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Chapitre 1 : Revue de littérature

1.4. Le microbiote intestinal

Le tractus gastro-intestinal héberge un écosystème microbien riche et complexe qui contribue à la santé de l’hôte (Le Blay et al., 2007). Il est estimé que le tractus GIT héberge entre 1013 et 1014 microorganismes, avec

plus de 1100 espèces bactériennes différentes (Power et al., 2014). Le microbiote intestinal, considéré comme un organe à part entière, possède 150 fois plus de gènes que le génome humain (Power et al., 2014). La densité et la composition microbienne varient d’un bout à l’autre de l’appareil digestif (Figure 1-4). Le côlon abrite le microbiote le plus dense et divers avec 1011-1012 bactéries par gramme de contenu (1 à 2 kg du poids

humain) car c’est au niveau côlon que le temps de rétention du digesta est le plus long, qu’il y a la plus grande disponibilité en nutriments et que le pH est le plus favorable (Payne et al., 2012; Power et al., 2014). Le rôle premier du microbiote intestinal est de digérer ce que l’hôte n’est pas capable de digérer par lui-même, comme les fibres alimentaires. Les bactéries intestinales sont bénéfiques pour l’hôte en convertissant les carbohydrates complexes en substrats absorbables, principalement en acides gras à chaîne courte, source d’énergie, ainsi qu’en produisant des vitamines (Arumugam et al., 2011). « The microbiota act as a metabolic organ » (Den Besten et al., 2013). Les bactéries commensales intestinales forment également une ligne de résistance qui bloque la colonisation par des pathogènes entériques, en entrant en compétition pour les nutriments et les sites d’attachement à la muqueuse intestinale ou encore en produisant des composés antimicrobiens (Le Blay et al., 2007; Payne et al., 2012). Elles contribuent aussi à l’établissement de l’immunité intestinale (Den Besten et al., 2013). Les phyla dominants du microbiote intestinal ne sont pas spécifiques à l’individu, ils se retrouvent en mêmes proportions dans la majorité de la population, mais les proportions des genres à l’intérieur de ces phyla varient entre individus (Jeffery, Claesson, O'Toole, & Shanahan, 2012). La composition du microbiote intestinal est influencée par de nombreux facteurs, tels que le génotype de l’hôte, sa physiologie, son régime alimentaire et la prise de médicaments (antibiotiques) (Figure 1-4) (Den Besten et al., 2013). Les changements de composition suite à un changement de diète sont réversibles (Jeffery et al., 2012).La composition du microbiote intestinal de l’enfant est différente de celle de l’adulte, qui elle-même diffère de celle de la personne âgée (Cinquin, Le Blay, Fliss, & Lacroix, 2004; Arumugam et al., 2011; Claesson et al., 2012). L’enfant naît avec un système GIT axénique, mais qui est très rapidement colonisé à la naissance par des bactéries provenant de la mère et de l’environnement (Den Besten et al., 2013). Il a été observé qu’un enfant né par césarienne n’a pas le même microbiote intestinal initial qu’un enfant né par voie basse (Dominguez-Bello et al., 2010). La composition du microbiote intestinal de l’enfant né par voie basse ressemble à celle du microbiote vaginal de la mère, dominée par Lactobacillus, Prevotella et

Sneathia spp. Les bactéries colonisant le tractus gastro-intestinal de l’enfant né par césarienne sont celles

retrouvées à la surface de la peau de sa génitrice, Staphylococcus, Corynebacterium et Propionibacterium spp (Figure 1-4) (Dominguez-Bello et al., 2010). De plus, un enfant nourri au lait maternel n’a pas le même

microbiote intestinal qu’un enfant nourri au lait en poudre (Power et al., 2014). La composition du microbiote intestinal est instable aux extrêmes de la vie, tandis qu’elle se trouve relativement stable tout au long de la vie d’adulte (Figure 1-4) (Power et al., 2014). Chez l’enfant, elle se stabilise entre 3 et 4 ans (Den Besten et al., 2013). La composition microbienne intestinale d’un homme sain diffère de celle d’un homme malade (Jeffery et al., 2012). Des corrélations ont été établies chez l’adulte entre des changements de composition du microbiote intestinal et plusieurs maladies, telles que la maladie inflammatoire chronique de l’intestin, le syndrome du côlon irritable, l’obésité et le cancer colorectal (Ley, Turnbaugh, Klein, & Gordon, 2006; Yang & Pei, 2006; Jeffery et al., 2012). Les fonctions métaboliques du microbiote sont très conservées entre individus, malgré sa variabilité de composition (Oakley et al., 2014). Le microbiote colique de l’adulte est composé principalement des deux phyla Firmicutes (46-58 % du total bactérien) et Bacteroidetes (10-30 %). Les

