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δes fondements conventionnels, axes indirects de l’État social

Section 2 L ’affirmation douteuse d’une Union européenne sociale

407. L’analyseΝ qui suit porte sur l’Union européenne sociale et, plus précisément, sur les difficultés qu’uneΝtelleΝqualification pose. δ’ordreΝjuridiqueΝdeΝl’UnionΝeuropéenneΝdiffèreΝdeΝ l’ordreΝjuridiqueΝinternationalΝenΝceΝqu’ilΝestΝleΝseulΝquiΝcomprendΝdesΝorganesΝspécialisésΝpourΝ produire, appliquer et sanctionner les normes produites en son sein629. Son droit primaire ne

consacre pas seulement des droits sociaux fondamentaux, mais aussi des objectifs sociaux. A première vue, le droit deΝl’UnionΝeuropéenneΝrépond à la qualification de « social » dans la mesure où il consacre des fondements du principeΝdeΝl’‐tatΝsocialΝet son effet direct ne peut être généralement contesté630.

408. Or, le simple constat de la consécration de normes sociales au sein du droit primaire ne suffitΝpasΝàΝécarterΝuneΝ visionΝtrèsΝrestrictiveΝdeΝl’UnionΝeuropéenneΝsocialeέ Une première raison à cela porteΝsurΝleΝsensΝexactΝduΝprincipeΝdeΝl’« Union européenne sociale » et de ses différences avec le principe social constitutionnel. Il convient précisémentΝdeΝconstaterΝqu’enΝ raison des origines des Communautés européennes, l’« Union européenne sociale » d’aujourd’huiΝneΝpeutΝqu’avoirΝavantΝtoutΝuneΝsignificationΝéconomiqueέΝUne seconde raison réside dans l’invocabilitéΝtrèsΝlimitéeΝdesΝnormesΝsociales de droit primaire due au principe de subsidiarité qui régit leur application et à la contestation de leur caractère obligatoire.

409. Il convient alors d’analyserΝl’« Union européenne économique et sociale » (1), avant de mettre en exergue le problème de l’invocabilité de ses fondements (2).

629 On y trouve des organes à caractère législatif (Commission européenne, Parlement européen, Conseil

européenΨ,Ν exécutifΝ ΧωommissionΝ européenne,Ν ωonseilΝ deΝ l’UnionΝ européenneΨ,Ν etΝ juridictionnelΝ chargésΝ deΝ contrôler les actes édictés par les deux premièresΝ catégoriesΝ d’organesΝ précitéesΝ ΧωourΝ deΝ JusticeΝ deΝ l’UnionΝ européenne,ΝTribunalΝdeΝl’UnionΝeuropéenneΨέΝParΝailleurs,ΝleΝdroitΝdeΝl’UnionΝaΝétabliΝuneΝhiérarchieΝpropreΝdeΝ normes : les normes de droit primaire sont supérieures à celles de droit secondaire

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§ 1 - δe principe de l’« Union européenne économique et sociale »

410. Il est aujourd’hui possibleΝd’identifierΝlesΝnormesΝquiΝconsacrentΝleΝprincipe social dans l’ordreΝjuridiqueΝdeΝl’Union européenne, bien que ce soit surtout des principes économiques qui ont auparavant fondé les Communautés européennes631. On peut alors se demander comment

une telle évolution a été possible. Dès lors, nous examinerons les principes qui ont guidé l’évolutionΝduΝdroitΝprimaire deΝl’Union, qui est passé d’un droit essentiellement économique à un droit également social. ω’estΝ seulement en connaissant l’origineΝ deΝ l’UnionΝ européenne sociale (A) qu’ilΝseraΝpossibleΝdeΝsaisirΝsonΝsensΝactuelΝetΝd’affirmerΝsaΝconsécrationΝdansΝleΝ cadre du libre marché (B).

