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475. δ’étudeΝ desΝ fondements complémentaires duΝ principeΝ deΝ l’‐tatΝ socialΝ porteΝ surΝ lesΝ « principesΝd’égalité » et de « dignité de la personne humaine »έΝχfinΝd’approfondir la manière dont la limite intrinsèque auΝ principeΝ deΝ l’‐tatΝ socialΝ circonscritΝ leurΝ sens, il importe, tout d’abord,Νde préciser ce dernier. ϊ’uneΝmanièreΝgénérale,Νmais encore largement indéterminée, le « principeΝd’égalité » ou « principe de non-discrimination » est entendu comme la garantie pourΝlesΝindividusΝdeΝneΝpasΝfaireΝl’objetΝdeΝdiscriminations744. Le « principe de dignité de la

personne humaine » implique la garantieΝ deΝ neΝ pasΝ subirΝ d’atteinteΝ àΝ leurΝ qualitéΝ d’êtreΝ

humain745.

476. Il résulte des définitions en question que le législateur a l’obligation de traiter les destinatairesΝdesΝnormesΝd’uneΝmanièreΝidentique etΝappropriéeΝduΝfaitΝqu’ilsΝsontΝdesΝêtres

humains. Dès lors que les deux garanties portent sur la conduite des individus en leur reconnaissant une permission, elles sont avant tout des droits des individus qui ont le droit de ne pas être discriminés et le droit de ne pas être traités de manière inhumaine746 ; des droits qui,

dans la mesure où ils sont consacrés par des normes supra-législatives, sont invocables devant les juges de la constitutionnalité et de la conventionnalité.

477. A côté de leur qualification de droits, celle de principes se justifie à leur égard en raison deΝ laΝ placeΝ particulièreΝ qu’ilsΝ occupentΝ dansΝ lesΝ ordresΝ juridiquesέΝ δes qualifications de

principesΝd’égalité et de dignité de la personne humaine repose sur le constat suivant : leur sens

744 En ce sens : Louis FAVOREU et alii, Droits des libertés fondamentales, Dalloz, 2016, p. 431. Dominique

ROUSSEAU, Pierre-Yves GAHDOUN, Julien BONNET, Droit du contentieux constitutionnel, 2016, p. 755. Concernant la doctrine hellénique, voir Petros PARARAS, Constitution et Convention européenne des droits de

l’ώomme, Ant. N. Sakkoulas, 2001, p. 27(en grec). Kostas CHRYSOGONOS, Droits civils et sociaux, op.cit., p.

158.

745 Xavier BIOY, Jean – Paul COSTA, Droits fondamentaux et Libertés publiques, L.G.D.J, 2016, p. 396. Charlotte

GIRARD, Stéphanie HENETTE-VAUCHEZ, La dignité de la personne humaine : Recherches sur un processus

de juridicisation, PUF, 2005. Virginie SAINT-JAMES, « Réflexions sur la dignité de l'être humain en tant que concept juridique du droit français », Recueil Dalloz, n° 10, 1997, p. 61. Concernant la doctrine hellénique, voir Dimitris TSATSOS, Droit constitutionnel, Droits fondamentaux, Tome I, p. 261, 266. Antonis MANITAKIS,

Etat de droit et contrôle de constitutionnalité, op.cit., p. 405. Apostolos PAPAKONSTANTINOU, Démocratie

sociale et Etat de droit social au regard de la Constitution de 1975/1986/2001, op.cit., p. 945 (en grec).

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peutΝ s’articulerΝ avecΝ laΝ majoritéΝ desΝ droitsΝ fondamentaux,Ν yΝ comprisΝ lesΝ droits sociaux

fondamentaux. En effet, un individu peut en théorie demander de ne pas être discriminé ou

maltraité à la suite de la concrétisationΝdeΝn’importeΝquelΝdroitΝfondamentalέΝ‐nΝraisonΝdeΝleurΝ

caractère transversal dansΝ l’ordreΝ juridique,Ν ilsΝ sontΝ souventΝ qualifiésΝ deΝ « principes

directeurs » ou de « droits-garanties » 747.

478. Si leur sens variable justifieΝ l’emploiΝ duΝ termeΝ principe, il pose aussi de nombreuses interrogations. La question principale ici est celle de la clarification du lien normatif entre les droits sociaux fondamentaux et les principes complémentaires. Sur le fondement de ces derniers, un individu peut contesterΝl’aménagement des prestations réalisé par le législateur. Le jugeΝ seraΝ dansΝ cetteΝ hypothèseΝ invitéΝ àΝ contrôlerΝ l’activitéΝ législativeΝ surΝ leΝ fondementΝ desΝ principes complémentaires. Mais cela signifie-t-il qu’ilΝpourraΝcontraindreΝleΝlégislateurΝà des

actions positives enΝl’obligeantΝà créer de nouvelles prestations ou à reconnaître de nouveaux

bénéficiaires ?

479. δaΝréponseΝdonnéeΝparΝl’étudeΝquiΝsuitΝà la question posée est négative. Elle démontrera queΝlesΝprincipesΝcomplémentairesΝn’habilitentΝpasΝlesΝjugesΝàΝcontrôlerΝl’omissionΝlégislativeΝ et à devenir ainsi des agents de la politique économique. Par ailleurs, notre analyse vise à aller au-delà de ce constat en l’expliquantΝau regard du caractère complémentaire des principes. Contrairement aux droits sociaux fondamentaux, les principesΝ d’égalité et de dignité de la personne humaine ne sont pas des normes constitutives du principe deΝl’‐tatΝsocial. De notre point de vue, c’estΝenΝraisonΝdeΝceΝfaitΝqu’ilsΝneΝpeuvent signifier quelque chose d’autre quant àΝl’attributionΝde prestations que des fondements spécifiques.

480. χΝ cetΝ égard,Ν d’uneΝ part,Ν les juges ne contrôlent pas l’omissionΝ législativeΝ enΝ matièreΝ sociale, parceΝqu’ils ne peuvent pas le faire non plus au regard des droits sociaux fondamentaux. ϊ’autreΝpart,Νle législateur ne peut adopter de solutions quant à l’aménagement de prestations au regard de principes complémentaires qui méconnaissent le sens des droits sociaux fondamentaux. Dans le cas, par exemple,Νd’uneΝdivergenceΝdeΝsensΝentreΝlesΝdeuxΝcatégoriesΝdeΝ fondements, ce seront les droits sociaux fondamentaux qui détermineront quelle est la solution à retenir. Puisque les fondements complémentaires ne fondent pas, à eux seuls, la création et

l’aménagement des prestations matérielles, leur concrétisation en matière sociale sera donc

nécessairement limitée par des fondements spécifiques.

747 Louis FAVOREU et alii, Droits des libertés fondamentales, op.cit., p. 389. Anne-Laure VALEMBOIS, La

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δ’analyseΝquiΝsuitΝviseΝà démontrer ce postulat en examinant, en premier lieu, la limitation du type de contrôle possible (Chapitre 1), puis, dans un second temps, la limitation des solutions possibles sur le fondement des principes complémentaires (Chapitre 2).

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Chapitre 1

δa limitation du type de contrôle possible au regard des