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Les fondements extra-juridiques de la conciliation

Titre I. L’entreprise acteur de la lutte contre le changement climatique

Section 2. La conciliation nécessaire entre protection du climat et liberté d’entreprendre

A. Les fondements extra-juridiques de la conciliation

168. En dehors du domaine juridique, il semble beaucoup plus aisé d’appréhender le

lien entre les activités humaines et la détérioration de l’environnement. Il suffit d’observer les faits pour en faire le constat. C’est un fait que le développement des activités humaines a transformé l’environnement, malheureusement, en le détériorant. Mais inversement, il faut savoir aussi que la détérioration continue de l’environnement est une menace pour ce même développement, car la nature se déchaîne et reprend ses droits.

Ainsi, nous allons voir que l’entreprise est un acteur du changement climatique à double titre. Ses activités ont un impact sur le changement climatique (1) et, parallèlement, le changement climatique a un impact sur ses activités (2). Ces interactions et impacts réciproques expriment, au fond, la nécessité de rechercher la conciliation car il ne s’agit pas, en prenant la mesure de l’impact des activités humaines sur la planète, d’interdire tout développement économique ; il s’agit de faire en sorte que ce développement économique se poursuive d’une manière plus responsable à l’égard de l’avenir.

1. L’impact de l’entreprise sur le changement climatique

169. Le Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat

souligne que l’impact des activités humaines sur le climat est sans précédent, en rythme comme

711 M. Delmas-Marty, « Introduction », in Prendre la responsabilité au sérieux, Quatrième partie : Jalons pour une reconnaissance du principe de responsabilité à l’échelle mondiale, sous la dir. de A. Supiot et M. Delmas-Marty, PUF, 2015, p. 331-336, spéc. p. 335.

en amplitude713. Le cri d’alarme des scientifiques sur l’état de la planète n’est cependant pas toujours entendu, même si les preuves ne manquent pas sur la réalité du danger auquel nous nous sommes exposés. L’humanité ne s’est probablement jamais autant rapprochée de son effondrement, si bien que nous avons acquis la certitude qu’elle était capable de s’anéantir elle-même.

Devant ces constats malheureux, une réflexion sur l’impact de l’entreprise sur le changement climatique s’impose naturellement. Les opérateurs économiques disposent désormais d’un pouvoir de nuisance extrêmement important, qui s’étend à l’échelle globale et que le droit peine encore à contrebalancer (a). Par conséquent, la société exprime de plus en plus fort ses attentes élevées à l’égard des opérateurs économiques. Qui plus est, il faut le souligner, ces attentes sont légitimes (b).

a) Le pouvoir de nuisance des opérateurs économiques

170. Nuire signifie faire du tort, porter atteinte ou préjudice, faire du mal. Il est

généralement admis que la nuisance correspond à « un ensemble de facteurs qui nuisent à la qualité de la vie »ou à « toute action susceptible de nuire à l’environnement »714. Le pouvoir correspond à l’autorité et à la puissance. A priori, du moins dans un monde où il existe encore des valeurs humaines, avoir un « pouvoir de nuisance » n’est pas quelque chose dont quelqu’un peut se vanter. C’est ce qui explique, d’ailleurs, que ceux qui ont le pouvoir de nuisance font tout pour se donner une bonne image voire, parfois, bonne conscience. Le plus souvent, les détenteurs du pouvoir économique et/ou politique sont aussi les détenteurs du pouvoir de nuisance. Par leurs activités et par leurs décisions, ils exercent une influence considérable sur l’environnement.

Qui détient le pouvoir à l’échelle globale ? Par prudence, il convient de dire qu’à l’échelle globale, le pouvoir est partagé entre les États et les opérateurs privés économiques, même si, en réalité, il appartient plutôt à ces derniers. En effet, la mondialisation de l’économie a pu entraîner un bouleversement des rapports de force, si bien que les entreprises transnationales et les puissants groupes de sociétés sont désormais ceux qui détiennent le pouvoir et ceux qui décident. L’oublier ou, pire, le nier revient à fermer les yeux sur la réalité

713 Voy. notamment : GIEC, Changements climatiques 2014 : Incidences, adaptation et vulnérabilité, 5ème Rapport d’évaluation, 2014.

