• Aucun résultat trouvé

Chapitre III. Étude historico-philosophique : la division de l’Éthique à Nicomaque dans la première moitié

I. La division générale de l’Éthique (livres I-III)

I.1. Les divisions présentées dans les textes didascaliques

La traduction complète des dix livres de l’Éthique à Nicomaque vit le jour vers 1247, avec certaines conséquences immédiates, telles que l’influence sur Albert le Grand, le premier à donner, à Cologne, un cours sur la version complète de l’Éthique (vers 1248- 1252)4. Or, à Paris, les effets ne se font pas ressentir si vite : le statut de 1255 continue à indiquer uniquement la lecture des traductions Nova et Vetus, selon une division en quatre

1 Sur cette notion, que nous avons évoquée dans le chapitre précédent, voir le texte de C.LAFLEUR « Les textes

“didascaliquesˮ (“introductions à la philosophieˮ et “guides de l’étudiantˮ) de la Faculté des arts de Paris au XIIIe siècle : notabilia et status quaestionis », dans WEIJERS et HOLTZ (éds), L’enseignement des disciplines à

la Faculté des arts, p. 345-372. Selon Lafleur, ces textes remplissent plusieurs fonctions (cf. p. 351-352) : fournir des outils pour la préparation des examens (fonction pratique), intégrer au corpus du savoir les connaissances issues des textes gréco-arabes récemment traduits en latin (fonction théorique), faire une apologie du savoir philosophique (fonction idéologique). Une liste assez complète de ces textes est présentée dans LAFLEUR, « L’enseignement philosophique à la Faculté des arts de l’Université de Paris », p. 442-448.

2 ANONYME, Compendium examinatorium Parisiense, éd. LAFLEUR et CARRIER.

3 ANONYME (PSEUDO-ROBERT GROSSETESTE), « Communia » salmanticana « Circa moralem philosophiam »

éd. et trad. provisoires par BUFFON,CARRIER,CERVERA NOVO etLAFLEUR,« Points communs » salmantins « Sur la philosophie morale »/ « Communia » salmanticana « Circa moralem philosophiam » (vers 1250?). « Sur le livre des Éthiques » (« Circa Librum Ethicorum » = « Noua ethica » [E.N. I]) et « Sur la vertu » (« De uirtute » = « Vetus ethyca » [E.N. II-III]), manuscrit Salamanca, Biblioteca Universitaria 1986, f. 99ra-100vb = S, Faculté de Philosophie, Université Laval. Ce texte fait partie de l’ensemble contenant les Communia logice et les Communia gramatice mentionnés au chapitre précédent.

4 Albert donna en effet deux cours. L’un vers 1248-1252, l’autre quelques années plus tard, vers 1263-1267 ;

46

livres1 (où le livre III était divisé en deux : un premier livre sur les causes efficientes de la vertu, un quatrième traitant de deux espèces de la vertu, le courage et la chasteté, commençant au chapitre 9)2.

Ces quatre livres sont organisés dans les commentaires de manière diverse ; mais ils sont presque toujours ramenés à une division générale en deux parties : l’une traite de la félicité ; l’autre, de la vertu.

I.1.1. Le Guide de l’étudiant

Dans le Guide de l’étudiant, la division générale du livre des Éthiques (comptant quatre livres) coïncide avec les traductions Nova et Vetus3. La première partie (nommée « noua ethica ») traite « de la félicité et de ses propriétés », alors que la deuxième, appelée « vetus ethica » et contenant trois livres partiels (et faisant donc le total de quatre livres), s’occupe de la vertu morale et des opérations par lesquelles cette vertu est acquise4.

