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Les finalités de l’évaluation des compétences

CHAPITRE 2 – LES GARANTIES ET LES CONTRAINTES

A. Les finalités de l’évaluation des compétences

1) L'objet du droit d'évaluer

Le droit d'évaluer de l'employeur porte sur le travail de ses salariés et non en principe sur le salarié lui-même, ses attitudes ou son comportement. L'évaluation doit être guidée par une exigence d'objectivité et d'extériorité par rapport à la personne du salarié. Cette exigence permet de marquer la différence entre, d'une part, l'évaluation du travail des salariés et d'autre part, le contrôle et la surveillance des comportements des salariés qui relèvent en principe du droit disciplinaire et ont déjà été consacrés comme un droit de l'employeur (Cass. soc., 20 novembre 1991).

Il existe plusieurs manières de concevoir ce qu'est l'objet de l'évaluation du travail des salariés :

- l'évaluation peut porter sur ce que fait le salarié. Il s'agit alors d'analyser l'activité concrète du salarié et les compétences qu'il met en œuvre dans son travail. Cette approche de l'évaluation se retrouve notamment dans l'élaboration de nouvelles classifications dans l'entreprise, dans l'analyse des fonctions réellement exercées ou dans la recherche de la compatibilité d'une offre de reclassement avec les compétences du salarié ;

- l'objet de l'évaluation peut également porter sur la manière dont le salarié s'acquitte de son travail. Cette mesure exprime un rapport entre une réalisation et ses attentes. Elle permet de rendre compte de l'aptitude du salarié, c'est-à-dire des conditions minimales d'adéquation à l'emploi, référées le plus souvent aux exigences d'un poste, ou de la compétence du salarié qui suppose au contraire une gradation jusqu'au plus haut niveau de professionnalité. L'évaluation de cette dernière passe par une comparaison

avec une exécution dite normale ou satisfaisante de la prestation de travail et une norme de comparaison qui est souvent implicite. L'évaluation du travail passe alors par la mesure de l'atteinte ou du degré d'atteinte des objectifs fixés.

2) L'usage de l'évaluation des compétences La gestion de ses salariés par l'employeur

L'usage le plus fréquent de l'évaluation est l'évolution professionnelle du salarié. Celui-ci est amené à évoluer professionnellement dans l'entreprise, même si son contrat de travail ne le précise pas expressément. Le principe est alors celui du libre choix de l'employeur concernant l'affectation et la mobilité fonctionnelles du personnel selon les aptitudes de chacun (Cass. soc., 26 novembre 1987).

L'employeur peut tirer les conséquences de son jugement d'aptitude, notamment sur le plan de l'affectation, de la promotion, de l'avancement ou de la rétrogradation du salarié. Il doit néanmoins respecter les dispositions des articles L. 1132-1 et L. 1152-1 du Code du travail relatives à l'interdiction de la discrimination et du harcèlement moral. La loi du 16 novembre 2001 et la loi du 17 janvier 2002 ont d’ailleurs élargi le champ d'application des discriminations, et sont désormais précisément visées les opérations « d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle (...) ». De plus, la preuve des discriminations a été facilitée et le témoignage en la matière protégé.

L'employeur doit également éviter des mesures excessives qui pourraient provoquer des effets nocifs sur des salariés fragiles. Ainsi, les procédés de bilan comportemental

(assessment center) qui placent le salarié dans des situations critiques pour apprécier

son comportement ne peuvent être utilisés qu'avec une grande prudence, leur validité paraissant douteuse.

Il convient de préciser que l'employeur ne peut s'affranchir de la qualification du salarié convenue dans son contrat de travail. Il ne peut donc imposer unilatéralement une mobilité, qu’il s’agisse d’une rétrogradation ou d'une promotion (Cass. soc., 16 décembre 1998). Seront également considérées comme infondées les allégations d'insuffisances lorsque les tâches exécutées par le salarié n'entraient pas dans sa qualification contractuelle (Cass. soc., 20 novembre 1987).

L'appréciation par l'employeur des compétences de ses salariés va lui permettre d'individualiser leurs rémunérations.

Cette faculté prend parfois naissance dans le contrat de travail. Ainsi, la Cour de cassation a précisé qu'une clause peut valablement prévoir une variation de la rémunération dès lors qu'elle repose sur « des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur » (Cass. Soc., 2 juillet 2002). Cette variation de rémunération ne peut donc dépendre des qualités professionnelles du salarié que seul l'employeur est à même d'apprécier. Mais il peut en revanche « librement déterminer des rémunérations différentes pour tenir compte des compétences et capacités de chacun de ses salariés » (Cass. soc., 10 décembre 1987). Il doit à ce titre être à même de justifier de l'inégalité de rémunération par un critère objectif tenant à la différence de travail fourni au nom du principe « à travail égal, salaire égal » (Cass. soc. 30 avril 2003). Selon la Cour de cassation, les résultats d’une procédure d’évaluation peuvent constituer des éléments objectifs de nature à justifier une telle différence (Cass. soc. 17 octobre 2006, n° 05- 40.393).