A - L’origine économique de l’Union européenne sociale

411. χvantΝqueΝl’UnionΝeuropéenne soit qualifiée de sociale par les traités fondateurs modifiés, le droit secondaire a réglé la « coordination » des régimes de sécurité sociale des travailleurs (i), tandis que la jurisprudence de la Cour de Justice exigeait l’octroiΝdeΝdroitsΝsociauxΝauxΝnonΝ travailleurs (ii).

i - La « coordination » des régimes de sécurité sociale des travailleurs

412. δ’orientationΝsocialeΝdeΝl’UnionΝeuropéenneΝs’estΝinitiée au moment où le droit secondaire a commencé à encadrer le droit à la sécuritéΝsocialeΝdesΝtravailleursΝressortissantsΝdeΝl’UnionΝ européenne632. On entend par « coordination » des systèmes de protection sociale des Etats

membres le processus de rapprochement des législations nationales qui permet aux travailleurs ressortissants d’unΝ‐tat membre x de jouir des mêmes droits que les travailleurs ressortissants d’unΝEtat membre y où ils exercent leur activité professionnelle. Le concept ne se différencie pas vraiment de celui d’« harmonisation » des règles, car aucun des deux n’impliqueΝ l’applicationΝdeΝrèglesΝuniformesΝenΝmatièreΝsociale par les Etats membres, mais seulement celle d’unΝsocle de principes communs 633. La coordination a notamment visé à régler les questions

631 La Communauté européenne économique établie par le Traité de Rome en 1957 a pourΝmissionΝl’établissementΝ

d’unΝ marchéΝ communΝ etΝ leΝ rapprochementΝprogressifΝ desΝ politiquesΝéconomiquesΝ desΝ ÉtatsΝ membresέΝ δ’χcteΝ unique européen en 1986 a permis la transformation progressive du marché commun issu du traité de Rome en un marché unique sans frontières intérieures.

632 Michel BORGETTO, Robert LAFORE, ϊroitΝdeΝl’aideΝetΝdeΝlaΝprotectionΝsociale, op.cit., p. 46.

633 IlΝconvientΝd’employerΝlesΝdeuxΝtermesΝdansΝunΝsensΝidentique,ΝdansΝlaΝmesureΝoùΝlesΝdeuxΝexprimentΝcetteΝidéeΝ

de « rapprochement normatif » des droits nationaux. Riccardo MONACO, « Comparaison et rapprochement des législations dans le Marché commun européen », RIDC, vol. 12, n° 1, 1960, p. 61. Michel LAROQUE, « Coordination et convergence des systèmes de Sécurité sociale des États membres de la CEE », Droit social, n° 9- 10, 1993, p. 792

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résultant de la mobilité des travailleurs au sein des Communautés européennes, sans modifier radicalement les législations nationales.

413. Le processus a eu lieu dans le contexte d’accomplissement du libre marché promu par les traités fondateurs des Communautés européennes dès leur création. La grande hétérogénéité entre les différents systèmes de protection sociale était vue comme obstacle à la mobilité de la main d’œuvreέΝDans cette perspective, leΝfonctionnementΝrégulierΝduΝmarchéΝlibreΝn’étaitΝpasΝ possibleΝsansΝl’attributionΝdeΝdroits sociaux aux travailleurs qui leur permettraient de circuler librement dans les Etats des Communautés puis de l’UnionΝeuropéenneέ Dans cet objectif, la directive n° 96/71/CE a encadré le détachement des travailleurs en leur accordant des permissions sociales634. Parallèlement, le ωonseilΝ deΝ l’UnionΝ aΝ édicté les règlements n°

1612/68635 et n° 1408/71636 relatifsΝ àΝ l’applicationΝ desΝ régimesΝ deΝ sécuritéΝ socialeΝ auxΝ

travailleurs salariés qui se déplacent àΝ l’intérieurΝ deΝ l’UnionΝ européenne, mais aussi aux

membres de leurs familles. Par ailleurs, la jurisprudence de la Cour de Justice a systématisé l’octroiΝdeΝpermissionsΝsocialesΝauxΝmembresΝde la famille des travailleurs637.

414. A défaut de présence de normes sociales au sein du droit primaire deΝ l’Union, la reconnaissance d’un droit à la sécurité sociale au bénéfice des travailleurs et de leurs familles disposait de sources supérieures alternatives. En effet, avant la consécration du principe social par les traités fondateurs, la coordination des systèmes de protection sociale a eu lieu sur le double fondement duΝprincipeΝd’égalité entre nationaux et non-nationaux et de la liberté de

circulation des travailleurs638. Dans la mesure où les travailleurs circulaient librement parmi les

Etats membres, ils devaient accéder aux mêmes droits que les travailleurs nationaux. IlΝs’ensuitΝ que dès le début, la coordination en matière de protection sociale est apparue comme la

634 Sans pour autant entrer dans la problématique spécifique à laquelle ce sujet a donné lieu, connu sous le terme

de « dumping social ». Voir sur ce sujet Marion DEL SOL, Muriel LE BARBIER-LE BRIS, Emmanuelle LAFUMA, « Faut-il réviser la directive détachement ? », Rev. trav., n° 5, 2012, p. 262.