Le premier livre est à son tour divisé en deux parties : la première concerne « certains points communs qui antécèdent l’art », alors que la deuxième traite des choses constituant sa « substance » : ce qu’est la félicité selon l’opinion des autres (alias des anciens), et, concernant la félicité dans son rapport à la vertu, quelles sont les « propriétés par lesquelles la félicité est disposée en vue de rendre heureux », et comment la vertu est-elle divisée en « felicitatem et consuetudinalem » (de sorte que la vertu intellectuelle semble s’assimiler à

1 Il faut mentionner ici le cas de la Divisio scientiarum d’Arnoul de Provence. Arnoul cite le commentaire

d’Eustrate, traduit par Grosseteste avec l’Éthique vers 1247 ; mais, même s’il doit connaître cette traduction, dans la partie de sa division consacrée à la morale il continue à citer l’Éthique sous les appellations de Nova et Vetus. D’ailleurs, il ne semble pas être familiarisé avec les livres IV-X, comme le montre sa théorie des vertus intellectuelles, très proche de celle des maîtres de la période 1230-1245 ; il s’ajuste donc aux prescriptions du statut de 1255. Cf. ARNOUL DE PROVENCE, Divisio scientiarum, éd. C. LAFLEUR, dans LAFLEUR, Quatre introductions à la philosophie au XIIIe siècle, p. 335, l. 522 – p. 336, l. 560 : « Ad primam uitam, ut dicit

Eustratius, .IIII.or requiruntur ad que tenetur uir politicus [...]. Hec tertia pars que dicitur monostica traditur

nobis ab Aristotile in diuersis libris [...] in Noua ethica [...] in Veteri ethica ».

2 Selon les divisions artiennes de l’époque, dont nous parlerons à la section suivante.

3 L’auteur anonyme reconnaît l’existence de « plusieurs autres livres », qui font défaut en latin mais sont connus

chez les Grecs et les Arabes ; cf. ANONYME, Compendium examinatorium Parisiense, éd. LAFLEUR et CARRIER, § 78 : « Vnde multi alii libri nobis deficiunt qui forte apud Grecos sunt uel Arabicos, sed apud nos adhuc non sunt translati, sicut de iustitia, de temperantia, prudentia et de aliis suis partibus secundum species ».

4 Cf. ANONYME, Compendium examinatorium Parisiense, éd. LAFLEUR et CARRIER,§ 78 :« Diuiditur ergo hec

scientia primo et principaliter in duas, in quarum prima agitur de felicitate et de suis proprietatibus, scilicet in primo libro ; que Noua ethica nuncupatur. In secunda parte, que ibi incipit : Duplici autem uirtute, agitur de uirtute consuetudinali et de operationibus <per> quas acquiritur huiusmodi uirtus. Et continet illa pars .III. libros partiales [...] Illa uero pars, que continet .III. libros partiales, Vetus ethica uocatur ».

47

la félicité, tout en étant définie comme « admiration des formes <venant> du Premier, et contemplation de Celui-ci »)1.

L’Ethica Vetus se divise en trois, selon les trois livres partiels qu’elle contient. Le deuxième livre (coïncidant avec le livre II de l’édition Bekker) présente une division similaire à celle du premier : il y a d’abord une partie consacrée aux questions préliminaires (« antecedentibus ad substantiam doctrine »)2, et une partie consacrée à la « substance » de la doctrine, divisée elle-même en deux : une première partie s’occupe des dispositions « dans lesquelles consiste la vertu », présentées par Aristote aux chapitres 2-4 (il est dans sa nature de se détruire dans l’excès et le défaut ; elle est en rapport aux plaisirs et aux peines ; etc.) ; une deuxième partie traite de la définition de la vertu (i.e. son genre et son espèce)3.

