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La question du temps et de l’éternité dans la pensée grecque et dans la période patristique

II. La pensée chrétienne

1. Les données bibliques

L’Ecriture Sainte provient d’une source dont le statut, du point de vue philosophique, engagerait une réflexion à part. Nous n’allons pas y entrer1. Faisons seulement deux remarques sommaires. Premièrement, la Bible n’est pas un texte qui viserait à établir des conclusions d’ordre métaphysique. Sa portée dépasse largement une conception quelconque d’un « Dieu des philosophes ». Deuxièmement, la Révélation divine qui a lieu dans la Bible, tout en introduisant dans l’intelligence humaine un élément transcendant l’ordre philosophique, a toutefois un impact fort et subtil sur la philosophie qu’un croyant entreprend d’élaborer. Tout se passe comme si une réalité sublime et inaccessible, tel l’Un plotinien, intervenait d’elle-même dans la vie humaine en transformant toutes les choses sans les défigurer, en faisant parler tout élément de l’univers tout en respectant sa nature, bref, en élargissant le champ sémantique du monde sans violer les lois naturelles de l’intelligence humaine.

Ces deux remarques appellent deux conséquences pour la notion de l’éternité donnée dans la Bible. Cette notion ne peut pas recevoir un statut métaphysique semblable aux autres conceptions philosophiques de l’éternité. Certes, l’éternité divine biblique peut composer avec les notions philosophiques de l’éternité, celles des grecques par exemple. Mais elle garde son autonomie souveraine en ne se laissant pas identifier avec aucune d’elles. Autrement dit, une notion philosophique de l’éternité peut être appelée à exprimer un sens particulier de l’éternité biblique moyennant lequel celle-ci entre en contact avec l’homme. Ce contact, qui constitue le but unique de la Révélation biblique, utilise ainsi les concepts philosophiques de l’éternité comme de purs instruments et donc transcende chacun d’eux. Deuxièmement, l’homme touché

1Nous ne pouvons que renvoyer aux nombreux auteurs qui ont traité ce sujet passionnant et difficile.

Entre autres, du point de vue thomiste : GILSON E., Le Thomisme, Paris, Vrin, 1997 (¹1919), pp. 9-45 ; Id., L’Esprit de la philosophie médiévale, Paris, Vrin, 1998 (¹1933), pp. 1-38 ; DUBARLE D.,

L’Ontologie de Thomas d’Aquin, Paris, Cerf, coll. Philosophie & Théologie, 1996, pp. 33-41. Tous les

ouvrages de la collection Philosophie & Théologie, aux éditions de Cerf, contribuent considérablement à la réflexion sur cette problématique.

par la Révélation biblique, le croyant, utilise les concepts philosophiques de l’éternité déjà existants, et en crée de nouveaux, dans la mesure où ceux-ci l’aident à se maintenir dans le contact avec la Révélation ; pareillement, le philosophe croyant évite toute conception philosophique qui empêche ce contact. Or, tant dans la création que dans le rejet des doctrines philosophiques, actes subordonnés à la foi, l’argumentaire proprement philosophique joue son rôle en plénitude. Ceci est permis, selon notre expression employée plus haut, grâce à l’élargissement du champ sémantique des réalités que l’homme rencontre dans l’univers sans que soit défigurée son intelligence. Ainsi ce n’est que rarement qu’un croyant rejettera une doctrine philosophique exclusivement sur la base de sa foi, sans user de l’argumentation philosophique. Une telle éventualité est pourtant réelle : c’était le cas de penseurs chrétiens qui ont rejeté l’affirmation aristotélicienne de l’éternité du monde en raison de la foi seule, après avoir toutefois mené des recherches philosophiques vives et tenaces sur ce sujet (Thomas d’Aquin).

