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INNOVATIONS DE LA COOPERATION

3. La coopération institutionnelle de l’élaboration à l’évaluation du PDU

3.2 Les dispositifs de pilotage du projet de PDU

En amont, lors de la phase d’élaboration du projet de PDU, la coopération institutionnelle horizontale est systématique. Elle passe par la mise en place d’un Comité de pilotage de nature politique et de structures techniques qui diffèrent selon que l’agglomération soit organisée en communauté urbaine ou en communauté d’agglomération.

Le comité de pilotage partenarial

La coopération institutionnelle renvoie ici à la structuration de la maîtrise d’ouvrage et de pilotage de l’élaboration du PDU. Cette coopération institutionnelle est généralement inspirée du modèle proposé par le CERTU dans son guide technique d’élaboration du PDU. Ainsi se formalise-t-elle à travers la mise en place d’un Comité de pilotage partenarial qui regroupe les principaux partenaires institutionnels (Etat et collectivités locales concernées), dont le rôle principal est, d’une part, d’orienter le déroulement des études au sein de groupes de travail et d’un comité technique, supervisant lesdites études et, d’autre part, de valider le diagnostic puis l’ensemble des choix stratégiques sous-tendant le projet de PDU. Ce modèle a été mis en place à Bordeaux, à Grenoble et à Lyon.

Comme nous l’avons déjà indiqué plus haut à propos des modalités de coopération entre AOT, à Lyon, lors de l’élaboration du premier PDU, la concertation institutionnelle s’est formalisée autour d’un comité constitué du Grand Lyon, de l’Etat, du Département, de la Région et du SYTRAL. Ce partenariat s’est fortement pérennisé en donnant naissance au Comité consultatif de suivi des déplacements, qui a évolué en

Conférence des AOT. Dans le dispositif, un comité technique a été constitué par les

rapporteurs des différents groupes de travail thématiques pour consolider, coordonner les réflexions des différents groupes et faire rebondir les questions à travers les groupes et enfin, pour faire des propositions à partir des travaux des différents groupes thématiques et d’experts. Les mêmes modalités ont présidé à la révision du PDU.

Selon Philippe Bossuet, actuel chef de projet du PDU au SYTRAL, ce type de concertation a permis une capitalisation des savoirs et des expertises tout au long du processus d’élaboration et de mise en œuvre des actions du PDU. Il y aurait donc une certaine pérennité des savoirs grâce à la concertation. La coopération institutionnelle aurait ainsi permis aux personnes impliquées dans le champ des transports, des déplacements, de l’urbanisme de se rencontrer, d’échanger sur ces enjeux et d’intégrer progressivement les préoccupations des uns et des autres dans le projet et, au-delà, dans sa mise en œuvre. Nous qualifions ce phénomène d’acculturation rampante :

acculturation des savoirs mais également des pratiques. Ces modalités relativement

« vertueuses » de travail en collaboration ont été reconduites pour la révision. On constate donc une continuité et une pérennisation des méthodes de travail et de l’expertise (les mêmes experts universitaires par exemple ont été conviés). Aujourd’hui, on peut mesurer en partie la portée de ces capitalisations et de cette acculturation à travers les groupes de travail du SCOT. Les personnes en charges des transports y sont

interpellées et la diffusion de leur expertise peut favoriser la réflexion sur une meilleure articulation des domaines de l’urbanisme et des transports. Ces apports d’un champ d’action et d’expertise à l’autre seraient également à l’œuvre lors de l’élaboration des projets d’aménagement urbain dans l’agglomération (BOSSUET, 2006).

Un dispositif voisin est adopté à Grenoble avec la mise en place, dès le lancement du second Plan de déplacements urbains, d’un Comité de pilotage regroupant les partenaires institutionnels (Etat et collectivités locales) d’une part, les représentants du monde économique (Chambres consulaires) de l’autre. Ce Comité de pilotage, assisté d’un Comité technique qui réunit les professionnels des différentes institutions représentées au Comité de pilotage, chapeaute un ensemble de groupes thématiques de travail. Le suivi du PDU de 2000 et sa révision (2006) sont confiés à un Comité de suivi qui reprend la composition du Comité de pilotage mais l’élargit aux associations.

