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Les conséquences négatives d’une naissance prématurée ou de poids insuffisant sur la santé et l’adaptation sociale et scolaire des enfants et des adolescents font maintenant l’objet d’un large consensus dans la littérature scientifique. Les efforts sont de plus en plus orientés vers l’étude des mécanismes inhérents ainsi que vers la recherche d’interventions efficaces. Les travaux pionniers de Heideleise Als (1982) ont largement contribué à la reconnaissance de déficits neurologiques particuliers chez les bébés nés avant terme. Ces travaux, ainsi que les récentes connaissances sur le développement du cerveau du fœtus dans le troisième trimestre de grossesse (Llinas and Sugimori, 1980; Volpe, 2009) ont graduellement conduit à la mise en place d’une nouvelle approche de soins aux prématurés appelée globalement « Developmental Care ».

Le massage fait partie de cette nouvelle tradition d’intervention. Depuis une vingtaine d’années, différents impacts du massage chez les enfants prématurés ont été observés, dont un effet récurrent sur l’augmentation du poids quotidien (Vickers, Ohlsson, Lacy et al. 2000). A cet égard, plusieurs expériences, comparant des groupes d’enfants recevant des massages d’une durée de 15 min, de une à trois fois par jour, pendant une durée moyenne de 10 jours avec des groupes contrôles (recevant des soins standards), ont démontré des gains de poids quotidiens supérieurs chez les groupes avec massage (Ferber, Kuint, Weller et al. 2002; Scafidi, Field et Schanberg, 1993; Scafidi, Schanberg, Bauer et al. 1990). Des effets similaires ont été observés suite à seulement cinq jours de massage d’une durée de 15 minutes à raison de trois fois par jour (Diego, Field, Hernandez-Reif et al. 2007 ; Dieter, Field, Hernandez-Reif et al. 2003; Field, Diego, Hernandez-Reif et al. 2008).

Pour expliquer ce gain de poids, des changements de l’activité vagale ont été mesurés et une augmentation significative de cette activité a été notée pendant les séances de massage suivie d’une diminution graduelle par la suite (Diego et al. 2007). Lors de cette expérience, dans laquelle la consommation calorique a été contrôlée, il a été noté une augmentation de la motilité gastrique, qui atteint son apogée à la fin du massage. Selon ces chercheurs, l’augmentation de l’activité vagale pendant le massage entrainerait une plus grande motilité gastrique, laquelle serait responsable du gain de poids de 30% supérieur dans le groupe avec massage comparativement au groupe contrôle. L’hypothèse avancée pour expliquer

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ces résultats est que la stimulation des mécanorécepteurs et barorécepteurs de la peau (fibres afférentes principales du nerf vague) entrainerait une augmentation de l’activité du nerf vague qui stimule davantage les fibres efférentes responsables des fonctions parasympathiques du système gastro-intestinal, telle la motilité gastrique. L’augmentation de la motilité gastrique entrainerait, à son tour, une libération importante d’hormones permettant une meilleure absorption des nutriments (Field, Diego et Hernandez-Reif, 2007; Field et al. 2008; Uvnäs-Moberg, Widström, Marchini et al. 1987). Le processus induit provient du fait que le massage, en diminuant le taux de cortisol dans le sang (Acolet, Modi, Giannakoulopoulos et al. 1993), en minimise l’effet inhibiteur sur la sécrétion de l’insuline et d’autres hormones de croissance (Tsigos et Chrousos, 2002). Une étude récente (Field et al. 2008), observant des taux d’insuline et d’«insulin-like growth factor-1» (IGF-1) plus élevés chez un groupe de prématurés recevant des massages que chez un groupe contrôle, vient appuyer cette théorie. L’insuline est reconnue pour son rôle dans la conversion du glucose en glycogène et en lipide, tandis que l’IGF-1 influence la croissance en stimulant la multiplication et la croissance cellulaire.

Un autre changement physiologique a été observé suite au massage. En comparant les températures corporelles d’un groupe contrôle et d’un groupe avec massage, il a été constaté une augmentation significative de la température chez le groupe avec massage. Cette différence a été observée autant durant les massages que durant les 15 min qui suivent l’intervention (Diego, Field et Hernandez-Reif, 2008). Ces résultats ont été obtenus malgré le fait que les portes des incubateurs du groupe avec massage étaient restées ouvertes durant les massages alors que celles des incubateurs du groupe contrôle étaient demeurées fermées. L’augmentation de la température chez le groupe avec massage pourrait être le résultat d’un transfert de chaleur des mains du professionnel vers l’enfant. Ce qui serait compatible avec des résultats obtenus avec la méthode Kangourou (Ludington-Hoe, Nguyen, Swinth et al. 2000). Une autre hypothèse serait que le contact tactile, durant le massage, faciliterait la régulation neurologique de la température corporelle ou l’activation de la circulation sanguine.

Le massage chez le prématuré pourrait également accélérer le développement du cerveau. Une étude réalisée par Guzzetta, Baldini, Bancale et al. (2009) a démontré que le massage

27 augmente l’activité des cellules nerveuses. Cette augmentation a été prouvée à partir des résultats de l’électroencéphalogramme réalisé chez le bébé prématuré. Ceci leur a permis de conclure à une accélération de la croissance du cerveau en général et de manière particulière du cortex visuel, (la tête et le cou faisaient partie des zones massées). Selon Liaw (2000), les récepteurs localisés sur la surface de la peau des prématurés envoient des influx nerveux au cerveau. Ce message cheminant par les nerfs, prend en compte le degré de myélinisation des neurones et de la structure des synapses. Arrivé au cerveau, ce message sera redirigé vers l’organe concerné. Ainsi la stimulation tactile permet au cerveau de faire les liens entre les différents organes.