Avec cette grille de lecture, nous revenons à notre problématique principale. Que dit la Bible de l’éternité ? Celle-ci ne se présente à notre esprit que sous le vocable proprement théologal : Dieu Eternel (Is 40, 28). Cette éternité divine s’explicite par le dépassement de toute idée de commencement et de fin : « Avant que les montagnes fussent nées, enfantés la terre et le monde, de toujours à toujours tu es Dieu » (Ps 90, 2) ; « Depuis longtemps, tu as fondé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de tes mains. Eux périssent, Toi, tu restes ; tous, comme un vêtement, ils s’usent ; comme un habit qu’on change, tu les changes ; mais Toi, le même, sans fin sont tes années » (Ps 102, 26-28). Il semble que ces affirmations soient compatibles avec l’idée de la durée infinie, celle-ci pouvant être représentée comme une ligne temporelle sans début ni fin, propre à la pensée des philosophes grecs. Certains théologiens ne manqueront pas de réduire l’éternité divine biblique à cette idée de la durée, ou du temps, infinie1. Effectivement, cette conception de l’éternité n’est pas celle qui doit

1

O. Cullmann pense ainsi sauver l’Ecriture Sainte de tout mélange avec la philosophie. Cf. Christ et le

temps, Neuchalet – Paris, Delachaux et Niestlé, 1966 (¹1948), pp. 43-48 en particulier. En effet,

Cullmann croit que l’idée philosophique de l’éternité consiste uniquement dans cette Unité au-delà de toute extension et de toute durée, inaugurée par Plotin, mais introuvable, selon Cullmann, dans la Bible. Imaginer donc l’éternité biblique comme la durée temporelle « dans son étendue totale, infinie, illimitée dans les deux directions » (ibid., p. 34), c’est revenir à la conception biblique pure de l’éternité divine, sans se mêler des spéculations métaphysiques. Le théologien suisse oublie que cette idée de la durée infinie est susceptible de porter tout le poids métaphysique des grecs. Cf. aussi BOUILLARD H., Karl

être évitée à tout prix par un croyant, et la compréhension de la multitude des croyants se limite à elle. Mais l’Ecriture Sainte appelle d’autres sens.

Nous retrouvons sans difficulté, au sein de la Bible, la notion de l’αιών1dans sa structure composée de l’immobilité et de la vie, structure rencontrée également chez les grecs. « Moi, l’Eternel, le premier et le même jusqu’aux derniers âges » (Is 41, 4). La parole de Dieu « subsiste à jamais » (Is 40, 8), son secours « subsiste éternellement » (Is 51, 6), « l’amour de Iahvé est de toujours à toujours, et sa justice, pour les fils de leurs fils » (Ps 103, 17). Comme s’il était le plus philosophe des auteurs de la Bible, saint Jacques parle dans des tonalités métaphysiques : en Dieu « n’existe aucun changement, ni l’ombre d’une variation » (Jc 1, 17). Il n’est pourtant point de développements métaphysiques dans le texte de la Bible. Seulement, l’idée philosophique de l’immobilité peut aider le croyant à comprendre sa propre confiance en la Révélation, à rendre plus intelligible sa propre croyance selon laquelle Dieu ne change pas et ne joue pas avec ses promesses (He 6, 17-20). Mais au sein de cette stabilité même de Dieu, la Bible nous présente sa vie moyennant une multitudes de métaphores qui connotent le sens de mouvement : Dieu châtie, se repent, aime… L’idée d’un repos statique est ainsi dépassée. Or, les métaphores aident à saisir la Révélation vivante, mais, n’étant que des métaphores, elles interdissent une conclusion d’ordre philosophique qui aboutirait à une image anthropomorphique de Dieu, comme c’était le cas dans les croyances anciennes des grecs. Tout en appelant Dieu vivant (Dt 5, 26), la Bible a le souci de distinguer son mode de vie du nôtre : « Il dit : je vis éternellement » (Dt 32, 40) ; « N’es-tu pas Iahvé, depuis les temps les plus reculés, mon Dieu saint qui ne meurt pas ? » (Ha 1, 12) ; « Mille ans sont, à tes yeux, comme un jour » (Ps 90, 4). Malgré cette séparation entre la vie divine et la vie humaine, Dieu promet l’immortalité à l’âme humaine (Sg 3-4) et même, selon la totalité des écrits du Nouveau Testament, une participation de l’homme à la Vie de Dieu. Qu’est-ce que pourtant cette Vie, qui dépasse aussi bien le mouvement que l’immobilité ? La foi cherchera toujours à le comprendre, mais il est clair que toute doctrine philosophique de la vie sera de loin insuffisante pour épuiser cette tâche.

