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INNOVATIONS DE LA COOPERATION

3. La coopération institutionnelle de l’élaboration à l’évaluation du PDU

3.4 A l’aval, lors de la mise en œuvre

La concertation lors de la mise en œuvre des actions relatives au PDU est un processus moins institutionnalisé dans les agglomérations étudiées. Il peut exister des déclinaisons locales du PDU sous formes de Plans locaux de déplacements ou de chartes micro PDU mais ces documents ne relèvent pas particulièrement d’une démarche de concertation entre les acteurs publics. En effet, ces documents permettent de territorialiser les actions présentées dans le PDU en les inscrivant localement dans un document de référence. Ils ne supposent pas de processus conjoint ou préalable de concertation entre les acteurs. A Lyon, la Communauté urbaine tente de promouvoir une forme de territorialisation de l’action collective relative au PDU à travers la production de Plans de secteur.

Les Plans de secteur à Lyon : une forme de coopération décentralisée ?

Les Plans de secteur sont un outil de planification et de travail interne au Grand Lyon qui vise à mieux articulation la mise en œuvre des actions d’aménagement urbain et celles affectant l’ensemble des réseaux techniques urbains. Les Plans de secteur ne sont pas à proprement parler des déclinaisons du PDU à l’échelle des quartiers. Ils se focalisent sur l’organisation et le développement des réseaux et sont définis comme une méthode travail.

Les Plans de secteur sont construits à partir de la typologie de la voirie et des réseaux urbains à l’échelle de territoires, définis a priori comme pertinents en termes d’organisation des réseaux et des services, comme d’usage et de vie de quartier. Il existe ainsi six grands secteurs géographiques qui découpent le territoire de la communauté urbaine. Les plans de chaque secteur présentent, sous forme de cartographie, l’organisation actuelle du territoire et la hiérarchisation des réseaux ainsi qu’une formalisation des actions ou projets à mener pour passer de l’état actuel à l’état souhaité du territoire en question. Ainsi, les plans de secteurs sont des outils pré-opérationnels qui permettent de guider la mise en œuvre d’actions territorialisées et de planifier les interventions. Ils jouent un rôle d’interface entre les urbanistes territoriaux et la maîtrise d’œuvre sur les réseaux. Pour le SYTRAL, maître d’ouvrage du PDU, les Plans de secteur sont en dehors de son champ de réflexion et d’action et ils ne concernent que l’organisation et les modalités de travail du Grand Lyon. De plus, notons que ces plans n’ont pas de contenu stratégique, mais sont simplement des outils de gestion, qui synthétisent l’état de la programmation des actions prévues. Cependant ils sont peu utilisés au quotidien par les services techniques de la communauté urbaine et ont donc un impact limité sur les projets opérationnels.

Les Plans de secteur sont portés par la seule communauté urbaine et ne sont pas reconnus comme des outils de programmation par les autres acteurs institutionnels, au premier rang desquels le SYTRAL. En l’état présent de leur fonctionnement, ils ne constituent donc pas un vecteur important de coopération institutionnel.

constituent une application localisée des orientations du PDU et doivent respecter l’objectif de réduction de la circulation automobile. Le territoire retenu pour l’élaboration du PLD est un secteur de l’agglomération où les problèmes de déplacements présentent une certaine acuité. La maîtrise d’ouvrage est assurée par une commune, qui bénéficie de l’assistance technique des services de la Métro et du Syndicat mixte des transports en commun. L’élaboration du PLD se fait sous la responsabilité d’un comité de pilotage qui réunit les partenaires habituels. Le SMTC et la Métro subventionnent à hauteur de 25% les études préalables et le Département peut en tant que besoin apporter une aide complémentaire. Les PLD approuvés par les conseils municipaux sont consultables sur le site Internet du SMTC et une synthèse des Plans locaux de déplacements de l’agglomération est présentée en annexe du Plan de déplacements urbains révisés adoptés en 2007.

Onze secteurs se sont lancés dans l’élaboration d’un PLD. Cinq d’entre eux (concernant les communes d’Echirolles, Eybens, Meylan, un groupement informel associant Seyssinet-Pariset, Fontaine et Seyssins, et le domaine universitaire. Sept sont en cours d’élaboration (La Tronche, Sassenage-Noyarey-Veurey, Saint Egrève-Saint Martin le Vinhoux-Le Fontanil, Gières-Murianette-Domène, Pont-de-Claix, polygone scientifique).

Les PLD sont perçus par le SMTC comme un moyen privilégié de favoriser un partenariat autour de la mise en application des principes fixés par le Plan de déplacements urbains. Ce partenariat n’est pas sans rencontrer des difficultés, car l’objectif de multimodalité doit sans cesse être rappelé à des acteurs locaux qui se sentent plus ou moins impliqués dans l’objectif de réduction de la circulation automobile. De plus la multiplication des procédures de planification à l’échelle des communes, de l’agglomération et de la région urbaine, pose la question d’une meilleure articulation des différents outils (SMTC, 2006). Dans certains cas, le Plan local de déplacement est un bon moyen de traduire les orientations stratégiques établies par le Plan de déplacements urbains en des prescriptions opérationnelles directement intégrables dans le Plan local d’urbanisme.