714 D’ailleurs, selon un auteur, « envisagée en tant qu’agression contre l’environnement génératrice d’effets de droit, la notion de nuisance constitue une catégorie juridique autonome justiciable d’un traitement particulier » : F. Caballero, Essai sur la notion juridique de nuisance, L.G.D.J., 1981, p. 301.

de notre monde. Par ailleurs, on constate qu’il existe une « asymétrie flagrante entre la responsabilité des États et celle des entreprises transnationales [qui] n’est pas compensée par un droit international permettant de rendre la responsabilité proportionnelle au pouvoir exercé par les différents acteurs. La multiplication des acteurs de la mondialisation, qui devrait impliquer une redistribution des responsabilités, aboutit plutôt à leur dilution »715. C’est toute la question de l’irresponsabilité à l’échelle globale qui choque et qui demande de dépasser certains déterminismes au cœur de nos représentations du droit.

171. Pendant très longtemps, personne ne se préoccupait des problèmes

environnementaux et des conséquences sur l’environnement des activités humaines. On pensait qu’on pouvait prélever les ressources naturelles, fabriquer, transporter, cultiver et élever, produire et consommer de l’énergie, sans autre considération que la satisfaction de nos intérêts présents. Ainsi, comme l’écrivait Hans Jonas dans son ouvrage emblématique, « la vulnérabilité critique de la nature […] n’avait jamais été pressentie avant qu’elle ne se soit manifestée à travers les dommages déjà causés. Cette découverte, dont le choc conduisait au concept et aux débuts d’une science de l’environnement (écologie), modifiait toute la représentation de nous-mêmes en tant que facteur causal dans le système plus vaste des choses »716. Et l’auteur d’ajouter qu’ « un objet d’un type entièrement nouveau, rien de moins que la biosphère entière de la planète, s’est [dès lors] ajouté à ce pour quoi nous devons être responsables parce que nous avons un pouvoir sur lui »717. Cette pensée de Jonas illustre parfaitement le moment de prise de conscience non seulement de la vulnérabilité de la nature mais aussi, et surtout, du lien de causalité entre les activités humaines et les problèmes environnementaux. Aujourd’hui, il est acquis que les actions des entreprises ont été les premières causes de la dégradation de l’environnement et du changement climatique. En effet, le changement climatique est le résultat de la logique économique linéaire, du type extraire-fabriquer-jeter, qui a longtemps prévalu et que l’on essaie désormais de remplacer par le modèle d’économie circulaire718.

715 K. Martin-Chenut et C. Devaux, « Quels remèdes à l’irresponsabilité des États et des entreprises transnationales (ETN) en matière environnementale, sociale et financière ? Présentation des propositions », in Prendre la

responsabilité au sérieux, sous la dir. de A. Supiot et M. Delmas-Marty, PUF, 2015, p. 361-371, spéc. p. 361.

716 H. Jonas, Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, 1979, 3ème éd., Les Éditions du Cerf, 1995, p. 31.

717 Ibid.

172. Dans ce contexte, l’idée d’une nécessaire reconnexion entre pouvoir et

responsabilité719 émerge dans la conscience collective. Avant d’être saisie par le droit, cette idée se manifeste à travers les nouvelles attentes sociales exprimées à l’égard des entreprises.

b) Les attentes sociales légitimes à l’égard des opérateurs économiques

173. Les attentes sociales sont les idées que nous avons de la façon dont une personne

de notre environnement social doit se comporter dans le futur ou dans une situation donnée. Par essence même, elles sont mouvantes, c’est-à-dire qu’elles évoluent au gré des transformations de notre environnement social et, plus généralement, de notre monde. Elles vont être plus ou moins élevées en fonction des intérêts en jeu. Ainsi, dans un contexte de multiplication des catastrophes écologiques, nous avons souvent l’impression que les opérateurs économiques se désintéressent totalement du sort des êtres humains et à plus forte raison de ce qui peut advenir à la planète. Or, les « catastrophes » sont rarement des événements surgissant du néant. Nous prévenons les catastrophes, ce qui signifie que nous croyons en leur possibilité avant qu’elles ne se produisent720. Cela explique que nous n’hésitons pas à exiger des opérateurs économiques qu’ils soient plus vigilants, plus transparents et qu’ils ne prennent pas des risques inconsidérés.

