• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Revue de littérature

1.3. Stratégies de contrôle de Salmonella spp et autres opportunistes de la volaille

1.3.2. Les alternatives aux antibiotiques

1.3.2.7. Les bactériocines

1.3.2.7.1. Classification

1.3.2.7.1.1. Les bactériocines produites par des bactéries à Gram-positif Les bactériocines de classe I sont modifiées suite à leur traduction au ribosome, ce qui les distingue des bactériocines de classe II. Qui plus est, elles possèdent des acides aminés inhabituels. Les bactériocines de

classe I se divisent en 3 sous-groupes : les lantibiotiques (classe Ia), les labyrinthopeptines (classe Ib) et les sactibiotiques (classe Ic). Les lantibiotiques sont de petits peptides de moins de 5 kDa, constitués de 19 à 28 acides aminés, qui subissent de nombreuses modifications post-traductionnelles. Ils possèdent des acides aminés inhabituels : la lanthionine, la β-méthyllanthionine, la déhydrobutyrine et la déhydroalanine (Rea, Ross, et al., 2011). La nisine est produite par Lactococcus lactis. Elle est le premier lantibiotique à avoir été décrit dans la littérature et le plus étudié à ce jour (Kuipers, Rink, & Moll, 2011). Les lantibiotiques ont plusieurs modes d’action. Certains d’entre eux augmentent la perméabilité membranaire en formant des pores dans la membrane cellulaire de la bactérie cible, via liaison au récepteur transmembranaire Lipide II. Il en résulte une dissipation du potentiel de membrane, ainsi que l’efflux de ions intracellulaires (Rea, Ross, et al., 2011). D’autres inhibent la biosynthèse de la paroi cellulaire (Rea, Ross, et al., 2011). Les labyrinthopeptines ont été découverts récemment, ils sont alors encore peu connus. Ils possèdent de façon caractéristique un acide aminé inhabituel, la labionine. Actinomadura namibiensis DSM 6313 est la seule souche connue à ce jour produisant des labyrinthopeptines (A1 et A2). Il a été démontré qu’ils possèdent d’excellentes propriétés antivirales et anti-allodyniques (Krawczyk et al., 2013). La subtilosine A et la thuricine CD font partie des sactibiotiques qui se caractérisent par la présence de liens souffre-α-carbone. La subtilosine A, produite par

Bacillus subtilus, est un peptide cyclique, de taille inférieure à celle des peptides cycliques de la sous-classe

IId et subissant, contrairement à ces derniers, de nombreuses modifications post-traductionnelles (Rea, Ross, et al., 2011). La thuricine CD, quant à elle, produite par Bacillus thuringiensis 6431, est active contre

Clostridium difficile et se compose de deux peptides (Trnα et Trnβ) (Rea, Ross, et al., 2011).

Les bactériocines de la classe II ne sont pas modifiées suite à leur traduction au ribosome. Elles sont de petite taille (<10 kDa) et résistantes à la chaleur. Elles causent la mort de la bactérie cible en induisant pour la plupart la perméabilisation de la membrane cellulaire, ce qui a pour conséquence l’efflux hors de la cellule de ions et d’ATP (Cotter, Hill, & Ross, 2005). Cette classe de bactériocines a été divisée en quatre sous-classes;

Pediocin-like (IIa), à deux composantes non-modifiées (IIb), circulaires (IIc), linéaires non-pediocin-like à une

composante (IId) (Cotter et al., 2005; Nissen-Meyer, Rogne, Oppegård, Haugen, & Kristiansen, 2009; Rea, Ross, et al., 2011). Les Pediocin-like possèdent un spectre d’activité étroit et ciblent spécifiquement Listeria

monocytogenes. On dénombre 28 bactériocines différentes dans cette sous-classe (Rea, Ross, et al., 2011).

Elles varient en taille entre 37 (sakacine G) et 55 (acidocine A) acides aminés standards (Rea, Ross, et al., 2011) et possèdent un à deux ponts disulfures (Cotter et al., 2005). Leur région N-terminale hydrophile, cationique, appelée aussi « pediocin box », est très conservée, avec pour motif YGNGVXCXXXXVXV (où X peut être n’importe quel acide aminé) (Cotter et al., 2005). La région N-terminale conservée est supposée être responsable de la liaison non-spécifique de la bactériocine à la surface cellulaire, tandis que la région C- terminale, moins conservée, déterminerait la spécificité de la cible (Rea, Ross, et al., 2011). Il existe 26