Finalement, le livre III constitue pour l’auteur du Guide deux livres différents. Le livre III (ÉN III, 1-5) s’occupe des causes efficientes de la vertu ; la première partie de ce livre étudie les choses qui ne sont pas cause de la vertu : l’involontaire, la violence, l’ignorance. La deuxième partie s’occupe de ce qui est « principe et cause de la vertu », le volontaire et l’élection4. Une fois les caractéristiques générales de la vertu bien éclairées, le

1 Cf. ANONYME, Compendium examinatorium Parisiense, éd. LAFLEUR et CARRIER,§ 79 :« Prima pars – in

qua agitur de felicitate [...] – diuiditur in duas partes. In quarum prima tanguntur quedam communia que ad artem antecedunt, scilicet quod uirtus est omnium operationum et aliorum finium optimus super omnes [...]. In secunda parte agit de eis que sunt de substantia artis, que ibi incipit : Dicamus autem nunc de re. Illa secunda pars diuiditur in duas, in quarum prima agit auctor de felicitate secundum opinionem aliorum [...] quas omnes reprobat. In secunda determinat de felicitate secundum uirtutem, que ibi incipit : Reuertamur autem etc. Et illa secunda pars diuiditur in .III., in quarum prima tangit proprietates per quas disponitur felicitas ad felicitandum. In tertia – et ultima – ostendit quod de uirtute dicendum est et quare, quia uirtus est medium per quod acquiritur huiusmodi felicitas. Et diuidit uirtutem peragens solum in felicitatem et consuetudinalem [...]. Et notandum quod uirtus intellectualis est per admirationem formarum a Primo, et Eius contemplationem [...] ». Nous pouvons nous demander pourquoi l’auteur anonyme ne lit pas « intellectualem et consuetudinalem » ; plus loin (§ 101), il explique les raisons pour lesquelles la vertu intellectuelle n’est pas incluse dans l’exposé d’Aristote.

2 L’auteur fait référence au premier chapitre du livre II, où Aristote explique que la vertu morale se produit par

l’habitude et diffère des vertus ou puissances naturelles.

3 Cf. ANONYME, Compendium examinatorium Parisiense, éd. LAFLEUR et CARRIER,§ 78 :« Et continetilla pars

.III. libros partiales, in quorum primo agitur de dispositionibus generalibus in quibus consistit uirtus (quibus sunt tres, scilicet mensura operationum, delectatio agentis et perseuerantia operandi) [...] » ; § 80 : « Secundus uero liber partialis a quo incipit Vetus ethica diuiditur in duas <partes> principaliter. In quarum prima agit de de quibusdam antecedentibus ad substantiam doctrine ; ibi enim ostenditur quod uirtus hec non est a natura [...]. In secunda parte agitur de eis que sunt de substantia doctrine, cum dicitur : Quoniam autem presens operatio. Et illa secunda pars diuiditur in duas. In prima agit auctor de dispositionibus in quibus consistit uirtus. Secundo inquirit de diffinitione uirtutis, cum dicit : Post hec autem scrutandum quid est uirtus. Et ostendit genus uirtutis – quod est habitus – et eius differentias [...] ».

4 Cf. ANONYME, Compendium examinatorium Parisiense, éd. LAFLEUR et CARRIER, § 78 : « [...] in secundo

libro, quod ibi incipit : Virtute itaque etc., agitur de causis efficientibus uirtutis (que sunt consilium, uoluntas, eligentia et huiusmodi) [...] » ; § 81 : « Tertius uero liber diuiditur in duas partes. In prima agit de illo quod non

48

quatrième livre (ÉN III, 6-12) s’occupe des espèces particulières de la vertu, le courage et la chasteté (constituant chacune l’une des parties générales dans lesquelles se divise cette section). La section consacrée au courage a à son tour deux parties : l’une portant sur le vrai courage, l’autre portant sur les espèces apparentes du courage1. Nous présentons une vision schématique de cette division dans le Tableau 8 (Cf. Appendice A).