173-1 La vigilance. Avant toute chose, il est attendu des opérateurs économiques

qu’ils fassent preuve de vigilance quant aux conséquences dommageables de leurs activités. La société globale prend acte, aujourd’hui, de la fragmentation des chaînes de valeur et de production de par le monde, qui est à l’origine de l’irresponsabilité des opérateurs économiques. De ce constat naît une certaine colère sociale à la fois contre les gouvernements et leadeurs politiques qui ont « laissé faire », et contre les entreprises transnationales qui, semble-t-il, n’ont d’autre préoccupation que de croître leur richesse au détriment de la richesse de l’humanité, c’est-à-dire au détriment de l’environnement.

173-2 L’information et la transparence. La transparence, comprise à la fois en

termes de divulgation de l’information et d’accès au processus décisionnel, est primordiale dans une société démocratique. On considère l’information comme « l’oxygène de la démocratie ». En effet, un goût du secret trop prononcé empêche la société de constater les abus de pouvoir.

719 Voy. à ce sujet : A. Supiot et M. Delmas-Marty (dir.), Prendre la responsabilité au sérieux, PUF, 2015.

720 J.-P. Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, Seuil, coll. « Essais », 2002, p. 13.

Par conséquent, il suscite la méfiance. Certes, il est des règles qui protègent l’opacité estimée légitime, telles notamment les règles relatives au secret professionnel721 ou encore au secret des affaires722. Mais il y a aussi un certain nombre de règles qui répondent aux préoccupations que posent les risques de la société contemporaine723, à savoir les risques sanitaires, sociaux, environnementaux, économiques et financiers. Ces risques requièrent la mise en œuvre au sein de chaque entreprise d’un processus de responsabilisation au regard des conséquences éventuellement dommageables de ses actions. Il s’agit, dans ce cadre, de faire preuve d’anticipation. Vigies de ce processus, nous demandons aux opérateurs économiques de communiquer sur ce sujet et observons de près les résultats de cette communication. Ainsi, tout écart constaté entre l’information divulguée et la réalité peut devenir l’objet de pressions massives de la part de la société. En effet, il ne faut pas sous-estimer la pression que peut exercer l’opinion publique, surtout depuis qu’elle dispose de l’arme de la communication instantanée qu’est l’internet. L’information n’a jamais circulée aussi rapidement, atteignant en quelques secondes le globe entier. Cela dit, nos sociétés ne sont pas opposées à toute prise de risques. Au contraire, une prise de risques considérés est non seulement tolérée mais aussi, parfois, sérieusement encouragée.

173-3 La prise de risques considérés. S’il existe une liberté de prendre des risques724

qui fait l’objet d’un consensus social et qui fait progressivement son apparition dans les terres du droit, la prise de risques est néanmoins encadrée lorsqu’ils s’avèrent excessifs au regard des intérêts en jeu. Les vertus de la liberté de prendre des risques ont d’ailleurs été brillamment démontrées725. Cependant, l’impératif de sécurité exige d’en faire « bon usage »726, c’est-à-dire de ne prendre que des risques utiles et proportionnés, et d’en assumer les conséquences.

Dans le contexte de la mondialisation, les libertés économiques triomphent et les activités industrielles se développent à grande vitesse. Cependant, les risques à caractère global

721 Voy. sur le secret professionnel : R. Floriot et R. Combaldieu, Le secret professionnel, Flammarion, 1973 ; A. Damien, Le secret nécessaire, Desclée de Brower, 1989 ; Y.-H. Bonello, Le secret, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1998 ; M.-A. Frison-Roche (dir.), Secrets professionnels, Éditions Autrement, coll. « Essais », 1999 ; M. Delmas-Marty, « À propos du secret professionnel », D., 1982, p. 267.

722 Voy. B. Py, « Secret professionnel », Répertoire de droit pénal et de procédure pénale, Dalloz, février 2003 (mis à jour : février 2017), n° 45 et s. Entrent dans la définition du secret des affaires les faits qui par nature et dans l’intérêt de l’entreprise doivent rester confidentiels et pour ce motif ne seront ni publics ni publiés : D. Kling, « Le monde des affaires et le secret », in Secrets professionnels, sous la dir. de M.-A. Frison-Roche, Éditions Autrement, coll. « Essais », 1999, p. 167.

