• Aucun résultat trouvé

La concrétisation positive du principe de l’Etat social par le législateur

δes fondements constitutionnels, axes directs de l’État social

Section 2 La concrétisation positive du principe de l’Etat social par le législateur

235. En France comme en Grèce, la concrétisation du principe social peut être analysée suivant

deux axes : celui de la concrétisation des droits sociaux fondamentaux et celui de la concrétisation des objectifs-fondements. Le premierΝ porteΝ surΝ l’accèsΝ desΝ individusΝ auxΝ prestations matérielles, soit les droits sociaux que la loi consacre (substance du principe) ; le second ne concerne pas la jouissance de prestations en tant que telle mais ses conditions préalables (structure du principe). Se trouvent ici concernées les structures objectives de

caractère public chargées de laΝ tâcheΝ particulièreΝ d’octroyerΝ des prestations aux individus. δ’existenceΝdeΝtelles structures, qu’ilΝconvientΝde qualifier de « services publics sociaux », est

99

une condition nécessaire à l’octroiΝdeΝdroits sociaux dérivés. ϊansΝleΝcadreΝdeΝl’étudeΝsurΝlaΝ

concrétisation du principe social, seront ainsi mis en exergue, d’uneΝmanièreΝdistincte, les droits sociaux dérivés (1) ainsi que les services publics sociaux (2).

§ 1 - Les droits sociaux dérivés

236. Les droits sociaux dérivés trouvent leur source dans la loi qui concrétise les droits sociaux fondamentaux. A partir du moment où laΝ loiΝ s’interposeΝ entreΝ lesΝ droits énoncés par la Constitution et ceux qui sont concrètement accordés aux individus, un écart entre les deux peut avoir lieu. Tel est le cas, notamment, lorsqu’un droit est énoncé par les constituants pour tous les individus, mais qu’il est finalement octroyé par le législateur seulement à certainsΝd’entreΝ eux. La détermination des bénéficiaires de certains droits sociaux dérivés témoigne une concrétisation positive restreinte. Elle exclut la plus grande partie de la population et cible seulement une partie limitée de celle-ci. Même si, au niveau doctrinal, aucun consensus n’existeΝ quant aux critères qui déterminentΝl’étendueΝdes bénéficiaires des prestations321, dans le cadre

de la présente étudeΝilΝs’agiraΝde prendre en considération des critères de ressources faibles ou plus généralement l’état défavorisé des bénéficiaires. Il est alors possible, dans cette perspective, de diviser les droits sociaux dérivés en droits sociaux généraux (A) et en droits sociaux limités à certains groupes de bénéficiaires (B).

A - Les droits sociaux généraux

237. En tant que droits sociaux généraux, il convientΝ d’étudier en particulier : i) le droit à l’enseignement,ΝiiΨΝle droit à la santé et iii) le droit à la sécurité sociale.

i - Le droit à l’enseignement

238. δ’accès à un enseignement scolaire et universitaire est énoncé par la législation française et hellénique322. IlΝs’agitΝd’uneΝconcrétisationΝduΝdroitΝconstitutionnel àΝl’enseignementΝquiΝ

reposeΝsurΝl’alinéaΝ1γΝduΝPréambuleΝdeΝlaΝωonstitutionΝdeΝ1λζθΝenΝ‑rance323 etΝsurΝl’articleΝ1θ,

321 En tant que telle condition restrictive est entendue dans le cadre de la présente étude la condition de ressources

ouΝenΝgénéralΝlaΝplaceΝdéfavoriséeΝdeΝl’individuέΝSurΝleΝdésaccordΝautourΝdeΝlaΝdéfinition de la condition restrictive, voir infra,ΝpέΝζίζΝetΝsέΝδaΝconditionΝdeΝlaΝnationalitéΝneΝseraΝpasΝiciΝexaminée,ΝcarΝelleΝconcerneΝl’aménagementΝetΝ nonΝlaΝcréationΝd’uneΝprestationέΝSurΝlesΝdroitsΝsociauxΝdesΝétrangers,ΝvoirΝinfra, p. 276 et s.

