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Les fondements juridiques de la conciliation

Titre I. L’entreprise acteur de la lutte contre le changement climatique

Section 2. La conciliation nécessaire entre protection du climat et liberté d’entreprendre

B. Les fondements juridiques de la conciliation

180. Juridiquement, la logique de conciliation entre liberté d’entreprendre et protection du climat s’exprime dans « le fabuleux destin du thème du développement

durable »748. C’est là que l’on trouve effectivement les fondements juridiques de la

conciliation. Pour emprunter la formule employée par François-Guy Trébulle en conclusion du colloque Développement durable et entreprise, il faut que les deux protagonistes que sont la liberté d’entreprendre et la protection du climat « se “reçoivent” mutuellement »749. Au regard de leurs impacts mutuels, elles ne peuvent plus se penser séparément.

Ainsi, que ce soit dans l’ordre juridique externe (1) ou interne (2), la conciliation entre liberté d’entreprendre et protection du climat est mise en œuvre juridiquement par le biais du concept de développement durable.

1. Le besoin de conciliation dans l’ordre juridique externe

181. Intégration et développement durable. « Si l’on veut sauver la nature sauvage

– ou du moins ce qu’il en reste – on ne le fera qu’en intégrant celle-ci dans le théâtre des activités humaines », écrivait l’ornithologue français Jean Dorst dans son ouvrage La nature dé-naturée750. Cinquante années plus tard, il paraît que cette intégration n’est ni faite, ni à faire, elle est toujours incomplète. Notons néanmoins, pour apporter une touche d’optimisme, que l’envie ne manque pas au sein de la communauté internationale.

L’intégration est un « facteur de développement durable »751 et, sans doute, le souci majeur de ce nouvel « enjeu global »752. Que ce soit en droit international ou de l’Union européenne, l’intégration est envisagée comme « un instrument de réalisation du droit à un environnement sain, et constitue le vecteur du développement durable »753.

Ainsi, le « principe d’intégration »754 a bénéficié d’une reconnaissance juridique à travers le principe 13 de la Déclaration de Stockholm de 1972 selon lequel : « Afin de rationaliser la gestion des ressources et ainsi d’améliorer l’environnement, les États devraient adopter une conception intégrée et coordonnée de leur planification du développement, de façon

748 G. Clamour, Intérêt général et concurrence. Essai sur la pérennité du droit public en économie de marché, préf. J.-L. Autin, Dalloz, 2006, p. 715.

749 F.-G. Trébulle, « Rapport de synthèse », in Développement durable et entreprise, sous la dir. de L. Fonbaustier et V. Magnier, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2013, p. 157-169, spéc. p. 157.

750 J. Dorst, La nature dé-naturée, Seuil, 1970, p. 166.

751 S. Raynal et L. Ferguson, « Intégration : facteur de développement durable », La Revue des Sciences de Gestion, vol. 239-240, n° 5, 2009, p. 107-113.

752 F.-G. Trébulle, « Le développement durable, un enjeu global », Cahiers de droit de l’entreprise, n° 3, 2010, p. 21.

753 C.-M. Alves, « La protection intégrée de l’environnement en droit communautaire », Revue européenne de

droit de l’environnement, n° 2, 2003, p. 129-141.

754 Voy. sur le principe d’intégration : C. London, « L’émergence du principe d’intégration », Droit de

l’environnement, n° 90, juillet-août 2001, p. 139-143 ; A. Comolet et A. Deconinck, « Le principe d’intégration.

que leur développement soit compatible avec la nécessité de protéger et d’améliorer l’environnement dans l’intérêt de leur population ».

