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Etat de l’art

5.1. Les effets sur les émulsions avant séchage

5.1.1. Les protéines à l’interface

Les propriétés des protéines déterminent leur capacité à diminuer la tension interfaciale durant l’émulsification. Généralement, elles permettent de diminuer la tension interfaciale, en moyenne de 15 à 20 mN.m-1. Par comparaison, cette valeur est de 30 à 40 mN.m-1 pour des petits surfactifs tels que la lécithine, du fait de leur moindre encombrement stérique. Cependant, les protéines ont à la fois un rôle tensioactif et un rôle stabilisant, ce dernier étant dû à la stabilisation stérique et électrostatique (Damodaran, 2005).

Les protéines s’adsorbent préférentiellement à l’interface eau/huile plutôt qu’à l’interface eau/air.

5.1.2. Les protéines sériques à l’interface

Les protéines sériques peuvent s’adsorber à l’interface huile/eau de trois façons différentes : en monocouche saturée, en multicouche ou en couche additionnée s’il y a beaucoup de protéines. Cette dernière situation serait due à l’augmentation des interactions protéines-protéines entraînant la formation de fines couches viscoélastiques.

La concentration surfacique minimum en protéines sériques requise pour pouvoir stabiliser une émulsion est de 1,5 mg/m² (Jayasundera et al., 2009). Pour une teneur massique totale en protéines de plus de 2,25% (en poids), la concentration surfacique maximale est de 3,2 mg/m². La teneur en protéines est un facteur limitant de la stabilité de l’émulsion, alors les caséines seront plus efficaces que les protéines sériques (Sourdet et al., 2002). Une émulsion à base de 20% d’huile de soja et 2% de WPI (Whey Protein Isolate : isolat de protéines sériques) permet d’obtenir une concentration surfacique de protéines de 2,54 mg/m² pour des globules gras indépendants de 0,70 µm de diamètre (Hunt & Dalgleish, 1996). D’après Sliwinski et al. (2003), seulement 25% des protéines présentes dans l’émulsion s’adsorbent à l’interface, même lorsque la teneur en protéines est de 70%.

Lors de leur adsorption, les protéines sériques se déplient. Alors, si les gouttelettes ne subissent pas de fortes répulsions stériques, elles se rapprochent, et des associations hydrophobiques et/ou des ponts disulfures peuvent se créer entre les β-lactoglobulines adsorbées sur différents globules gras (Dickinson, 2010a).

Ce sont les protéines non agrégées qui s’adsorbent le plus rapidement à l’interface. Elles sont ensuite protégées par les agrégats protéiques qui s’adsorbent comme une seconde couche (Famelart, 2011). Les protéines dénaturées ont une moindre aptitude à s’adsorber et de se désorber (Gaiani et al., 2011). D’après les analyses de Lee et al., (2009), sur des émulsions à 10% (m/m) d’huile de soja, stabilisées par des protéines sériques, la couche interfaciale est en réalité divisée en deux parties : une première (la plus

Etat de l’arte 1" Résultats et discussion importante pour un pH entre 6 et 7), dans laquelle les protéines sont fortement liées aux globules gras, et une seconde partie où les protéines forment des liaisons beaucoup plus lâches avec la phase dispersée. Le ratio seconde partie/première partie augmente avec la pression de l’homogénéisateur (pour des pressions d’homogénéisation comprises entre 500 et 2000 bars). Plus on augmente la pression, plus les interactions protéines-protéines augmentent au détriment des interactions protéines-lipides. En effet, en augmentant la pression, les propriétés hydrophobes des protéines sont modifiées. Cela n’est valable que pour les fortes pressions d’homogénéisation > 500 bars.

Les protéines sériques ont également un impact sur la capacité de l’émulsion à coalescer ou non, et sur les propriétés rhéologiques de l’interface.

Dans des émulsions stabilisées par des protéines sériques, à partir d’une certaine concentration de protéines, il y a agrégation. Plus ce seuil est dépassé, plus l’agrégation a lieu rapidement (Dybowska, 2011a). Si les protéines non adsorbées sont écartées de l’émulsion, alors l’agrégation diminue nettement. En effet, les agrégats viennent des interactions entre les protéines solubles dénaturées et les protéines de l’interface. La dénaturation est principalement liée aux étapes de concentration et de traitement thermique. Dans une émulsion à 45% (m/m) de matière grasse, plus la teneur en protéines augmente, moins elles s’adsorbent à l’interface eau-huile.

Pour une émulsion à 50% (m/m) d’huile de maïs stabilisée par des protéines sériques, il existe un seuil de concentration de protéines à partir duquel la capacité émulsifiante est maximale et n’augmentera plus, et à partir de laquelle la taille des globules gras ne diminue plus (Lizarraga et al., 2008). La mesure de la taille des particules indique que la floculation est dépendante de la teneur en protéines.