écrivains de la Bible conçoivent l’Eternité comme un temps primordial qui concerne en lui la substance de tous les temps, et dont dérive tout leur contenu ».

1RIGAUX B., Saint Paul : Les Epîtres aux Thessaloniciens, Paris, Gabalda, 1956, p. 631 ; SASSE H.,

Indiquons encore une correspondance entre l’univers de la Bible et le monde grec, peut-être la plus célèbre. C’est la conjonction de l’idée de l’éternité avec celle de l’être. Le nom même du Dieu Eternel, selon sa propre parole, est : « Je suis celui qui suis » (Ex 3, 14). Désormais, durant toute l’histoire de la philosophie, les différentes ontologies seront convoquées pour expliciter l’être même du Dieu Eternel. Mais également, l’ontologie elle-même prendra un nouvel élan à partir de la foi en un Dieu Eternel, guidée par le désir à le comprendre autant qu’elle peut. Tout ceci constitue un espace pour le débat dramatique, englobant la totalité de la pensée occidentale, dont une des facettes est la problématique du rapport entre l’éternité et le temps. Nous y reviendrons tout au long de notre travail. Ajoutons ici juste que ce nom de Dieu en tant que l’Être, est donné dans la Bible dans ce but principal et unique : maintenir la

présence de Dieu au sein de son peuple, c’est-à-dire maintenir le contact de chaque

croyant avec la Révélation.

Nous voyons donc comment la notion biblique de l’éternité appelle au service de son intelligibilité les différents traits de la notion grecque de l’éternité, telle l’idée de la durée sans commencement et sans fin ou encore le concept de l’αιών avec ses deux facettes de l’immobilité et de la vie. Mais la Bible dit beaucoup plus. Elle contient des messages auxquels aucune des philosophies déjà existantes lors de sa rédaction ne pouvaient répondre ; ces messages ont donc incité la création de concepts philosophiques nouveaux, tâche à laquelle se sont donnés les chrétiens dès le début. Quels sont les traits de la notion biblique de l’éternité, contenants des germes absolument nouveaux ?

L’éternité divine biblique parvient à un degré de transcendance qu’aucune métaphysique, pas même celle de Plotin, n’a jamais atteint jusque là. Montrons-le par quelques affirmations propres à l’Ecriture Sainte. D’abord, celle de la création à partir de rien. « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre » (Gn 1, 1), « Je t’en prie, mon enfant, regarde le ciel et la terre et tout ce qui se trouve en eux ; et comprends que Dieu a fait de rien tout cela ainsi que le genre humain » (2 M 7, 28), « Tout a été fait par lui, et, sans lui, rien n’a été fait de ce qui existe » (Jn 1, 3). Ce rien, tout croyant qui veut philosopher le prendra au sérieux et, touché par la Révélation, ne pourra que

conclure que toute durée, et donc le temps lui-même, sont créés1. L’éternité divine se présente alors comme étant hors de toute durée. L’idée de la durée infinie, du temps éternel, devient contradictoire avec elle-même. Les systèmes de Platon et d’Aristote sont dépassés par le concept biblique du Dieu Eternel. Le monde des Idées doit être reconsidéré en fonction de ce concept et prendre sans doute un sens inouï, libre de l’idée de durée. L’organisation éternelle et immuable du Kosmos, avancée par Aristote, éclate : selon la Bible, elle a un début et elle aura une fin. Même l’Un de Plotin, parce qu’il était enfermé dans un nécessitisme d’esprit aristotélicien, puisqu’il en émanait

nécessairement les formes inférieures, depuis toujours et pour toujours, n’atteint pas la

radicalité de l’acte de la création biblique2. Le commencement radical de l’univers, qui coïncide avec le commencement du temps, crée dans l’esprit humain une sorte de vertige. Nous pouvons saisir les choses commencées et admettre le fait même du commencement, mais le commencement lui-même résiste à la saisie de l’intelligence3; c’est pourtant ce commencement pur qui attire l’intelligence humaine, se pose comme son intérêt principal et mobilise ses efforts. Or, ce n’est qu’en entrant dans ce paradoxe, dans ce vertige, que l’intellect humain atteste l’authenticité de son contact avec ce que nous qualifions comme la transcendance du Dieu biblique. C’est cette transcendance qui est nommée, dans la Bible, l’éternité. Nous aurons encore à y revenir.