635 Règlement n° 1612/ 68 du Conseil du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs dans la

Communauté (JO L 257 du 19/10/1968, p. 0002).

636 Règlement n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux

travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JOCE, L 149 du 05/07/1971 p. 0002ΨέΝVoirΝaussiΝleΝrèglementΝd’applicationΝn° 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 (JO L 28 du 30/01/1997) mis à jour par les règlements n° 2001/83 du Conseil du 2 juin 1983 (JO L 230 du 22/08/1983, p. 6) et le règlement n° 118/97 du Conseil du 2 décembre 1996. Il a été remplacé par le règlement n° 883/ 2004 du Conseil du 29 avril 2004 (JO L 200 du 7/06/2004, p. 1) et le règlement n° 987/2009 du Conseil du 30 octobre 2009, (JO L 284 du 30/10/2009).

637 Voir CJCE, 30 septembre 1975, C-32/ 75, Cristini. Précisément surΝl’assimilationΝduΝpartenaireΝauΝconjoint,

voir CJCE, 17 avril 1986, n° 59/85, Reed. Sur la protection des enfants des travailleurs, voir : CJCE, 21 juin 1986, C-197/86, Brown ; CJCE, 3 juillet 1974, C-9/74, Casagrande contre Landeshaupstadt Munchen.

638 Prodromos MAVRIDIS « Les juridictions européennes et leurs interventions dans le domaine de la Protection

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conséquence de la libéralisation des conditions de circulation et d'échange639. Dans cette

perspective, l’octroiΝ deΝ droits sociaux était lié à l’applicationΝ desΝ libertésΝ économiques. La connaissanceΝ deΝ l’origine desΝ fondementsΝ sociauxΝ deΝ l’UnionΝ européenneΝ éclaire leur sens actuel, caractérisé par la tendance de les penser en tant que compléments des principes économiques640.

415. Enfin, dans le contexte embryonnaire de coordination des systèmes de protection sociale, les droits sociaux n’avaientΝ pasΝ un sens spécifique par rapport à celui de droits des

travailleurs641. Ils étaient, en revanche, pensés comme des droits accessoires à ceux-ci. En ce

sens, l’élargissementΝdesΝdroits sociaux impliquait nécessairement une rupture avec la qualité de travailleur. Le passageΝdeΝl’Europe des travailleurs àΝl’‐uropeΝsociale642 s’estΝinitiéΝavec

l’octroiΝdeΝdroits sociaux aux ressortissants non travailleurs deΝl’UnionΝeuropéenneέΝ

ii - δ’octroi de droits sociaux aux non-travailleurs

416. Après l’extension des droits sociaux aux membres de la famille des travailleurs, d’autres catégories de ressortissants non actifs sont aussi devenues bénéficiaires de droits sociaux au regard duΝdroitΝdeΝl’Union. L’attributionΝde droits sociaux a en effet été fondée sur certaines

directives relatives au droit de séjour des individus sans activité professionnelle643. Néanmoins,

c’estΝprincipalement la Cour de Justice qui, à travers une jurisprudence très riche, a admis des droits sociaux au bénéfice des non travailleurs. IlΝ s’agissaitΝ notamment des étudiants, des chômeurs et des retraités 644.

417. En raison de l’élargissement des bénéficiaires de prestations, un nouveau concept a émergé pour décrire ce phénomène ; celui de « citoyenneté sociale européenne » 645. ϊ’uneΝmanièreΝ

639 Yves CHASSARD, Patrick VENTURINI, « La dimension européenne de la protection sociale », Droit social,

n° 9-10, 1995, p. 772.

640 Voir infra, p. 170.

641 Voir dispositions sur la santé et la sécurité des travailleurs de la directive cadre n° 89/391/CEE du Conseil du

1βΝjuinΝ1λκλ,ΝconcernantΝlaΝmiseΝenΝœuvreΝdeΝmesuresΝvisantΝàΝpromouvoirΝl’améliorationΝdeΝlaΝsécuritéΝetΝdeΝlaΝ santé des travailleurs au travail (JO L 183 du 29/06/1989, p. 1-8. Elle a été mise à jour par le règlement n° 1882/2003 (JO L 284 du 31/10/2003, p. 1) et la directive 2007/30 (JO L 165/21 du 27/06/2007, p. 11).

