Les interventions qui se manifestent dans plusieurs phases

Comme il a été dit précédemment, les interventions de type A se manifestent très souvent, en particulier les explications ainsi que la formulation de consignes (A1 et A4). L’entraîneur doit effectivement guider les leçons, c’est à lui de présenter, expliquer, donner des consignes et inciter, afin que les élèves puissent apprendre et rejoindre les objectifs fixés. Il ne faut également pas oublier que c’est l’entraîneur même qui a préalablement préparé les leçons. C’est à ce moment là

que l’entraîneur définit les différents buts. Du point de vue des opérations de régulation, il introduit la matière et il vérifie les préconceptions de ses élèves. D’ailleurs, il leur demande, en premier lieu, d’expliquer comment s’effectue un simple flip.

Nous pouvons également observer, de la part des deux acteurs, beaucoup d’interventions de type C1 (l’entraîneur pose des questions ouvertes ou ciblées sur des éléments qu’il attend, mais qui ne sont pas directement présents et les élèves apportent des réponses essentiellement de reproduction). Il en est de même pour les interventions de type D1 où l’entraîneur pose des questions ouvertes sur des éléments nouveaux et les élèves apportent des réponses variées suscitant un ou plusieurs raisonnement(s). Ces deux types d’intervention sont réguliers dans la temporalité des diverses leçons. En d’autres mots, ces interventions apparaissent dans toutes les leçons proposées.

L’entraîneur anime ses cours en faisant participer activement tous les élèves et c’est pourquoi il pose des questions ouvertes permettant aux élèves de suivre. Par ce fait, il peut, de plus, constater quelle est leur compréhension en posant des questions. Les élèves sont donc amenés à réfléchir à l’origine de leurs éventuelles erreurs.

En revanche, les interventions à visée régulatrice de types D2 et D3 pour l’entraîneur et D2 pour les élèves sont plus rares et n’ont lieu que dans un deuxième moment. Lors du chapitre 3 « Questions de recherche », nous avons émis l’hypothèse de l’apparition des interventions D dans un deuxième moment, car ces dernières nécessitent une bonne maîtrise du sujet abordé ainsi qu’une bonne capacité à parler des démarches adoptées.

Nous observons clairement que l’entraîneur fait expliciter des réponses (D2) et, si nécessaire, ne fournit des étayages ciblés (D3) qu’à la fin de la leçon 3. Ceci est probablement dû au fait qu’il attend que les élèves aient assez de matière pour raisonner. Il est probable qu’il ait préféré poser tout d’abord des questions dont le contenu était connu (C1) pour voir si ses élèves avaient compris et, seulement dans un deuxième temps, entrer dans l’ordre du raisonnement de la démarche à adopter pour effectuer un exercice sur la glace (D2). En effet, lors du premier cours collectif (extrait 1), ce type d’intervention (D2) est inexistant. Nous commençons à observer des prises de parole où l’élève explique sa démarche lors du deuxième cours collectif (extrait 3). Ce type d’intervention apparaît lorsque l’entraîneur demande à son élève de rappeler une action antérieure pour effectuer un exercice réussi, par exemple : « Qu’as-tu fait pour réussir ? ». C’est à ce moment là que l’entraîneur encourage les apprenants à chercher des modèles de solution, à expliciter leurs démarches. Ceci permet donc d’ajuster la trajectoire, les élèves sont à la recherche de solutions.

C’est surtout à ce moment là que nous observons des processus d’autorégulation potentiels. Par exemple, lorsque l’entraîneur dit à AliEr qu’il faut changer certains éléments car elle n’est pas stable (extrait 1.3) : « Il y a des choses que nous devons changer (…) qu’est-ce que tu as fait à ton

avis ? » AliEr prétend alors partir trop rapidement ce qui l’empêche, par conséquent, de ramener la jambe de manière adéquate.

