrication et d’utilisation et le papier arabe circule à travers le Proche Orient jusque dans les ports des deux rives de la Méditerranée. Sa pénétration en Europe au XIIe siècle se fait par l’Espagne, puis par l’Italie. La France adopte le papier italien par le

biais de la route des foires et bientôt elle adaptera les techniques italiennes pour produire son propre papier. Des moulins locaux s’installent à partir du XIVe siècle dans toutes les régions

françaises et foisonnent à l’apparition de l’imprimerie. La production papetière française culmine au XVIIe-XVIIIe siècles. En comparaison, ce n’est qu’au début du XIXe siècle que des

moulins à papier sont en opération au Bas-Canada. Très peu d’études d’envergure sont disponibles à l’exception des travaux sur la production des pâtes et papiers pour la période de la fin du XIXe et le XXe siècle. Ces « épisodes » s’inscrivent dans un milieu élargi aux dimensions

de l’Atlantique français, lui-même subordonné à l’espace atlantique où circulent une variété de marchandises, produits commerciaux d’échange dans un monde à la consommation émergente. Nous savons maintenant que l’origine du papier fabriqué en France au XVIIe siècle a des

racines italiennes, lui-même issu d’une longue tradition arabe avec des antécédents chinois. Nous constatons l’importance des routes commerciales dans la diffusion du papier (Route de la soie, pourtour méditerranéen, foires de Champagne) et l’influence des lieux de proximité de champs de bataille (Bataille de Talas, Croisades). Nous connaissons les savoir-faire locaux (adaptation des techniques de fabrication du papier, imprimerie). Nous sommes en mesure d’apprécier la détermination des Européens dans leur mission d’établir des bases commerciales et religieuses en Nouvelle-France de par leurs écrits (récits, correspondance administrative, commerciale ou autre) et leurs choix de lecture. Nous saisissons davantage l’environnement spatial et culturel où évoluent ces acteurs de l’Atlantique français dans un monde atlantique en mouvance : monde où de nouvelles marchandises suscitent des intérêts variés qui transforment en profondeur les habitudes de consommation des nations européennes.

Et surtout, nous entrevoyons le rôle indispensable du papier comme support multiple et multiplié par ce tourbillon constant d’activités. Nos questions se répètent : d’où provient ce papier qui n’est pas fabriqué en Nouvelle-France? Par quelles voies est-il parvenu ici? Qui sont les intermédiaires entre les producteurs et les utilisateurs? Un des premiers pas est de pouvoir

identifier ce papier. Le Chapitre 3 expose la méthodologie choisie pour apporter réponse à certaines de ces questions.

3 Approche méthodologique

Introduction

Ce chapitre pose d’abord le premier jalon de notre méthodologie, c’est-à-dire le choix du XVIIe siècle comme cadre de la recherche. Puis, nous nous attardons sur les caractéristiques

du papier et nous traitons de l’importance des filigranes dans l’identification du papier fabriqué manuellement au XVIIe siècle. Nous exposons ensuite différentes techniques de repérage des

filigranes et nous expliquons la technique que nous avons retenue. Les sections suivantes expliquent le choix des sources primaires utilisées pour repérer les manuscrits analysés ainsi que les sources secondaires, complément essentiel pour lever les doutes quant à la validation de l’identification des filigranes repérés. Le développement de la base de données PHILIGRAN est commenté et illustré. Finalement, nous dégageons l’approche méthodologique hybride que nous avons choisie : soit la méthode historique qui met en évidence les sources retenues, les croise et les critique, un devis méthodologique où les analyses quantitative et qualitative reposent sur des critères préétablis ainsi qu’un emprunt à l’archivistique qui nous permet d’asseoir notre typologie des documents rassemblés dans notre corpus.