Au niveau de l’Union européenne, l’article 11 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après « TFUE ») précise que « les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable ». Cette formule a été considérée comme étant « probablement la plus importante de toutes les dispositions communautaires relatives à l’environnement »755, ou encore comme « le degré le plus abouti de l’effectivité du droit de l’environnement »756. L’article 11 du TFUE véhicule l’idée selon laquelle l’ensemble des politiques de l’Union doivent considérer les exigences en matière d’environnement, dans un souci de développement durable. Autrement dit, « la nécessité d’atteindre un développement durable et de préserver, protéger et améliorer la qualité de l’environnement doit également orienter les autres politiques de l’Union »757. Toutes les actions de l’Union européenne doivent être « au service d’une politique conçue globalement au service du développement durable »758. Cela dit, il serait manifestement exagéré de dire que l’article 11 du TFUE établit la priorité des actions en matière d’environnement. En effet, cet article doit nécessairement être mis en musique avec l’article 7 du TFUE selon lequel : « L’Union veille à la cohérence entre ses différentes politiques et actions, en tenant compte de l’ensemble de ses objectifs et en se conformant au principe d’attribution des compétences ». Cela signifie que « les politiques [de l’Union] ne peuvent être menées dans l’ignorance les unes des autres »759. D’ailleurs, la cohérence est un impératif qui inspire toute la philosophie de l’Union et qui façonne l’architecture des traités760. En somme, il résulte de ce qui précède que l’intégration implique la conciliation.

182. Conciliation par le biais du développement durable. « S’il est un sujet qui

symbolise et incarne le projet politique du développement durable, c’est bien celui du changement climatique. C’est l’archétype du problème global d’environnement qui met en jeu le devenir des générations futures et qui soulève des problèmes d’équité inter et

755 L. Krämer, « Observations sur le droit communautaire de l’environnement », AJDA, 1994, p. 618.

756 Ch. Cans, « Le principe de conciliation : vers un contrôle de la “durabilité” », in Terres du Droit. Mélanges en

l’honneur d’Yves Jégouzo, Dalloz, 2009, p. 547 et s., spéc. p. 558-559.

757 L. Krämer, Droit de l’environnement de l’Union européenne, éd. Helbing Lichtenhahn, 2011, p. 52.

758 M. Prieur, « Urbanisme et environnement », AJDA, 1993, p. 85.

759 J. Raux, « La constitutionnalisation du système communautaire dans un traité fondamental de l’Union européenne », Europe, n° 8-9, août-septembre 1995, p. 1-6.

760 N. Hervé-Fournereau, L’entreprise et le droit communautaire de l’environnement, Éditions Apogée, 1999, p. 30.

intragénérationnels aigus selon le degré d’exposition des territoires et des populations aux changements climatiques »761. Dès 1992, les États ont reconnu que le développement durable implique une modification des modes de production et de consommation non viables762. Les premières initiatives internationales en matière d’environnement lient d’ailleurs environnement et développement, annonçant déjà l’idée de conciliation, et non d’opposition. Cette idée se retrouve également aux fondements du régime juridique international du climat, les États prenant en compte les aspects économiques du défi climatique763. La volonté systématiquement réaffirmée à l’échelle internationale est de parvenir à concilier l’économie mondiale avec les intérêts exogènes aux marchés sur lesquels elle a un impact négatif. Par ailleurs, cette question pose en filigrane la difficulté de faire dialoguer les intérêts par définition contradictoires relatifs aux valeurs marchandes764 et non marchandes765.

Concilier la protection du climat avec l’exercice des libertés économiques, et donc avec le développement économique, véhicule l’idée qu’il est possible de protéger le climat sans sacrifier la compétitivité des entreprises, dans un jeu « gagnant-gagnant ». Simplement, dans une économie mondialisée, « il faut avoir égard au juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents de l’individu et de la société dans son ensemble » 766. C’est ce que jugeait, en 2006, la Cour européenne des droits de l’homme. Il faut parvenir à un équilibre. De façon générale, il est d’ailleurs acquis que « tout dans la vie sociale est affaire d’équilibre entre éléments contradictoires »767.

Selon le Professeur Naim-Gesbert, « concilier signifie harmoniser, arrondir les angles, faire des compromis »768. Et l’auteur d’ajouter que « concilier suppose une ligne directrice claire »769. Celle-ci peut se trouver dans la poursuite de l’objectif de développement durable. L’idée de parvenir à concilier l’exercice des libertés économiques et la protection du climat prolonge donc la notion de développement durable. Depuis le début, la recherche de synergies préoccupe les négociateurs du régime juridique international du climat. En effet, ces derniers

761 F. Aggeri et M. Cartel, « Le changement climatique et les entreprises : enjeux, espaces d’action, régulations internationales », op. cit., spéc. p. 7.

762 À l’occasion du troisième Sommet de la Terre à Rio de Janeiro.