Il est possible d’observer dans le tableau ci-dessus (voir tableau 11, page 67) qu’il y a une absence de questions de type ouvertes dont le contenu est de la reproduction (type C1) à la fin de la leçon 3, ce qui justifierait le fait qu’il a donné la priorité aux questions nécessitant plus de raisonnement sur la démarche (D2 et D3), car il a probablement jugé que ses élèves étaient prêts à raisonner sur leur manière de procéder.

Nous pouvons donc conclure qu’au niveau de la temporalité des régulations, il y a une forte présence de questions de type ciblé dont le contenu fait partie d’éléments que les élèves connaissent déjà dans les premiers extraits et surtout au début des leçons. Il est possible que le but de l’entraîneur soit de mettre à l’aise l’élève au début de chaque leçon en rappelant les éléments qui résultent des leçons précédentes, mais également dans le but de maintenir l’organisation vers le but principal. Toujours au niveau de la temporalité, nous pouvons également observer que les interventions impliquant un raisonnement sur une démarche à adopter (D2), mais également les réponses à des questions ouvertes impliquant un retour en arrière sur une action ou sur un exercice (métacognition) sont de plus en plus présentes au fur et à mesure que l’entraîneur propose des leçons. Inversement, les réponses essentiellement de reproduction, où souvent une seule réponse est possible (type C1) sont de moins en moins fréquentes au fil du temps. Il faut également ajouter que, même s’il s’agit d’un contexte extrascolaire, ce contexte sportif comporte lui aussi des normes partagées par la communauté. Celles-ci sont nommées dans notre cadrage théorique « normes sociales du patinage artistique » (voir chapitre 1.4, page 20). Une microculture de groupe est donc instaurée, les élèves savent qu’ils doivent écouter les consignes, qu’ils doivent effectuer les sauts et trouver des solutions. Ils savent également qu’ils peuvent prendre l’initiative de donner des conseils à autrui, car ils ont l’habitude de le faire pendant les cours collectifs.

Comme il a été précisé au début du chapitre, le terme d’intervention est perçu dans notre analyse comme étant l’interaction de l’élève avec l’entraîneur. Reste à définir en quoi cette interaction est de la régulation. En effet, nous analysons les interactions de régulation potentielle, mais nous ne pouvons pas toujours affirmer qu’il s’agit de régulations, c’est pourquoi, nous pouvons parler d’interactions de régulation ou d’autorégulation potentielles.

4.2. Déroulement des leçons de patinage et prises de parole de l’entraîneur et de ses élèves (groupe 2 – 9 ans)

Le principe adopté pour l’analyse du groupe 2 est le même que celui utilisé pour l’analyse précédente. Les pages 70 à 77 présentent tout d’abord les tableaux comportant les prises de parole des deux acteurs.

Jour 1: Leçon de groupe de JulGr et IsaMe Introduction de l’Axel

Entraîneur Elève Interactions interactives Régulations Guidage Autorégulation

EXTRAIT 1.1 1 okay alors les filles aujourd’hui

on va voir la préparation de l’Axel. Vous avez déjà toutes eu l’occasion d’essayer de tourner au moins un tour, mais nous allons aujourd’hui nous concentrer sur le détail et voir comment faire un axel en décomposant le saut. Alors quelle est la position qu’il faut avoir au départ, juste avant de sauter, juste avant de décoller ?

I : E-él 5 Est-ce que tu peux l’expliquer

avec des mots ?

11 Avec les bras derrière. Est-ce que tu es d’accord IsaMe avec ce qu’elle dit ? besoin de faire le mouvement de

l’autre côté, pas comme ça, Pendant ce temps,

EA1 1

non…c’est l’autre pied, tu es gauchère.

Alors voici la position que vous devez avoir avant de partir dans le saut. Donc d’abord les bras devant ensuite ils vont derrière car nous prenons notre élan et ensuite que va-t-on faire ? tout en restant dans la même position ?