Réflexions sur la mise en place d’outils intermédiaires

Les expériences de Lyon et de Grenoble montrent tout l’intérêt qu’il y a à mettre en place des outils intermédiaires qui facilite le passage des orientations stratégiques, établies dans le cadre de plans élaborés à une échelle territoriale vaste, et les prescriptions opérationnelles, directement utilisables dans les plans communaux. Ces outils intermédiaires existent dans le Code de l’Urbanisme (Schémas de secteur permettant de proposer une application plus précise des objectifs d’aménagement et de développement du Schéma de cohérence territoriale). Les élus locaux semblent leur préférer des outils, n’ayant pas nécessairement de caractère réglementaire, ce qui facilite leur modification. Bordeaux a innové dans cette direction en élaborant, à l’initiative de l’Agence d’urbanisme, un plan régulateur, permettant à la fois d’actualiser et de spatialiser les orientations du Schéma de directeur. Lyon et Grenoble proposent des démarches voisines, dans le champ des déplacements et non plus de la planification territoriale, en proposant des Plans de secteur pour la première, des Plans locaux de déplacements pour la seconde.

La planification territoriale s’apparente de plus en plus à un processus continu, fondé sur des allers-retours entre les différentes échelles territoriales (commune, secteur, agglomération, région urbaine), et passant par la mobilisation d’outils, toujours plus nombreux, qui soit sont prévus par le Code de l’Urbanisme, soit sont inventés localement.

4. Structure de l’expertise

Nous avons souhaité ajouter une dimension aux questions portant sur le débat public et la coopération institutionnelle en analysant plus précisément la structure de l’expertise mobilisée lors de l’élaboration des PDU. L’expertise est issue des processus de débat public et des processus de coopération institutionnelle. Elle fait donc le lien entre les deux dimensions que nous venons d’étudier. Cette expertise peut être ouverte ou fermée, selon les choix opérés par la collectivité ou la structure maître d’ouvrage du PDU. L’expertise ouverte fait appel à des experts de nature très différente (associations par exemple) et correspond à des situations de débat public largement ouvertes également. L’expertise fermée est quant à elle limitée généralement à des acteurs locaux institutionnels.

A Grenoble, ouverture progressive du système d’expertise

A l’origine de la réflexion locale sur la mobilité, il y a la contestation du Dossier de Voiries d’Agglomération produit par les services du Ministère de l’Equipement. Les nouveaux élus de la communauté d’agglomération ressentent alors le besoin de légitimer leur réflexion sur la base d’expertises qui ne proviennent pas du système public constitué de la DDE et de l’Agence d’urbanisme. Pour ce faire, ils font appel à des personnalités extérieures, à savoir le directeur du Laboratoire d’Economie des Transports de l’Université de Lyon, un représentant du bureau d'études suisse Transitec et l’ancien président de l’Association pour le développement des transports en commun, qui a accédé depuis aux fonctions de président de la Fédération nationale des associations d’usagers de transports. Les rapports qu’ils produisent sont très libres dans leur ton et témoignent de positions tranchées quant à l’utilité de la rocade Nord et du tunnel sous la Bastille. Le rapport du président de l’ADTC est un plaidoyer en faveur d’une politique des déplacements qui donnerait une priorité aux transports collectifs et aux modes doux.

Cette volonté d’ouverture est maintenue tout au long du processus de préparation puis d’élaboration du Plan de déplacements urbains. L’élaboration du PDU est en effet précédée par la mise au point de deux scénarios de mobilité (l’un avec tunnel, l’autre sans) dont l’étude est confiée à deux équipes associant bureaux techniques privés et architectes urbanistes. Il y a là une manifestation d’une certaine volonté à rechercher une cohérence des approches en matière de transports d’une part, d'urbanisme de l'autre. L'expertise associative est, elle aussi recherchée : les représentants des associations

experts et leurs propositions sont écoutées. Cette coopération avec le milieu associatif s’est même poursuivie avec l’intégration à la maîtrise d’œuvre de certains projets comme les Plans de mobilité scolaire (Pédibus et Vélobus).

