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129. δeΝprincipeΝdeΝl’‐tatΝsocialΝ(ou principe social) aΝétéΝdéfiniΝdansΝl’introductionΝcommeΝ « l’ensembleΝdeΝnormesΝjuridiquesΝgarantissantΝl’accèsΝdesΝindividusΝauxΝprestationsΝmatérielles déterminées par le biais des organes étatiques »179. χΝtraversΝl’étudeΝdes limites intrinsèques au

principeΝ deΝ l’‐tatΝ social,Ν on entend mettre en évidence les éléments qui conditionnent sa

concrétisation positive. IlΝ s’agitΝ précisémentΝ de s’intéresserΝ à la liberté du législateur d’améliorerΝlaΝliberté matérielle des individus etΝl’absenceΝdeΝtouteΝobligationΝpositiveΝàΝsonΝ égard (réserve de la loi). Cette analyse répond à la question de savoir quel est le niveau maximal que le principe de l’‐tatΝsocial peut atteindre en France et en Grèce.

130. Le traitement de la question précédente implique de démontrer en même temps que les deux Etats sont « sociaux »,Νc’est-à-dire qu’ilsΝconsacrent des normes qui garantissentΝl’octroiΝ de prestations matérielles aux individus. Dans le cadre de la premièreΝpartie,Νl’étudeΝdesΝlimites

intrinsèques au principeΝ deΝ l’‐tatΝ socialΝ s’articuleΝ alors avec celle de ses fondements. Les fondementsΝduΝprincipeΝ deΝl’‐tatΝsocialΝneΝsontΝ pasΝdesΝ fondementsΝsimplementΝlégislatifsέΝ Certes, l’affirmationΝdeΝl’‐tatΝsocialΝprésupposeΝqueΝleΝlégislateur français et grec octroie des prestationsέΝ‐nΝl’absenceΝdeΝlégislation sociale déterminant la manière exacte dont celui-ci se réalise, un Etat ne pourra valablement être qualifié de social. L’étudeΝdu principeΝdeΝl’‐tatΝsocialΝ serait, dans cette hypothèse, dépourvueΝd’objet. Bien que l’existence de lois sociales soit une condition nécessaire dans unΝ‐tatΝsocial,ΝelleΝn’est toutefois pas une condition suffisante. 131. Afin qu’unΝ‐tat soit qualifié de social, il est exigé, en plus, que l’interventionΝdu législateur soit elle-même réglée par des normes supra-législatives. SiΝleΝlégislateurΝjouissaitΝd’uneΝlibertéΝ totaleΝd’intervention en matière sociale, il pourrait intervenir non seulement pour créer des prestations, mais aussi pour neutraliser la liberté matérielle des individus. Cela laisserait à nouveau la présente étude analysant l’étendueΝ deΝ l’habilitationΝ duΝ législateurΝ sansΝ objetΝ

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scientifique. IlΝ s’ensuitΝ queΝ l’expression Etat social signifie justement que des contraintes pèsent sur tous les organes qui le composent, y compris le législateur.

132. L’étudeΝ duΝ principeΝ deΝ l’‐tatΝ socialΝ appelleΝ donc à la fois une identification de ses

fondements supra-législatifs et une analyseΝdeΝl’accèsΝdesΝindividusΝàΝdesΝprestationsΝmatériellesΝ par le biais de lois qui les concrétisent. δ’examenΝdesΝlimites intrinsèques auΝprincipeΝdeΝl’‐tatΝ socialΝpermetΝdeΝpréciserΝl’interactionΝentreΝles deux aspects : les énoncés généraux et abstraits édictés par les rédacteurs des dispositions normatives supérieures et leur « réalisation » éventuelle par le législateur. La question qui s’impose est alors celle de savoir quelles sont exactement les normes supra-législatives qui servent de fondements au principeΝdeΝl’‐tatΝsocialΝ dans les deux Etats examinés.

