PARTIE I. Le cadre théorique
3.7 Devis méthodologique
3.7.2 Analyse des données
Parallèlement à la création de ce corpus de données, nous avons consulté nombre de sources secondaires, c’est-à-dire des publications et des inventaires de données sur les filigranes
198 Hsia, H. J. (1988). Mass communications research methods: a step-by-step approach. Hillsdale, N J : L. Erlbaum Associates, Part IV: Historical, qualitative, and secondary research, p. 279-335. Nous élaborons sur le concept d’« expressive document » au Chapitre 7.
199 Comme mentionné, cette fiche de collecte a servi de modèle pour la création des champs de la notice dans la base de données PHILIGRAN (voir Tableaux II et IV.
200 Les travaux de ces auteurs se retrouvent dans la bibliographie lorsqu’ils ne sont pas mentionnés dans les notes en bas de page. Outre les dictionnaires et différents répertoires qui permettent la comparaison et l’identification des filigranes, plusieurs travaux présentent diverses méthodes de relevés aux fins d’études : Slavin, J. et Canadian Conservation Institute (2001). Looking at Paper: Evidence and Interpretation. Ottawa, Canada: Canadian ConservationInstitute; La Chapelle, A. de et Le Prat, A. (1996). Les relevés de filigranes. Paris, France : Musée du Louvre, La Documentation française ; Mosser, D. W., Shaffle, M. et Sullivan II, E. W. (eds)., op. cit.; Spector, S. (dir.), op. cit.; Zerdoun Bat-Yehouda, M. avec la collaboration de Korobelnik, G. (1989). Les papiers filigranés
produits par d’autres chercheurs afin, d’une part, de reconstituer la trame historique dans une perspective de contextualisation et, d’autre part, de comparer les données observées avec celles précédemment étudiées. Dans cette perpective, nous avons analysés les documents manuscrits du XVIIe siècle repérés dans le Fonds George Baby de la Division de la gestion de documents
et des archives de l’Université de Montréal que nous décrivons un peu plus loin. Ainsi, la qualité de l’échantillonnage est assurée par triangulation en comparant les données observées avec celles étudiées précédemment par les spécialistes tels Delâge, Churchill, Gaudriault, Nicolaï et Reynard.
Afin de permettre un croisement des données significatif, nous avons créé le Tableau V qui met en relation les questions de recherche déjà présentées dans l’introduction à la thèse, et les sous-questions qui ont résulté des lectures que nous avons effectuées. Nous appliquons ensuite à chaque question des aspects de la méthode historique et de la méthode en sciences de l’information pour expliquer comment nous entendons procéder pour résoudre les questions et sous-questions. Nous indiquons finalement le type d’instruments d’analyse que nous privilégions.
Tableau V. Le croisement des données
Question de recherche 1 Quels sont les lieux de provenance du papier importé en Nouvelle-France – leur situation géographique, leur(s) mode(s) de production ?
Sous-questions A) En l’absence de papier produit sur place, de quels moulins français
le papier utilisé en Nouvelle-France provient-il?
B) Quelles routes commerciales (terrestres, fluviales, maritimes) a-t-il
empruntées?
C) Quelles méthodes de production ont prévalu?
Méthodologie Méthode historique :
1. rassemblement de données recueillies dans les centres d’archives
publiques et privées au Québec et au Canada
2. croisement des sources et leur analyse
3. critique des sources que nous pouvons scinder en a) critique interne
ou l’authenticité des données collectées et b) critique externe ou la crédibilité des données récoltées en les comparant à d’autres données disponibles
4. synthèse ou l’organisation des données 5. interprétation
Collecte des données :
1. technique d’échantillonnage – non probabiliste
mode de collecte de données à partir de documents primaires dont l’une des méthodes s’attarde à l’analyse des traces (trace analysis ou trace
methods).201
Analyse quantitative : 1. corpus référentiel
2. analyse des données tirées des sources secondaires Instruments d’analyse Grille d’analyse (Fiche de collecte)
Base de données PHILIGRAN
Question de recherche 2 Quels sont les circuits d’approvisionnement du papier comme produit manufacturé exporté en Nouvelle-France – les chaînes de transactions, les divers intervenants, où se situe le papier en conjonction avec d’autres biens exportés ?
Sous-questions A) En ce qui concerne la production et l’approvisionnement, dans
quelle mesure la bureaucratie instaurée par l’administration royale au XVIIe siècle a-t-elle influencé la circulation du papier dans la sphère atlantique?
B) Y a-t-il eu augmentation de la production papetière dans le royaume
à ce moment-là?
C) Dans la hiérarchie mercantile, que représentent les réseaux de
marchands dans le commerce transatlantique du papier? Serait-il plus juste de parler de communautés de marchands, de guildes, de familles, de clans?
D) Est-ce que les membres des communautés religieuses ayant une
maison-mère en France recevaient directement leurs fournitures, dont le papier, par le biais de leur procureur français?
