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PARTIE I. Le cadre théorique

2.1 L’Atlantique français dans l’espace atlantique

2.1.2 L’Atlantique français : espace impérial et commercial

2.1.2.1 La circulation des produits d’échange : horizon comparatif

2.1.2.1.1 Le coton

Historiquement, le coton est l’un des produits cultivés qui a suscité le plus de bouleversements dans son mode de production, son traitement ainsi que dans les circuits

35 Par économie réticulaire ou en réseaux, on entend une économie « où les réseaux sont caractérisés par le fait qu'ils ne sont pas définis a priori, mais qu'ils trouvent leur origine dans les interactions stratégiques entre partenaires (…) [c’est-à-dire où] l'interdépendance est généralisée entre les agents économiques en vue de tirer avantage de relations synergétiques avec d'autres agents ». Voir Maillat, D., Quévit, M. et Senn, L. (1993). Réseaux

d’innovation et milieux innovateurs : un pari pour l’économie régionale. Groupe de recherche européen sur les milieux innovateurs. Colloque; Université de Neuchâtel, Suisse : Institut de recherches économiques et régionales.

p. 8.

36 Eltis, D. (2001). The volume and structure of the transatlantic slave trade: a reassessment. William and Mary

Quarterly, 58(1), p. 17-46.

37 Mintz, S. W. (1986). Sweetness and power : the place of sugar in modern history. Coll. History, anthropology. New York, NY: Penguin Books.

38 Hancock, D. (2009). Oceans of wine. Madeira and the emergence of American trade and taste. New Haven, CT: Yale University Press.

39 Mathieu, J. (1981). Le commerce entre la Nouvelle-France et les Antilles au XVIIIe siècle. Montréal, QC : Fides.Voir aussi Clark, J. G. (1981). La Rochelle and the Atlantic economy during the eighteenth century. Baltimore, MD : Johns Hopkins University Press.

d’approvisionnement autour du globe.40 Selon Beverly Lemire, une imposante somme de

travaux a été produite sur les régions productrices (le sous-continent indien étant le premier à cultiver le coton), l’installation de manufactures (tant en Asie qu’en Europe puis en Amérique) par quelques puissances européennes (Grande-Bretagne, France, États-Unis), les modifications apportées à l’industrie du vêtement, les changements dans les modèles de consommation, la dynamique du système commercial mondial, etc. La circulation du coton est tout à la fois une source de profit et de rapports interculturels discernables à travers les siècles. S’appuyant sur l’étude du coton, des spécialistes ont développé la « théorie de la southernization » et l’ont appliqué au réseau commercial de l’océan Indien.41 Au XVIe siècle, l’Asie est perçue par les

Européens comme étant le zénith de la production de biens rares et luxueux : épices, soieries, coton, etc. Afin de minimiser les coûts occasionnés par les transports terrestres et la présence d’intermédiaires comme les marchands arabes, plusieurs nations européennes ont envahi les côtes de l’océan Indien en disséminant dans une première phase des comptoirs marchands et ultérieurement des manufactures. Les Portugais sont les premiers à Goa, suivis des Anglais et des Hollandais. Au XVIIe siècle, les grandes compagnies maritimes apparaissent sur l’échiquier

du commerce mondial : en 1600, on fonde la English East India Company (EIC), puis deux ans plus tard la Vereenigde Oost-Indische Compagnie (VOC) ou Compagnie des Indes orientales hollandaise. Elles seront suivies en 1616 par les Danois, en 1664 par les Français, en 1717 par les Autrichiens et en 1732 par les Suédois.42 Nous sommes donc en mesure de saisir la fluidité

40 Voir Lemire, B. (2012). Cotton. Oxford Bibliographies / Atlantic History. Repéré à

http://www.oxfordbibliographies.com/view/document/obo-9780199730414/obo-9780199730414-0158.xml? rskey =PZrOxU&result=241

41 Théorie qui met l’accent sur l’importance des découvertes et des développements dans l’hémisphère sud avant 1500 (s’opposant à la « westernization ») et montrant comment les relations Est-Ouest et Nord-Sud ont été influencées par la dissémination des idées et des produits des empires mongol et musulman, le coton étant l’un des produits stimulateurs de l’économie et du commerce : voir entre autres Shaffer, L. (1994). Southernization. Journal

of World History, 5(1), p. 1–21.

42 Voir Prakash, O. (2004). Bullion for goods: European and Indian merchants in the Indian Ocean trade, 1500–

1800. New Delhi, India: Manohar; Riello, G. (2009). The Globalization of Cotton Textiles: Indian Cottons, Europe

et l’étendue de ces réseaux commerciaux qui auront un impact significatif sur le trafic commercial dans le monde atlantique puisque certaines de ces compagnies auront leur pendant occidental.

Bien avant la période de contact avec les Européens, les deux rives du monde atlantique produisent du coton à partir de différentes fibres. Toutefois, l’introduction des cotons indiens dans les pays européens et leurs colonies atlantiques bouleverse le marché et, sous la pression des demandes croissantes, provoque une reconfiguration des méthodes de culture avec, pour résultat dramatique, l’expansion des plantations esclavagistes en Amérique afin de fournir le marché anglais.43 Les conséquences sont monumentales sur les trois continents atlantiques :

d’une part la traite négrière qui déferle sur les côtes africaines en fournissant des travailleurs- esclaves dans les champs américains et d’autre part l’industrialisation poussée dans certaines parties de l’Angleterre et la structuration du travail des enfants et des femmes dans les manufactures anglaises.44

L’étude du coton fait partie d’un substrat plus large, les textiles, substrat lui-même en lien direct avec l’étude des vêtements. Au moment où les Européens émigrent en Amérique, ils portent/emportent avec eux les vêtements et linges qu’ils utiliseront dans la colonie. En Nouvelle-France, les habitants sont dépendants de la production locale et/ou de l’importation selon les besoins quotidiens et les nécessités du climat. Dans une étude sur le costume traditionnel, Pat Tomczyszyn étudie les vêtements et les textiles dans la ville de Québec sous le

of cotton textiles, 1200–1850. Pasold Studies in Textile History, 16. Oxford, UK: Oxford University Press, p. 261–

287.

43 Voir Duplessis, R. S. (2009). Cottons consumption in the seventeenth - and eighteenth - century north Atlantic. Dans G. Riello et P. Parthasarathi, (dir.), op. cit., p. 227-246.

44 Les ouvrages suivants sont tirés de Lemire, B. (2012), op. cit.: Honeyman, K. (2007). Child workers in England,

1780–1820: parish apprentices and the making of the early industrial labour force. Aldershot, England: Ashgate;

Kriger, C. E. (2006). E. Cloth in West African history. Lanham MD: AltaMira; Lakwete, A. (2003). Inventing the

cotton gin: machine and myth in antebellum America. Baltimore, Johns Hopkins University Press; Lemire, B. (dir.).

(2010). The British cotton trade, 1660–1815. 4 vols. London, UK: Pickering & Chatto; Morgan, C. E. (1992). Women, work and consciousness in the mid-nineteenth-century English cotton industry. Social History, 17(1), p. 23–41.

régime français.45 Elle rapporte qu’en dépit du potentiel agricole des terres pour la production

de fibres textiles et des demandes de la part de l’intendant Talon en 1671 et du gouverneur de Denonville en 1685, la France n’a pas encouragé la production locale et l’autosuffisance en cette matière, préférant « stimulate her export trade by acquiring a maximum of raw materials from abroad to supply its own industry and return those manufactured goods in the colonies. »46 Nous

analysons cette situation de dépendance métropolitaine en regard du papier au Chapitre 5.