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Chapitre 1 : Données bibliographiques

2. Les facteurs de modulation de la perméabilité cutanée

L’absorption percutanée d’une molécule va dépendre de la fonction barrière de la peau (donc du type de peau), des propriétés physicochimiques de la molécule, et du véhicule dans lequel une substance chimique entre au contact de la peau.

a. Facteurs biologiques

Age et sexe

La diffusion cutanée varie peu avec l’âge du sujet. Des modifications ont pu être observées au delà de 60-70 ans. Chez le sujet de plus de 60 ans, la sénescence cutanée avec

diminution de l’hydratation peut être responsable d’une diminution modérée de l’absorption percutanée des molécules hydrophiles (pas de changement pour les molécules lipophiles) (Roskos and Guy, 1989). La différence d’épaisseur de la peau est importante chez le nouveau-né et d’autant plus chez les prématurés. La couche cornée est immature chez le prématuré avec une diffusion percutanée 100 à 1000 fois supérieure à celle d’un nouveau-né à terme. La fonction barrière est donc directement liée à l’âge gestationnel.

Les différences de perméabilité cutanée sont peu significatives entre les deux sexes, compte tenu des variations interindividuelles importantes. Elles sont expliquées par les différences d’épaisseur du stratum corneum et par la variation de sa composition en lipides entre chaque individu.

Zone de la peau

La peau n’est pas uniformément perméable sur toute la surface du corps. Les variations sont dues essentiellement à l’épaisseur du stratum corneum. Une augmentation de l’épaisseur conduit d’une part à une augmentation du temps de latence nécessaire à l’établissement de l’équilibre du gradient de concentration, et d’autre part à une diminution du flux.

Ainsi, les zones palmoplantaires sont relativement peu perméables compte tenu de l’épaisseur du stratum corneum.

Une peau altérée physiquement (blessures, excoriations, délaminations par arrachages du stratum corneum par des adhésifs) ou chimiquement (détergents, acides, bases) voit sa perméabilité augmentée.

Espèce

Par rapport aux autres espèces de mammifères, la peau humaine est généralement considérée comme la peau la moins perméable aux substances chimiques, d’après des études ex vivo (Bronaugh et al., 1982a; Godin and Touitou, 2007). Les différences de composition lipidique du stratum corneum, son épaisseur et sa structure sont des facteurs importants en ce qui concerne la perméabilité de la peau (Walters and Roberts, 1993). La perméabilité cutanée est considérée comme allant dans l’ordre décroissant lapin > rat > cobaye > porc > singe Rhésus > homme (Bartek et al., 1972; Bronaugh et al., 1982a). Par exemple, la peau de rat est deux à dix fois plus perméable que la peau humaine en fonction de la molécule étudiée (ECETOC, 1993). De plus, pour une même espèce, les quantités absorbées peuvent varier en fonction du site anatomique. Par exemple, la peau du scrotum est 20 fois plus perméable que la peau de l’avant bras chez l’homme

(Wépierre, 1970). Ces deux constatations sont en partie liées à la variabilité d’épaisseur de la couche cornée et de l’épiderme, qui sont le principal facteur déterminant dans l’absorption.

b. Facteurs liés aux propriétés physicochimiques des substances chimiques

L’absorption et la diffusion cutanée d’une molécule va dépendre de ses caractéristiques physicochimiques (taille, poids moléculaire, état ionique, polarité), de son affinité pour le stratum corneum et de sa stabilité dans le véhicule (Berner and Cooper, 1984).

Le poids moléculaire d’une substance est le paramètre le plus important permettant de prédire sa diffusion à travers la peau. Ainsi, des molécules complexes de haut poids moléculaire pénètrent difficilement dans la couche cornée (Siddiqui, 1989). La diffusion percutanée décroit de manière exponentielle avec l’augmentation du poids moléculaire (Potts and Guy, 1992; Magnusson et al., 2004). La diffusion à travers la peau humaine de molécules de poids moléculaire supérieur à 500 daltons est très faible.

D’autre part, compte tenu de la structure de la couche cornée, les molécules les mieux absorbées sont à la fois liposolubles et hydrosolubles (Marty, 1976).

Les molécules non ionisées diffusent plus facilement à travers le stratum corneum que les molécules ionisées. Les différences de diffusion sont plus faibles pour les molécules hydrophiles que pour les molécules lipophiles (Hadgraft and Valenta, 2000).

c. Facteurs liés aux conditions de contact avec la substance étudiée

Le rôle du véhicule (ou excipient) est essentiel. L’aptitude d’une molécule à traverser la couche cornée dépend de son affinité pour la couche cornée, mais aussi de son véhicule, ces deux paramètres déterminant un coefficient de partage entre le véhicule et la couche cornée. Un autre paramètre à prendre en compte est la saturation du principe actif dans le véhicule. En effet, la diffusion est d’autant meilleure que la concentration est voisine de la saturation. Le choix du véhicule de dépôt est donc un élément très important, en particulier lors de la formulation de médicaments destinés à être appliqués sur la peau. L’efficacité thérapeutique d’un principe actif peut varier selon le véhicule choisi.

