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Chapitre 3 : La théorie des biens communs et la théorie de l'acteur-réseau comme outils d'analyse de

3.1. Les fondements de la théorie de l'acteur-réseau

La théorie de l'acteur-réseau a été fondée par les travaux de Callon et Latour (1992, 1996) et s'appliquait initialement au domaine de la sociologie des sciences. Elle a été maintes fois appliquée à l'innovation technologique (Callon, 1986, Latour, 1999, Law, 1994). Toutefois, des exemples récents tels que Gheladri (2013), Mazzilli (2011), Slama (2011), Chiapello & Gilbert (2013), Lamine, Fayolle & Chebbi, 2014, Collin & al. (2016) ou encore Clergeau & Paulus (2017) ont montré la possibilité d'adapter la mobilisation de cette théorie aux sciences de gestion et à des disciplines proches, notamment dans des cadres mettant en jeu des ensembles d'individus, d'objets et d'organisations, ce qui la rend compatible avec notre focalisation sur la construction du fait organisationnel dans la méta-organisation. De plus, Korsgaard (2011) met en évidence l’adéquation de cette théorie concernant l’étude d’univers organisationnels complexes, ce qui plaide en faveur de la compatibilité de la théorie de l’acteur-réseau avec l’univers complexe qui peut exister au sein des méta-organisations.

La théorie de l'acteur-réseau est basée sur la remise à égalité de l'humain et du non-humain dans la constitution des réseaux, rejetant la supériorité supposée de l'homme sur le matériel (Akrich, Callon & Latour, 2006, Munro, 2009, Rantisi, 2014, Collin & al., 2016, Parker, 2017). Ainsi, les

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éléments non-humains tels que les objets, les processus, les structures ou les outils de discours sont considérés à part entière comme des acteurs du réseau étudié. Le matériel contraint et permet l'action de l'humain autant que l'humain pilote et conçoit le non-humain. Ce seraient donc des associations d'éléments humains et non-humains qui auraient un pouvoir organisateur. Par conséquent, on ne s'intéresse plus à un réseau social, mais à un réseau sociotechnique.

Un autre aspect majeur de la théorie de l'acteur-réseau, allant à l'encontre des principes couramment admis, est la dynamique du réseau auquel on s'intéresse. En effet, la théorie de l'acteur- réseau se focalise sur la construction (ou reconstruction) du réseau ou sa destruction : en dehors de ces deux états de dynamique, un réseau ne serait pas intéressant car il ne produirait aucune information nouvelle à exploiter (Latour, 2006, Collin & al., 2016).

Comme Olson (1965), la théorie de l'acteur-réseau rejette également l'idée que les hommes seraient naturellement grégaires et que les groupes se formeraient d'eux-mêmes : il n'y aurait pas de force sociale naturelle ou une sorte d'inertie. Il n'y aurait pas de force sociale obscure agissant en coulisse, pas de "main invisible". Or, les groupes ont besoin d'un guide, d'une personne les définissant, une sorte de porte-parole ainsi que d’outils et de ressources propres à influencer la construction du réseau (Latour, 2006, Nicolini, 2010). La construction du social ne serait donc pas "ostensive", mais "performative" : la cohésion des groupes ne se maintiendrait pas d'elle-même. La cohésion des groupes existerait principalement en vertu de moyens mis en oeuvre pour l'assurer, pour l'incarner. C’est l’agnosticisme généralisé : la mise en doute des causes naturelles ou sociales des phénomènes sociaux et organisationnels (Cochoy & Mallard, 2015).

Enfin, soulignons que la théorie de l'acteur-réseau repose sur deux notions importantes expliquant la construction du social : l'intermédiaire et le médiateur, qui effectuent une transformation d'inputs sociaux en outputs sociaux (Latour, 2006), agissant sur un jeu de puissance. Ce sont ces intermédiaires et médiateurs (qui peuvent être aussi bien humains que non-humains ou une combinaison) qui vont permettre au groupe de sortir d'une situation de controverse.