La divisio textus présentée dans le Compendium est suivie par quatre groupes de questions2 que les examinateurs « ont l’habitude de poser » (solent queri) au sujet du livre des Éthiques. Or, ces questions maintiennent un rapport étroit avec la division établie au début : à l’exception de quelques cas, elles suivent exactement la thématique détaillée pour chacune des parties. Cependant, quelques éléments de la division sont négligés dans les questions : les opinions des anciens sur la félicité, qu’Aristote rejette, sont annoncées dans la division, mais ne sont pas traitées dans le texte. Il en va de même pour ce qui est de la vertu intellectuelle (dont Aristote traite à la fin du livre I) : malgré la mention de la curieuse division « in felicitatem et consuetudinalem » et la brève description de la vertu intellectuelle esquissée dans la divisio textus, l’auteur anonyme se garde bien d’en parler dans la section consacrée aux questions. Il se limite à expliquer les raisons pour lesquelles la vertu intellectuelle n’entre pas dans le champ de l’éthique : la vertu intellectuelle étant présente uniquement « en ceux en qui est au plus haut degré inspirée la grâce divine », ses propriétés, dit l’auteur, ne nous concernent pas3. Cette clarification n’est pas sans rappeler la fréquente invocation de la délimitation entre le champ d’études des philosophes et celui des

est principium nec causa uirtutis, sicut sunt inuoluntarium uel uiolentum [...] et ignorantiam. In secunda parte agit quod est principium et causa uirtutis, scilicet de uoluntario et de eligentia. Que secunda pars incipit ibi : Determinatis autem uoluntario, etc. ; prosequitur usque ad finem libri de consiliabili et eligibili et ratione eligendi ».

1 Cf. ANONYME, Compendium examinatorium Parisiense, éd. LAFLEUR et CARRIER, § 78 : « [...] in tertio uero,

qui ibi incipit : Quoniam autem medietas, agitur de quibusdam speciebus uirtutis, scilicet de fortitudine et castitate » ; § 82 : « Quartus liber diuiditur in duas <partes>, in quarum prima agit de fortitudine, in secunda de castitate. Et illa secunda incipit ibi : Post hec autem de castitate. Prima iterum diuiditur in duas. In prima agit de fortitudine uero, in secunda de apparenti. Que secunda pars incipit ibi : Dicunt autem etc. ».

2 Portant respectivement sur les livres I-IV.

3 Cf. ANONYME, Compendium examinatorium Parisiense, éd. LAFLEUR et CARRIER, § 101 : « Primum est quare

non agit hic de uirtute intellectuali sicut de consuetudinali. – Dicendum quod uirtus intellectualis est per contemplationem et inspectionem diuinorum [...]. Vnde talis uirtus non habet cognosci per aliquas operationes, sed totaliter spiritualis est, et ideo non ita cognitio de eius proprietatibus neque scientia. Vel potest dici quod talis uirtus est solum in illis in quibus maxime inspiratur gratia diuina. Et propter hoc non est nostrum scire eius proprietates ».

49

théologiens1. Cette marginalité de la vertu intellectuelle contraste avec le lieu de privilège qu’elle occupe dans les Communia salmantins sur l’Éthique, comme nous le verrons.

Or, à la différence d’autres commentaires, le Compendium de Paris ne consacre aucune subdivision au problème de la méthodologie ou du modus procedendi de l’Éthique, problème qui est pourtant touché à plusieurs reprises dans les questions2, et qu’Aristote lui- même évoque fréquemment3 (ÉN I, 1 [1094b11-1095a1] ; ÉN II, 2 [1104a1-1104a12).

I.1.2. Les Points communs salmantins sur la philosophie morale

Vers 1250 (ou encore quelques années plus tard)4 un autre recueil « didascalique » s’occupe des questions concernant les quatre livres de l’Éthique, divisés en deux traités : l’un sur la félicité (quoiqu’il soit intitulé « circa Librum Ethicorum »), l’autre sur la vertu (« De virtute »). Contrairement à l’usage bien établi dans ce type de Recueils, les Communia présentent la division du texte à la suite des questions.