22 Exactement, le fait de ramener les bras en avant est un moyen de prendre de l’élan pour s’élancer dans le saut donc on ramène les bras devant au même moment où l’on enclenche le saut

EA1 1

Dans un premier temps, l’interaction s’instaure entre l’entraîneur et JulGr. Ensuite, l’entraîneur fait en sorte d’intégrer IsaMe dans la discussion en lui posant une question directe (interaction entraîneur-groupe à partir de 11).

Nous remarquons de suite que l’entraîneur doit insister afin que JulGr parle plus fort, car les autres membres du groupe n’entendent pas ce qu’elle dit. JulGr paraît en effet très réservée et l’entraîneur doit souvent insister pour entendre la réponse. Afin de faire participer à la discussion les deux membres du groupe, l’entraîneur demande à IsaMe si elle est d’accord avec ce que JulGr dit (11).

L’entraîneur ne donne pas de consigne tout au long de l’extrait, mais présente, explique et incite. Il pose beaucoup de questions de type fermé où les élèves doivent répondre par oui ou par non (11 ;18) ou encore des questions ciblées dont le choix des réponses est très restreint (normalement qu’une seule réponse possible), notamment à la première question (1), savoir quelle position avoir avant le décollage du saut. JulGr fait une démonstration physique en répondant à une question, il est probablement plus simple donner ce genre d’explications de manière kinesthésique plutôt qu’oralement (4). A deux reprises (17 ;20) JulGr décide d’intervenir dans la discussion entre l’entraîneur et IsaMe pour la contredire, vu l’impertinence de sa réponse (20) ou encore pour donner des explications supplémentaires(17). IsaMe paraît avoir plus de problèmes pour répondre aux questions de son entraîneur, elle répond parfois trop vite, sans pour autant réfléchir et ses réponses manquent parfois de pertinence.

Du point de vue du guidage, l’entraîneur fixe l’objectif des prochaines leçons et anticipe certains éléments que ses élèves devraient déjà savoir et qu’il faut considérer pour effectuer les exercices demandés.

Jour 5: Leçon privée de JulGr Explication de l’Axel

EXTRAIT 2.1 1 Salut JulGr est-ce que tu te

rappelles de tout ce que l’on a vu ensemble la fois passée en groupe sur la préparation de

L’espace on va le laisser quand on fera la préparation d’un double plus tard mais pour le moment on va bien serrer les jambes.

13 JulGr De sortir eC1 X 14 Oui de sortir et par conséquent

ta rotation est incomplète. Donc il te faut le tourner encore plus avant d’atterrir. Donc tu sautes encore plus haut tu fermes encore plus et tu tournes encore plus. rester serrée surtout ! Bravo ! Encore un !

18 Oui effectivement. Je vais appeler CinEr pour qu’elle te montre un axel. CinEr !Peux-tu nous montrer un axel où l’on voit vraiment que tu serres tes jambes ?

Il s’agit d’une leçon privée et donc d’une interaction entre JulGr et son entraîneur.

L’entraîneur pose beaucoup de questions permettant de raisonner sur la démarche à adopter. JulGr donne beaucoup d’explications, mais, au début, sa timidité lui empêche de parler assez fort. La place utilisée pour retranscrire les prises de parole de l’entraîneur est restreinte par rapport aux extraits habituels, car JulGr donne beaucoup d’explications par elle-même, elle prend, à plusieurs reprises, la liberté de s’auto-corriger ou d’interpeller son entraîneur (11; 15; 17, 21).

A la prise de parole 9, l’entraîneur donne une explication de manière kinesthésique. Pour fournir ses explications, il reprend les éléments qui émergent et approfondit. JulGr prend l’initiative d’ajouter un élément qu’elle doit réguler (15) à la suite d’une explication de son entraîneur. Il s’agit là d’un processus d’autorégulation.

Du point de vue du guidage, l’entraîneur maintient l’organisation vers le but principal en posant des questions relatives à la leçon précédente. Il pose également des questions permettant d’aller plus loin dans le raisonnement.