Mission interservices ou Comité technique

La concertation politique n’est pas suffisante, car l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des Plans de déplacements urbains supposent la mobilisation de compétences techniques, qui sont localisées soit dans les différents services d’une même administration (cas des communautés urbaines), soit dans différentes administrations relevant d’institutions différentes (cas des communautés d’agglomération). Dans de nombreuses communautés urbaines, l’on assiste à la création de Mission interservices, qui peuvent ou non être maintenues une fois terminée l’élaboration du PDU. Les communautés d’agglomération restent quant à elle des structures administratives légères, qui se dédient à des missions de programmation, de planification et de définition des politiques plus que de gestion des services. Dans un tel contexte, la mise en œuvre des actions prévues par le PDU suppose l’implication de professionnels qui relèvent de métiers différents (voirie et espaces publics, déplacements, urbanisme) et qui dépendent soit des communes, soit du Département, soit de l’Etat. Pour illustrer cette différence entre communauté urbaine et communauté d’agglomération, nous présenterons successivement les cas de Lille et Grenoble.

A Lille, la coopération institutionnelle est un élément récurrent des méthodes de production du PDU. Elle s’est formalisée à travers diverses démarches et organisation institutionnelles dont une Mission PDU créée en 1995 au sein de la CUDL. Cette mission est directement rattachée à la Direction générale des services techniques. La mission est constituée de cinq personnes dont la majorité est recrutée pour l’occasion, au sein des différents services de la CDUL (voirie et TC notamment) ; chacun a sa spécialité et fait le lien entre le service dont il est issu et le PDU. Le principe de fonctionnement de la mission PDU est donc celui d’une une équipe légère, dont l’assistance technique (AMO) est, pour l’essentiel, assurée par le CETE de Lille. Il faut rappeler ici que les CETE constituent, avec le CERTU, les lieux principaux de réflexion et de capitalisation des expériences en matière de planification de la mobilité pour le compte de l’Etat. La Mission PDU est donc une équipe qui possède des compétences

services ne sont pas toujours « réceptifs » et « heureux » de l’existence de cette Mission. Cette dernière n’est pas en effet constituée des chefs de services concernés par le PDU, mais par des personnes choisies au sein de ces services en fonction de leurs compétences. Ce choix de management révèle une volonté de P. Mauroy de changer les méthodes de travail afin de favoriser l’apprentissage de nouvelles méthodes et l’innovation dans les façons de faire. Cette organisation institutionnelle relève également d’une volonté d’acculturation des personnels et des élus de la CUDL aux questions de planification stratégique des transports et des déplacements (MENERAULT, 2006). La création de cette structure transversale, couplée aux exercices de débat public, a permis de diffuser une « culture PDU » dans l’ensemble des services de la CUDL et a généré une certaine appropriation par les élus et les techniciens de cette démarche de planification, acculturation qui « garantit » la pérennité du PDU. Le PDU adopté en 2000 sera mis en révision prochainement (2007-2008). Aujourd’hui, son rattachement institutionnel est différent. La mission PDU a été supprimée, mais le suivi du PDU est confié à la nouvelle Direction du cadre de vie, au sein de laquelle sont regroupés les services : « déplacements urbains et qualité des espaces publics » (en charge du PDU) ; « développement durable » ; « espaces naturels métropolitains ». Le responsable de cette nouvelle direction est J.-L. Séhier, ancien responsable de la Mission PDU. Sa présence à la tête de la Direction du cadre de vie constitue une sorte de garantie de la prise en compte des objectifs et des actions du PDU par l’ensemble de l’administration communautaire.

