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Chapitre 1 : Revue de littérature

1.5. Les modèles de fermentation in vitro simulant le microbiote intestinal

Pour étudier le comportement du microbiote intestinal, différents systèmes sont offerts. Il y a les modèles cellulaires épithéliaux intestinaux in vitro, les expérimentations in vivo sur l’homme ou l’animal ou encore les systèmes de fermentation in vitro. Ces derniers ont l’avantage de ne pas être avoir de contraintes éthiques, contrairement à l’étude in vivo (Payne et al., 2012). Le système de fermentation peut être en batch ou en continu, en continu à un seul chemostat simulant le côlon proximal ou à plusieurs chemostats simulant les différentes parties du côlon (proximal, transverse et distal), à cellules bactériennes libres ou immobilisées (provenant d’un échantillon fécal).

Le modèle de fermentation en batch n’est composé que d’un seul chemostat fermé contenant un milieu de culture et un microbiote provenant d’un échantillon fécal, le tout en anaérobie, sans contrôle de pH. Suite au remplissage premier du bioréacteur, il n’y a pas d’apport supplémentaire de nutriments, ni d’évacuation du milieu usé. Ce système a comme avantages d’être facile à mettre en place et bon marché. En revanche, la fermentation ne peut être que de quelques heures, la croissance bactérienne s’arrête due à l’épuisement des nutriments et à l’accumulation de produits toxiques (Figure 1-8) (Payne et al., 2012).

Un modèle de fermentation en continu peut être composé d’un ou de trois chemostats reliés en série simulant les trois parties du côlon. C’est un système ouvert avec entrée continue de milieu de culture propre dans le chemostat et élimination continue des déchets. Les différents paramètres (pH, température, temps de rétention, anaérobiose et débit) sont contrôlés (Figure 1-8) (Payne et al., 2012). L’inoculum fécal peut être introduit sous forme liquide dans le bioréacteur. Les cellules bactériennes se trouvent alors libres dans le milieu, mais également sujettes au lavage. Les bactéries les moins compétitives sont évacuées du bioréacteur avant d’avoir eu le temps de se multiplier. Ceci limite la durée de la fermentation à moins de 4 semaines (Payne et al., 2012). Pour éviter le lavage de l’inoculum bactérien, la solution fécale peut être encapsulée dans des billes de gommes, on parle d’immobilisation. Les bactéries colonisent la bille, principalement à sa périphérie, là où la nourriture est le plus accessible. Il y a relargage spontané de cellules dans le milieu lorsque la densité cellulaire devient suffisamment importante à la surface de la bille (Figure 1-8). L’immobilisation permet de préserver la diversité microbienne présente dans les fèces, d’éviter la perte par lavage de certaines espèces bactériennes lors de fermentations à long terme, de réduire la contamination et l’attaque phagique et de protéger les cellules du stress mécanique causé par l’agitateur du bioréacteur (Cinquin et al., 2004). Elle permet également une inoculation continue et uniforme du milieu de culture (Cinquin et al., 2004). Une fermentation avec cellules immobilisées peut alors durer jusqu’à 2 mois et demi