Or, cette division, très bien développée, exhibe un trait caractéristique qui la sépare tant du Guide de l’étudiant que des cours antérieurs à 1240 (avec lesquels elle présente aussi des similitudes) : la division des quatre livres en deux groupes ne correspond plus aux

1 Par exemple, nous lisons au paragraphe § 94 du Compendium examinatorium Parisiense, éd. LAFLEUR et

CARRIER : « Ad hoc dicimus quod secundum theologos hoc habet ueritatem, quia ponunt animam reiungi corpori post mortem. Sed hoc est plus per miraculum quam per naturam. Simpliciter enim hoc est innaturale, et ideo non ponitur a philosophis ». Les interprètes ne sont pas tous de même avis concernant la portée et la signification d’une telle délimitation. Est-elle un signe annonçant le conflit entre les facultés de théologie et des arts qui marquera la deuxième moitié du siècle ? S’agit-il d’une simple reconnaissance des limites de la discipline philosophique, subordonnée à la théologie ? Sur cette délimitation entre philosophie et théologie dans le Guide de l’étudiant en particulier et dans les textes artiens de la première moitié du siècle en général, voir C. LOHR, « The medieval interpretation of Aristotle », dans N.KRETZMANN et al., The Cambridge History of Later Medieval Philosophy, p. 87-88 ; F.VAN STEENBERGHEN, La philosophie au XIIIe siècle, Louvain, Paris ;

Publications Universitaires, Béatrice-Nauwelaerts, 1966, p. 130-131 et p. 142 ; G.WIELAND, Ethica-Scientia practica, p. 184. F. BERTELLONI fait une synthèse du débat concernant ce problème dans « Loquendo philosophice-loquendo theologice. Implicaciones ético-políticas en la Guía del estudiante de Barcelona. A propósito de una reciente publicación de C. Lafleur », Patristica et Mediaevalia, XIV (1993), p. 25-34 ; O. LOTTIN, « Psychologie et morale à la Faculté des arts de Paris aux approches de 1250 », p. 520-523. Sur la présence de cette distinction dans les textes éthiques, voir BUFFON, « Philosophers and Theologians on Happiness », p. 449-476 ; I.ZAVATTERO, « I primi commentatori latini dell’Ethica Nicomachea : interpreti fedeli di Aristotele ? », dans P.BERNARDINI (éd.), I manoscritti e la filosofia. Atti della giornata di studi, Siena, 18 aprile 2007, Siena, Edizioni dell’Università, Siena, 2010, p. 67-84.

2 Cf. par exemple § 87, § 97, § 110.

3 Dans la partie du texte que nos auteurs commentent.

4 R. Létourneau, qui a d’ailleurs découvert dans ce manuscrit un nouveau témoin des Communia logice et des

Communia gramatice, a récemment avancé la date 1245-1260. Mais il se peut que les différentes parties compilées aient été rédigées sur plusieurs années. Cf. R.LÉTOURNEAU, « L’enseignement de la grammaire philosophique par-delà les Pyrénées ».

50

traductions Nova et Vetus1. Le chapitre final de la Nova traite, selon l’auteur, de la vertu intellectuelle, et doit en conséquence faire partie du traité « De virtute », de sorte que la deuxième section de la division générale inclut non seulement la Vetus, mais aussi une partie de la Nova. On remarque également un plus grand développement de la division du livre I.

Toutefois, cette division caractéristique (qui sépare les quatre livres en deux groupes) est présentée de manière un peu équivoque : après avoir divisé la « Science de la félicité » en deux parties coïncidant avec les traductions Nova (= « de felicitate ») et Vetus (= « De virtute »), le maître revient sur le traité « De virtute » pour le faire commencer, cette fois, à la fin du livre I2. C’est cette deuxième option que l’auteur a préférée dans le corps du recueil : en effet, les questions sur la félicité se terminent par la discussion sur les biens louables et honorables (coïncidant avec ÉN I, 12), tout en laissant la discussion du chapitre 13 au traité « De virtute ».