723 Voy. U. Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, 1986, Flammarion, 2008, passim, spéc. p. 55-58.

724 H. Barbier, La liberté de prendre des risques, op. cit.

725 Ibid.

liés à ces activités augmentent corrélativement, ce que la société mondiale n’ignore point aujourd’hui. Ce n’est pas pour autant, toutefois, qu’elle aspire à l’interdiction pure et simple de toute prise de risques. Malgré leurs externalités négatives connues et les conséquences souvent désastreuses des activités industrielles sur l’état de l’environnement, la société mondiale demeure très largement demanderesse : toujours plus de produits sur le marché, toujours moins cher, toujours plus rapidement. Ses yeux ne sont pas braqués sur le « scénario du pire »727. Bien au contraire, elle encourage le développement économique à travers les choix qu’elle fait. En revanche, ce qu’elle souhaite de plus en plus souvent, c’est que ses choix soient « éclairés »728, notamment quant à l’empreinte écologique globale et quant aux impacts en matière sociétale des activités économiques des opérateurs privés. Cela implique que ces derniers justifient de la nécessité et de la proportionnalité de leurs prises de risques. Seuls les risques considérés sont socialement admis.

174. Nombreuses sont les attentes sociales vis-à-vis des opérateurs économiques.

Compte tenu du pouvoir dont ces derniers disposent sur la nature, qui est, sans conteste, un pouvoir de nuisance, ces attentes nous paraissent tout à fait légitimes. En matière de climat, il n’y a aucun doute que l’impact des entreprises sur le changement climatique est considérable. C’est pourquoi il est nécessaire de concilier l’exercice des libertés économiques avec le besoin de protection du climat. Cette conciliation passe, en partie, par l’admission d’une certaine liberté de prendre des risques dès lors que ces risques sont utiles et proportionnés.

2. L’impact du changement climatique sur l’entreprise

175. L’entreprise est un acteur du changement climatique non seulement parce qu’elle

est à l’origine du phénomène, mais aussi parce qu’elle est directement exposée à ses conséquences. Multiples sont les enjeux des risques climatiques pour l’entreprise (a). Leur prise en compte constitue pour elle un véritable défi, tant cette prise en compte dépasse son horizon de gestion traditionnel (b).

727 J-P. Dupuy, Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible est certain, op. cit., p. 81 et s.

a) Les enjeux des risques climatiques pour l’entreprise

176. L’entreprise est au premier rang pour supporter les risques et trouver les réponses

aux multiples défis de l’adaptation au changement climatique. Les enjeux des risques climatiques pour l’entreprise sont loin d’être négligeables et peuvent être divisés en trois catégories.

176-1 Premièrement, des « risques physiques » sont associés aux perturbations d’ordre physique induites par le changement climatique. Il peut s’agir de l’altération des

ressources hydriques, de la transformation de l’environnement sanitaire, de la montée du niveau des mers ou encore de l’accroissement de la fréquence et de l’intensité des événements météorologiques. Ces risques menacent dangereusement les colonnes vertébrales de nos économies que sont les infrastructures, c’est-à-dire les réseaux d’approvisionnement en eau ou en énergie, d’assainissement, de transport, la télécommunication, ainsi que les différents sites de production ou de stockage. La multiplication des catastrophes naturelles peut avoir un impact physique direct sur les actifs de l’entreprise, comme par exemple la destruction des locaux ou des outils de production. Nous nous rappelons d’ailleurs des conséquences absolument désastreuses de l’ouragan Katrina qui, en 2005, a plongé La Nouvelle Orléans dans la désolation. Encore aujourd’hui, elle panse ses plaies.

Ces risques physiques sont de mieux en mieux identifiés à la fois par les assureurs, qui se sont très tôt préoccupés par les effets physiques du changement climatique sur l’assurabilité de certains risques729, et par les entreprises. Pour ces dernières, la gestion de ces risques est primordiale. Elle passe notamment par l’ingénierie contractuelle, à travers l’insertion dans les contrats de clauses spécifiques visant à gérer les risques météorologiques (clauses de force majeure730, clauses d’adaptation731), mais aussi, logiquement, par la couverture assurantielle. En effet, en dépit des obstacles posés par le principe de la mutualisation des risques732 et des contraintes techniques liées à l’assurabilité des risques733, l’assurance permet aujourd’hui la

729 É. Abrassart, « Un nouveau climat pour l’assurance », Risques – Les cahiers de l’assurance, n° 50, 2002, p. 80-86.

730 Voy. infra n° 372.

731 Voy. infra n° 370.

732 Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, Dalloz, coll. « Précis », 14ème éd., 2017, p. 42, n° 44.