322 Voir pour la France μΝωodeΝdeΝl’éducation,Νarticle L. 111-1 pourΝl’enseignementΝscolaireΝetΝarticle L. 111-5 pour

l’enseignementΝsupérieurέΝ‐nΝceΝquiΝconcerneΝlaΝύrèce,ΝàΝdéfautΝdeΝlégislationΝcodifiée,ΝonΝseΝréfèreΝàΝlaΝloiΝlaΝplusΝ récenteΝsurΝl’enseignement qui est la loi n° 4485/2017 (JO ή114/4-8-2017ΨΝsurΝlesΝuniversitésέΝSurΝl’enseignementΝ primaire, voir la loi n° 1566/1985 (JO A/167/30-9-1985).

100

par. 2 de la Constitution en Grèce324. Le droit en question implique la possibilité, pour tous les individus, d’accéderΝ à un serviceΝ publicΝ d’enseignementΝ « gratuit »,Ν c’est-à-dire financé entièrement ou partiellement par le budget public325. Son inconditionnalité repose sur le fait

queΝ niΝ l’enseignementΝ scolaireΝ niΝ l’enseignementΝ universitaireΝ n’est réservé à une partie seulement de la population. Tout individu a donc, en principe, la permission d’accéderΝàΝla prestation, sans conditions de ressources.

239. Dans les deux ordres juridiques, les organesΝdeΝl’χdministrationΝsont les destinataires du droitΝàΝl’enseignementΝscolaireΝetΝuniversitaire,Νce qui signifie qu’ilsΝsont chargés de l’octroyerΝ aux individus. ParΝailleurs,Νl’autonomieΝdesΝuniversitésΝestΝgarantieΝenΝvertuΝduΝprincipeΝdeΝlaΝ « libertéΝd’enseignement »έΝϊansΝl’ordreΝjuridiqueΝhellénique,Νl’articleΝ16 de la Constitution consacreΝleΝdroitΝàΝl’enseignement326. Concernant la France, le droit en question, auparavant

conçu comme un droit de valeur législative327, a été plus tard élevé par le Conseil constitutionnel

au rang des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République etΝdotéΝainsiΝd’uneΝ

valeur constitutionnelle328.

240. Deux points principaux distinguent toutefois l’accèsΝàΝl’enseignementΝdans les deux ordres juridiques. La première différence entre la France et le Grèce concerne le principe de « laïcité deΝl’enseignement » qui doit être entendue comme l’absence de reconnaissanceΝd’une religion officielle au sein du système éducatif329. Contrairement au législateur français qui garantit la

libertéΝreligieuseΝdansΝl’enseignement,Νune même garantieΝn’existeΝpasΝdans le système éducatif hellénique330. La législation de chaque Etat est ici en accord avec le droit constitutionnel à

l’enseignement,ΝainsiΝqu’avecΝleΝresteΝdes normes constitutionnelles en matière religieuse331.

324 Voir CdE, n° 2376/1988 sur la permission des établissements scolaires privés en Grèce. 325 Voir infra, p. 413 et s.

326 Article 16 par. 4 : « 4. Tous les Hellènes ont droit à l'instruction gratuite à tous ses degrés dans les établissements

d'enseignement de l'État. L'État soutient les élèves et étudiants qui se distinguent, ainsi que ceux qui ont besoin d'assistance ou de protection particulière, en fonction de leurs capacités ».

327 δaΝlibertéΝdeΝl’enseignementΝétaitΝprécisémentΝentendueΝenΝtantΝqueΝ« liberté publique ». Ce terme renvoie aux

« grandes lois » de la IIIe RépubliqueΝrestéesΝemblématiquesΝàΝlaΝfoisΝd’unΝétatΝd’espritΝlibéral,ΝmaisΝaussiΝdeΝlaΝ

rechercheΝdeΝtechniquesΝjuridiquesΝdestinéesΝàΝpermettreΝunΝexerciceΝeffectifΝdeΝlaΝliberté,ΝàΝpartirΝd’uneΝréflexionΝ globale sur le statut des diverses activités humaines. Jean MORANGE, Les libertés publiques, PUF, 2007, p. 5- 12.