642Ν δydiaΝ PτVI‐,Ν « δeΝ défiΝ communautaireΝ deΝ laΝ lutteΝ contreΝ lΥexclusion sociale μΝ laΝ voieΝ des droitsΝ sociauxΝ

fondamentaux »,ΝRϊSS,ΝVolέΝγγ,Νn°Νζ,Ν1λλι,ΝpέΝι1ηέΝVoirΝégalement,ΝenΝceΝsens μΝSeanΝVχσΝRχ‐P‐σψUSωώ,Ν εelchiorΝWχTώ‐δT‐T,ΝδaΝsécuritéΝsocialeΝdesΝtravailleursΝeuropéens,ΝϊeΝψoeckΝUniversité,Νβίί1,ΝpέΝ1θβέ Ν643ΝϊirectiveΝn°Νλγήλθήω‐‐ΝduΝωonseilΝduΝβλΝoctobreΝ1λλγ,ΝrelativeΝauΝdroitΝdeΝséjourΝdesΝétudiantsΝΧJτΝδΝγ1ιΝduΝ

1κή1βή1λλγ,ΝpέΝίίηλάίίθίΨέΝϊirectiveΝn°Νλίήγθζήω‐‐ΝduΝωonseilΝduΝβκΝjuinΝ1λλί,ΝrelativeΝauΝdroitΝdeΝséjourΝΧJτΝδΝ 1κίΝduΝ1γήίιή1λλί,ΝpέΝίίβθάίίβιΨέΝ

644 Ainsi, un ressortissant communautaire qui se déplace sur le territoire d'un autre État membre pour rechercher

un emploi a droit aux allocations de recherche d'emploi versées par cet État selon : CJCE, 23 mars 2004, C-138/02,

Collins ; CJCE, 15 septembre 2005, C-258/2004, Ioannidis ; CJCE, 22 juin 1972, n° 1/72, Frilli.

645ΝεichelΝψτRύ‐TTτ,Ν« δΥégalitéΝetΝlΥaideΝsociale »ΝRϊSS,Νn°Νγ,Νβί1γ,ΝpέΝζί1έΝVoirΝaussiΝlaΝthèseΝdeΝSandrineΝ

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générale, la « citoyenneté » est entendue comme la reconnaissance d’unΝstatut spécifique aux individus par un Etat et une conditionΝ d’attribution etΝ d’exercice de droits au sein de ce dernier646. Dans la mesure où leΝ simpleΝ faitΝ d’êtreΝ ressortissantΝ d’unΝ ‐tat membre suffisait

désormais à accéder à des droits sociaux, la citoyenneté européenne a acquis une dimension

sociale et écarté définitivement cette dernière de la qualité de travailleur.

418. La Cour de Justice a clairement reconnu l’existenceΝd’un lien entre la qualité de citoyen européenΝetΝl’octroiΝdeΝprestations. Tel a été notamment l’apportΝdeΝl’arrêtΝMartinez Sala de 1998647, ainsi que deΝl’arrêtΝGrzelczyk de 2001648. Il en va de même de l’arrêt Marie-Nathalie ϊ’ώoop du 11 juillet 2002649 dans le cadre duquel la Cour a jugé qu’unΝindividuΝpouvait accéder

à une prestation sociale même sans avoir précédemment travaillé auΝseinΝdeΝl’‐tatΝmembreΝoùΝ il résidait. Si cette jurisprudence était censée se fonder sur les directives régulant la situation des non travailleurs, l’affirmationΝd’une citoyenneté sociale européenne a dépassé largement leurs énoncés. En réalité, l’attribution de droits sociaux en fonction du statut de citoyen

européen par le droit secondaire est postérieure à la jurisprudence de la Cour de Justice650.