763 G. de Lassus Saint-Geniès, Droit international du climat et aspect économique du défi climatique, Pedone, 2017.

764 Voy. M.-A. Frison-Roche, « Valeurs marchandes et ordre concurrentiel », in L’ordre concurrentiel. Mélanges

en l’honneur d’Antoine Pirovano, Éditions Frison-Roche, 2004, p. 223-233.

765 Voy. B. Edelman, « Valeurs non marchandes et ordre concurrentiel », in L’ordre concurrentiel. Mélanges en

l’honneur d’Antoine Pirovano, Éditions Frison-Roche, 2004, p. 353-360.

766 Formulée employée par le juge européen des droits de l’homme : CEDH, 2 novembre 2006, Giacomelli c/

Italie, n° 59909/00.

767 M. Hauriou, Cours de science sociale, Larose, 1896, p. 385.

768 É. Naim-Gesbert, Droit général de l’environnement, LexisNexis, coll. « Objectif droit », 2011, p. 130.

prennent en considération la nécessité d’agir au cœur des activités économiques pour lutter efficacement contre le changement climatique. Mais les États veillent parallèlement à ne pas freiner excessivement la croissance économique. En pratique, malgré ce qui est affiché, ils prennent toujours en compte les intérêts économiques immédiats, parfois en les privilégiant. Nous avons vu à quel point cela pouvait empêcher l’élaboration de politiques climatiques ambitieuses770.

183. Les équilibres sont délicats à trouver. Rien n’est plus vrai. La communauté

internationale éprouve de réelles difficultés, mais le besoin de conciliation est tout de même affirmé. Il faut reconnaître qu’à l’échelle internationale, mais aussi à l’échelle européenne, la recherche de conciliation est d’autant plus compliquée que les acteurs sont multiples et les pouvoirs dilués. La coopération est une nécessité pour la détermination des valeurs pertinentes. Comme l’écrivait le Professeur Trébulle, « la plus marquante des évolutions est peut-être là, dans le constat que passée l’ère de la confrontation […], s’ouvre l’ère d’une prise en compte que l’on voudrait nommer coopération, dans laquelle l’industrie s’attache à préserver ce qui est aussi sa principale matière première [l’environnement]… Ce n’est pas un virage mais l’un des visages du développement durable »771.

Au niveau du droit interne également, la conciliation est un besoin affirmé.

2. Le besoin de conciliation dans l’ordre juridique interne

184. En droit français, la conciliation est devenue un objectif de valeur constitutionnelle, et elle est reconnue – telle quelle – par le Conseil constitutionnel772.

Comme l’écrit un auteur, « l’élévation au sommet de la pyramide des normes témoigne d’un discours dominant des temps modernes, prenant à rebours la célèbre formule de Voltaire : “laisser aller le monde comme il va”, car “si tout n’est pas bien, tout est passable” »773.

Selon l’article 6 de la Charte constitutionnelle de l’environnement, « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès

770 Voy. supra n° 53.

771 F.-G. Trébulle, « À propos de l’environnement industriel et son évolution », Droit de l’environnement, n° 200, 2012, p. 116, cité par A. Tomadini, La liberté d’entreprendre et la protection de l’environnement, Contribution à

l’étude des mécanismes et de conciliation, op. cit., p. 16-17.

772 Cons. const., 19 juin 2008, n° 2008-564 DC, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, préc.

social »774. Le choix des rédacteurs de la Charte s’est porté sur un principe de conciliation plutôt que d’intégration. Substantiellement, ces principes sont cependant les mêmes. D’ailleurs, en mars 2002, Jacques Chirac, alors candidat à la présidence de la République pour un second mandat, précisait que : « La Charte rappellera les droits et les devoirs de chacun à l’égard de l’environnement, et vis-à-vis des générations futures. Elle affirmera cinq principes fondamentaux : principe d’intégration, principe de précaution, principe de responsabilité écologique, principe de prévention, principe d’information et de participation »775. Dans la continuité, lors des travaux préparatoires à la révision constitutionnelle776, l’article 6 avait été présenté comme étant une définition du principe d’intégration.

