• Aucun résultat trouvé

LES MAÎTRES

Dans le document LES ESCLAVES CHRÉTIENS (Page 63-81)

I

Si jamais l'idéal du pouvoir absolu, sans limites et. sans contrôle, fut réalisé quelque part, c'est dans la maison d'un riche romain au temps de l'empire. Un seul homme était entouré d'innombrables serviteurs vivant les uns pour ses besoins, les autres pour ses plaisirs. Chacun de ses caprices était une loi. Nul frein n'arrêtait le premier mouvement de sa volonté. Cruel, emporté, il pouvait torturer et tuer ses esclaves. Débauché, leur pudeur était à lui. Les empereurs essayèrent à plusieurs reprises de protéger ceux-ci contre les excès de ce pouvoir sans bornes. Ces louables tentatives ne produisirent que de faibles résultats ; les lois, quelque bonnes qu'elles soient, ne suffisent pas à réformer les mœurs ; leur action est faible, superficielle, promptement épuisée, s'il n'existe, à côté d'elles et au-dessus d'elles, une force morale indépendante, respectée, ayant pouvoir sur les âmes et entraînant dans un même mouvement le législateur et ceux auxquels il s'adresse. La philosophie stoïcienne marqua de son empreinte les parties humaines et bienfaisantes de la législation des empereurs païens ; la plupart des jurisconsultes qui entouraient et conseillaient ces princes appartenaient à son école, et en firent passer les principes dans leur œuvre ; mais elle manquait d'action sur le commun des hommes ; elle ne sut point ouvrir aux lois qu'elle inspira le chemin des cœurs.

Néron n'avait pas encore oublié les leçons de Sénèque quand il chargea un magistrat de recevoir les plaintes des esclaves victimes de la cruauté, de la luxure ou de l'avarice dé leurs maîtres, et quand il défendit à ceux-ci de condamner leurs esclaves aux bêtes sans l'intervention du pouvoir judiciaire1. Domitien, puis Adrien, interdirent de pratiquer sur ces malheureux d'immorales et cruelles mutilations2. Adrien retira aux maîtres le droit de mettre à mort leurs esclaves même criminels, et défendit de les vendre comme gladiateurs sans une décision des magistrats3. Antonin le Pieux soumit le maître qui « sans juste motif

» aurait fait périr son esclave aux mêmes peines que s'il avait tué celui d'autrui, et ordonna de vendre, pour les soustraire à la puissance de leurs maîtres, les esclaves qui, victimes de mauvais traitements, se seraient réfugiés près de la statue de l'empereur4. Marc Aurèle défendit de mettre en vente sans jugement un esclave sous la condition qu'il serait obligé de combattre contre les bêtes5. Ces lois protectrices furent quelquefois suivies d'effet : Adrien punit de la relégation une matrone cruelle envers ses servantes ; Antonin expropria par humanité les esclaves d'un maître barbare ; une curieuse anecdote rapportée par saint Justin montre qu'au milieu du IIe siècle on n'osait publiquement faire des eunuques6. Mais cet effet fut ordinairement de courte durée. La plupart de ces lois protectrices, à peine édictées, tombèrent en désuétude. Adrien avait enlevé

1 Sénèque, De Benef., III, 22 ; Modestin, au Dig., XLVIII, VIII, 1, § 1.

2 Suétone, Domit., 7 ; Martial, VI, 2 ; IX, 7 ; Ulpien, au Dig., XLVIII, VIII, 4, § 2.

3 Spartien, Adrianus, 18.

4 Gaius, Ulpien, au Dig., I, VI, 1, § 2, 2.

5 Modestin, au Dig., XLVIII, VIII, 11, § 1.

6 Ulpien, au Dig., I, V, 2 ; S. Justin, Apologia, I, 29.

aux maîtres le droit de vie et de mort : son successeur Antonin est obligé de renouveler la même disposition. La constitution d'Antonin sur la protection des esclaves maltraités semble n'être qu'une reproduction de celle de Néron ; Marc Aurèle défendant de vendre les esclaves pour les combats de bêtes se borne à remettre en vigueur une loi attribuée au dème prince. Un demi-siècle après Domitien, le troisième successeur de cet empereur doit interdire de nouveau la mutilation des esclaves, et cette interdiction, observée d'abord, bientôt bravée audacieusement1, retombe, jusqu'à Constantin, à l'état de lettre morte. Tel fut le sort de la plupart de ces lois ; les mœurs demeurèrent plus fortes qu'elles. Après quelques années de sévérité, les choses reprenaient leur cours accoutumé.