Actinobacteria (4,4-4,8 %) et les Proteobacteria (0,1-0,2 %) sont également présentes mais en plus faible

nombre. Clostridium, Blautia, Lactobacillus, Ruminococcus, Streptococcus et Faecalibacterium font partie des

Firmicutes. Les genres Bacteroides et Prevotella représentent les Bacteroidetes. Chez les Actinobacteria, l’on

retrouve les Bifidobacterium. Enfin, E. coli est le genre dominant des Proteobacteria. La plupart des bactéries du côlon sont anaérobies stricts, comme c’est le cas des Clostridium, des Bacteroides et des Bifidobacterium (Arumugam et al., 2011; Payne et al., 2012).

Figure 1-4 : (a) Densités cellulaires bactériennes des différentes parties de l’appareil digestif. (b) Évolution du microbiote intestinal au cours de la vie d’un homme, facteurs modulant sa composition, principaux genres bactériens présents. C-section, Caesarean section (Power et al., 2014).

Il a été proposé de diviser le microbiote intestinal en entérotypes bien distincts qui ne sont pas reliés à la nationalité, au sexe, à l’âge ni au BMI, mais qui varient en proportions entre individus (Jeffery et al., 2012). Selon cette catégorisation du microbiote intestinal, il existe trois entérotypes qui composent notre écosystème microbien intestinal (Figure 1-4). L’entérotype 1 comprend les Bacteroides (Bacteroidetes). Ces bactéries ont un très large potentiel saccharolytique. L’entérotype 2 est principalement constitué de Prevotella (Bacteroidetes), mais aussi de Desulfovibrio (Proteobacteria), tandis que l’entérotype 3 est riche en

Ruminococcus (Firmicutes) et dans une moindre mesure en Akkermansia (Verrucomicrobia

). Les entérotypes

2 et 3 comprennent des bactéries capables de dégrader les mucines, des glycoprotéines des muqueuses intestinales (Arumugam et al., 2011). Cette division en entérotypes est controversée, certains préfèrent la notion de gradients plutôt que celle de groupes distincts comme les entérotypes (Jeffery et al., 2012). D’autres proposent de grouper les genres bactériens selon leur fréquence d’association, ce sont les groupes de co- abondance, les CAGs (Claesson et al., 2012; Jeffery et al., 2012).

Les bactéries du microbiote intestinal transforment par fermentation les fibres alimentaires (polysaccharides non-amylacés d’origine végétale) en acides gras à chaîne courte (AGCC) nécessaires au métabolisme de l’hôte. Les acides gras à chaîne courte sont des acides organiques saturés aliphatiques composés de 1 à 6 carbones dont l’acétate, le propionate et le butyrate sont les principaux représentants (Den Besten et al., 2013). L’acétate, le propionate et le butyrate sont produits dans le côlon en proportions 60:20:20 (Den Besten et al., 2013). La majeure partie des AGCC produits (95 %) est absorbée par les colonocytes, les 5 % restants partent dans les fèces (Den Besten et al., 2013). C’est au niveau du côlon proximal qu’il y a la plus grande disponibilité de substrats, ce qui en fait le principal site de fermentation (Den Besten et al., 2013). Le côlon proximal abrite principalement les fermenteurs primaires, des bactéries saccharolytiques telles que les

Bacteroidetes. Les fermenteurs secondaires se trouvent dans le côlon distal, ce sont pour la plupart des

bactéries protéolytiques (Den Besten et al., 2013). Les Bacteroidetes produisent surtout de l’acétate et du propionate tandis que les Firmicutes produisent avant tout du butyrate (Den Besten et al., 2013). Les