En droit français, la conciliation est donc l’instrument du développement durable. La recherche d’un équilibre et la conjonction harmonieuse de l’intérêt général et des intérêts privés sont les chemins à emprunter pour parvenir à un développement durable. Ainsi, aucune différence n’est introduite entre les composantes de celui-ci. Il convient de les envisager sur un pied d’égalité. Or, on sait combien la définition des politiques publiques est problématique car elle révèle des conflictualités et suppose des arbitrages. Malgré ces difficultés, les politiques publiques en France doivent chercher à concilier la protection de l’environnement et le développement économique. Ces deux questions doivent être conçues de manière globale et traitées non pas séparément mais ensemble, en tant que questions transversales aux enjeux les plus divers. Plus particulièrement, dans le contexte de lutte contre le changement climatique, les politiques publiques doivent donc participer à la protection du climat à travers l’adoption d’une conception intégrée et coordonnée du développement.

185. Dès lors, en droit français, plus qu’un simple besoin affirmé, la conciliation est

une obligation pour les autorités publiques qui découle d’une exigence constitutionnelle. Certes, on peut regretter qu’en ce qui concerne l’invocabilité de l’article 6, le Conseil constitutionnel distingue selon qu’il s’agit d’un contrôle a priori ou a posteriori. En effet, dans le contentieux a priori, les sept alinéas placés en tête de la Charte et tous ses articles ont été reconnus comme étant invocables, y compris l’article 6777, tandis que dans le contentieux a posteriori, en QPC,

774 Nous soulignons.

775 Discours de Jacques Chirac, candidat à la présidence de la République, le 18 mars 2002 à Avranches : Revue

juridique de l’environnement, 2003, La charte constitutionnelle en débat (n° spécial), p. 89-97, spéc. p. 92.

776 Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement, JO, 2 mars 2005.

777 Voy. par exemple : Cons. const., 28 avril 2005, n° 2005-514 DC, Loi relative à la création du registre

international français, où le Conseil constate notamment que l’article 6 est bien un principe et non pas seulement

un objectif de valeur constitutionnelle ; Cons. const., 11 avril 2013, n° 2013-666 DC, Loi visant à préparer la

transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, où le Conseil juge que le développement des éoliennes n’est pas contraire à l’article 6 de la Charte.

le Conseil constitutionnel a toujours refusé de reconnaître l’invocabilité de l’article 6778 et des considérants de la Charte779. Malgré ces solutions fragmentaires, des auteurs soulignent qu’ « on peut cependant considérer que chaque fois que la Constitution impose une obligation à l’État, elle fait naître un droit pour les justiciables à ce que l’État respecte cette obligation »780. De plus, « l’absence d’invocabilité du principe du développement durable n’apparaît que provisoire, le juge précisant que “sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée” à l’appui d’une QPC »781.

Quoi qu’il en soit, la Charte de l’environnement est un instrument mobilisable et relativement efficace, dont l’apport au droit de l’environnement a d’ailleurs été déterminant. Au temps du débat sur la lutte contre le changement climatique, devant l’urgence d’agir face à ses enjeux, une « interprétation plus audacieuse et pour le moins un peu moins neutralisante des normes constitutionnelles contenues dans la Charte » s’impose782.

186. Il est impératif de concilier la protection du climat et la liberté d’entreprendre,

dans un souci de garantir un développement durable. Mais comment le droit assure-t-il cette conciliation ? Quels sont les moyens de la conciliation ? Surtout, y en a-t-il parmi eux qui seraient plus respectueux des libertés économiques des opérateurs privés ?

§2. Les moyens juridiques de la conciliation

187. L’analyse de l’avènement de la question climatique sur la scène juridique nous

amène à constater que le droit évolue au gré des transformations du monde que le climat génère.

778 Voy. Cons. const., 23 nov. 2012, n° 2012-283 QPC, M. Antoine de M., considérant n° 22 : « Considérant […] que cette disposition [l’article 6] n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ». Pour rappel, dans le contentieux a posteriori, l’invocabilité de la Charte dépend de la qualification des dispositions qu’elle contient de « droits et libertés que la Constitution garantit » au sens de l’article 61-1 de la Constitution. Or, « si les études doctrinales ont pu démontrer, à la lumière de la jurisprudence constitutionnelle, l’hétérogénéité de cette catégorie [la catégorie des droits et libertés que la Constitution garantit], l’invocabilité de la Charte de l’environnement a souffert de cette qualification » : M.-A. Cohendet et M. Fleury, « Chronique de droit constitutionnel sur la Charte de l’environnement », Revue juridique

de l’environnement, vol. 43, n° 4, 2018, p. 749-768, spéc. p. 754.