Plusieurs empereurs, et Auguste le premier, donnèrent eux-mêmes l'exemple de la cruauté domestique ; un d'eux, Macrin, reçut de ses esclaves indignés le surnom de boucher. Une remarque fera sentir le profond oubli dans lequel tombèrent l'une après l'autre les lois rendues en faveur de esclaves. A aucune époque les délateurs qui, sous les mauvais empereurs, étaient à l'affût de la moindre accusation qui pût perdre les riches romains menacés par l'inimitié ou la cupidité du prince, et poursuivaient jusqu'aux célibataires inobservateurs de la loi Papia Poppæa2, ne songèrent à traîner devant les magistrats les maîtres coupables d'avoir abusé de leurs esclaves. En dépit de quelques lois timides et inobservées, comme toutes celles qui, d'Auguste à Dioclétien, eurent pour objet la réforme morale de l'empire, les possesseurs d'esclaves demeurèrent donc à peu près maîtres absolus dans leurs maisons, fermées à toute investigation et à toute police.

Nous nous figurons difficilement aujourd'hui quelle était la violence des passions chez des hommes dont à peu près rien ne restreignait le pouvoir. La colère, par exemple, est, à nos yeux, un vice individuel, nuisible surtout à celui qui s'y livre ; dans le monde romain, elle était un fléau social, un danger public. Le Bourgeois Gentilhomme, à qui on offre de lui apprendre la morale, en lui disant qu'elle enseigne aux hommes à modérer leurs passions, n'en veut pas entendre parler : Non, laissons cela, je suis bilieux comme tous les diables, et il n'y a morale qui tienne, je me veux mettre en colère tout mon saoul, quand il m'en prend envie.

Cela est plaisant, parce que la colère de M. Jourdain ne fait pas peur : outre que c'est un bon homme, nous savons bien qu'il n'y a personne chez lui qui ne soit de force à lui tenir tête, à commencer par Nicole. Mais à la place de M. Jourdain mettons un Verrès dans sa province, ou à Rome même un de ces puissants qui tiennent sous leur toit des centaines d'esclaves à leur merci, avec droit de vie et de mort, droit de torture et droit d'outrage ; on comprend ce que pouvait être la colère chez un tel homme, de quels attentats et de quelles souffrances elle était grosse ; et on s'explique que les philosophes fissent des sermons sur la colère, comme ils en faisaient en effet3.

Le De Ira de Sénèque paraît avoir été composé sous l'empire d'une espèce de terreur. Cet honnête homme, faible mais clairvoyant, est épouvanté des mœurs de son siècle ; il écrit aux maîtres, aux riches aux puissants, pour les détourner de la Colère, comme il écrit à Néron pour lui enseigner la Clémence. Il voit la férocité monter au cœur des possesseurs d'esclaves comme il voit l'ivresse du rang suprême faire osciller l'âme du jeune souverain ; il essaye (sans beaucoup d'illusions, je le crois) d'opposer aux maux qu'il redoute les lieux communs d'une

1 Dion Cassius, LXXV, 14.

2 Tacite, Ann., III, 28.

3 Havet, le Christianisme et ses Origines, t. II, p. 122.

philosophie généreuse faible digue contre les débordements de la nature corrompue. Mais il tente, et ce sera son honneur dan l'histoire. Plus les mœurs de Rome se dépravent, plu les caractères s'amollissent, plus aussi ce je ne sais quoi de sauvage qui dort au fond de l'homme civilis s'éveille et fait éruption.