328 Décision n° 77-87 DC du 23 novembre 1977. Cette décision a inclus la liberté de l'enseignement parmi les

principes fondamentaux de la République qui ont une valeur constitutionnelle.

329ΝVoirΝleΝωodeΝdeΝl’éducationΝfrançais,ΝnotammentΝlesΝarticlesΝδέΝ1ζ1ά1ΝàΝδέΝ1ζ1άθΝquiΝconsacrentΝlaΝlaïcitéΝdeΝ

l’enseignementΝpublicέΝ

330 Au contraire, la loi n° 1566/1985 surΝl’éducationΝscolaireΝporteΝsurΝl’enseignement de la religion officielle dans

lesΝécoles,ΝtoutΝenΝrespectantΝlaΝlibertéΝpourΝl’élèveΝdeΝs’abstenirέΝSurΝceΝsujet,ΝvoirΝPanagiotisΝεχσTZτU‑χS,Ν « ReligionΝetΝenseignementέΝδeΝcadreΝhistoriqueΝetΝconstitutionnelΝdeΝl’enseignementΝreligieux », ψook’sΝJournal, n° 7, 2001, p. 36 (en grec).

331 VoirΝl’arrêtΝrécentΝduΝωonseilΝd’‐tatΝhelléniqueΝωd‐,Νn°Νθθίήβί1κΝsurΝl’affaiblissementΝparΝleΝlégislateurΝdeΝlaΝ

101

241. En France, leΝdroitΝconstitutionnelΝàΝl’enseignementΝénonce son caractère laïque332 alors

que l’articleΝ1er de la Constitution de 1958 consacre une « République laïque »333. En revanche,

l’ordreΝ juridiqueΝ helléniqueΝ est caractérisé par laΝ reconnaissanceΝ constitutionnelleΝ d’uneΝ religion officielle.

242. δeΝcaractèreΝlaïqueΝdeΝl’enseignementΝn’estΝpas la seule différence dans ce domaine entre les deux Etats. La seconde différence porte sur l’existenceΝd’un « monopole public organique » dansΝ l’enseignementέΝ τnΝ entendΝ par ce terme l’interdiction faite aux personnes privées d’octroyerΝlaΝprestationΝd’un enseignement parallèlement aux organes étatiques. Dans le cadre de la présente étude, le terme se différencie du « monopole public matériel » qui permet cela auxΝpersonnesΝprivées,ΝtoutΝenΝréservantΝcertainesΝmissionsΝauxΝorganesΝdeΝl’‐tat334. Au sujet

de l’enseignementΝscolaire, un monopole public organique n’existeΝdansΝaucunΝdes deux ordres où les personnes privées sont habilitées à établir des écoles. Le législateur organisant l’enseignementΝ pour toutes les écoles, la législation qui encadre les obligations des écoles gérées par des personnes privées témoigne de l’effetΝhorizontalΝduΝdroitΝàΝl’enseignementέΝ 243. S’agissant deΝ l’enseignement supérieur, la Constitution hellénique interdit qu’ilΝ soitΝ dispensé par des personnes privées335. Au regard de cette disposition, ceΝn’estΝpasΝseulementΝ

l’établissementΝd’universités privées qui est interdit, mais également leur fonctionnement sous laΝtutelleΝdeΝl’‐tat (« service public fonctionnel »)336. Au contraire, en ‑rance,ΝàΝdéfautΝd’uneΝ

telle interdiction constitutionnelle, le législateur permet depuis très longtemps l’enseignementΝ supérieur privé337.

ii - Le droit à la santé

244. Les législations française et hellénique permettent à tous les individus d’accéderΝà des

soins de santé dans le cadre d’hôpitaux publics gratuitement338. χΝl’instarΝdeΝl’enseignement,Ν

les prestations de santé sont également partiellement ou entièrement financées par le budget

332 Article 3, al. a de la Constitution grecque : «ΝδaΝreligionΝdominanteΝenΝύrèceΝestΝcelleΝdeΝl’‐gliseΝorthodoxeΝ

orientale du Christ ».