bactériocines à deux composantes non-modifiées (Nissen-Meyer et al., 2009). Elles sont généralement produites par des bactéries lactiques, mais la brochocine-C produite par Brochothrix campestris fait exception. Comme leur nom l’indique, elles sont constituées de deux peptides allant chacun de <40 acides aminés (plantaricine S et lactococcine G par exemple) à >50 acides animés (brochocine-C, sakacine T, gassericine T et lactacine F par exemple) (Rea, Ross, et al., 2011). Pour qu’il y ait activité antimicrobienne, il y a besoin que les deux peptides de la bactériocine soient présents et interagissent. Les deux peptides possèdent une séquence d’acides aminés conservée GXXXG. Il a été démontré que les deux peptides interagissent via leurs motifs GXXXG (Rea, Ross, et al., 2011). Les bactériocines de la classe IIc ont une structure circulaire suite à la liaison des extrémités N et C-terminale et mesurent entre 3,4 et 7,2 kDa (Nissen-Meyer et al., 2009). Elles sont cationiques, relativement hydrophobes (Nissen-Meyer et al., 2009), résistantes à la chaleur et aux protéases, et actives contre Listeria (Rea, Ross, et al., 2011). Cette sous-classe comprend seulement huit bactériocines, dont six d’entre elles sont produites par des bactéries lactiques (gassericine A, reutericine 6, enterocine AS-48, enterocine 4, carnocycline A et lactocyclicine Q), la cirularine A et la butyrivibriocine AR10 sont produites par Clostridium beijerinckii et Butryrivibrio fibrisolvens respectivement (Rea, Ross, et al., 2011). Enfin, la sous-classe IId regroupe des bactériocines très diverses, produites par des bactéries à Gram-positif, non-modifiées, ne pouvant entrer dans aucune des sous-classes précédentes. Elles ne ressemblent en rien à la pédiocine, sont linéaires et constituées que d’un seul peptide. Cette sous-classe comprend 31 bactériocines, dont la lactococcine A, la première du groupe à avoir été isolée et caractérisée. Elles sont principalement produites par des bactéries lactiques, mais certaines ont été isolées de Staphylococcus et de

Weissella sp. (Rea, Ross, et al., 2011).

Les bactériolysines sont de grandes protéines thermolabiles. Elles ont la particularité de lyser leur cible en hydrolysant leur paroi cellulaire. À ce jour, cinq bactériolysines produites par des bactéries lactiques ont été caractérisées génétiquement : l’helvéticine J produite par Lactobacillus helveticus, la zoocine A produite par

Streptococcus zooepidermicus, l’entérolysine A produite par Enterococcus faecalis, la millericine B produite

par Streptococcus milleri et la linocine M18 produite par Brevibacterium linens (Rea, Ross, et al., 2011). Il existe également des bactériolysines produites par des bactéries qui ne sont pas lactiques, telles que la lysostaphine (Rea, Ross, et al., 2011). Le domaine catalytique de la protéine se trouve à l’extrémité N- terminale, il ressemble à celui des endopeptidases, tandis que l’extrémité C-terminale servirait à la reconnaissance de la cible. Les gènes codant la bactériolysine ne sont pas toujours associés à des gènes d’immunité protégeant la bactérie productrice de sa propre production. En revanche, la paroi cellulaire de cette dernière peut être modifiée afin de résister à l’hydrolyse (Cotter et al., 2005).

1.3.2.7.1.2. Les bactériocines produites par des bactéries à Gram-négatif Les bactéries à Gram-négatif produisant des bactériocines sont principalement des Enterobacteriaceae. Les bactériocines produites par les Enterobacteriaceae se divisent en deux familles qui se distinguent essentiellement par leur taille; les colicines, de 30 à 80 kDa, et les microcines, de 1 à 10 kDa. Les colicines et les microcines sont libérées en conditions de stress par la bactérie, la plupart du temps E. coli (Rebuffat, 2011).

Les colicines sont des protéines de haut poids moléculaire (30-80 kDa) produites en conditions de stress par des souches de E. coli possédant un plasmide colicinogénique (Rebuffat, 2011). Tous les gènes codant les colicines se trouvent être localisés sur un plasmide (Duquesne et al., 2007). L’export des colicines se fait par lyse de la bactérie productrice. L’opéron colicinogénique se compose d’un gène codant la colicine (cxa), d’un gène codant une protéine immunitaire (cxi ou imX) et d’un gène codant une protéine de lyse (bacteriocin

release protein, BRP) nécessaire à la sécrétion de la bactériocine (Rebuffat, 2011). Les colicines ont divers

modes d’action antimicrobienne. Elles peuvent (1) former des canaux voltage-dépendant dans la membrane interne de la bactérie cible, (2) avoir une activité nucléasique dans le cytoplasme, (3) dégrader les peptidoglycanes de la paroi cellulaire (Rebuffat, 2011). Elles possèdent trois domaines fonctionnels : le domaine central permet à la colicine de se lier au récepteur de la membrane externe de la cellule cible, l’extrémité N-terminale sert à la translocation de la colicine au travers de la membrane externe de la cellule cible et l’extrémité C-terminale est le domaine catalytique (Duquesne et al., 2007). Les colicines détournent à leurs fins des récepteurs dont l’utilité première est l’import dans la cellule de nutriments essentiels, tels que la vitamine B12 (cobalamine). Les récepteurs empruntés par les colicines sont principalement les sidérophores FhuA, FepA, Cir et Fiu, le récepteur de la cobalamine BtuB et le récepteur de nucléosides Tsx (Rebuffat, 2011).