Sénèque le voit et le dit : Une vie molle, facile, fait des hommes prompts à la colère. N'apercevez-vous pas, à mesure que les fortunes montent, la férocité qui monte avec elles ? Voyez les riches, les nobles, les magistrats : le souffle de la prospérité enfle et grossit démesurément ce qu'ils ont de léger et de vain dans le cœur. Leurs oreilles s'accoutument aux soumissions et aux flatteries ; la félicité nourrit chez eux la colère1. Et quelle est cette colère ? une rage sans frein et qui s'épouvante elle-même ; qui a pour armes les chevalets, les cordes, les cachots, la croix, les bûchers, le croc, les chaînes, les châtiments de toute nature, le fer rouge qui grave sur le front un signe ignominieux, les cavernes remplies de bêtes féroces2. Mais cette colère suit-elle au moins une loi, accomplit-elle une œuvre de justice ? Non, elle est toute de premier mouvement. Elle ne repose point sur un principe solide, mais sur une vaine enflure ; elle commence violemment, comme ces tourbillons qui sortent tout à coup de terre, puis elle se fatigue et s'abat. Tout à l'heure elle ne rêvait que supplices raffinés, châtiments inouïs ; maintenant elle se radoucit. Ses premiers coups sont mortels, comme le premier venin du serpent ; mais sa morsure prolongée est sans péril, parce.que ses dents, à force d'avoir mordu, se sont usées. Elle se contente de la mort de deux ou trois coupables, et souvent celui qui périt est celui qui le mérite le moins, mais que le hasard a jeté en pâture au premier mouvement de colère3.

Pour épouvanter les maîtres sujets à ces terribles premiers mouvements, Sénèque leur cite l'exemple si connu de Vedius Pollio jetant ses esclaves dans le vivier des murènes4 ; il leur montre la cruauté devenant une habitude de l'Arne, la vue du sang en donnant le goût, et l'odeur du carnage montant à la tête comme une ivresse ; il raconte l'épouvantable histoire de ce Valerius Messala, proconsul d'Asie sous Auguste, qui, ayant un jour fait abattre trois cents hommes à coups de hache, se promenait au milieu des cadavres en s'écriant : Ô l'action de roi ! O rem regiam !5 Il eût pu ajouter, entre bien d'autres traits de cette nature, celui raconté par Asinius Pollio, dans une lettre à Cicéron, d'un certain Balbus, son questeur en Espagne, qui avait fait jeter aux bêtes un citoyen romain parce qu'il était laid (quia deformis erat6). Ces exemples étaient trop monstrueux peut-être pour produire sur tous une salutaire impression ; beaucoup des lecteurs de Sénèque pouvaient se dire : Je ne suis ni un Polio ni un Messala.

Aussi le philosophe descend-il de préférence à la vie de tous les jours, à la vie des honnêtes gens, de ceux dont de Maistre disait : Je ne sais pas ce qu'est un scélérat, mais je sais ce qu'est un honnête homme : c'est horrible. D'honnêtes gens se mettent en colère si l'eau chaude n'a pas été bien préparée, si un verre a été brisé, si un soulier a été souillé de boue7, si un esclave n'est pas assez prompt, si le breuvage qu'il apporte manque de fraîcheur, si le lit est mal fait ou