419. δ’énoncéΝjurisprudentiel d’une citoyenneté sociale européenne illustre la contribution de la ωourΝdeΝJusticeΝàΝl’émergenceΝd’une vraieΝdimensionΝsocialeΝdeΝl’UnionΝeuropéenne651. A un

momentΝoùΝlesΝdroitsΝsociauxΝdesΝindividusΝn’existaientΝpasΝen tant que tels au sein du droit

secondaire,Ν lesΝ jugesΝ deΝ l’UnionΝ européenneΝ seΝ sontΝ fondésΝ surΝ le principeΝ d’égalité afin

d’établir un même niveau de prestations pour tous les citoyens européens652. Ils ont ainsi

646 Instituée par le traité de Maastricht en 1992 et consacrée ensuite parΝ leΝ traitéΝ d’χmsterdamΝ enΝ 1λλι,Ν laΝ

citoyennetéΝdeΝl’UnionΝcomplèteΝmaisΝneΝremplaceΝpasΝlaΝcitoyennetéΝnationaleΝΧaujourd’hui, voirΝl’articleΝλΝTU‐Ν duΝTraitéΝdeΝδisbonneΨέΝ‐lleΝseΝfondeΝégalementΝsurΝlaΝωharteΝdeΝl’UnionΝeuropéenne,ΝωhapitreΝV,ΝarticlesΝγλ-46. Voir infra, p. 206 et s. 647ΝωJω‐,Ν1βΝmaiΝ1λλκ,Νωάκηήλθ,ΝεartinezΝSalaΝcontreΝόreistaatΝψayernέ 648ΝωJω‐,ΝβίΝseptembreΝβίί1,Νωά1κζήλλ,ΝύrzelczykέΝωonsidérantΝn°Νγ1 μΝ« δaΝcitoyennetéΝeuropéenneΝaΝvocationΝàΝ êtreΝleΝstatutΝfondamentalΝdesΝressortissantsΝdesΝÉtatsΝmembresΝpermettantΝauxΝcitoyensΝquiΝseΝtrouventΝdansΝlaΝ mêmeΝsituationΝd’obtenirΝleΝmêmeΝtraitementΝjuridique »έΝ

649 CJCE, 11 juillet 2002, C-224/98, Marie-σathalieΝ ϊ’ώoop. ω’estΝ auΝ nomΝ duΝ principeΝ d’égalitéΝ etΝ deΝ laΝ

citoyenneté européenne que la requérante a pu obtenirΝuneΝallocationΝl’aidantΝdansΝsa rechercheΝd’unΝpremierΝ emploi.

650 Directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil relative au droit des citoyens de l'Union et des

membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Sur les limites de la citoyenneté sociale européenne, voir infra, p. 290 et s.

651 Myriam BENLOLO-CARABOT, « δesΝdroitsΝsociauxΝdansΝl’ordreΝjuridiqueΝdeΝl’UnionΝ‐uropéenne. Entre

instrumentalisation et ‘fondamentalisation’Ν»,ΝRevueΝdesΝdroitsΝdeΝl’homme, n° 1, 2012, p. 84-102. Sophie ROBIN- OLIVIER, « Les normes sociales internationales et européennes et le développement du droit par les juges en Europe », Droit social,2016, p. 219. Theodoros SAKELLAROPOULOS, Jos BERGMAN, Connecting welfare

diversity within the European Social Model, Oxford, New York, Intersentia, Antwerpen, 2004.

652 Se pose toutefois la question de savoir dans quelle mesure le principe de non-discrimination peut être un

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« dérivé » les fondements de l’UnionΝeuropéenneΝsociale de normes régulant la mobilité des citoyens européens.

Après avoir analysé l’origineΝdeΝl’UnionΝeuropéenneΝsociale,ΝilΝconvientΝà présent de procéder àΝl’étudeΝdeΝsesΝfondementsΝactuelsέΝ

B - δ’affirmation de l’Union européenne sociale dans le cadre du libre marché

ζβίέΝδ’examenΝdesΝfondementsΝsociauxΝdeΝl’UnionΝeuropéenneΝnousΝpermettraΝdeΝreleverΝleurΝ lienΝ avecΝ lesΝ libertésΝ économiquesΝ ΧiΨΝ etΝ laΝ manièreΝ dontΝ cellesάciΝ transformentΝ leΝ conceptΝ nationalΝdeΝservicesΝpublicsΝsociauxΝΧiiΨέΝ

i - Le lien entre l’Union européenne sociale et les libertés économiques

421. δ’UnionΝeuropéenneΝse fonde tant sur des objectifs sociaux que sur des droits sociaux

fondamentaux. La consécration des objectifs sociaux a été réalisée par le Traité de Lisbonne653.