333 Article 1 de la Constitution, al. 1er : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et

sociale ».

334 Voir infra, p. 329.

335 Article 16, par. 8 de la Constitution hellénique : « La loi fixe les conditions et les termes dans lesquels sont

accordées les autorisations de fondation et de fonctionnement des établissements d'enseignement n'appartenant pas à l'État, les modalités de la tutelle exercée sur ceux-ci, ainsi que le statut de leur personnel enseignant. La fondation d'écoles d'enseignement supérieur par des particuliers est interdite ».

336 Conception « matérielle » du service public, lire infra, p. 301.

337 LaΝlibertéΝdeΝl’enseignementΝsupérieurΝa été instituée en France par la loi du 15 juillet 1875. 338 Voir infra, p. 354 et s.

102

public. Les juges de la constitutionnalité contrôlent le droit législatif à la santé au regard de son fondement constitutionnel consacré par l’alinéaΝ11ΝduΝPréambuleΝdeΝlaΝωonstitutionΝdeΝ1λζθΝenΝ France339 et par l’articleΝβ1, par. 3 de la Constitution en Grèce340. Dans aucun des deux ordres

juridiques,ΝleΝdroitΝàΝlaΝsantéΝneΝrelèveΝd’unΝmonopole public au sens organique ; élément qui signifie que les personnes privées peuvent également en devenir prestataires.

245. Certaines remarques sont nécessaires afin de clarifier le droit aux soins par rapport à d’autresΝdroits qui s’enΝrapprochent. Le droit social à la santé doit être distingué, premièrement, du droit-liberté à la santé entendu comme la permission d’unΝindividu de défendre son état de santéΝàΝl’encontreΝdeΝpotentielles atteintes. Ce dernier droit est lié notamment aux évolutions de la biomédecine, ainsiΝqu’aux fautes médicales, mais il ne dispose pas du même sens que celui d’accéder gratuitement à des traitements médicaux341έΝ ϊansΝ leΝ premierΝ cas,Ν ilΝ s’agitΝ d’uneΝ ingérence à l’encontreΝdeΝla santé des individus ; dans le second cas ilΝneΝs’agit pas d’une

atteinte à leur santé mais de l’apparitionΝ d’uneΝ maladie,Ν l’arrivée d’unΝ accident, ou plus généralement de problèmes de santé qui se produisent sans action préalable de tiers. C’estΝici l’aide d’organes prestataires au maintien d’un bon niveau de santé qui compte et non leur abstention. En Grèce, la distinction trouve une source directe dans les dispositions constitutionnelles qui consacrent d’uneΝ manièreΝ distincteΝ le droit-liberté à la santé342, alors

qu’en France elle provient de la jurisprudence du Conseil constitutionnel343.

246. Le droit social à la santé se distingue, deuxièmement, du droit à la sécurité sociale qui implique la garantie d’un accès à des soins préventifs et curatifs au bénéfice des assurés et

339 Décision n° 2014-373 QPC du 4 avril 2014, Société Séphora. Sur une application conjointe du droit à la santé

avec le droit au repos des travailleurs, voir également : décision n° 2005-523 du 29 juillet 2005 ; décision n° 2007- 555 du 16 août 2007. En ce qui concerne le contrôle de constitutionnalité effectué par leΝωonseilΝd’‐tatΝfrançais,Ν voir CE, n° 180838, 30 avril 1997, Association nationale pour l'éthique de la médecine libérale selon lequel l'institution, par l’ordonnance du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, d'un objectif prévisionnel d'évolution des dépenses médicales n'est pas, en elle-même, contraire au principe de protection de la santé garanti par le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946