Selon Field (1998), le massage contribue à faire diminuer le taux de cortisol dans l’urine des personnes vivant avec le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Or, la diminution de cortisol s’accompagne d’une augmentation des lymphocytes CD8 contribuant à l’amélioration du système immunitaire de l’individu. Des effets semblables ont été démontrés chez les personnes souffrant de cancer du sein, la thérapie du massage a contribué à faire augmenter les marqueurs de lymphocytes, témoignant un renforcement du système immunitaire (Field, 1998).

Des effets positifs sur le système cardio vasculaire et respiratoire ont également été démontrés (Field, 1998). Des enfants asthmatiques ont présenté une nette amélioration après une thérapie de massage qui facilitait l’oxygénation de l’organisme. Serait-il possible d’irriguer davantage la rétine du bébé prématuré par le massage, prévenant ainsi l’hypoxie présente dans la rétinopathie de la prématurité ? Cette pathologie est la cause majeure de cécité chez les enfants nés prématurément (Hellstrom, Perruzzi, Ju et al. 2001). Selon l’étude réalisée par Gilbert, Fielder, Gordillo et al. en 2005, la rétinopathie de la prématurité a touché 50 000 enfants prématurés. Le nombre de cas répertoriés par pays dépendait de la disponibilité des ressources humaines, matérielles et financières nécessaires au dépistage et aux techniques de traitement. Les enfants nés prématurément présentent des troubles de vascularisation de la rétine ; ainsi, le risque de développer la rétinopathie devient plus élevé chez ce groupe cible. Selon Hellstrom et al. (2001), le développement de la rétinopathie des prématurés est due au ralentissement de la croissance des vaisseaux devant irriguer la rétine, ce qui cause une hypoxie périphérique de la rétine. Plusieurs études ont développé

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des modèles de prédiction de la rétinopathie basés sur l’augmentation du poids de naissance chez les prématurés (Wu, VanderVeen, Hellström et al. 2010; Binenbaum, Ying, Quinn et al. 2011). L’enfant plus mature et ayant un poids plus élevé présente un risque moins élevé de développer des problèmes de rétinopathie. De plus, les résultats de l’étude réalisée par Hellstrom, Engstrom, Hård et al. (2003) ont démontré que le manque de l’insulin-like growth factor I (IGF-I) peut augmenter le risque de rétinopathie de la prématurité. Les études de Hellstrom et al. (2003) et de Guzzetta et al. (2009) ont également noté une augmentation de IGF-I par le massage et une maturation de l’acuité visuelle chez le prématuré recevant une stimulation tactile.

Les bienfaits du massage ne s’arrêtent pas au domaine physiologique. En effet, les prématurés qui reçoivent des massages avec une pression modérée versus une pression légère présentent moins de comportements irritables, moins de mouvements, moins de pleurs et une plus faible augmentation des comportements de stress, comme le hoquet, (Field, Diego, Hernandez-Reif, et al. 2006 ; Field, Hernandez-Reif, Diego et al. 2004). Le groupe avec pression modérée montre également un ralentissement du rythme cardiaque (Field et al. 2006).

Le massage semble également avoir un impact sur le comportement à plus long terme. En effet, les prématurés ayant reçu des massages (durant 10 jours) lorsqu’ils étaient dans l’unité de soins néonatals présentent à l’âge de trois mois de meilleures interactions mère- enfant que le groupe contrôle (Ferber, Feldman, Kohelet et al. 2005). Ce résultat est observable autant pour le groupe où le massage est réalisé par la mère que pour le groupe où le massage est administré par un professionnel. Les enfants de ces deux groupes ont montré des interactions plus réciproques avec leurs mères, en plus d’être plus engagés socialement comparativement au groupe contrôle.

Le massage chez les enfants prématurés est une méthode qui a des avantages en termes de coût-efficacité. Scadifi et al. (1990) ont obtenu une diminution du séjour d’hospitalisation de 5 jours pour le groupe avec massage et de 6 jours dans l’étude de Field, Schanberg, Scafidi et al. (1986) en comparaison au groupe contrôle. Ainsi, en diminuant le nombre de jours d’hospitalisation on réduit en même temps les frais hospitaliers. De plus, des études ayant sollicité la participation de mères pour effectuer les massages à leur enfant prématuré

29 montrent que ces dernières (lorsqu’elles reçoivent une formation) obtiennent des bénéfices comparables à ceux observés avec le personnel plus expérimenté (Ferber et al. 2005; Field et al. 2004) ce qui réduit davantage le coût de l’intervention.

Finalement, le massage ne semble pas entrainer d’effets négatifs pour la santé des enfants exposés (Mathai, Fernandez, Mondkar et al. 2001). Field, Diego et Hernandez-Reif (2010) rapportent que le massage est pratiqué dans 38 % des unités de soins intensifs néonataux aux États-Unis.

Compte tenu de tout ce qui vient d’être mentionné sur les apports avantageux du massage, une étude a été réalisée dans une unité de néonatologie au Vietnam en vue d’évaluer les bienfaits du massage chez des bébés vietnamiens nés prématurément. En plus de cela, cette étude compte mesurer les effets du massage périorbitaire sur la diminution de la rétinopathie chez les prématurés nés à 33 semaines de gestation ou moins et pesant moins de 1500 grammes à la naissance.

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