133. δ’étude des limites intrinsèques au principe social appelle une analyse de chacun de ses

fondements, sachant que tous n’ontΝpasΝleΝmême sens. Des normes supra-législatives peuvent

habiliter le législateur à agir dans le domaine social,ΝmaisΝd’uneΝmanièreΝdifférenciée. Sont ainsi distinguées, d’uneΝpart,Νdes normesΝconstitutivesΝdeΝl’EtatΝsocial et, d’autreΝpart,Νles principes d’« égalité » et de «dignité de la personne humaine »180. Seules sont retenues comme normes constitutives deΝl’‐tatΝsocialΝles normes qui habilitent le législateur à octroyer une prestation

sansΝqu’aucuneΝautreΝnormeΝyΝconcourtέΝDans le cas des « principes d’égalité » ou de « dignité de la personne humaine », leΝlégislateurΝn’aΝpasΝcommeΝtâcheΝprincipaleΝcelleΝdeΝgarantirΝdesΝ prestations. Les principes en question ne peuvent fonder leΝprincipeΝdeΝl’‐tatΝsocialΝque de façon accessoire ; ce sont des compléments aux normes sociales. ϊeΝceΝpointΝ deΝvue,Νl’étudeΝdesΝ fondementsΝ duΝ principeΝ deΝ l’‐tatΝ socialΝ impliqueΝ uneΝ distinctionΝ entreΝ fondementsΝ « spécifiques » et fondements « complémentaires ».

134. Toutes les normes quiΝfondentΝleΝprincipeΝdeΝl’‐tatΝsocialΝhabilitent le législateur à agir en matière sociale, mais aucune d’entre ellesΝneΝl’oblige à agir. δ’intérêtΝdeΝl’étudeΝquiΝsuitΝestΝdeΝ démontrer que chacun de ses fondements doit être interprété au regard des limites intrinsèques auΝprincipeΝdeΝl’‐tatΝsocialέΝLa réserve de la loi circonscrit le sens des normes qui sont à la base du principe de l’‐tatΝsocial,ΝaussiΝbienΝs’agissant de ses fondements spécifiques (Titre 1) que de ses fondements complémentaires (Titre 2).

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TITRE 1

LES FONDEMENTS SPÉCIόIQUES DU PRIσCIPE DE δ’ÉTAT

SOCIAL

135. δ’étudeΝdes limites intrinsèques du principeΝdeΝl’‐tatΝsocialΝnous invite à relever, tout d’abord, le sens strict des normes constituant ses fondements spécifiques. Il est question précisément de limites relatives à la concrétisation positive des normes constitutives du principe deΝl’‐tatΝsocialέΝA ce titre, seront envisagées, d’uneΝpart,Νles normes sociales constitutionnelles et, d’autreΝpart,Νles normes sociales conventionnelles. Les normes conventionnelles désignent les normes du droit international et du droitΝ deΝ l’UnionΝ européenneΝ quiΝ disposentΝ d’uneΝ primauté vis-à-vis des lois nationales181.

136. ‐nΝ raisonΝ duΝ caractèreΝ décentraliséΝ deΝ l’ordreΝ juridiqueΝ supranational182, les juges

supranationaux, contrairement aux juges nationaux, ne sont habilités ni à annuler ni à écarter une disposition législative. Sous réserve de certaines conditions, les juges supranationaux peuvent éventuellement censurer l’‐tatΝpour leΝfaitΝd’avoirΝproduitΝdesΝnormesΝcontrairesΝauxΝ normes conventionnelles. Il revient alors au législateur de prendre les mesures appropriées pour éviter une telle censure. Cela signifie que le législateur est indirectement contraint par les normes conventionnelles. De ce point de vue, des obligations positives pourraient lui être imposées.

137. Cependant, précisons qu’enΝ ceΝ quiΝ concerneΝ les normes sociales conventionnelles, il n’existe pas d’engagement du législateur national. δ’intérêtΝdeΝl’analyseΝquiΝsuitΝreposeΝen effet sur une démonstration que l’applicationΝdesΝnormesΝsocialesΝconventionnelles ne force pas le législateur à procéder à des actions positives renversant la limite intrinsèque au principe de l’‐tatΝ socialέΝ En revanche, cette dernière conditionne la concrétisation positive de tous les fondementsΝspécifiquesΝduΝprincipeΝdeΝl’‐tatΝsocialέΝ

181 Voir intro, p. 54. 182ΝVoirΝintro,ΝpέΝηιέΝ

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138. δesΝdeuxΝcatégoriesΝdeΝfondementsΝspécifiquesΝduΝprincipeΝdeΝl’‐tatΝsocialΝleΝfondentΝd’uneΝ manière différenciée, mais aucune n’implique que le législateur peut être contraint à agir. Suivant cette logique, on étudiera les fondements constitutionnels entendus comme axes directs de l’‐tatΝsocial (Chapitre I), puis les fondements conventionnels qui en constituent les axes

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Chapitre 1