JulGr s’autorégule grâce à l’interaction avec son entraîneur (11; 15). Il y a une nouvelle autorégulation juste après

l’exécution de l’exercice et JulGr prend l’initiative de s’autoréguler (17).

Jour 5: Leçon de groupe de JulGr et IsaMe Explication de l’Axel EXTRAIT 3.1

1 Alors pour l’axel qu’est-ce que je vous ai expliqué mercredi

5 Transporter le poids sur la jambe droite pour toi et pour IsaMe qui est gauchère c’est la jambe ? me montrer tout ce que vous venez de m’expliquer ? vous me le montrez ?

EA1

EA4

2

Exécution du saut 8 Quels conseils tu pourrais

donner à IsaMe JulGr ?

12 Alors oui, dans une préparation, il faut bien se concentrer et la faire jusqu’au bout, donc il faut bien tourner la pirouette intérieure, car au final, c’est exactement comment on se trouve en l’air dans un saut.

EA2 4

Il y a aussi une autre chose que tu devrais faire, c’est de ne pas me regarder quand tu tournes.

17 Alors montre-nous l’exercice en te concentrant sur la correction

EA4 3

Exécution du saut 18 Comment trouves-tu ton saut

maintenant ?

21 Oui c’était vraiment mieux mais tu peux effectivement tourner

étaient tout en arrière 28 Tu t’es penchée en arrière car

tes épaules ont tiré vers l’arrière et l’appui du corps était

30 Exactement tu dois aussi sauter plus haut.

35 Tu pourrais tourner plus, peux-tu faire une pirouette intérieure-sortie où tu te concentres sur la rotation ?

Oui bravo IsaMe au niveau de la hauteur c’était beaucoup mieux.

Les deux vous me faites une pirouette intérieure-sortie avec beaucoup de détermination On va appeler une grande pour vous montrer exactement ce que je veux comme exercice.

MorPo peux-tu faire l’exercice pirouette intérieure-sortie où tu te concentres sur la rotation et où on peut observer une

Qu’a-t-elle fait ? EC1a

36 IsaMe Elle a serré les fesses eC1

37 Certainement et ? EC1 2

38 IsaMe Elle était droite eC1

39 Oui elle était droite et bien fermée donc il n’y avait pas d’espace entre ses jambes qui ralentit la rotation.

Alors encore une fois

EA1

EA4

4

L’interaction entre l’entraîneur et le groupe s’instaure dès le début de la leçon, chacun participe à la discussion du saut des élèves en donnant des conseils ou en jugeant le saut lui-même. Parfois, l’entraîneur interpelle directement un seul élève (18; 31).

Par rapport à la première leçon de groupe (extrait 1), l’entraîneur a tendance à poser beaucoup moins de questions de type fermé, elles sont d’ailleurs essentiellement ouvertes. Dans la deuxième partie de l’extrait (à partir de 20), les élèves prennent les initiatives (prendre la parole et interpeller l’entraîneur ou le camarade, ajouter des précisions aux explications qui émergent de cette discussion). L’entraîneur répète les points principaux et importants qui émergent des élèves et les précisent tout en donnant des explications (28). Pour la première fois, IsaMe réussit à réguler de manière cohérente la production de JulGr mais aussi la sienne (autorégulation).

Du point de vue du guidage, l’entraîneur cherche à maintenir l’organisation de l’objectif principal, la reproduction de l’axel en faisant analyser et corriger les productions de ses élèves. Il arrive parfois qu’il évalue lui-même après l’action en présentant une solution.

Du point de vue de l’autorégulation, cette dernière se fait essentiellement grâce à l’interaction entre l’entraîneur mais également entre l’autre élève qui participe à la correction de l’exercice de JulGr (18; 29).

4.2.1. Analyse des interventions chez l’entraîneur et ses élèves dans le