340 CdE, n° 400/1986έΝ ϊ’aprèsΝ cetΝ arrêtΝ trèsΝ connu,Ν l’articleΝ β1, par. 3 de la Constitution fonde directement

l’obligationΝpourΝl’‐tatΝdeΝprendreΝdesΝmesuresΝpositivesΝenΝvueΝdeΝlaΝprotectionΝdeΝlaΝsantéΝdesΝcitoyens,ΝauxquelsΝ ilΝ confèreΝ leΝ droitΝ d’exigerΝ deΝ l’‐tatΝ l’accomplissementΝ deΝ sonΝ obligationέ ‐nΝ l’occurrence,Ν àΝ l’occasion de l’établissementΝparΝleΝlégislateurΝduΝsystèmeΝnationalΝdeΝsanté,ΝleΝωonseilΝd’‐tatΝhelléniqueΝaΝénoncéΝl’obligationΝ pourΝl’‐tatΝd’octroyerΝauxΝindividusΝdesΝservicesΝdeΝsantéΝd’unΝtrèsΝhautΝniveauέΝ

341 Sur cette distinction : André ROUX in Louis FAVOREU et alii, Droit constitutionnel, op. cit., p. 1009. Tatiana

GRUNDLER, « Le juge et le droit à la protection de la santé », RDSS, n° 5, 2010, p. 835. Xénophon KONTIADIS Xénophon, Garanties constitutionnelles et organisation institutionnelle du système de la sécurité sociale, op.cit., p. 445.

342 La Constitution hellénique consacre, au moyen de dispositions distinctes, les deux aspects du droit à la santé

envisagésΝiciέΝϊ’uneΝpart,ΝelleΝconsacreΝauΝseinΝdeΝsonΝarticleΝβ1, alinéa 3, le droit aux soins et, d’autreΝpart,ΝauΝseinΝ de ses articles 7, alinéas 2 et 5, le droit à la protection de la santé contre certaines atteintes.

103

recouvre ainsi une grande partie du droit à la santé344. Le droit à la santé est toutefois un concept plus large que celui de sécurité sociale, car il comprend également l’accèsΝauxΝsoinsΝdes non

assurés345. Il dispose donc d’unΝsens spécifique par rapport à celui du droit à la sécurité sociale.

Cela se manifeste à traversΝl’étudeΝdeΝla législation relative au droit à la santé : tant en France qu’enΝ ύrèce, le législateur permet aux non assurés d’accéderΝ auxΝ soinsΝ dansΝ leΝ casΝ d’uneΝ

urgence et pénalise le refus des médecins dans ce cas346. Se trouvent notamment concernés les

patients en danger de mort, les femmes enceintes, ou encore les mineurs. Aucune autre conditionΝn’estΝexigéeΝpourΝl’accèsΝàΝceΝdispositif347, élément qui affirme le caractère général

du droit en question. ‐nΝ pénalisantΝ leΝ refusΝ desΝ médecinsΝ d’octroyer des soins urgents, le législateurΝétendΝl’obligationΝd’accueilΝurgentΝdesΝpatientsΝégalementΝauxΝpersonnes privées. δ’élémentΝs’inscrit ainsi dans l’effetΝhorizontalΝindirect du droit constitutionnel à la santé. 247. Cela ne signifie pas que ceux qui sont assurés ne rembourseront pas les hôpitaux pour leurs soins urgents. Ils peuvent toutefois bénéficier de certains avantages. Par exemple, le Conseil d’‐tatΝhellénique a jugéΝqu’unΝpatientΝqui se trouvait en danger de mort au moment où il a été hospitalisé dans une clinique privée ne pouvait être facturé à hauteur des tarifs habituels348. La

clinique privée doit, dans ce cas de figure, le facturer à hauteur des frais des hôpitaux publics pour des soinsΝquiΝseraientΝgratuitsΝs’ilΝneΝdisposaitΝpasΝd’uneΝassuranceέΝ

iii - Le droit à la sécurité sociale

248. Le droit à la sécurité sociale signifie la permission pour un individu d’acquérir, par le biais de son travail, des moyens financiers pour faire face aux divers risques susceptibles

344 Il convient alors de distinguer au sein de la sécurité sociale la « retraite » de la « prévoyance » qui porte sur la

préventionΝetΝl’indemnisation des risques liés à la santé. Jean-Pierre CHAUCHARD, Jean-YvesΝK‐RψτUω’ώ,Ν Christophe WILLMANN, Droit de la sécurité sociale, L.G.D.J, 2015, p. 545.