Les mesures de G et G’ (données rhéologiques) indiquent que les émulsions sont plus élastiques que visqueuses. La présence de protéines sériques dans une émulsion rend cette dernière plus élastique que la présence de caséines. Cette élasticité est proportionnelle à la teneur en β-lactoglobuline, car cette protéine est très dense et créée des liaisons fortes entre ses monomères. Elles résisteront d’ailleurs mieux à la désorption que les caséines, par exemple (Jayasundera et al., 2009).

Cette propriété est plus importante à l’interface eau-huile qu’à l’interface air-eau. En effet, dans la première interface, les protéines sont mieux solvatées, notamment au niveau de leur région hydrophobe. Les propriétés rhéologiques évoluent avec la teneur en protéines.

L’état de floculation a donc un impact sur les propriétés viscoélastiques de l’émulsion (Chen & Dickinson, 1998). La valeur seuil de viscosité qu’une émulsion contenant des protéines atteint, correspond au moment où une structure pseudo-gélifiée se forme, due à l’enchevêtrement de protéines adsorbées sur des gouttelettes voisines (Hayati et al., 2007).

5.1.3. L’importance de la formulation

Pour des émulsions à base de protéines laitières, la taille des globules gras augmente quand le ratio protéines sur matière grasse passe de 0,43 à 0,21. La quantité de protéines disponibles pour stabiliser l’interface est plus faible menant à la coalescence des globules gras (McCarthy et al., 2012). Une plus faible

Etat de l’arte 1" Résultats et discussion teneur en protéines diminue la probabilité des protéines à être disponible pour stabiliser l’interface lors de sa création, i.e. durant l’homogénéisation. La vitesse de migration des protéines à l’interface est moins rapide, ce qui engendre l’augmentation de taille de globules gras. Moins il y a de protéines, plus la proportion de protéines adsorbées est élevée. Un ratio de minimum 0,26 est nécessaire pour maintenir la stabilité des émulsions.

D’autre part, la matière grasse, lorsqu’elle est cristallisée, peut altérer la couche interfaciale de protéines, et percer les globules gras, lors de la production ou du stockage, entraînant la coalescence de la matière grasse. Dans ces conditions, l’encapsulation de la matière grasse est moins efficace.

5.1.4. Le rôle de l’environnement sur l’émulsion

a) Effet du pH

Onsaard, Vittayanont, Srigam, & McClements, (2006) ont démontré qu’une émulsion à 10% d’huile de maïs, stabilisée par des protéines sériques est stable face au crémage si le pH est inférieur à 4 ou supérieur à 6.

Les ions présents dans la phase aqueuse se placent autour des protéines de l’interface, en fonction des charges. A pH < 4, les protéines du film interfacial sont chargées positivement et entourées par une couche d’ions de charges négatives, puis par une seconde couche d’ions à charges positives, appelée contre-ions, et inversement pour les particules à pH > 6, chargées négativement.

Cette double couche d’ions agit en cohésion avec le reste du globule gras : si ce dernier se déplace, par exemple sous l’effet du mouvement brownien, alors la double couche d’ions se déplace avec lui. Cette double couche accentue la charge initiale du globule gras.

Il n’y a qu’entre pH 4 et pH 6 que la charge de surface des protéines sériques n’est pas suffisante pour prévenir le crémage. En effet, les protéines se retrouvent proches de leur pHi et leurs charges se rapprochent alors de zéro. Les protéines adsorbées subissent alors des interactions attractives entraînant l’agrégation des GG.

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Figure 16 : Schéma explicatif des interactions attractives et répulsives dues aux charges des protéines adsorbées.

Demetriades et al. (1997a) ont travaillé sur une émulsion à 2% de WPI (Whey Protein Isolate) et 20% (m/m) d’huile de maïs. A un pH < 4 ou > 6 ces émulsions ont une viscosité faible. En revanche, à proximité du pHi (environ 5), l’émulsion commence à former un gel dans lequel les particules s’agrègent (phénomène similaire à celui observé pour les solutions protéiques).

La répartition de taille des particules est la même à pH 3 et à pH 7, est différente de celle observée à pH 5 qui reflète bien l’état d’agrégation des particules.

En effet, entre pH 4 et 6, l’émulsion est floculée (Demetriades et al., 1997a, 1997b), car si un tensioactif hydrophile est ajouté avant l’analyse granulométrique, la taille des particules est plus faible qu’en absence de ce tensioactif. Cela signifie qu’une partie au moins des agrégations est due aux interactions protéines/protéines.

Après l’adsorption à la surface des globules gras, beaucoup de protéines globulaires subissent des changements de conformation dus à l’altération de leur environnement moléculaire (McClements, Monahan, & Kinsella, 1993).