Conformément à la définition précédemment proposée des objectifs sociaux supra-législatifs654,

ilΝs’agitΝdeΝdispositionsΝquiΝchargentΝlesΝorganesΝdeΝl’UnionΝeuropéenneΝde tâches préalables à l’accèsΝdesΝindividusΝà des prestations. Les objectifs sociaux énoncés par le Traité de Lisbonne dépassentΝ pourΝ laΝ premièreΝ foisΝ leΝ domaineΝ deΝ l’emploi, marquant ainsi une différence significative avec les traités précédents655.

422. Tel est le cas, par exemple, de l’articleΝ λΝ duΝ TraitéΝ surΝ leΝ fonctionnementΝ deΝ l’Union européenne (« TFUE ») qui énonce que « dansΝlaΝdéfinitionΝetΝlaΝmiseΝenΝœuvreΝdeΝsesΝpolitiquesΝ et actions »,Νl’UnionΝeuropéenneΝ« prendΝenΝcompteΝlesΝexigencesΝliéesΝàΝlaΝpromotionΝd’unΝ niveauΝ d’emploiΝ élevé,Ν àΝ laΝ garantieΝ d’uneΝ protectionΝ socialeΝ adéquate, à la lutte contre l’exclusionΝsocialeΝainsiΝqu’àΝunΝniveauΝélevéΝd’éducation,ΝdeΝformationΝetΝdeΝprotectionΝdeΝlaΝ santé humaine ». De même,Νl’articleΝ1η1ΝT‑U‐Νconsacre les objectifs de « la promotion de

653 Les dispositions du traité ont été approuvées par le Conseil européen de Lisbonne le 19 octobre 2007 et signé

le 13 décembre de la même année parΝlesΝβιΝchefsΝd’ÉtatΝouΝdeΝgouvernement pour être ensuite ratifié par chaque État membre selon ses propres procédures de ratification. Le traité de Lisbonne consiste à deux traités distincts : le « traitéΝsurΝleΝfonctionnementΝdeΝl’UnionΝeuropéenne » (TFUE) qui renvoie au traité de Rome et le « traité sur l’UnionΝeuropéenne » (TUE) qui renvoie à celui de Maastricht de 1992.

654 Voir supra, p. 67 et s.

655ΝQuantΝauxΝdispositionsΝsocialesΝconsacréesΝauparavantΝparΝlesΝtraitésΝfondateurs,ΝilΝconvientΝdeΝmentionnerΝleΝ

PréambuleΝduΝTraitéΝdeΝεaastrichtΝduΝιΝfévrierΝ1λλβΝvisantΝàΝassurerΝleΝ« progrèsΝéconomiqueΝetΝsocial »Νet,Νd’autreΝ part,ΝlaΝréférenceΝduΝpréambuleΝduΝTraitéΝàΝ« laΝsolidarité »ΝquiΝdonnentΝdéjàΝunΝindiceΝdeΝl’évolutionΝultérieureέΝ UnΝpasΝplusΝdéterminantΝaΝétéΝfranchiΝavecΝl’adoptionΝenΝ1λλβΝduΝ« ProtocoleΝsocial »ΝconcernantΝlesΝdroitsΝsociauxΝ desΝtravailleursέΝωeluiάci,ΝquiΝmetΝl’accèsΝauΝmarchéΝduΝtravailΝauΝcentreΝdesΝactionsΝdeΝl’UnionΝeuropéenne,ΝaΝétéΝ initialementΝannexéΝauΝtraitéΝdeΝεaastricht,ΝpuisΝintégréΝauΝtraitéΝω‐‐ΝparΝleΝtraitéΝdΥχmsterdamέΝPourΝsaΝpart,ΝleΝ traitéΝd’χmsterdamΝdeΝ1λλιΝconsacreΝlΥemploiΝcommeΝuneΝquestionΝdΥ« intérêtΝcommunautaire »ΝetΝinviteΝlesΝÉtatsΝ membresΝàΝcoordonnerΝleursΝactionsΝenΝlaΝmatièreέΝωeΝtraitéΝénonceΝenΝoutreΝpourΝlaΝpremièreΝfoisΝl’objectifΝdeΝ lutteΝcontreΝlΥexclusionΝsocialeέΝ

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l'emploi, l'amélioration des conditions de vie et de travail, permettant leur égalisation dans le progrès, une protection sociale adéquate, le dialogue social, le développement des ressources humaines permettant un niveau d'emploi élevé et durable et la lutte contre les exclusions »656.