345 De ce point de vue, la loi hellénique qui établit le système national de santé implique une protection plus

étendue que la législation relative à la sécurité sociale. Pour certains auteurs, le système de santé se rapproche ainsiΝduΝconceptΝd’aideΝsociale,ΝmaisΝlaΝprésenteΝétudeΝconsidèreΝqueΝlaΝsantéΝestΝunΝconceptΝplusΝétenduΝencoreέΝ Patrina PAPARIGOPOULOU-PECHLIVANIDI, « Le droit à la protection de la santé », op.cit.

346 Voir supra, p. 96.

347 ω’estΝcetΝélémentΝquiΝdifférencieΝl’octroiΝdeΝsoinsΝurgentsΝdeΝl’accèsΝauxΝsoinsΝgénérauxΝdeΝsantéΝauΝbénéficeΝ

des plus démunis en se fondant sur une condition des ressources (voir, par exemple, le dispositif PUMA en France prévoyantΝl’accèsΝ deΝ tousΝ lesΝ individusΝ auxΝ soinsΝ deΝ santé,Ν maisΝ « gratuit » seulement pour les personnes qui remplissent une condition de ressources). Voir, infra, p. 103έΝδ’ouvertureΝdesΝhôpitaux à toutes les catégories de malades et non plus seulement aux indigents a été prévue en France par la loi du 21 décembre 1941 (JORF du 30 décembre 1941, p. 5574).

348 CdE, n° 4/2016. Les organismes de sécurité sociale ont toujours l’obligationΝdeΝcouvrirΝlesΝdépensesΝdeΝsoinsΝ

dansΝleΝcasΝd’uneΝurgence indépendammentΝduΝfaitΝqu’ilΝs’agissaitΝd’uneΝcliniqueΝprivéeέΝSurΝceΝsujet,ΝvoirΝPatrinaΝ PAPARIGOPOULOU-PECHLIVANIDI, « Les soins urgents des assurés vis-à-vis des cliniques privées, à l’occasionΝdeΝl’arrêtΝωd‐Νn°Νβιγκήίθ », DiDik, n° 2, 2007, p. 291(en grec).

104

d’apparaître tout au long ou à la fin de sa vie professionnelle active349. Pour des raisons qui

tendent à la simplification de l’analyse, par « travailleurs » on désignera tous les assurés qui exercent une activité professionnelle et non pas seulement les salariés350. En France, la

protectionΝduΝtravailleurΝàΝl’encontreΝdesΝrisquesΝdeΝl’existenceΝestΝliéeΝpar la jurisprudence au concept de sécurité matérielle consacréΝparΝl’alinéaΝ11ΝduΝPréambuleΝdeΝlaΝωonstitutionΝdeΝ 1946351έΝϊansΝl’ordreΝjuridiqueΝhellénique,Νc’estΝl’articleΝββ, par. 5 de la Constitution qui fonde

le droit constitutionnel à la sécurité sociale et dès lors, le contrôle de la législation qui le concrétise352.

249. En tant que risques d’existence, sont reconnus par le législateur français et grec : le risque

vieillesse impliquantΝl’octroiΝd’uneΝretraite353, le risque maladie qui correspond au financement

des soins préventifs et curatifs de santé354, le risque maternité qui renvoie à l’octroiΝ

d’allocations familiales355, et enfin le risque chômage qui porte sur l’accèsΝàΝune allocation-

chômage356. Par le biais du risque assurance-maladie, sont également couverts certains risques

qui résultent du travail comme, par exemple, les accidents qui peuvent avoir lieu dans le cadre professionnel. Un nouveau risque concernant la dépendance fait actuellement l’objetΝ deΝ plusieurs discussions dans les deuxΝ‐tats,ΝsansΝqu’ilΝsoit néanmoins reconnu pour le moment par le législateur357.