Certains solvants peuvent modifier la pénétration percutanée d’une substance. Ainsi, respectivement, l’éthanol et le diméthylsulfoxide (DMSO) quadruplent la pénétration du sarin (Fredriksson, 1969) en provoquant un gonflement des cellules basales.

Il a été montré que l’administration sous occlusion augmentait d’un facteur de deux à dix la pénétration percutanée d’une dizaine de pesticides (Grissom and Shah, 1992). L’occlusion a pour conséquence d’augmenter l’hydratation et la température du stratum corneum, ainsi que le débit sanguin cutané. L’eau se fixant à la kératine, l’hydratation a pour effet de gonfler la couche cornée en diminuant sa densité et sa résistance à la diffusion, augmentant donc l’absorption percutanée.

IV.

MMééttaabboolliissmmeeddeessxxéénnoobbiioottiiqquueesseettmmééttaabboolliissmmeeccuuttaannéé

Après leur absorption par voie orale, pulmonaire ou cutanée, les molécules exogènes à l’organisme ou « xénobiotiques » peuvent être éliminés totalement ou partiellement sous forme inchangée, s’accumuler dans l’organisme ou subir des transformations chimiques non enzymatiques ou enzymatiques. Le métabolisme, ou biotransformation, représente le plus souvent l'ensemble des réactions biochimiques que subissent les substances endogènes et exogènes, résultant en une diminution de leur lipophilicité et en une augmentation de leur caractère hydrosoluble. Le but ultime du métabolisme est de faciliter l'excrétion de ces substances hors de l'organisme, ce qui est essentiel à sa survie. Le foie est l'organe de référence en terme d'activité de biotransformation des xénobiotiques et il contient les plus grandes quantités et variétés d’enzymes de phase I (enzymes d’oxydation) et d’enzymes de phase II (enzymes de conjugaison). La biotransformation comporte généralement deux étapes : une étape de fonctionnalisation ou phase I, et une étape de conjugaison ou phase II qui va utiliser ces fonctions pour conjuguer ces molécules, encore relativement lipophiles, à des entités fortement hydrosolubles, pour en faciliter l’excrétion.

En raison de sa masse importante et de sa richesse en enzymes de biotransformation, le foie joue un rôle primordial dans le métabolisme des molécules endogènes (anabolisme et catabolisme) aussi bien qu’exogènes (xénobiotiques). Cependant, d’autres organes ou tissus, tels que: les reins, l’intestin, les poumons ou encore la peau, expriment des capacités de biotransformation . Les activités enzymatiques de ces organes sont quantitativement plus faibles que celles du foie mais ces tissus, à l’interface du milieu externe et du milieu interne, peuvent contrôler la pénétration des xénobiotiques dans l’organisme (poumons, peau, intestin), être le lieu d’accumulation des xénobiotiques. D’autres peuvent remplir des fonctions spécifiques (exemple : synthèse des hormones stéroïdiennes dans les surrénales). Les systèmes métaboliques de

détoxification des poumons, de la peau et de l’intestin jouent un rôle important pour la défense de l’organisme.

La plupart des enzymes de biotransformation identifiées dans le foie et les autres tissus (intestin, poumons, etc.) sont présentes dans la peau (Pannatier et al., 1978). Cependant, sur le plan quantitatif, l’activité des enzymes de biotransformation de la peau est généralement considérée comme étant très inférieure de celle du foie. Très peu de données sont disponibles, en ce qui concerne les activités enzymatiques exprimées dans la plupart des tissus extraahépatiques. Il est considéré que 0.1 à 28% des activités du foie sont exprimées dans la peau pour les enzymes de phase I et 0.6 à 50% pour les enzymes de phase II (Hotchkiss, 1998; Hewitt et al., 2000).

La peau a longtemps été considérée uniquement comme une barrière physique passive vis- à-vis de l’environnement. Ces vingt dernières années, de nombreux travaux ont démontré que la peau était métaboliquement active, en particulier grâce à l’activité enzymatique localisée au niveau de l’épiderme. Elle est capable de biotransformer les xénobiotiques afin d’en faciliter l’excrétion dans la bile ou l’urine. Cependant, dans certains cas, un composé peut être bioactivé et devenir toxique (Hotchkiss, 1998; Sartorelli et al., 2000).

Le métabolisme cutanée a bien moins été étudié que celui d’organes classiquement impliqués dans le métabolisme des xénobiotiques, comme le foie, les reins, les poumons ou l’intestin. La plupart des informations concernant le métabolisme cutané ont été obtenue via l’étude de culture de kératinocytes et des études de passage sur peau viable (Kao et al., 1985; Oesch et al., 2007). Il est toutefois clairement établi que la peau contient un équipement enzymatique complet avec des enzymes de phase I et des enzymes de phase II fonctionelles.