Etat de l’arte 1" Résultats et discussion b) Effet couplé des ions et du pH

L’ajout de minéraux tels que le sodium, le potassium ou le calcium, engendre une diminution des répulsions électrostatiques menant à la floculation des globules gras (Dickinson, 2010a). Combiné à un traitement thermique, l’ajout de minéraux, entraîne une floculation encore plus importante. Les interactions d’associations impliquant des protéines à l’interface de différentes gouttelettes de matière grasse sont privilégiées lorsqu’il y a chauffage et ajout de sels. Alors que s’il n’y a pas ajout de sel, mais simplement chauffage, ce sont les interactions protéines-protéines de mêmes gouttelettes qui sont prédominantes (Dickinson, 2010a).

Plus la concentration de chlorure de potassium (KCl) augmente dans une émulsion stabilisée par des protéines sériques, plus la stabilité diminue, jusqu’à ce que l’émulsion se transforme en gel. Si les protéines sériques sont remplacées par des caséinates, il n’y a pas de gélification.

Dans une émulsion à 10% d’huile de soja, stabilisée par des protéines sériques, plus il y a de KCl, plus le potentiel zeta est faible (en valeur absolue). De plus, la taille des particules de ce type d’émulsion est pHi-dépendante ; autour de pH 5, plus de 80% des particules mesurent plus de 10 µm, alors qu’aux autres pH, 100% des particules sont inférieures à cette valeur. A teneur en KCl élevée, la gamme de pH ayant un impact sur la taille des particules est plus importante : pH 5 ± 1. Autour de ce pH, les gouttelettes deviennent sensibles au crémage. En-dessous de pH 3, la teneur en KCl n’influence plus la taille des particules ; la charge positive des protéines est suffisamment élevée pour les stabiliser (Kulmyrzaev & Schubert, 2004).

Plus la force ionique est élevée, plus les forces électrostatiques autour des gouttelettes sont atténuées par la présence des ions. 90% des particules sont inférieures à 1 µm si la concentration de KCl est de 1 mM, à 80% si elle est de 100 mM. Ces modifications de taille sont dues à de l’agrégation, et non à de la coalescence.

L’influence de NaCl, à pH 7, sur la stabilité face au crémage et sur la taille des gouttelettes d’émulsion a également été étudiée (Bryant & McClements, 2000; Demetriades et al., 1997a; Demetriades & McClements, 1998). La présence de NaCl n’impacte l’émulsion, que lorsque sa concentration dépasse les 200 mM. En-dessous de cette valeur, il n’y a pas d’effet du NaCl sur la stabilité puisque les forces de répulsion électrostatique sont très fortes entre les gouttelettes. Une fois ce cap passé, l’indice de crémage fait un bond et passe de zéro à 70% environ. A ce niveau, les répulsions électrostatiques ne sont plus assez importantes pour compenser les forces attractives (Van Der Waals et hydrophobes).

La taille des gouttelettes augmente de 0,5 à 0,8 µm lorsque l’on passe de 0 à 200 mM de NaCl. La taille des gouttelettes va jusqu’à tripler à 500 mM. Lorsque la teneur en NaCl dépasse les 200 mM, l’agrégation devient forte entraînant un crémage (Onsaard et al., 2006).

Plus la teneur en NaCl augmente, plus la plage de pH à laquelle a lieu le crémage s’élargit (Demetriades et al., 1997a).

Etat de l’arte 1" Résultats et discussion Dans une émulsion à 7% de matière grasse et 0,40% de WPI, l’ajout de CaCl2 n’a un impact sur la taille des globules gras que lorsque l’on atteint les 3 mM. En effet, à cette teneur, la distribution granulométrique passe de monomodale à bimodale avec un second pic autour de 8 µm. Au-dessus de 4 mM, la distribution granulométrique présente un pic supérieur à 10 µm. Cette agrégation est totalement réversible, puisque l’on retrouve des tailles de globules gras inférieures à 1 µm en ajoutant un dissociant tel que le SDS.

Les ions réduisent les répulsions électrostatiques, permettant ainsi aux gouttelettes de se rapprocher (Keowmaneechai & McClements, 2002).

Les ions calciums ainsi que les autres contre-ions divalents floculent les émulsions à base de β-lactoglobulines 100 fois plus vite que les ions bivalents. Leur mécanisme d’action implique la diminution des interactions électrostatiques de répulsion et la réduction de la densité de charge de surface due à leur liaison avec les protéines adsorbées (Dickinson, 2010a).

La littérature sur ce sujet indique principalement des études d’émulsions, à teneur en matière grasse inférieure à 40%, auxquelles ont été ajoutées, a posteriori des solutions minérales.