1 Sénèque, De Ira, II, 21.

2 Sénèque, De Ira, III, 4.

3 Sénèque, De Ira, I, 16.

4 Sénèque, De Ira, III, 40 ; De clementia, I,18 ; Pline, Hist. nat., IX, 29 ; Tertullien, De Pallio, 5.

5 De Ira, II, 5.

6 Cicéron, Ad familiares, X, 32.

7 De Ira, I, 12.

la table mal dressée1. Qu'un esclave tousse ou éternue pendant le repas, qu'il chasse négligemment les mouches, qu'il laisse tomber une clef avec bruit, nous entrons dans une véritable rage2. Qu'il traîne trop rudement un meuble, qu'il ne sache pas glacer le vin avec la neige, nous nous indignons3. S'il répond un peu trop haut, si son visage exprime la mauvaise humeur, s'il murmure des mots qui n'arrivent pas jusqu'à nous, avons-nous raison de le faire fouetter, de le mettre à la chaîne ?4 Le voilà devant nous, lié, exposé sans défense aux coups ; souvent nous frappons trop fort et nous rompons un membre, nous brisons une dent : voilà un homme estropié parce que nous avons suivi l'impulsion de la colère là où il était si facile d'avoir un peu de patience5. N'y a-t-il pas de honte à détester un esclave novice parce que, libre peut-être hier, il conserve dans une servitude récente des restes encore mal effacés de son ancienne liberté, parce qu'il n'embrasse pas avec assez d'empressement de vils et pénibles travaux, parce que, habitué à une vie douce, il n'a pas la force d'accompagner en courant le char ou le cheval de son maître, parce que, pendant le travail de chaque nuit (quotidianas vigilias), il se laisse aller au sommeil ?6 Pourquoi vous écriez-vous ? pourquoi cette fureur ? pourquoi, au milieu d'un repas, faites- vous apporter des fouets ? Parce que vos esclaves ont dit un mot et que, pendant les conversations bruyantes de vos convives, ils n'ont pas gardé un silence absolu7. Nous aurons fait vraiment une belle action quand nous aurons envoyé à l'ergastule un malheureux esclave ! Pourquoi nous hâter ainsi, le battre, lui briser les jambes ? Laissons le temps passer sur le premier mouvement de colère, nous serons tout à l'heure plus calmes pour juger. Mais non ! il nous faut de suite punir par le glaive, la peine capitale, les chaînes, les cachots, la faim, une faute qui méritait tout au plus un léger châtiment8.

Ce n'est pas un satirique qui parle ainsi, c'est un moraliste pratique. Il veut persuader, il se garderait de mettre sous les yeux de ses lecteurs des peintures exagérées. Il leur présente un miroir. Plus d'un philosophe même eût pu s'y reconnaître. Plutarque fit un jour dépouiller de sa tunique et battre de verges un de ses esclaves. Celui-ci, homme d'esprit, se mit à citer à Plutarque un livre de Plutarque sur la colère. Plutarque lui répliqua doctement, lui prouva qu'il n'était pas en colère, et dit à l'esclave chargé de tenir le fouet : Pendant que ton camarade et moi nous philosophons ensemble, continue de frapper9. Le mot est joli, mais dur pour les philosophes. Combien d'entre eux, après avoir enseigné qu'il faut avoir l'âme douce, ne pas s'irriter des fautes légères, après avoir professé que les âmes et les corps des esclaves sont formés de la même matière et des mêmes éléments que les nôtres, se préoccupaient peu de mettre d'accord dans leurs maisons la pratique et la théorie : témoin ce Rutilius qui, dit Juvénal, se plaît à entendre les coups retentir avec bruit, et préfère la musique du fouet au chant des sirènes ; cet Antiphone, dont la maison est emplie de terreur ; ce

1 De Ira, II, 25.

2 De Ira, II, 25.

3 De Ira, II, 25.

4 De Ira, III, 24.

5 De Ira, III, 29.

6 De Ira, III, 30.

7 De Ira, III, 35.

8 De Ira, III, 32.

9 Aulu-Gelle, Noct. att., I, 24.

Poliphène, qui n'est jamais si heureux que quand, pour le vol de deux serviettes, il peut appeler le bourreau et faire marquer un esclave avec un fer brûlant1. Après avoir lu ces passages de Sénèque, ces mots accusateurs de Juvénal, on est tenté de prendre au sérieux ce que raconte Pétrone quand il nous montre, non pas un philosophe, mais le grossier parvenu Trimalcion, faisant souffleter un esclave pour avoir ramassé un plat d'argent tombé à terre, en faisant fustiger un autre pour lui avoir pansé le bras avec de la laine blanche au lieu de laine pourpre, et approuvant son intendant d'avoir fait mettre en croix l'esclave Mithridate pour avoir médit du génie de son maître2. On comprend surtout Sénèque comptant parmi les principales causes de perte de temps qui se rencontrent dans la vie d'un Romain riche, celui employé au châtiment de ses esclaves, et Dion Chrysostome s'écriant, un siècle plus tard : Qui a beaucoup d'esclaves a beaucoup de soucis. Il a le tracas de gronder, de châtier, de flageller, de faire enchaîner l'esclave rebelle, de faire poursuivre l'esclave fugitif3. Les femmes n'étaient pas moins cruelles que les hommes. Si, par un sentiment intéressé, elles dénonçaient quelquefois les cruautés de leurs maris à l'égard des esclaves dotaux4, elles faisaient parfois durement sentir leur puissance à ceux qui étaient attachés à leur service personnel. Moins d'un siècle avant Sénèque, un poète dont l'âme molle et sensuelle ne s'éleva jamais jusqu'à la satire des mœurs de son temps, le chantre des amours et des grâces, Ovide, met sous nos yeux le spectacle des mêmes emportements engendrant les mêmes cruautés ; leur description se mêle aux harmonieux et monotones soupirs de ses élégies, comme si la vue du sang eût été nécessaire pour en assaisonner les fadeurs.