La théorie de l'acteur-réseau a pour objectif de gérer cinq sources majeures d'incertitude repérées dans les sciences sociales, listées par Latour (2006, 2014) : ce qu'est effectivement un groupe, le débordement de l'acteur par l'action, la gamme des acteurs (inclusion des objets), la controverse des faits et les risques liés à la rédaction de la recherche.

La première source d'incertitude mise en avant par les défenseurs de la théorie de l'acteur- réseau concerne les groupes en eux-mêmes : la théorie de l'acteur-réseau souhaite s'affranchir de tout préjugé ou de toute supposition préalable sur la composition des groupes visant à faire absolument rentrer ces derniers dans des cases prédéfinies, cases qui indiqueraient ce que seraient

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les "vrais" groupes sociaux, et à les étudier bien après leur formation en pleine période de stabilité. En effet, ce type de classement serait basé sur une mauvaise considération du statut du chercheur par rapport à son terrain : un chercheur essayant à tout prix de placer des groupes dans un cadre prédéfini considérerait les acteurs qu'il étudie comme des demeurés n'ayant aucune idée de ce qu'ils font réellement. Les fondateurs de la théorie de l'acteur-réseau considèrent cette attitude, si involontaire qu'elle soit (un chercheur affirmera rarement considérer les personnes qu'il étudie comme demeurées), comme étant une source de biais majeure car cette attitude consisterait, d'une certaine manière, à construire le social à la place des acteurs. De plus, ne souhaitant pas faire usage de classements prédéfinis, les théoriciens de l'acteur-réseau, tels que Latour, utilisent le terme de passe-partout de "groupe" pour désigner des entités réticulaires. En outre, Latour (2014) critique très vivement qu'une théorie puisse affirmer qu'un type de groupe est meilleur qu'un autre, ce qui serait une habitude de la sociologie. La théorie de l'acteur-réseau préfère recentrer la recherche sur les acteurs étudiés en se basant sur les traces laissées par les actions de ces derniers, traces renforcées par la présence de controverses. Les traces sont ce qui rend l'action visible. Or, il apparaît que c'est lors de la constitution des groupes ou de la déconstruction/destruction de ces derniers que les controverses et donc les principales traces de l'action sont les plus nombreuses et les plus visibles : c'est dans ces phases que les groupes produisent de l'information exploitable (Latour, 2006, Collin & al., 2016).

Ainsi, l'observation du groupe devrait commencer par "faire parler les groupes", puis par identifier des antigroupes (constituant les forces qui s'y opposent) avant d'identifier les recours à des ressources destinées à pérenniser le groupe et la mobilisation des personnes l'analysant. Pour "faire parler" le groupe, il faut que ce dernier ait un porte-parole qui s'exprimera au nom du groupe et en donnera une définition (Latour, 2006, Lamine & al., 2014). L'identification des anti-groupes consiste à identifier des visions contradictoires à celle que les porte-paroles du groupe peuvent avoir de ce dernier, visions contradictoires pouvant émerger des acteurs eux-mêmes, la théorie de l'acteur- réseau estimant que les acteurs sont tout aussi réflexifs que le chercheur.

La deuxième source d'incertitude des sciences sociales identifiée par les fondateurs de la théorie de l'acteur-réseau, le débordement de l'acteur par l'action, est liée à l'origine de l'action : dans la théorie de l'acteur-réseau, les acteurs n'agissent pas réellement, mais sont menés à l'action du fait de leur environnement, qui pose sur eux des contraintes et des opportunités. L'acteur devient "une cible de pouvoirs". Par conséquent, l'action ne serait jamais précisément localisée. Cette position est très fortement controversée car elle remet en cause le postulat communément admis que l'homme serait doué d'une intentionnalité. Cela explique également l'intérêt pour la construction ou la destruction du social : c'est dans ces phases de la vie d'un réseau que les acteurs sont les proies de

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contraintes, de forces exercées sur eux par d'autres et d'hésitations sur l'action à mener face à ces jeux de forces.