La deuxième affirmation de la Bible relative à l’éternité est celle des rapports mystérieux au sein de Dieu lui-même. Le mystère de la Trinité révèle à son tour le degré inimaginable de la transcendance. Le Père a aimé le Fils depuis l’éternité, « avant la fondation du monde » (Jn 17, 24). Cette Eternité-là dépasse donc l’idée philosophique du repos statique : en elle, il y a quelque chose qui se passe, il y a comme un événement : le Fils procède du Père. Dans la Bible, cet « événement » au sein de Dieu est qualifié comme étant la Vie (Jn 1, 4), mais aucune créature n’y a jamais pénétré, seul le Fils. L’αιών biblique manifeste dès lors une intensité inouïe qui

1

« La création biblique implique un non-temps et un temps. La création est le début du temps », NEHER A., L’Essence du prophétisme, Paris, PUF, 1955, p. 130. Cf. à ce sujet les propos célèbres de Saint Augustin, dans La Cité de Dieu, XI, 6.

2GUITTON J., op. cit., p. 65. 3

Cf. LEVERT P., L’idée de Commencement, Paris, 1961. « Commencement du monde, commencement de l’histoire du salut, commencement du temps cosmique et salvifique, il est le terrible paradoxe du commencement absolu, en deçà duquel il n’y a rien, - rien sinon le Créateur qui fait exister la créature, sans composer ni faire nombre avec elle, et qui nous révèle ce qu’il a fait », MOUROUX J., Le mystère

ne permettra jamais aux penseurs chrétiens, quand ils aborderont le sujet de l’éternité, d’arrêter leur quête intellectuelle. Suivant la révélation de la Sainte Trinité, la transcendance biblique manifeste sa radicalité en sortant du cadre de toute catégorie de la rationalité humaine : l’Un, mais transcendé par les Trois, le vertige ne peut que s’emparer de l’intellect de l’homme et devenir acte d’adoration. C’est uniquement en adorant que le penseur chrétien cherchera à dire l’éternité.

Il y a davantage. Le vertige s’aggrave encore quand la Bible nous annonce l’incarnation du Créateur et la descente de l’Un des Trois parmi nous. La Transcendance éternelle se lie au temps d’une manière stupéfiante. Le temps devient un lieu de la vie des Trois, selon le thème majeur des écrits johanniques de la communication de la vie éternelle à l’homme. Dès lors, comment percer la nature des rapports entre l’éternité et le temps, selon la Bible ? Quelle philosophie inventera-t-on pour rendre compte du rapport du Dieu-Eternel au temps ? La philosophie occidentale sera pourtant tissée des tentatives de cette philosophie.

Quant à la conception biblique du temps, disons seulement qu’elle se réfère de part en part à l’éternité. Le κρονος (le temps cosmique) est une œuvre de Dieu. Le

καιρος (le temps salvifique) se définit comme un temps particulier de la grâce où

l’éternité intervient d’une manière spéciale dans le κρονος. Le καιρος est une transformation du κρονος par l’éternité. Ainsi se dessine la physionomie du temps biblique structurée par sa provenance qu’est l’éternité et par le retour à cette source. Cette référence essentielle du temps à l’éternité engendre la conception eschatologique du temps d’où est issu le sens chrétien de l’histoire. Le temps est rempli de l’éternité d’une manière invisible mais réelle et son cours est royalement guidé par l’Eternel de la création à la fin1. Or, ce n’est pas seulement une histoire « objective », celle du monde et de la société, qui est eschatologique. C’est surtout une source du temps intérieure à tout homme, source éternelle, qui est visée par la doctrine biblique. En effet, la dépendance du temps à l’égard de l’éternité peut se manifester à chaque

