• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Données bibliographiques

3. L’approche expérimentale ex vivo

Dans le but de disposer de systèmes plus proches de la peau humaine, des modèles ex vivo obtenus à partir d’explants de peau humaine ou animale ont donc été développés au cours de ces dernières années.

Cette approche, initiée notamment par Franz et Bronaugh (Franz, 1975; Bronaugh et al., 1982a), est maintenant largement utilisée pour quantifier l’absorption percutanée et le métabolisme d’une molécule. La première cellule de diffusion a été développée par Franz en 1975 et est représentée Figure 7. Il existe deux types de cellules : les cellules statiques, dont le compartiment récepteur présente un volume de liquide fixe (Figure 7) et les cellules à flux (dynamiques) (Figure 8), où le liquide est partiellement renouvelé de manière continue, de façon à limiter le gradient de concentration lié à l’apparition de la substance dans le compartiment récepteur.

Ces cellules permettent de mesurer la quantité de substance qui diffuse en fonction du temps, de calculer des constantes apparentes de perméabilité, d’apprécier un profil de pénétration dans les différentes strates de la peau, puisque la substance peut être dosée au niveau de la couche cornée, de l’épiderme vivant, du derme après séparation mécanique, et enfin d’étudier le métabolisme cutané et les enzymes fonctionnelles dans la peau. Ces modèles ont l’avantage d’être reproductibles et simples à mettre en œuvre. L’utilisation d’explants de peau d’origine humaine ou animale permet de conserver un stratum corneum intact et ainsi d’avoir un l’effet barrière de la peau proche des expérimentations effectuées in vivo.

a. Principe des cellules de diffusion

Un échantillon de peau ou « explant cutané » est placé dans une cellule de diffusion en verre ou en Téflon®. Des biopsies de peau humaine, issues de plasties chirurgicales ou de peau animale (entières ou dermatomées) peuvent être utilisées. Les prélèvements sont clampés entre deux compartiments. La peau délimite ainsi deux compartiments : un compartiment « donneur » et un compartiment « receveur ». La face dermique de la peau est en contact avec un liquide de survie thermostaté à 37°C qui hydrate et maintient l’intégrité physiologique de l’explant cutané. La substance étudiée (marquée au carbone 14 ou tritium) est déposée sur la face supérieure (épidermique) de l’explant. La quantité de radioactivité qui diffuse à travers la peau pendant la durée de l’expérimentation est dosée périodiquement dans le compartiment récepteur.

Figure 7 : Schéma d’une cellule de diffusion de Franz

La surface de la peau peut être couverte (conditions occlusives), semi-couverte (conditions semi-occlusives) ou exposée à l’air ambiant (conditions non-occlusives). L’intérêt principal de l’occlusion est de limiter l’évaporation de certains composés volatils. Elle entraîne cependant une hydratation du stratum corneum, une augmentation de la température et du pH cutané et favorise ainsi la diffusion percutanée.

Le choix du liquide receveur est fonction des propriétés physicochimiques de la substance à étudier. L’OCDE recommande que la concentration de la substance à analyser soit inférieure à dix fois sa limite de solubilité dans le liquide récepteur (OECD, 2004). Celui-ci ne doit pas

Agitateur Compartiment récepteur Dépôt molécule Explant de peau Compartiment donneur Eau à 37°C Agitateur Compartiment récepteur Dépôt molécule Explant de peau Compartiment donneur Eau à 37°C

s’opposer au passage de la substance du derme vers le compartiment récepteur. Un liquide récepteur aqueux pourra ainsi renfermer un agent solubilisant, tel que l’albumine de sérum bovin, le polyéthylène glycol ou l’éthanol pour faciliter la solubilisation de la molécule étudiée. La radioactivité est dosée dans les différents compartiments des cellules de diffusion (en particulier le liquide receveur et la peau) afin d’obtenir un bilan de la répartition de la molécule d’étudiée. Comme pour les approches in vivo, les métabolites sont le plus souvent identifiés par chromatographie liquide, gazeuse ou spectrométrie de masse.

Figure 8 : Photographie banc de cellules de diffusion dynamiques

b. Comparaison des cellules statiques et des cellules à flux

Les cellules statiques sont simples d'utilisation (pas de problème de fuites, de connection, de pompes, de thermostat). Leur coût est plus faible et la surface d’exposition peut être modifiée plus facilement (Bronaugh, 2004). D’après plusieurs études comparatives, il ne semblerait pas y avoir de différence de diffusion et de métabolisation des molécules entre cellules statiques et cellules à flux dynamique (Bronaugh and Maibach, 1985; Bronaugh and Stewart, 1985; van de Sandt et al., 2004).

Le volume du milieu récepteur utilisé avec les cellules statiques étant plus faible que celui utilisé pour les cellules à flux, elles sont par ailleurs plus adaptées pour la détection et la quantification de métabolites formés en faible quantité.

c. Les différents types d’explants cutanés

Les approches ex vivo ont été développées à partir d’explants entiers (épaisseur totale de la peau), à partir d’explants dont l’épaisseur a été réduite (peaux dermatomées), ou à partir d’épidermes isolés.

L’utilisation de la peau entière se justifie quand la peau est très fine (épaisseur inférieure à 1 mm), comme dans le cas de la souris ou du lapin. Sur des explants entiers, l’absence de circulation sanguine peut provoquer un stockage de la molécule dans le derme, contrairement à la situation in vivo. Dans ces conditions, le derme ajoute une barrière supplémentaire aux molécules lipophiles qui s’accumulent dans ce dernier.

L’alternative est d’utiliser une peau dermatomée, c'est-à-dire où l’épaisseur de la peau a été réduite à l’épiderme et à une partie du derme. L’utilisation d’un dermatome représente actuellement la méthode la plus répandue et la plus reproductible pour la préparation de ces échantillons cutanés. L’épaisseur de ces membranes est normalisée (de 200 à 500 μm) et permet de réduire les variations inter-échantillons et d’améliorer la pertinence des résultats vis-à-vis des études in vivo (élimination d’une partie du derme).

Les épidermes isolés représentent une alternative valable pour s’affranchir totalement du derme. La préparation de ces épidermes isolés est cependant délicate et peut altérer l’intégrité physiologique du prélèvement. Ainsi, la séparation thermique de l’épiderme par chauffage de la peau, inactive certaines enzymes cutanées (Loden, 1985).

D’autres techniques de séparation de l’épiderme et du derme sont néanmoins envisageables : une séparation enzymatique dans des bains de protéases (trypsine/collagénase), chimique par immersion dans des solutions de sels de brome, de thiocyanate ou mécanique par étirements ou par aspirations de la peau (Bronaugh et al., 1982a). Ces techniques peuvent altérer l’intégrité de l’épiderme et modifier la diffusion d’un composé.