779 Voy. Cons. const., 7 mai 2014, n° 2014-394 QPC, Société Casuca, considérant n° 5 : « Considérant que, si ces alinéas ont valeur constitutionnelle, aucun d’eux n’institue un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; qu’ils ne peuvent être invoqués à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution ». D’ailleurs, cette position n’a pas manqué d’être contestée : V. Champeil-Desplats, « Charte de l’environnement : La QPC bute sur l’incipit. À propos de la décision n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014 », La Revue des Droits de l’Homme, Actualités Droits-Libertés, mai 2014.

780 M.-A. Cohendet et M. Fleury, « Chronique de droit constitutionnel sur la Charte de l’environnement », op. cit., spéc. p. 755.

781 Ibid.

Au-delà du climat, ceci reste vrai pour l’ensemble des phénomènes globaux, car le système juridique s’ajuste en permanence au monde réel, tantôt en décalage, tantôt à l’unisson, pour l’appréhender au mieux et pour l’orienter vers sa fin. La conjugaison des deux phénomènes parallèles et interconnectés que sont le changement climatique et la mondialisation des activités économiques, conduit ainsi à réinterroger la capacité du droit de répondre de façon satisfaisante à ces problèmes globaux. C’est précisément ce caractère global qui est source de difficulté, parce qu’il implique notamment que les problèmes soient abordés selon une approche transversale, non pas séparément, mais ensemble. Et si la tâche paraît déjà assez difficile, il convient de souligner, de surcroît, qu’il y a désormais urgence d’agir.

188. En vérité, le problème climatique pose « un problème d’action collective lié à

l’absence d’État supranational »783. Des auteurs soulignent ainsi que « la fourniture du bien collectif global dans un système décentralisé d’États-nations avec des intérêts et des préférences différentes s’expose à des difficultés et à des risques »784. Il s’agit donc, pour l’essentiel, d’un problème de régulation, ou plutôt d’absence de régulation. En effet, les mécanismes de protection du climat visant la stabilisation des émissions de gaz à effet de serre tendent à établir un compromis entre des objectifs et des valeurs économiques et non économiques. Or c’est tout l’objet de la régulation. Un auteur rappelle que la régulation des activités intervient comme « un facteur d’équilibre entre des intérêts distincts »785. Ainsi, les Professeurs Colson et Idoux estiment à propos de la protection de l’environnement qu’elle est l’une des « composantes de l’intérêt général qu’il revient à l’État de faire respecter, soit par le marché, soit en dehors de celui-ci, par une régulation appropriée utilisant une palette variée d’instruments »786. Et les auteurs d’ajouter que « le rôle de la régulation n’est plus alors seulement d’assurer le respect de la concurrence »787 mais de créer, « globalement, les conditions d’une conciliation de l’intérêt général avec d’autres finalités animant le marché »788. La régulation est donc une première voie de conciliation de la protection du climat avec les libertés économiques. Par ailleurs, la régulation « renvoie à un droit qui demeure politique par la prise de position qu’il exprime : la désignation des intérêts légitimes, l’articulation des pouvoirs »789. Il est vrai qu’il

783 P. Berthaud, D. Cavard et P. Criqui, « Le régime international pour le climat : vers la consolidation ou l’effondrement ?, Revue française d’économie, vol. 19, n° 2, 2004, p. 163-188, spéc. p. 164.

784 Ibid.

785 D. Briand, « Régulation environnementale et droit de la concurrence », in La régulation environnementale, sous la dir. de G. Martin et B. Parance, L.G.D.J., coll. « Droit et Économie », 2012, p. 107.

786 J.-P. Colson et P. Idoux, Droit public économique, L.G.D.J., coll. « Manuel », 6ème éd., 2012, n° 10.

787 Ibid.

788 Ibid.

n’y a « pas de contradiction pour une économie libérale d’être l’objet de régulations »790, puisque « l’économie de marché n’a jamais signifié l’absence de droit, même dans la conception la plus minimaliste de l’encadrement juridique »791. Quel(s) droit(s), cependant, et quelle(s) régulation(s) face aux défis globaux que constituent la mondialisation et le réchauffement climatique ?

Une chose est certaine : le cadre juridique ne peut pas rester immuable. Le changement

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