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Chapitre 1 : Revue de littérature

1.3. Stratégies de contrôle de Salmonella spp et autres opportunistes de la volaille

1.3.2. Les alternatives aux antibiotiques

1.3.2.4. Les bactériophages

Les bactériophages sont des virus qui infectent les bactéries (Garcia, Martinez, Obeso, & Rodriguez, 2008). Ils sont ubiquitaires et sont l’entité la plus abondante sur terre (O'Flaherty, Ross, & Coffey, 2009). Les bactériophages détruisent la moitié de la population totale bactérienne toutes les 48 heures (Hendrix, 2002). Les bactériophages sont constitués, comme tout virus, d’un génome (ADN ou ARN, simple ou double brin(s)) entouré d’une capside protéique. Il faut distinguer les bactériophages virulents des bactériophages tempérés. Les bactériophages virulents se servent de la bactérie pour se multiplier et terminent automatiquement leur cycle par une lyse cellulaire de l’hôte qui libèrera les nouveaux virions. On parle d’infection lytique. Les phages tempérés, pour leur part, intègrent leur acide nucléique dans le chromosome bactérien et celui-ci persistera

dans l’ADN bactérien. Il se réplique et s’exprime avec le reste du matériel génétique bactérien. Le génome viral intégré se nomme prophage et la bactérie porteuse du prophage s’appelle lysogène. Celle-ci pourra le transmettre à sa descendance (Griffiths, Miller, Suzuki, Lewontin, & Gelbart, 2002). Les bactériophages lytiques possèdent plusieurs propriétés qui les rendent prometteurs comme agents de biocontrôle alimentaire. Leur potentiel anti-infectieux est reconnu. Ils ont une activité très spécifique et de ce fait n’altèrent pas le microbiote commensal gastro-intestinal (Chambers & Gong, 2011). Ils sont non-toxiques pour les cellules humaines et animales et tuent rapidement la bactérie cible (Garcia et al., 2008; Coffey et al., 2011; Spricigo, Bardina, Cortès, & Llagostera, 2013). Ils ont une efficacité démontrée contre les biofilms (Siringan, Connerton, Payne, & Connerton, 2011) et ils peuvent être utilisés comme moyen de détection de pathogènes. En outre, ils sont une source d’enzymes hydrolysant les peptidoglycanes des bactéries (endolysines) (Garcia et al., 2008; Oliveira, Azeredo, Lavigne, & Kluskens, 2012). Les bactériophages ne peuvent se répliquer que tant que la bactérie cible est présente, ce qui limite leur multiplication (Atterbury et al., 2007). Enfin, la résistance des bactéries contre les bactériophages est un événement rare (Carlton, Noordman, Biswas, de Meester, & Loessner, 2005; Guenther, Huwyler, Richard, & Loessner, 2009). Néanmoins quand elle advient, comme cela a été le cas dans l’étude de Greer où 20 à 65 % des Brochothrix thermosphacta se sont montrées résistantes chez le porc au traitement phagique (Greer & Dilts, 2002; Guenther et al., 2009), le problème peut toujours être contourné en utilisant un cocktail de phages ou plusieurs phages en rotation (Guenther et al., 2009). La

FDA a approuvé l’utilisation dans l’alimentation de deux produits à base de bactériophages inhibiteurs de Listeria : ListexTM P100 de EBI Food Safety pour le contrôle de la viande et du fromage (2006) et LMP 102 de

Intralytix Inc. pour le contrôle de la volaille et du prêt-à-manger (Garcia et al., 2008).

Les autorisations pour traiter par les phages l’animal vivant destiné à l’alimentation n’ont pas été encore obtenues (Chambers & Gong, 2011), mais il existe déjà de nombreuses études ayant porté sur le sujet. Les cibles bactériennes des phages sont nombreuses, mais nous ne nous arrêterons ici qu’à Campylobacter et à