Cette incertitude sur l'origine de l'action a mené les théoriciens de l'acteur-réseau à définir des caractéristiques de l'action, qui constituent des angles d'examen de cette dernière tenant compte de l'incertitude de l'origine de l'action. Premièrement, l'action peut avoir différentes formes d'existence : elle effectue une transformation d'un input en output, et ce sont les traces de ces transformations, manifestées par des comptes-rendus, des discours ou des objets qui rendent l'action et les acteurs visibles. Ces traces sont autant de formes d’existence de l’action. Deuxièmement, la théorie de l'acteur-réseau met l'accent sur la figuration de l'existence, qui donne une forme à l'action et aux acteurs (Callon et Latour préfèrent utiliser le terme d'actants, définis comme des entités humaines ou non humaines susceptibles d’agir). Troisièmement, l'analyse que font les acteurs des formes d'existence alternatives, concurrentes ou jugées irrationnelles à leurs yeux doit également être prise en compte dans l'analyse de l'action construisant le social car cette analyse ajoute ou retire des entités. Enfin, la théorie de l'acteur-réseau affirme que les acteurs, bien que soumis à des forces extérieures, possèdent leurs propres théories de l'action pour expliquer leurs actions et la façon dont ils en viennent à prendre des décisions leur permettant de faire faire quelque chose à quelqu'un.

La troisième source d'incertitude identifiée par les théoriciens de l'acteur-réseau dans les sciences sociales, la gamme des acteurs, concerne le lien entre action et objets : la théorie de l'acteur réseau suppose que les objets non-humains participent à l'action. En effet, dans la théorie de l'acteur-réseau telle qu'elle est conçue par Callon, Latour, et Law "toute chose qui vient modifier une situation donnée en introduisant une différence devient un acteur". Or, il est indiscutable que les objets non humains contribuent à modifier des situations et à engendrer des transformations malgré leur caractère inanimé. Cependant, la sociologie de l'acteur-réseau ne suppose pas que les non humains agissent à la place des humains : ils agissent avec les humains. Les non humains peuvent inclure des objets physiques, des lois ou encore des documents. Toutefois, le rôle des objets doit être visible pour qu'ils puissent être pris en compte. Or, ce rôle est fréquemment relaté par les acteurs dans leurs comptes-rendus ou dans leurs discours : ces derniers parlent fréquemment d'objets matériels qui influent sur l'action. Latour (2006) propose une liste des cas dans lesquels il est le plus probable d'observer l'action des objets. Un premier cas serait le cadre des innovations, dans lequel les objets souvent nouveaux sont au centre des discussions et de la gestion. Le deuxième cas concerne des objets plus classiques, lorsqu’ils contribuent à modifier une distance importante dans l'espace, le temps ou les compétences (cas de changements organisationnels par exemple). Ce cas nous semble correspondre aux types de changement que l'on peut observer dans les méta-organisations. Un troisième cas est celui des dysfonctionnements, notamment les pannes,