En outre, certaines autres dispositions portent sur des objectifs plus précis, tels que la santé des individus657 ou l’éducation658.

ζβγέΝχuxΝ objectifsΝ sociauxΝ s’ajoutentΝ lesΝ droitsΝ sociauxΝ consacrésΝ parΝ laΝ ωharteΝ desΝ droitsΝ fondamentauxΝ deΝ l’UnionΝ européenneΝ deΝ βίίίΝ Χ« ωharteΝ deΝ l’U‐ »Ψ659,Ν intégréeΝ auΝ droitΝ primaireΝégalementΝparΝleΝTraitéΝdeΝδisbonne660έΝδeΝdroitΝprimaireΝinclutΝalorsΝpourΝlaΝpremièreΝ foisΝunΝcatalogueΝdeΝdroitsΝfondamentauxέΝ‐nΝdépitΝdesΝobjectionsΝinitialesΝdeΝcertainsΝ‐tatsΝ membresΝtelΝleΝRoyaumeάUni,ΝlaΝωharteΝdeΝl’U‐ΝavaitΝdéjàΝdansΝleΝpasséΝconsacréΝdesΝdroitsΝ sociaux,ΝenΝaffirmantΝl’indivisibilitéΝdesΝdroits661έΝχΝpartirΝdeΝβίίι,Νl’affirmationΝn’étaitΝplusΝ simplementΝprogrammatique νΝelleΝacquitΝunΝcaractèreΝobligatoireέΝ ζβζέΝχΝtraversΝuneΝstructureΝoriginale,ΝlaΝωharteΝdeΝl’U‐Νregroupe,Νd’uneΝpart,ΝcertainsΝdroitsΝ dansΝleΝchapitreΝintituléΝ« δiberté »Ν άΝoùΝl’onΝtrouveΝd’ailleursΝleΝdroitΝàΝl’éducation662ΝάΝet,Ν

656 La même disposition, dans son premier alinéa, énonce que « L'Union et les États membres, conscients des droits

sociaux fondamentaux, tels que ceux énoncés dans la Charte sociale européenne signée à Turin le 18 octobre 1961 et dans la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989, ont pour objectifs... ». ωetteΝréférenceΝn’estΝpasΝsansΝposerΝcertainsΝproblèmesΝdansΝlaΝmesureΝoù,Νd’uneΝpart,ΝleΝpremierΝtexteΝn’aΝjamaisΝ reçu de force contraignante et,Ν d’autreΝ part,Ν elle est remplacée actuellement par la Charte sociale européenne réviséeέΝ IlsΝ neΝ peuventΝ pasΝ êtreΝ vusΝ commeΝ lesΝ fondementsΝ desΝ droitsΝ sociauxΝ fondamentauxΝ deΝ l’UnionΝ européenne, mais seulement comme des textes qui marquent leur origine.

657 Article 168, par. 1 TFUE : « Un niveau élevé de protection de la santé humaine est assuré dans la définition et

laΝmiseΝenΝœuvreΝdeΝtoutesΝlesΝpolitiquesΝetΝactionsΝdeΝlΥUnionέΝδΥactionΝdeΝlΥUnion,ΝquiΝcomplèteΝlesΝpolitiquesΝ nationales, porte sur l'amélioration de la santé publique et la prévention des maladies et des affections humaines et des causes de danger pour la santé physique et mentale. Cette action comprend également la lutte contre les grands fléaux, en favorisant la recherche sur leurs causes, leur transmission et leur prévention ainsi que l'information et l'éducation en matière de santé, ainsi que la surveillance de menaces transfrontières graves sur la santé, l'alerte en cas de telles menaces et la lutte contre celles-ci. L'Union complète l'action menée par les États membres en vue de réduire les effets nocifs de la drogue sur la santé, y compris par l'information et la prévention ».

658 Article 165, par. 1 TFUE : «Νδ’UnionΝcontribueΝauΝdéveloppementΝdΥuneΝéducationΝdeΝqualitéΝenΝencourageantΝ

la coopération entre États membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant leur action tout en respectant