1« L’aiônios n’est pas seulement celui qui est sans commencement et sans fin, mais celui qui est

tellement élevé au-dessus du monde terrestre qu’il peut y intervenir pour rendre le monde participant de sa propre condition, lui qui échappe au mouvement indéfini d’avancée et de recul des choses de ce monde, et domine tous les instant de notre temps, dont aucun n’est définitif », RAHNER K., Ecrits

théologiques, T. 1, Paris, DDB, 1959, p. 63. Disons par ailleurs que, à l’instar de l’éternité biblique qui

refuse certains concepts philosophiques de l’éternité, la notion biblique du temps donne congé aux conceptions cycliques du temps dominantes chez les indiens ou les grecs, cf. MOUROUX J., op. cit., p. 56.

instant dans l’humanité de tout homme qui a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre : l’homme peut capter, et le chrétien doit en vivre, un instant temporel qui contient déjà la fin du temps, l’éternité elle-même. Les évangiles annoncent ce message et Saint Paul ne se lasse jamais de l’affirmer : « La fin est proche ! ». Tous les efforts speculatifs de Saint Thomas d’Aquin seront consacrés à l’explicitation de ces rapports de l’éternité et du temps. Et nous verrons comment Heidegger se situe à leur égard.

2. Denys

Denys, penseur chrétien à l’identité mystérieuse, a eu une influence omniprésente tout au long du Moyen-Âge1. Ce qui compte pour notre étude, c’est qu’il a élaboré une synthèse puissante entre le message biblique et la philosophie de Plotin, mais qui, selon l’avis de Thomas d’Aquin, fait trop de concessions au penseur païen2. En suivant le système plotinien, Denys place Dieu au-delà de l’être beaucoup plus radicalement que la doctrine thomasienne des Noms divins, et transmet ainsi aux époques suivantes l’enseignement sur l’ηπέκεινα της ουσίας, inauguré jadis par Platon, enseignement qui se maintiendra jusqu’à nos jours. C’est dans le contexte de cet enseignement de l’au-delà radical, que Denys mène sa réflexion sur le temps et l’éternité. Il reprend de Plotin la gradation ontologique des êtres dispersée dans les trois niveaux qui sont l’éternité, la durée infinie et le temps. Mais si Plotin, par souci de préserver le principe de la transcendance radicale de l’Un, n’osait attribuer l’éternité qu’à son rayonnement, qu’à la première émanation qu’est l’Intelligence et l’être, Denys l’Aréopagite, encouragé sans doute par le langage biblique, applique le vocable de l’éternité exclusivement à Dieu, en réservant la durée infinie (l’aevum) à l’être et aux êtres immobiles et le temps aux êtres de mouvement. C’est ainsi que se remanie, chez Denys, la structure de la hiérarchie des êtres quant aux vocables du

1Cf. CHENU M.-D., La théologie au douzième siècle, Paris, Vrin, 1957, pp. 129-134. 2

Sur le rapport de Saint Thomas à Denys l’Aréopagite, devenu pour nous Pseudo-Denys, voir les remarques synthétiques d’E. Gilson, dans Le Thomisme, Paris, Vrin, 1997 (¹1919), pp. 161-167. Cf. aussi CHENU M.-D., Introduction à l’étude de Saint Thomas d’Aquin, Montréal – Paris, Vrin, 1993 (¹1950), pp. 192-196 ; DECLOUX S., op. cit., pp. 66-68 ; DURANTEL J., Saint Thomas et le Pseudo-

temps et de l’éternité. Cette dernière, comme suite à l’impact biblique, acquiert, dans sa philosophie, une dignité suprême, puisqu’elle désigne désormais Dieu considéré comme « étant » au-delà de l’être même. Le fait que Denys aura des difficultés à expliquer le rapport entre cette éternité au-delà de l’être et le temps ainsi que l’aevum, qu’il soit obscur1, que sa synthèse entre la Bible et Plotin faillisse soit à l’égard de la première soit à l’égard du deuxième, causera le déclin lent mais inévitable de la pensée dionysienne dans la philosophie médiévale, et son oubli quasi total à l’époque moderne. Ce déclin appellera également de nouvelles ramifications dans la conception de la hiérarchie des êtres quant aux rapports entre le temps et l’éternité. Mais ce qui nous importe, c’est que l’idée même de la structuration de la hiérarchie des êtres à partir du rapport temps/éternité s’établit définitivement, après Denys, dans l’historiographie philosophique occidentale.