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les accidents ou les grèves : des objets habituellement dénués de relations à l'humain se retrouvent temporairement entourés de ces derniers. D’autres auteurs ont ultérieurement diversifié les cas de figure et l’application de la théorie de l’acteur-réseau. Lamine & al. (2014) appliquent cette théorie de l’acteur-réseau au cas de la création d’un réseau associé à l’entreprenariat (qui est une forme d’innovation organisationnelle) dans le cas de la construction du réseau entrepreneurial de l’entreprise innovante. Rantisi & Leslie (2015), quant à eux, examinent au travers du cas du cirque, la construction de processus créatifs (sources de l’innovation dans le spectacle). Cucchi & al. (2016) se sont penchés sur la mise en place d’un réseau de développement de la qualité alimentaire et de la sécurité alimentaire concernant les produits de la mer dans les DOM-TOM. Enfin, il apparaît que même des objets pouvant sembler extrêmement silencieux peuvent venir à être considérés comme de véritables actants : il s'agit de l'histoire et de la fiction. Les archives historiques ou les archives des entreprises peuvent relater de l'effet performatif d'objets devenus silencieux ou inexistants depuis longtemps. Quant à la fiction, elle permet de rendre visibles certains liens potentiels ou futurs des objets aux humains. Cela est montré par exemple par Grimand (2017), citant les travaux de Girin & al. (2016), qui met en évidence le rôle performatif d’une fiction dans le cadre d’une modernisation d’EDF menée à la fin des années 1970 et au début des années 1980 et concernant tout particulièrement l’informatisation et la télématisation (implémentation d’outils de télématique) chez EDF. Ce changement organisationnel et technologique majeur se heurtait à la culture d’entreprise existant à cette époque chez EDF. Cette opposition fut contournée en utilisant la fiction grâce à une présentation de différents scénarios dans des fictions mettant en scène une compagnie d’électricité implantée dans un pays imaginaire, permettant ainsi l’étude des différents aspects de l’application de la révolution informatique à l’électricité tout en raisonnant en dehors de leur contexte usuel de travail, ce qui a permis une ouverture des esprits et une meilleure acceptation de ce changement radical qu'a été l’adoption de l’outil informatique dans la gestion de l’électricité. La fiction a donc eu un réel effet performatif influençant les manières de penser et d’agir grâce à la décontextualisation. Dans le cadre des méta-organisations, les projets stratégiques et documents de prospective à moyen ou long terme, souvent réalisés dans une optique de communication ou de lobbying, sont des exemples de fiction pouvant jouer un rôle de médiateur.

La quatrième source d'incertitude, davantage concentrée sur la sociologie des sciences, concerne la controverse des faits : il s'agit du déplacement de la focalisation du travail du chercheur des faits indiscutables vers les faits disputés. Pour ce faire, le chercheur doit déployer et exploiter les controverses en éliminant toute explication "sociale" des faits (telle que la notion de pouvoir, d'habitude ou de culture par exemple). Autrement dit, le chercheur ouvre les "boîtes noires" de la formation du social. Il s'agit de repérer les faits disputés qui constituent le gap à clarifier. Ce sont des faits dans lesquels on observe des traductions, des transformations avec un passage d'un état A à

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un état B du fait de quelque chose. Par exemple, dans le cas d’EDF abordé par Girin & al. (2016), on observe clairement une controverse suscitée par le changement qui constitue l’informatisation d’EDF avec le passage d'un état d'opposition à l'informatisation à un état d'acceptation volontariste. Identifier les controverses passe par l'identification des proto-faits (faits partiellement achevés) entourant les faits. Par exemple, dans le cas EDF de Girin & al. (2016), l’échec des tentatives de présentation traditionnelles des scénarios d’informatisation à EDF peut constituer un ensemble de proto-faits liés à la genèse de la situation initiale. L'exploitation de la controverse par la théorie de l'acteur-réseau nous semble particulièrement pertinente pour renseigner la théorie des méta- organisations car ces dernières font souvent l'objet de controverses et de polémiques, notamment lors de leur développement ou de l'élargissement de leurs compétences (Dumez, 2014). En outre, comme constaté dans le chapitre 2, il est fréquent que la littérature actuelle relative aux méta- organisations fasse appel au pouvoir ou à un autre facteur social comme explication de la controverse sans réellement ouvrir ces boîtes noires, ce que la mobilisation de la théorie de l'acteur- réseau nous permettra de faire.

La cinquième et dernière source d'incertitude identifiée par la théorie de l'acteur-réseau, là encore avec une légère focalisation sur la sociologie des sciences, est constituée par les risques liés à la rédaction du travail du chercheur et la rédaction des comptes-rendus en général. En effet, la manière d'écrire influe fortement sur la capacité du texte à être compris et à influencer les lecteurs. Derrière cette évidence se cachent plusieurs aspects d'un "bon" compte-rendu scientifique ou technique (Latour, 2006). D'abord, il y a la prise en compte de tous les éléments du contexte du réseau, même ceux qui peuvent paraître incohérents ou absurdes a priori. C'est pour cela qu'un bon compte-rendu doit tracer le réseau par les traces qu'il laisse, donc sans présupposition de fonctionnement, tout en assurant fiabilité et facilité de lecture (ce qui passe par la simplicité du vocabulaire).