La division du premier segment inclut à son tour deux grandes parties : il y a d’abord une partie « prohemialis » (correspondant, en gros, à la partie équivalente du Guide, bien que mieux développée), qui, divisée en quatre, s’occupe de déterminer : que la félicité est la fin et le bien optimal, que la morale est la science qui s’occupe de ce bien, quelle est la cause formelle de cette science (c’est-à-dire sa manière de procéder), et quelles sont les qualités exigées chez l’auditeur d’une telle doctrine3. Ensuite le « Tractatus » (qui pourrait s’étendre au deuxième segment, le « De virtute »), morcelé en trois, s’occupe des opinions des anciens

1 C’est aussi le cas de la Lectura cum questionibus in Ethicam Novam et Veterem du Pseudo-Peckham. Au sujet

de cette division incluant le dernier chapitre du livre I dans la deuxième partie, sur la vertu, l’éditrice affirme que cette division est « subtilior quam aliae ». Cf. PSEUDO-PECKHAM, Lectura cum questionibus in Ethicam Novam et Veterem, Prologus, éd. BUFFON, p. 359, notes aux lignes 46-48.

2 ANONYME (PSEUDO-ROBERT GROSSETESTE), « Communia » salmanticana « Circa moralem philosophiam »,

éd. BUFFON,CARRIER,CERVERA NOVO etLAFLEUR,§ 55 : « Nota igitur quod scientia de felicitate diuiditur in partes duas, in quarum prima agit de felicitate in se ; in secunda, de uirtute. Vt ibi : Duplici uirtute autem etc. » ; § 63 : « [...] Illa pars in qua agit de uirtute diuiditur in duas partes, in quarum prima ostendit auctor secundum quam partem anime inest uirtus huiusmodi, quoniam secundum rationalem ; et diuidit ibi uirtutes in morales et intellectuales. In secunda agit de uirtute morali siue consuetudinali, ibi : Duplici uirtute existente etc., ubi incipit Vetus ethyca [...] ».

3 ANONYME (PSEUDO-ROBERT GROSSETESTE), « Communia » salmanticana « Circa moralem philosophiam »,

éd. BUFFON,CARRIER,CERVERA NOVO etLAFLEUR, § 56-60 : « Prima pars in duas, scilicet prohemium et tractatus, ut ibi : Dicamus autem de re etc. In parte autem prohemiali facit Aristoteles quatuor, in quarum prima auctor manifestat quod felicitas est finis bonus et optimus. In secunda, quemadmodum sagitatores etc., ostendit auctor quod scientie moralis est determinare de huiusmodi bono. In tertia, Dicitur autem itaque etc., manifestat causam formalem que est modus agendi qui est typicus et grossus. In quarta, Ideoque ciuilis doctrine etc., manifestat quis debet esse auditor huius doctrine ciuilis ».

51

sur la félicité, de la félicité selon l’opinion d’Aristote lui-même, et finalement de ses propriétés1. La division entre vertus morales et intellectuelles est ici laissée de côté.

Le traité De virtute pour sa part inclut donc les livres II-III (divisés, comme on s’y attendait, en trois), ainsi que la dernière partie du livre I. Deux sections constituent ce traité : l’une, très courte, porte sur la vertu intellectuelle (ÉN I, 13) et traite de la partie de l’âme dans laquelle existe la vertu (première subdivision) et de la distinction entre les vertus intellectuelles et morales ; l’autre, plus longue, porte sur la vertu morale.

Le morcellement de la section consacrée à la vertu morale est développé de manière assez complexe : les livres II et III correspondent au segment s’occupant « de uirtute in generali », et traitent respectivement de la cause efficiente éloignée de la vertu (livre II) et de sa cause efficiente rapprochée (livre III). Le livre II inclut notamment la discussion sur « les opérations induisant la vertu », qui touchent la vertu « quant à son devenir » ainsi que la discussion de la vertu « quant à son être ». Un deuxième segment (livre IV) s’occupe « de uirtute in speciali » et traite des espèces de la vertu : le courage (partie première) et la chasteté (partie deuxième)2. Or, contrairement à ce qu’il a fait pour le livre I, l’auteur s’occupe ici