Tout le monde a lu les vers terribles de Juvénal décrivant la toilette d'une dame romaine. Le bourreau frappe ; pendant ce temps elle met du fard, cause avec ses amis, fait déployer devant elle des robes brodées d'or ; on frappe toujours ; enfin, quand les bras des bourreaux tombent de fatigue : Sors, crie-t-elle d'une voix tonnante, à l'esclave dont le supplice est fini5. » Et plus loin : La malheureuse Psécas, les cheveux en désordre, l'épaule nue, le sein nu, coiffe sa maitresse. Pourquoi cette boucle est-elle rebelle ? le fouet punit le crime de ces cheveux qui ne veulent pas plier. En quoi donc Psécas est-elle coupable ? Est-ce sa faute si ton visage te déplaît ?6 La Corinna d'Ovide n'est point tout à fait aussi barbare ; par bonheur pour l'esclave qui l'assiste dans sa toilette, sa chevelure est souple et se laisse replier cent fois sur elle-même, sans lui faire souffrir la moindre douleur ; ni l'aiguille ni le peigne ne l'arrachent. Aussi son ornatrix a-t-elle le corps intact. Bien des fois on l'a coiffée devant moi ; jamais a-t-elle n'a déchiré de son aiguille les bras de l'esclave7. Si, grâce à la qualité de ses cheveux, Corinna était si douce pour ses coiffeuses, d'autres, moins favorisées sans doute, se laissaient aller, pendant leur toilette, à des accès de fureur que le poète, soucieux du décorum, s'efforce de modérer. Ne soyez point maussades pendant le temps de votre toilette ; que votre ornatrix soit à l'abri de vos coups ; je hais les femmes qui déchirent de leurs ongles la figure de cette malheureuse,

1 Juvénal, XIV, 14.

2 Pétrone, Satyricon, 34, 53, 54.

3 Sénèque, De Brev. vitæ, 4 ; Dion Chrysostome, Diogenes sive de servis, Oratio X.

4 Ulpien, au Dig., XXXIV, III, 24, § 5.

5 Juvénal, VI, 480-483.

6 Juvénal, VI, 490-495.

7 Ovide, Amor., I, XIV, 14-18.

et enfoncent leur aiguille dans ses bras ; l'esclave maudit alors, en la touchant, la tête de sa maîtresse, et pleure devant ces cheveux détestés1. Telles étaient, au dire du poêle qui les a chantées, les femmes romaines dans leurs accès de colère. Corinna elle-même n'en fut pas toujours exempte. Son janitor, par exemple, qui veillait à sa porte attaché par une dure chaîne, fut plus d'une fois amené devant elle et dépouillé de ses vêtements pour être fouetté : il ne dut son salut qu'aux prières d'Ovide2. Il paraît même qu'elle fut souvent moins indulgente pour son ornatrix que ne semblent le dire les vers cités plus haut.

L'inconstant Ovide parut un jour épris de cette esclave, Cypassis, habile à disposer les cheveux de mille manières, et digne de coiffer seulement les déesses. Ayant à répondre aux soupçons jaloux de Corinna : Moi, s'écria-t-il, j'aimerais une esclave toute découpée par les coups de fouet !3 On ignore si Corinna, ou la grande dame que le poète a chantée sous ce nom, fut convaincue par cet argument ; mais elle aussi semble avoir été de ces femmes qui, selon l'expression de Juvénal, payaient aux bourreaux un salaire annuel4.

Tels étaient, à Rome, vis-à-vis de leurs esclaves, le maître et la maîtresse ;

Tels étaient, à Rome, vis-à-vis de leurs esclaves, le maître et la maîtresse ;

Dans le document LES ESCLAVES CHRÉTIENS (Page 63-81)