Les microcines sont des peptides hydrophobes de faible poids moléculaire (1-10 kDa), très résistantes aux conditions extrêmes (pH, température, protéases), produites pour la plupart par E. coli et actives à des concentrations nanomolaires (Rebuffat, 2011). Les gènes codant les microcines sont généralement plasmidiques, toutefois certaines d’entre elles sont codées par des gènes chromosomiques. Un stress environnemental, tel qu’une carence en nutriments ou en oxygène, stimule la production de microcines. La synthèse de microcines est activée lorsque la bactérie entre en phase stationnaire (Severinov, Semenova, & Kazakov, 2011). L’expression de la MccE492 est stimulée en absence de glucose, ainsi que lorsque le glucose est remplacé par du glycérol (Duquesne et al., 2007). De la même manière, un manque d’azote dans le milieu stimule l’expression de la MccB17 (Duquesne et al., 2007). La disponibilité en fer peut aussi être un

facteur régulant l’expression des microcines. En présence de fer, la production de MccJ25 chute de 95 %. Elle est rétablie en présence d’agents chélateurs qui se complexent au fer (Duquesne et al., 2007). Il est difficile de faire une classification des microcines, car elles sont extrêmement diverses. Il est néanmoins possible de diviser les microcines en deux classes, I et II. La classe II se sous-divise en classe IIa et IIb. Les microcines de classe I ont une masse moléculaire inférieure à 5 kDa et subissent de nombreuses modifications post- traductionnelles (MccJ25, MccB17 et MccC7-C51) (Severinov et al., 2011). Les microcines de classe II ont une masse moléculaire entre 5 et 10 kDa. La classe IIa comprend les microcines codées par des gènes plasmidiques, ne subissant pas de modifications post-traductionnelles et possédant des ponts disulfures (MccL, MccV et Mcc24). La classe IIb comprend les microcines codées par des gènes chromosomiques ayant acquis un sidérophore à l’extrémité C-terminale lors de leur modification post-traductionnelle (MccE492, MccM, MccH47, MccI47 et MccG47) (Rebuffat, 2011). Tout comme les colicines, les microcines se fixent à la bactérie cible via ses récepteurs membranaires servant à l’import des nutriments essentiels. Ces récepteurs se trouvent être les sidérophores FhuA, FepA, Cir et Fiu, ainsi que la porine OmpF (Rebuffat, 2011). Certaines protéines de la membrane interne de la cible, telles que SdaC et SbmA, aident la microcine à traverser cette membrane et à pénétrer dans le cytoplasme (Rebuffat, 2011). Les microcines divergent grandement entre elles en nombre de gènes, structure, biosynthèse et mécanisme de translocation pour pénétrer dans la cellule cible, mais également dans leurs modes d’action. Les microcines de classe I inhibent les enzymes vitales intracellulaires de la cible. La MccB17 cible l’ADN gyrase, tandis que la MccJ25 inhibe l’ARN polymérase, en plus d’interagir avec un composant de la chaîne respiratoire et ainsi de bloquer la respiration cellulaire. La microcine C7-C51, quant à elle, est clivée à l’intérieur de la cellule cible générant un homologue de l’aspartyl adénylate qui inhibe l’aspartyl-ARNt synthétase, ceci ayant pour effet de bloquer la traduction (Rebuffat, 2011). Les microcines de classe II agissent sur la membrane interne des bactéries à Gram-négatif. MccE492 et MccV forment des pores dans la membrane, tandis que la MccH47 cible le canal à protons Fo (domaine

Groupe Caractéristique(s) Exemples

Gram-positif

Classe I (modifiées)

a) Les lantibiotiques Acide aminé lanthionine Nisine, lacticine 3147 b) Les labyrinthopeptines Acide aminé labionine A1 et A2

c) Les sactibiotiques Liens souffre-α-carbone Subtilosine A, thuricine CD Classe II (non-modifiées)

a) Pediocin-like Motif YGNGV conservé, actifs contre Listeria Pédiocine PA-1 b) À 2 composantes

non-modifiées 2 peptides Abp118, lactococcine G

c) Circulaires Cycliques Entérocine AS-48

d) Linéaires non- pediocin-like à une composante

Linéaires non-pediocin-like à 1 peptide Lactococcine A, lacticine Q

Les bactériolysines Larges, thermolabiles, lytiques Lysostaphine, entérolysine A

Gram-négatif

Les colicines 30-80 kDa, protéine de lyse co-exprimée Colicine E1, colicine M

Les microcines 1-10 kDa, résistantes aux protéases, T° et pH extrêmes MccJ25, MccB17, MccV

Table 1-5 : Classification des bactériocines. Les bactériocines peuvent être divisées en deux types; celles produites par des bactéries à Gram-positif et celles produites par des bactéries à Gram-négatif.

1.3.2.7.2.

Applications des propriétés anti-infectieuses des