En outre, aux yeux de la théorie de l'acteur-réseau, un bon article ou compte-rendu d'analyse est un compte-rendu dans lequel tous les acteurs évoqués font quelque chose : si un acteur n'agit pas, il est muet et ne renvoie logiquement aucune information à utiliser. On veillera à incorporer les acteurs non-humains. Les acteurs dont fait état le travail du chercheur doivent être traités comme des médiateurs et non comme des intermédiaires afin de mettre en évidence la capacité des acteurs à faire faire des choses à aux autres. La différence entre ces deux concepts est centrale en théorie de l'acteur-réseau : le médiateur est une entité qui effectue une transformation sur une situation ou une chose tandis que l’intermédiaire se contente de véhiculer sans transformer. Par exemple, dans le cas EDF de Girin & al. (2016), les documents et scénettes de fiction utilisés par la direction générale d’EDF constituent des médiateurs qui ont permis la transformation majeure qu’est le passage du

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refus de l’informatisation à son acceptation. Pour résumer, un bon compte-rendu mobilisant la théorie de l'acteur-réseau a pour objectif de "rendre le social lisible" sans élément superflu, sans parti-pris préalable et sans problème d'accessibilité pour le lecteur, le social étant vu ici comme le mouvement d'un collectif, une transformation du groupe par interactions et non comme une force obscure et spontanée agissant sur les acteurs.

Ces cinq sources d'incertitudes posées par la théorie de l'acteur-réseau sur le fonctionnement et la nature des sciences sociales sont des bases qui ont permis à la sociologie de l'acteur-réseau de construire son cadre conceptuel. Nous comptons confronter ce cadre à la théorie des méta- organisations afin de mieux appréhender la construction du fait méta-organisationnel. Ce cadre est défini par les concepts clés suivants, qui permettent d'analyser la construction du social :

- Les Médiateurs et intermédiaires

Au sens de la théorie de l'acteur-réseau, les acteurs agissent comme des intermédiaires ou comme des médiateurs. Dans les deux cas, ils véhiculent du sens, mais seul le médiateur véhicule du sens lié à la construction du social. La notion d'intermédiaire désigne une entité qui véhicule du sens ou du pouvoir sans le transformer. Autrement dit, la connaissance de ses inputs est suffisante pour connaître ses outputs. C'est une sorte d'unité de transition, dépourvue de processus performatifs. Les médiateurs, quant à eux, font plus que véhiculer : ils transforment les influences exercées sur eux et porteuses de sens. Leur processus est connu, contrairement à la "boîte noire" qu'est l'intermédiaire, et leurs inputs ne permettent pas de prévoir complètement leurs outputs du fait de leurs spécificités, de leur composition et de leurs processus. Les médiateurs transforment, traduisent ce qu'ils véhiculent. Ce sont les traductions permises par les médiateurs qui rendent le réseau visible et compréhensible : elles font apparaître le social (Callon et Latour, 1992, Callon, 1986, Latour, 2006, Lassave, 2006, Lamine & al., 2014, Meyer & al., 2017). Dans le cas de l’informatisation d’EDF (Girin & al., 2016, Grimand, 2017), les éléments constituant la fiction constituent des médiateurs permettant le changement d’état. Un autre médiateur est, par exemple, dans le cas d’un projet d’infrastructure de transport urbain anversois, un référendum qui a transformé un projet de pont faisant l’objet d’une opposition de la population en projet de tunnel (Van Brussel & al., 2016). Dans un projet de lancement d’une entreprise innovante (Lamine & al., 2014), des médiateurs sont incarnés par des présentations Powerpoint, des prototypes, une convention d’incubation, des vidéos de présentation et les différentes versions présentées du business model de l’entreprise, éléments qui ont marqué les changements d’état du projet les plus importants. La traduction permise par les médiateurs permet de relier in fine des faits fortement hétérogènes. Les traductions forment des chaînes par lesquelles les actants traduisent leurs choix et