Salmonella, les deux principaux contaminants de la volaille. Wagenaar et al. ont expérimenté l’utilisation des

phages comme moyen de prévention et de traitement de la campylobactériose chez le poulet de chair. Ils ont observé une réduction significative de C. jejuni dans le groupe de prévention comme dans le groupe thérapeutique en comparaison avec les groupes contrôle. La réduction a été maximale immédiatement après l’introduction du phage, pour diminuer par la suite mais tout en restant néanmoins supérieure à celle des groupes contrôle (Wagenaar, Van Bergen, Mueller, Wassenaar, & Carlton, 2005). Loc Carrillo et al. ont travaillé également sur la décontamination du poulet de chair contaminé à C. jejuni. Ils ont administré oralement deux phages lytiques à large spectre, CP8 et CP34, à des poulets contaminés et ont observé une réduction significative du nombre de cellules pathogènes (Loc Carrillo et al., 2005). En 2009, le phage de groupe II, CP220, a été administré à des oiseaux contaminés à C. jejuni et à C. coli. Des réductions

significatives des deux espèces bactériennes ont été observées dans les fèces (El-Shibiny et al., 2009). Fiorentin et al. ont réduit efficacement le nombre d’unités formatrices de colonies de Salmonella enteritidis PT4 contaminant des poulets de chair par administration orale d’un cocktail de phages (Fiorentin, Vieira, & Barioni, 2005). Toro et al. ont observé une réduction significative du nombre de Salmonella typhimurium dans l’iléon et dans le caecum de poulets contaminés suite à l’administration orale d’un cocktail de phages, seul et en combinaison avec des probiotiques (exclusion compétitive) (Toro et al., 2005). Atterbury et al. ont démontré l’efficacité inhibitrice significative de phages sur Salmonella enteritidis et typhimurium colonisant le caecum de poulets de chair, mais ils n'ont pas obtenu de résultats concluants pour Salmonella sérotype hadar (Atterbury et al., 2007). Wall et al. ont diminué de 99,0 % à 99,9 % la colonisation intestinale à Salmonella typhimurium de petits cochons suite à l’administration d’un cocktail de phages. Ils ont réduit ensuite significativement chez des porcs à poids de marché la concentration de Salmonella caecale de 95 % et la concentration de

Salmonella iléale de 90 % (Wall, Zhang, Rostagno, & Ebner, 2010). Un cocktail de trois bactériophages

UAB_Phi20, UAB_Phi78, et UAB_Phi87 a été testé pour réduire la concentration caecale de Salmonella

typhimurium chez la poule Leghorn. Le traitement a été efficace, lorsque administré un jour avant l’infection,

puis régulièrement au fil du temps (Bardina, Spricigo, Cortes, & Llagostera, 2012). L’efficacité antibactérienne des bactériophages dans l’industrie alimentaire dépend de plusieurs paramètres intrinsèques et extrinsèques (Guenther et al., 2009). Par exemple, la concentration de phages est un facteur à prendre en compte lors d’un processus de décontamination alimentaire. Plus celle-ci est importante, plus la réduction bactérienne sera significative, du fait que l’on augmente la probabilité de rencontre d’un phage et d’une cible (Carlton et al., 2005; Atterbury et al., 2007; Guenther et al., 2009; Hudson et al., 2013; Hungaro, Mendonca, Gouvea, Vanetti, & Pinto, 2013).

Du matériel génétique peut être transmis d’une bactérie donneuse à une bactérie receveuse par transformation, conjugaison ou transduction. La transduction se fait par l’intermédiaire de bactériophages dits transducteurs. Les phages tempérés peuvent empaqueter accidentellement des gènes bactériens de la bactérie donneuse lors de leur excision, les transférer et les intégrer chez une bactérie réceptrice. Il est possible qu’il y ait recombinaison entre le génome d’un phage tempéré et le génome d’un phage lytique (Chambers & Gong, 2011). Le transfert de matériel génétique (gènes de résistance ou de virulence) par transduction entre bactéries est une menace pour la santé publique associée à l’utilisation de bactériophages. Le prophage peut aussi exprimer des gènes codant des facteurs augmentant la pathogénicité ou la virulence de l’hôte. Dans plusieurs cas, le prophage s’est avéré coder des toxines ou des régulateurs nécessaires à la virulence de la bactérie hôte (Boyd, 2005; Carlton et al., 2005). « Certains prophages ont montré contribuer à la virulence de S. typhimurium » (Figueroa-Bossi & Bossi, 1999; Chambers & Gong, 2011). Qui plus est, la bactérie lysogène est protégée de l’attaque d’un autre phage ou « surinfection », ce qui peut être critique si

celle-ci est le pathogène cible (Griffiths et al., 2002). L’utilisation de leurs endolysines, plutôt que du phage lui- même, pourrait être une solution au problème (Chambers & Gong, 2011). Il reste encore du chemin à parcourir avant l’utilisation des bactériophages chez l’animal vivant comme alternative aux antibiotiques, mais le potentiel est bien présent.