A Grenoble, jusqu’au début des années 1990, la scène technique locale voit se côtoyer deux protagonistes principaux :

Les ingénieurs de la Direction Départementale de l’Equipement

spécialistes des routes et qui lance en 1993 le Dossier de voiries d’agglomération ;

Les chargés d’études de l’Agence d’urbanisme de la région

grenobloise, qui depuis la fin des années 1970 ont assisté les élus locaux dans la mise en place du réseau de tramway et ont acquis une connaissance fin de la mobilité, à travers le lancement d’une série d’enquêtes ménages.

Jusqu’à l’adoption en 2000 du statut de communauté d’agglomération, la Métro et le Syndicat mixte des transports en commun, qui en dépend étroitement, restent des structures de nature politique, au sein desquelles les élus ne peuvent bénéficier que de l’assistance de quelques chargés de mission. Le lancement du Plan de déplacements urbains est l’occasion de faire évoluer en profondeur cette situation. Aux côtés du directeur, sont recrutées tout d’abord une chargée de mission PDU, puis une personne en charge des modes doux et une autre de la concertation. Le SMTC peut dès lors assurer des fonctions de maîtrise d’ouvrage, de conduite des études, de suivi de la planification et des actions qui en découlent. Mais il n’est pas en mesure d’assurer « en régie » l’ensemble des missions techniques que suppose l’élaboration et la mise en œuvre d’un PDU. Les études préalables, la mise au point du concept de déplacement, la modélisation des flux de circulation sont confiées à des structures extérieures, principalement à l’Agence d’urbanisme et à des bureaux d’études privés. Par ailleurs, les actions envisagées dans le PDU ne sont pas mise en œuvre par le seul Syndicat mixte, elles font aussi intervenir la Métro, les autres Autorités organisatrices et les

communes. A côté du Comité de pilotage est mis en place un Comité technique, qui réunit l’ensemble des partenaires du SMTC, à savoir les techniciens de la Métro, de la Ville de Grenoble, du Département, de la Région et de l’Etat. Ce Comité technique est chargé de faire la synthèse des travaux des différents groupes thématiques (transports collectifs et modes doux, gestion de la mobilité, stationnement et transports de marchandises, urbanisme et transports, voirie). Le développement du partenariat technique va de pair avec un renforcement des fonctions de maîtrise d’ouvrage à l’intérieur de l’administration du Syndicat mixte des transports en commun. A l’heure actuelle, l’équipe du Plan de déplacements urbains, après avoir recruté du personnel (dont l’ancien responsable de l’équipe « transports » de l’Agence d’urbanisme), s’est transformée Direction des politiques de déplacements.

Les communautés urbaines, parce qu’elles disposent d’une administration plus développée que les communautés d’agglomération, apparaissent, à première vue comme des structures plus à même de favoriser une approche globale et intégrée des questions de déplacements. L’élaboration et la mise en œuvre du Plan de déplacements urbains passent par la mise en place de relations plus étroites entre les différents services communautaires. Les Missions interservices sont les supports de la diffusion d’une approche commune des politiques de déplacements parmi les directeurs des différents services techniques impliqués. Parfois, ces Missions ne durent que le temps de l’élaboration du PDU et la mise en œuvre des actions est confiée à des directions spécialisées (voirie et espaces publics, pistes cyclables, transports en commun…), ce qui nuit à une approche intégrée. Les routines bureaucratiques ont en effet parfois tendance à prendre le dessus. De plus les communautés urbaines sont des structures puissantes (tant en ce qui concerne la capacité financière d’intervention que les moyens humains) qui refusent que leur champ de compétences soit empiété par les « partenaires » que sont le Département ou la Région. Les communautés d’agglomération sont des structures à la fois plus récentes et plus légères, elles sont donc contraintes à nouer des partenariats, qui passent par l’instauration des dispositifs non institutionnels (Comité de pilotage, Comité technique). Ces dispositifs – dont on peut dire qu’ils se rapprochent des réseaux thématiques – sont à la fois plus souples (donc plus favorables à l’innovation) et plus fragiles (car dépendant de l’implication personnelle des techniciens).