Méthodologie Méthode historique :
1. rassemblement de données cueillies dans les centres d’archives en
France
2. 3. 4. 5.
(voir ci-dessus à la question 1)
Revue et analyse de la littérature Analyse quantitative :
1. cartographie des lieux de production du papier à partir de statistiques Instruments d’analyse Grilles cartographiques et hydrographiques
Tableaux expliquant les circuits d’approvisionnement
Question de recherche 3 Quels sont les rôles joués par le papier au sein des différentes strates sociales de la colonie dans un environnement de circulation
transatlantique d’échange de biens ?
A) Quels sont les types de documents produits par les utilisateurs dans
la colonie?
B) À quelles fins sont utilisés les documents produits dans la colonie
Méthodologie Méthode historique :
1. rassemblement de données recueillies dans les centres d’archives au
Québec, au Canada et en France
2. croisement des sources et leur analyse en regard des éléments de la
Théorie du document.202
3. 4. 5.
(voir ci-dessus à la question 1)
Collecte des données :
1. technique d’échantillonnage – non probabiliste
2. mode de collecte de données par observation indirecte :
mode de collecte de données à partir de documents primaires dont l’une des méthodes s’attarde à l’analyse des traces (trace analysis ou trace
methods)203
Analyse quantitative :
a) les marques visibles et invisibles du support
b) la personnalisation du papier selon l’utilisation : format, épaisseur, couleur, filigranes
c) la personnalisation du papier selon les utilisateurs : administration, clergé, notaires, marchands, élites
Instruments d’analyse Étude de cas : le fonds d’archives de la Collection Baby (Division de la gestion de documents et des archives, Université de
Montréal)
Question de recherche 4 Quelles caractéristiques du papier comme support en font un document? Sous-questions A) Le support du document se transforme-t-il en document lorsque le
lecteur / le récepteur / l’utilisateur y jette un œil différent?
B) Présente-t-il les mêmes significations que le document? C) Les relations du support du document et du document s’en
trouvent-elles modifiées?
Méthodologie Revue de la littérature Analyse qualitative : 1. corpus référentiel
2. analyse des données tirées des sources secondaires Instruments d’analyse Grille d’analyse (Fiche de collecte)
Base de données PHILIGRAN
Conclusion
La méthodologie adoptée pour l’étude du papier en Nouvelle-France au XVIIe siècle
repose sur la combinaison de méthodes d’analyse utilisées dans trois disciplines : l’histoire, les sciences de l’information et l’archivistique. La méthode historique, basée sur l’utilisation de
202 Lund, N. W. (2009). Document Theory. Annual Review of Information Science and Technology, 43, p. 399-432. 203 Hsia, H. J. (1988), op. cit., p. 324.
sources primaires, est tout à fait appropriée pour étudier les manuscrits originaux auxquels nous avons eu accès. Tout d’abord, en localisant ces sources primaires dans les centres d’archives identifiés, puis en effectuant un croisement avec les sources secondaires sélectionnées qui viennent confirmer et placer en contexte les informations recueillies lors de la création du corpus de données. Cette analyse et cette critique des sources nous conduisent à présenter une synthèse de notre travail et à avancer quelques hypothèse ou interprétations qui seront amenées lors des chapitres suivants. Parallèlement, la discipline archivistique nous permet de comprendre l’organisation matérielle des documents d’archives ce qui se traduit, dans le cas de notre recherche, par l’analyse de fonds, de séries, de sous-séries, de dossiers et finalement de pièces, afin d’être en mesure de déterminer les trois éléments centraux de notre recherche : la provenance, l’appovisionnement/la circulation ainsi que les usages et les usagers du papier. Finalement, avec les méthodes en sciences de l’information, nous sommes en mesure de formuler une problématique cohérente, un but et des objectifs adéquats, des questions de recherche pertinentes et un devis méthodologique approprié avec une technique d’échantillonnage non probabiliste et un mode de collecte de données qui privilégie l’observation indirecte. La combinaison de ces trois modes d’approches méthodologiques tout à fait complémentaire s’est concrétisée dans la conception d’une grille d’analyse et d’une base de données afin de pouvoir croiser les informations recensées.
La création de la base de données PHILIGRAN est un apport intéressant pour les chercheurs et les centres d’archives car elle permet, outre le croisement et la recherche de données, de visualiser les images de filigranes repérés dans les documents.
Le cadre méthodologique retenu nous permet donc d’inventorier et de décrire les types de papiers rtrouvés dans les collections québécoises et canadiennes en proposant d’analyser les filigranes et autres caractéristiques des papiers similaires fabriqués en France au XVIIe siècle
afin de parvenir à spécifier la provenance du papier. Outre la période historique, nous expliquons le choix du type de documents sélectionnés pour la composition du corpus de recherche, les sources utilisées pour son analyse incluant la création d’une base de données, puis nous proposons les composantes du devis méthodologique retenu. Les résultats de nos analyses sont présentés dans le Chapitre 4 qui porte sur la provenance des papiers utilisés en Nouvelle-France au XVIIe siècle.