En quelques années, l’on est donc passé d’une situation où l’expertise technique est comme monopolisée par les deux partenaires institutionnels des élus que sont la Direction Départementale de l’Equipement d’une part, l’Agence d’urbanisme de l’autre, à une configuration où l’expertise est diversifiée voire contradictoire. La méthode des scénarios, testés lors des études préparatoires au Plan de déplacements urbains de 2000 est généralisée (elle est par exemple appliquée dans le cadre des Plans locaux de déplacements). Il y a là un gage d’ouverture et de transparence du débat public. Cette transformation de la structure de l’expertise passe par l’appel à des compétences extérieures – il faut noter ici le rôle déterminant du bureau d’études Transitec, dont les liens avec l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne sont connus – et une ouverture disciplinaire – à côté des spécialistes de la circulation, sont désormais mobilisés des urbanistes et des chercheurs travaillant sur la mobilité prise dans sa globalité. Le pilotage d’un tel dispositif n’est possible que parce que le Syndicat mixte des transports en commun a renforcé ses compétences en interne. Lors de la révision du Plan de déplacements urbains, cette ouverture est encore plus affirmée et l’Agence d’urbanisme, jusque-là partenaire d’études privilégié des collectivités locales, tend à se transformer en un prestataire de conseil sur des questions spécifiques (le chrono-aménagement par exemple).

A Lille, une expertise technique et institutionnelle essentiellement locale

Pendant l’élaboration du PDU, un comité technique (noyau « dur ») est instauré, autour duquel beaucoup de choses tournent pendant deux ou trois ans. Régulièrement (toutes les six semaines), ce comité organise des rencontres durant lesquelles est réunie une trentaine de personnes de la CUDL et des partenaires extérieurs pour réfléchir sur le dossier du PDU. Dans ces réunions, il est décidé de mettre en place une dizaine de groupes thématiques, dont les membres sont plus directement concernés par le sujet abordé (géométrie variable des participants selon les thèmes abordés). Il revient ensuite au le comité de valider les choix et les options. Le CETE a été un acteur très présent lors de l’élaboration du PDU. Il y a eu une bonne entente entre les personnes du CETE et de la mission PDU. Du côté de l’Etat également, une jeune ingénieure de la DDE et un collaborateur ont été très actifs (SEHIER, 2006). En revanche, l’expertise participative ou associative n’a pas été sollicitée. Ce sont uniquement des groupes de techniciens qui ont participé à la production du PDU. Les associations ont participé ailleurs et à d’autres moments, lors de la consultation publique, dans les différents lieux de débat public. Il n’y a pas eu de mélange des deux ou d’intersection entre les deux procédures.

A Lyon, une expertise locale, ouverte et diversifiées

Relevons qu’à l’instar de Bordeaux aujourd’hui, comme nous allons le voir par la suite, l’expertise publique dans le champ des transports et des déplacements est au début des années 1990 quelque peu sectorialisée en fonction des compétences principales des acteurs institutionnels. Les débats au moment de la publication du Dossier de Voirie d’Agglomération en 1993 en attestent. L’Etat cantonne ses réflexions aux problématiques autoroutières et de grand contournement, tandis que l’AOT urbaine tend à se concentrer sur les enjeux communautaires uniquement (SCHERRER, 2006).

L’arrivée au pouvoir d’une nouvelle équipe municipale à Lyon et l’élection d’un nouveau président de la Communauté urbaine (Raymond Barre), dans un contexte de contestations très vives de la réalisation du tronçon nord (à péage) du périphérique, suggèrent aux pouvoirs publics en charge du PDU de mettre en œuvre un espace de débat et de concertation où les expertises institutionnelles et civiles puissent confronter les problématiques de déplacements sises aux différentes échelles du territoire aggloméré et péri urbanisé. La démarche de débat public du PDU de Lyon se présente comme un cas à mi-chemin entre Lille et Grenoble. L’expertise locale mobilisée au moment de l’élaboration du PDU est comme à Lille, pour l’essentiel une expertise institutionnelle. Comme à Grenoble, les groupes thématiques sont ouverts aux universitaires et aux associations, mais il n’est pas fait appel à une expertise extérieure, nationale ou internationale. En effet, dans les groupes de travail sont présents les professionnels dépendant des partenaires institutionnels, que sont la DDE, la DRE, le CETE, le Département, la Chambre de Commerce et d’Industrie, l’Agence d’Urbanisme, la SEMALY ou la Région Urbaine de Lyon, et les exploitants (SNCF, TCL Lyon Parc Auto), mais des experts issus du milieu universitaire ou des associations complètent ces groupes. Cette expertise locale diversifiée a une influence sur le contenu du PDU. Elle permet de faire émerger certains enjeux comme le passage du métro au tramway, avec comme enjeu du partage de voirie dans la limitation de l’automobile dans l’agglomération. Lors de la révision du PDU en 2003, nous avons déjà relevé que ce type de concertation a été réitéré, en s’appuyant également sur une expertise locale plus ouverte en direction de la société civile. Cependant, certains experts, notamment universitaires, considèrent que ce second moment de concertation a été moins important sur la forme et sur le fond (moins de sollicitation et moins de questions débattues).

5. Bordeaux : des collaborations anciennes et stables, des enjeux