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Chapitre III. Étude historico-philosophique : la division de l’Éthique à Nicomaque dans la première moitié

II. Les quatre causes de la vertu : discussion de la division générale et du propos du deuxième livre de

II.3. La division du livre II dans la Lectura Abrincensis in Ethicam Veterem

II.3.1. Division générale et unité du commentaire Y a-t-il un commentaire au livre I ?

La Lectura Abrincensis présente donc une division générale en cinq livres, que nous pouvons schématiser ainsi1 :

Tableau 2: Lectura Abrincensis. Division générale de l’Éthique

Livre (division médiévale)

Sujet (selon la division générale présentée au

Prologue)

Sujet (selon la divisio textus présentée dans les leçons)

Lectio Texte commenté (éd. Bekker)

livre I <De causa finalis uirtutis> non conservé - ÉN I

livre II

De causa materiali Ex quibus fiat uirtus I

ÉN II.1 Ex qualibus fiat uirtus II-IV ÉN II.2-3 De causa formali In uniuersali V

ÉN II.4-5 In particulari VI ÉN II.6-7 De consequentibus duas

causas VII

ÉN II.8-9

livre III De causa efficiente

De uoluntario et inuoluntario (prima principia)

VIII-X ÉN III.1-5

Conclusiones que egrediuntur secundum principia

XI-XII ÉN III.6-8

livre IV

De speciebus uirtutis

De fortitudine XIII ÉN III.9 De fortitudine XIV* ÉN III.9-12

livre V De castitate XV*

ÉN III.13 De castitate - De fortitudine XVI* ÉN III.13

Or, puisque le schéma causal est appliqué rigoureusement par le maître et qu’il revient à plusieurs reprises sur ses pas pour récapituler la façon dont il a traité de toutes les causes de la vertu, on peut se demander si ce cours incluait à l’origine un commentaire sur l’Ethica Nova. L’analyse des références internes présentées et dans le Prologue et dans les divisiones placées en tête du commentaire aux livres II et III nous amène à répondre affirmativement à cette question : nous croyons qu’il existait, à l’origine, un commentaire sur le livre I.

1 Les leçons marquées d’un astérisque font en réalité partie du commentaire du Pseudo-Peckham (et

correspondent aux leçons XLIII-XLV). Dans la troisième partie de cette thèse, consacrée à l’édition du texte, nous présentons la liste complète des leçons (incluant celles consacrées au livre III), accompagnée des lemmes de l’Éthique et des lignes de l’édition canonique correspondant à chaque leçon, ainsi que des folia du manuscrit où elles sont contenues.

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Nous avons vu que le premier livre est inclus dans la division générale de l’Éthique présentée à la fin du Prologue (§ 20). Dans ce même Prologue, le maître renvoie aux contenus qui seront développés dans le premier livre, tout en utilisant le futur de l’indicatif. Il mentionne en effet la division de la vertu intellectuelle que l’on trouve au chapitre final du premier livre : « Mais de la division de la vertu intellectuelle, parce qu’elle est une plus brève division, il sera déterminé dans le premier livre. Elle a en effet ces trois parties : fronesis, sagesse et intelligence »1.

Or, au début de la première leçon (qui coïncide évidemment avec le début de l’Ethica Vetus), après avoir mentionné le sujet traité dans le livre I, le maître annonce le but de la première leçon avec un « consequenter » (conséquemment), qui permet d’imaginer que les contenus du premier livre (la cause finale de la vertu et les différences de la vertu intellectuelle) viennent effectivement d’être étudiés : « On traite dans le premier livre de la vertu ordonnée vers la félicité et de ses différences. Conséquemment, dans cette partie, il faut poser la différence de la vertu morale »2.

Finalement, dans la division générale du livre III que nous avons déjà évoquée, le maître mentionne les deux livres précédents, tout en utilisant, cette fois, le parfait ; il répète le « consequenter » pour introduire les contenus qui seront traités par la suite :

Dans les deux livres précédents, il a été déterminé de la vertu quant à

trois de ses causes : de la fin, quand il a été déterminé au commencement <de l’ouvrage> qu’elle est la félicité ; alors que dans le deuxième il a été déterminé de la cause matérielle [...] et de la forme [...]. Conséquemment, dans ce troisième livre <on> détermine de la vertu quant à sa cause efficiente3.

Il se peut que notre maître veuille tout simplement passer en revue les contenus du livre d’Aristote, plutôt que de rappeler les sujets déjà traités dans le cours ; or, la grande cohérence interne de ce commentaire nous donne des raisons de croire que le maître ne parle

1 ANONYME, Lectura Abrincensis in Ethica Veterem, Prologus, § 12, notre édition : « De diuisione uero uirtutis

intellectualis, quia paucioris est diuisionis, determinabitur in primo libro. Habet enim has .iii. partes : fronesim, sapientiam, intelligentiam ». Les italiques sont de nous.

2 ANONYME, Lectura Abrincensis in Ethica Veterem, Lectio I, § 1, notre édition : «Determinatur in primo libro

de uirtute ordinata ad felicitatem et de differentiis eius. Consequenter in hac parte ponenda est differentia consuetudinalis uirtutis ». Les italiques sont de nous.

3 ANONYME, Lectura Abrincensis in Ethica Veterem, Lectio VIII, A, f. 108r : « Determinatum est in duobus

libris precedentibus de uirtute quantum ad tres causas eius : de fine, ut determinatum est in principiali que est felicitas ; in secundo uero determinatum est de causa materiali [...] et de forma [...]. Consequenter, in hoc tertio libro determinat de uirtute quantum ad causam efficientem [...] ». Les italiques sont de nous.

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pas en vain des contenus déjà considérés1. Néanmoins, il faut noter que le Prologue précède immédiatement le deuxième livre ; mais c’est le cas aussi pour le Commentaire de Paris (dont le premier livre est conservé dans un manuscrit différent), que les spécialistes considèrent aujourd’hui comme une œuvre unitaire2. Un éventuel compilateur (disposant déjà d’un commentaire sur la Nova) a peut-être éliminé la première partie, tout en complétant le texte sur la Vetus avec l’ajout des leçons finales, qui sont l’œuvre d’un autre commentateur (le Pseudo-Peckham). Quoi qu’il en soit, selon nos connaissances actuelles aucune trace de cette première partie n’est conservée ; nous en supposons l’existence par conjecture.