349 La sécurité sociale vise le remplacement du revenu des salariés, des fonctionnaires, des professions libérales

dans le cas où leur travail cesse provisoirement ou définitivementΝ enΝ raisonΝ d’uneΝ deΝ cesΝ risquesέΝ PatrinaΝ PAPARRIGOPOULOU-PECHLIVANIDI, in Spiros VLACHOPOULOS et alii, Droits fondamentaux, p. 525.

350 δaΝdéfinitionΝduΝtravailleurΝn’impliqueΝpasΝforcémentΝunΝtravailleurΝéconomiquementΝdépendantέΝVoirΝsurΝceΝ

sujet, Paul-Henri ANTONMATTEI, Jean-Christophe SCIBERRAS, « Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? », Droit social, n° 2, 2009, p. 221. Lire aussi Aggelos STERGIOU, Droit de la sécurité

sociale, Sakkoulas, Athina – Thessaloniki, 2014, p. 53 – p. 63 (en grec).

351 Décision n° 90-287 DC du 16 janvier 1991 qui juge « conformes » les dispositions prévoyant des conditions de

remboursementΝdifférentesΝselonΝqueΝleΝchoixΝdeΝl’assuréΝseΝporteΝsurΝunΝétablissement participant ou non au service public hospitalier. Voir également : décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, décision n° 97-388 DC du 20 mars 1997, décision n° 2004-504 DC du 12 août 2004.

352 δeΝωonseilΝd’‐tatΝhelléniqueΝparΝsonΝarrêtΝCdE, n° 5024/1987 écarteΝpourΝlaΝpremièreΝfoisΝuneΝloiΝenΝtantΝqu’elleΝ

est contraire au droit constitutionnel à la sécurité sociale. Lire sur cet arrêt Ioannis SARMAS, Jurisprudence

constitutionnelleΝ etΝ administrativeΝ duΝ ωonseilΝ d’EtatΝ helléniqueΝ μΝ EtudeΝ évolutive des grands arrêts, Ant. N.

Sakkoulas, 1994, p. 781.

353 Article L. 351-1 du Code de la sécurité sociale en France. Voir aussi les articles L. 161-17 à L. 161-17-1-2 du

même code. Pour la Grèce, voir la loi n° 4387/2016 (JO A/85/12-05-2016) sur la dernière réforme des retraites.

354 Articles L. 161-3 à L. 161-15-4 du Code de la sécurité sociale en France. Voir la loi n° 4052/2012 (JO /41/01-

03-2012ΨΝsurΝlaΝcaisseΝd’assurance-maladie en Grèce.

355 Articles L. 212-1 à L. 212-2 du Code de la sécurité sociale en France. Voir la loi n° 4093/2012 (JO A/222/12

-11-2012 surΝ l’allocationΝ desΝ assurésΝ pourΝ lesΝ enfantsΝ enΝ ύrèceέΝ SurΝ lesΝ changementsΝ apportésΝ enΝ matière d’allocationsΝfamilialesΝdansΝlesΝdeuxΝ‐tatsΝetΝlaΝpriseΝenΝcompteΝd’uneΝconditionΝdeΝressources,ΝvoirΝl’analyseΝ

infra, p. 405.

356 Articles L. 932-25 à L. 932-30 du Code de la sécurité sociale en France. Voir la loi n° 4430/2016 (JO A/205/31-

10-2016) en Grèce.

357 Mireille ELMBAUM, « Les réformes en matière de handicap et de dépendance : peut-on parler de "cinquième

105

250. La plupart des prestations précitées dispose également d’uneΝsource autre que celle du droitΝconstitutionnelΝàΝlaΝsécuritéΝsocialeέΝδ’assurance-maladie concrétise également le droit

constitutionnel à la santé358 etΝ l’allocationΝ chômageΝ est liée au droit constitutionnel à l’emploi359. Il en va de même pour les allocations familiales et le « droit à la protection de la