Bacteroidetes libèrent également des gaz (H2) qui sont utilisés par d’autres bactéries de l’écosystème

microbien. L’hôte et le microbiote travaillent en symbiose, l’hôte fournit aux bactéries intestinales le CO2 dont

elles ont besoin sous forme d’HCO3- en échange d’AGCC anioniques (Den Besten et al., 2013). La production

d’AGCC abaisse le pH intestinal. La concentration d’AGCC diminue du côlon proximal au côlon distal, en raison de la diminution de disponibilité des fibres alimentaires, ce qui fait augmenter le pH du caecum au rectum (Den Besten et al., 2013). Le changement de pH module la composition du microbiote. L’acidité du côlon proximal a le bénéfice d’inhiber la croissance de pathogènes (Enterobacteriaceae par exemple). Les AGCC sont absorbés par les colonocytes de l’hôte, gagnent la circulation sanguine et rejoignent ainsi divers organes du corps où ils servent de substrats et de régulateurs. Ils répondent à 10 % de la demande

quotidienne en énergie de l’homme. Les AGCC régulent le métabolisme des lipides, du glucose et du cholestérol (Den Besten et al., 2013). Ils traversent la membrane apicale des colonocytes soit par diffusion passive sous leur forme indissociée (peu fréquent), soit par transport actif sous leur forme dissociée anionique (fréquent) qui utilise différents transporteurs (des transporteurs d’acides monocarboxyliques entre autres). Les AGCC qui ne sont pas consommés par le colonocyte comme source d’énergie quittent la cellule par la membrane baso-latérale pour rejoindre la circulation sanguine, par transport actif uniquement (Den Besten et al., 2013). Le butyrate est consommé essentiellement par les colonocytes. Les colonocytes tirent leur énergie à 60-70 % de l’oxydation des AGCC (Den Besten et al., 2013). L’acétate, quant à lui, alimente principalement le foie (70 % de l’acétate produit est consommé par le foie). L’acétate est un substrat de la synthèse du cholestérol et des acides gras à chaîne longue et un co-substrat de la synthèse de la glutamine et du glutamate (Den Besten et al., 2013). Le propionate est utilisé comme substrat de la gluconéogenèse hépatique (synthèse du glucose) (Den Besten et al., 2013). Des études cliniques ont démontré que l’administration d’AGCC aide au traitement de la colite ulcéreuse, de la maladie de Crohn et de la diarrhée associée aux antibiotiques (Den Besten et al., 2013).

Figure 1-5 : Voies métaboliques de production de l’acétate, du propionate et du butyrate (Den Besten et al., 2013). Les carbohydrates sont hydrolysés en monosaccharides qui eux-mêmes sont convertis en phosphoénolpyruvate (PEP) par la voie d’Embden-Meyerhof-Parnas (glycolyse) ou par la voie des pentoses phosphates. Le PEP est converti à son tour en acides organiques ou en alcools. L’acétate est produit soit par hydrolyse d’Acétyl-CoA, soit par la voie de Wood-Ljungdahl à partir de CO2. Le propionate est produit soit par

réduction du lactate en propionate (voie de l’acrylate), soit par décarboxylation du succinate (voie du succinate). Le butyrate est formé par condensation de deux molécules d’Acétyl-CoA.

Le microbiote de la volaille est très semblable à celui des mammifères, aussi bien au niveau taxonomique que fonctionnel (Oakley et al., 2014; Waite & Taylor, 2014). Les Firmicutes (phylum) dominent la totalité de l’appareil digestif de l’oiseau (Figure 1-6) (Yeoman et al., 2012). Le jabot comprend 109 cellules bactériennes

par gramme, appartenant principalement au genre Lactobacillus (Oakley et al., 2014). Lactobacillus est également majoritaire dans le proventricule et le gésier. La densité microbienne dans le proventricule et le gésier est relativement faible (108/g) en raison de la présence inhibitrice de sucs gastriques composés entre

autres de pepsine, une protéase, et d’acide hydrochlorique (Oakley et al., 2014). Le petit intestin est colonisé par un plus grand nombre d’espèces bactériennes (109-1011/g), principalement Lactobacillus, Enterococcus et

Clostridium (Oakley et al., 2014). Enfin, le caecum abrite le microbiote le plus riche et divers du système GIT

(plus de 1011 cellules bactériennes/g) avec les Firmicutes, Bacteroidetes et Proteobacteria comme phyla

dominants (Figure 1-7). Le caecum a le plus long temps de rétention du digesta (12-20h). C’est le principal site de fermentation des sucres (Oakley et al., 2014). Le tractus gastro-intestinal du poussin ne peut être colonisé à la naissance par des bactéries provenant de sa mère, contrairement à ce que l’on observe chez l’homme, puisque son œuf éclot dans un couvoir à distance des volailles adultes. Les bactéries se trouvant dans son environnement (litière) servent généralement d’inoculum (Oakley et al., 2014).

Figure 1-7 : Proportions des différents phyla (a) et familles (b) composant le microbiote caecal de la volaille (Oakley et al., 2014).

1.5.

Les modèles de fermentation in vitro simulant le