733 Pour que les risques soient assurables, ils doivent être fréquents, homogènes et dispersés. Voy. sur les conditions de l’assurabilité : Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, op. cit., p. 43 et s., n° 45 et s.; H. Groutel, F. Leduc, Ph. Pierre et M. Asselain, Traité du contrat d’assurance terrestre, LexisNexis, coll. « Traités », 2008, p. 88, n° 143 ; V. Nicolas, Droit des contrats d’assurance, Economica, 2012, p. 21 et s., n° 35 et s. ; L. Mayaux, « Aspects juridiques de l’assurabilité », Risques – Les cahiers de l’assurance, n° 54, 2003, p. 67.

couverture de nombreux risques météorologiques734. La plupart de ces risques se retrouvent finalement couverts par le régime d’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles735 et par les contrats d’assurance de bien matériels qui doivent obligatoirement inclure une garantie « tempête »736. À cela s’ajoute l’apparition de mécanismes plus innovants et originaux, telles que les « obligations catastrophe », ou cat bonds737, qui se présentent comme des remèdes à « l’essoufflement des capacités de l’assurance face à l’accroissement de la sinistralité en matière de catastrophes d’origine météorologique »738, en particulier dans le contexte du changement climatique. Ces obligations permettent, en effet, de répondre à l’augmentation des coûts assurantiels induits par le changement climatique739. De quoi s’agit-il plus précisément ?

Les cat bonds, apparus dans les années 1990, sont des obligations généralement émises par une compagnie d’assurance ou de réassurance pour transférer sur le marché une partie des risques liés à des événements naturels exceptionnels (ouragan, tremblement de terre, etc.). Concrètement, un assureur (ou un réassureur) émet une obligation par le biais d’une banque d’investissement, obligation qui est vendue à des investisseurs. L’instance émettrice verse des intérêts aux acheteurs, en contrepartie de l’argent qu’ils lui prêtent. À l’échéance contractuelle prévue, si aucun sinistre ne s’est produit, les investisseurs empochent les intérêts et retrouvent le principal. En revanche, si une catastrophe survient, les investisseurs perdent leur argent, lequel servira à rembourser les sinistrés ou à reconstruire des infrastructures. Le mécanisme est tout à fait original. Comme l’observe un auteur, « l’émergence des obligations catastrophe s’inscrit dans un processus plus général de “financiarisation de la nature”, c’est-à-dire d’apparition, au cours des deux dernières décennies du XXe siècle, de produits financiers “branchés” sur le changement climatique »740. Il s’agit, dans tous les cas, d’outils permettant de

734 A. Stevignon, Le temps qu’il fait et le droit des obligations, thèse, Paris II, 2019, n° 289 et s., spéc. n° 301 et s.

735 Loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l’indemnisation des victimes de catastrophes naturelles ; C. assur., art. L. 125-1.

736 Loi n° 90-509 du 25 juin 1990 modifiant le code des assurances et portant extension aux départements d’outre-mer du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles ; C. assur., art. L. 122-7.

737 Voy. parmi une littérature abondante : G. Martin, « Les techniques financières de transfert des risques : l’exemple des Cat Bonds », Environnement, n° 10, 2006, étude 15 ; J. D. Cummins, « Cycles de la réassurance et titrisation des risques catastrophes », Risques – Les cahiers de l’assurance, n° 41, 2000, p. 77-82 ; M. Bianchi, A. Landier et M. Zajac, « Obligations catastrophes : comment les marchés financiers évaluent-ils les facteurs de risques naturels ? », Revue d’économie financière, vol. 126, n° 2, 2017, p. 213-230 ; A. Abadie, « Réassurance : les cat’ bonds deviennent incontournables », L’Argus de l’assurance, 6 septembre 2018.

738 A. Stevignon, Le temps qu’il fait et le droit des obligations, op. cit., p. 339.

739 Selon une étude de 2018 consacrée à l’influence du changement climatique sur le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, la sinistralité devrait augmenter de 50 % d’ici 2050. Cette hausse conduira certainement les assureurs à augmenter substantiellement les primes. Voy. CCR et Météo France, Conséquences du changement

climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France à l’horizon 2050, septembre 2018.

740 R. Keucheyan, « Financiariser les catastrophes naturelles : assurance, finance et changement climatique »,

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