Enfin, l'évaluation est une pièce centrale du dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Afin de favoriser une gestion la plus en amont possible des restructurations, l'employeur a une obligation triennale de négocier sur les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise sur la stratégie de l'entreprise et ses effets prévisibles sur l'emploi, ainsi que sur la mise en place d'un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Dans ce cadre, il doit notamment négocier la mise en place de mesures en matière de formation, de validation des acquis de l'expérience, de bilan de compétences, ainsi que d'accompagnement de la mobilité professionnelle et géographique des salariés. L'évaluation des compétences interviendra alors comme un préalable à de futures actions correctrices.

La rupture du contrat de travail

 Le motif économique de licenciement

Le droit du licenciement pour motif économique organise et utilise l'évaluation des compétences afin de garantir la pérennité du rapport d'emploi.

En effet, c'est souvent à l'occasion de la mise en œuvre par l'employeur de ses obligations d'adaptation et de reclassement, préalables à un licenciement pour motif économique, qu'est sollicité son jugement sur les aptitudes de ses salariés. Dans ces situations, le juge invite en effet les employeurs à dépasser le critère de la qualification contractuelle pour rechercher un emploi compatible avec les qualités professionnelles du salarié (Cass. soc., 7 juillet 2004).

Cette recherche d'emploi reste largement encadrée, notamment par l'article L. 1233-4 du Code du travail, qui oblige l'employeur à ne proposer au salarié que :

- des emplois disponibles de même catégorie, - un emploi équivalent,

- ou à défaut, de catégorie inférieure.

Il n’est néanmoins pas exigé de l'employeur qu'il propose des emplois de catégorie supérieure alors que la prise en compte des compétences du salarié militerait en ce sens (CA Dijon, 23 avril 1996).

Par ailleurs, les possibilités d'adaptation sont limitées par la durée de la formation puisque les juges n'imposent à l'employeur qu'une formation de courte durée (Cass. soc., 7 juillet 1999) ayant la nature d'une formation complémentaire et non d'une formation initiale (Cass. soc., 3 avril 2001) pour appréhender si l’obligation de reclassement a été respectée.

Le droit du licenciement économique permet également à l'employeur de renouer avec la fonction première de l'évaluation des compétences : sélectionner les plus performants. En effet, les qualités professionnelles sont incluses dans la liste des critères de l'ordre des licenciements, énoncée à l'article L. 1233-5 du Code du travail.

Il est à ce titre d’autant plus important, compte tenu des conséquences qui sont associées, de prendre ces décisions sur des critères objectivement déterminés.

 Le motif personnel de licenciement L'insuffisance de résultat

L'insuffisance de résultat n'est plus une cause de licenciement depuis un arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 30 mars 1999. Il ne suffit plus dès lors de constater de mauvais résultats lors d'un entretien, comme c'était le cas avec la jurisprudence antérieure (Cass. soc., 18 mars 1986 : « l'insuffisance de résultats obtenus par un salarié par rapport aux quotas prévus à son contrat constitue, sauf fraude de la part de l'employeur, une cause réelle et sérieuse de licenciement, peu importe que cette insuffisance soit liée à l'état du marché et que la situation rende souhaitable la recherche par l'employeur de moyens de vente plus efficaces »).

Le juge s'attache désormais à l'origine des mauvais résultats pour apprécier l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement pour non atteinte des résultats prescrits. Si les objectifs assignés au salarié étaient inaccessibles (Cass. soc., 30 mars 1999) ou non atteints par suite des carences de l'employeur (Cass. Soc., 12 mars 1992), le licenciement sera sans cause réelle et sérieuse. Ce n'est que lorsque l'échec caractérisé est clairement imputable au salarié que la rupture est fondée. Il en est ainsi notamment lorsque les prédécesseurs et les successeurs ont réalisé des objectifs jamais atteints par le salarié concerné (Cass. soc., 18 juillet 2001).

L'insuffisance professionnelle

L'employeur peut évoquer l'insuffisance professionnelle, motif matériellement vérifiable, pour que la lettre de rupture soit dûment motivée (Cass. soc., 20 novembre 1996). L'employeur devra démontrer la déviance du comportement du salarié par rapport à la norme, c'est-à-dire par rapport au comportement d'un salarié normalement diligent. Le juge peut être sensible à la notation du salarié par l'employeur, mais elle ne saurait constituer en elle-même l'élément concret et voulu par la jurisprudence pour objectiver l'allégation d'insuffisance professionnelle. La Cour de cassation l'a précisément énoncé dans un arrêt du 18 juillet 2000, en rappelant que les résultats de tests de connaissances techniques, pratiqués par l'employeur, ne pouvaient à eux seuls justifier le licenciement pour insuffisance professionnelle : « les résultats de tests de connaissances techniques pratiqués par l'employeur ne pouvaient, à eux seuls, justifier le licenciement pour insuffisance professionnelle d'un salarié dont il était reconnu qu'il avait exercé son activité de manière satisfaisante depuis cinq ans ».

De même, les tests pratiqués à l'embauche ne peuvent pas être imposés à un salarié confirmé. La Cour de cassation a énoncé ce principe dans un arrêt du 19 décembre 2000 où elle dispose que « trois ans après l'embauche, l'employeur ne pouvait faire subir au salarié des tests de connaissances pour en déduire ensuite une insuffisance professionnelle ».

Lorsque le questionnaire d'évaluation met en doute les compétences que le salarié est censé posséder depuis sa prise de poste, celui-ci peut légitimement s'y soustraire.

L’employeur doit en tout état de cause s’appuyer sur d’autres éléments objectifs pour justifier de l’insuffisance professionnelle du salarié.