(Payne et al., 2012). Les exemples d’application de ce système de fermentation en continu sont nombreux. Cinquin et al. ont été les premiers à simuler le microbiote colique, en l’occurrence celui de l’enfant, par un modèle de fermentation continue à un seul chemostat avec cellules immobilisées dans des billes de gomme (xanthane et gellane). En faisant varier les taux de dilution et le pH, ils ont pu représenter successivement dans le même chemostat la partie proximale, transverse et distale du côlon. Ils ont réussi à maintenir stable sur 7,5 semaines dans le bioréacteur un microbiote riche et diversifié reproduisant fidèlement celui de fèces d’enfant (Cinquin et al., 2004). Cinquin et al. ont mis au point quelques années plus tard un système de fermentation en continu à trois chemostats simulant le côlon de l’enfant. Les trois chemostats ont été reliés en série, le premier simulant le côlon proximal et contenant les billes de gomme, le second le côlon transverse et le dernier le côlon distal (Figure 1-8). Ils ont testé également l’effet d’un fructo-oligosaccharide, un prébiotique, sur le microbiote intestinal (Cinquin, Le Blay, Fliss, & Lacroix, 2006). Cleusix et al. ont évalué l’impact d’une souche probiotique Lactobacillus reuteri ATCC 55730 et de son composé antimicrobien, la reuterine, sur le microbiote intestinal, ainsi que sa production in situ de reuterine en présence de glycérol, dans un système de fermentation en continu simulant le côlon proximal adulte avec cellules immobilisées (Cleusix, Lacroix, Vollenweider, & Le Blay, 2008). Le Blay et al. ont testé l’effet de deux concentrations d’amoxicilline sur la composition et le métabolisme du microbiote intestinal de l’enfant, ainsi que sur Salmonella typhimurium, par un modèle de fermentation continue colique à un seul chemostat. Ils ont simulé une infection stable à S.

typhimurium grâce à l’immobilisation du pathogène, en plus de l’immobilisation du microbiote fécal de l’enfant

(Le Blay, Rytka, Zihler, & Lacroix, 2009). Zihler et al. ont mis en place un système de fermentation en continu avec cellules immobilisées à trois chemostats, simulant les trois parties du côlon, pour étudier l’impact de deux souches probiotiques bactériocinogéniques E. coli L1000 et B. thermophilum RBL67 sur la croissance de

Salmonella typhimurium et sur la composition et l’activité métabolique du microbiote intestinal de l’enfant. Ils

ont stimulé B. thermophilum RBL67 en ajoutant de l’inuline, un prébiotique (Zihler et al., 2010). Le Blay et al. ont utilisé un système de fermentation en continu à un seul chemostat avec cellules immobilisées pour simuler quant à eux l’iléon terminal et évaluer l’efficacité inhibitrice de la pédiocine PA-1 en conditions iléaques contre

Listeria ivanovii (Le Blay et al., 2012). Fernandez et al. ont simulé également l’iléon terminal par une fermentation en continu de 32 jours avec cellules immobilisées dans le but d’étudier la survie de Pediococcus

acidilactici, son activité métabolique et son impact sur Listeria monocytogenes, en conditions iléaques

(Fernandez, Savard, & Fliss).

Les fermentations continues en bioréacteurs ont comme principale limite de ne pas simuler les fonctions digestives de l’hôte. Les systèmes digestifs artificiels suppléent partiellement au problème. Le TIM-1, par exemple, simule les fonctions digestives de l’estomac et de l’intestin grêle telles que la sécrétion biliaire et les mouvements péristaltiques, tandis que le TIM-2 simule celles du côlon proximal telles que l’absorption d’eau et

de métabolites (Payne et al., 2012). Le TIM-1 et le TIM-2 peuvent être couplés et former un système digestif artificiel complet. Néanmoins, il reste que les réponses immunitaires et neuroendocriniennes ne sont pas représentées (Payne et al., 2012).

Les ratios des populations bactériennes dans le système de fermentation diffèrent parfois de ce qui est observé in vivo. Cependant, le principal objectif de ce modèle de fermentation in vitro n’est pas de reproduire les ratios bactériens tels qu’ils sont in vivo, mais bien de cultiver dans un environnement contrôlé un microbiote intestinal complexe et de le maintenir stable dans le temps à une fin expérimentale (Payne et al., 2012).

Figure 1-8 : Schéma et caractéristiques d’un système de fermentation colique in vitro en batch, en continu avec cellules libres et en continu avec cellules immobilisées. (a) Bille de gomme (xanthane et gellane) immobilisant un microbiote fécal. (b) Photographie prise par microscopie électronique des bactéries intestinales colonisant la périphérie de la bille (Payne et al., 2012).