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DES MODALITES DE MISE EN OEUVRE DIVIERSIFIEES ET DES VERTUS CERTAINES

5. Les moments du débat public

6.2 Débat public et Plan de déplacements urbains

L’élaboration du PDU a été lancée en juillet 1998 dans la foulée de la concertation du projet de tramway, (le Forum des Associations s’achève en mai). Le PDU a été adopté le 26 mai 2000. En donnant ces dates, on comprend déjà que le PDU ne peut bénéficier d’une concertation publique identique à celle qui a prévalu pour le tramway. Le coût et l’énergie mobilisés durant la concertation tramway découragent les acteurs publics. D’ailleurs, on peut estimer a priori qu’il n’y a pas véritablement besoin de concertation pour le PDU et que la capitalisation de connaissances du Forum peut être, dans une certaine mesure, transférée au projet de PDU. Dans ce contexte, les élus décident que débat public en direction de la société civile doit être limité : selon le vice-président en charge du dossier, après quelques réunions du comité de pilotage et une réunion publique d’information, le PDU est adopté.

Modalités d’élaboration du PDU

L’élaboration du Plan de déplacements urbains a essentiellement reposé sur un travail au sein de sept groupes thématiques. Les acteurs publics partenaires du PDU (Etat, Région, Département, communauté urbaine), la Chambre de Commerce et d’Industrie, mais également des techniciens communautaires, communaux et de bureau d’études, ont alimenté ces groupes entre février 1998 et juillet 1998. L’agence d’urbanisme, maître d’œuvre du PDU a produit les études soumises à discussion au sein des groupes et assuré l’animation de l’ensemble de l’élaboration. Ce dispositif de collaboration s’inspire des méthodes préconisées par le CERTU pour produire un PDU. Notons cependant, qu’à Bordeaux comme à Lille, mais contrairement à Grenoble ou à Lyon, ces groupes de travail thématiques ne s’ouvrent pas à la société civile et aux associations locales.

L’élaboration du PDU s’est appuyée sur les travaux et les expertises accumulées lors de la concertation préalable au tramway. Le travail des groupes thématiques a donc consisté, sans revenir sur un diagnostic de la mobilité à réfléchir à des pistes d’actions complémentaires à la réalisation des trois lignes de tramway. Suite aux travaux en groupe, un colloque a été organisé le 9 novembre 1998 qui répondait à l’obligation de concertation imposée par la LAURE, concertation sur la demande écrite des

associations avant l’adoption par la communauté urbaine du projet de PDU. Ce colloque d’une journée a rassemblé les représentants des professions et des usagers des transports, la CCI de Bordeaux et les associations agréées de protection de l’environnement. Notons que cette concertation est très courte. Ce colloque a eu une influence limitée sur le contenu du projet de PDU, il est surtout un moment d’explication de la démarche adoptée et d’échanges d’informations sur le contenu du projet. Ce débat public est de forme non intégrée. Le projet de PDU est adopté par le conseil de communauté le 18 décembre 1998. L’enquête publique s’est déroulée du 13 septembre au 15 octobre 1999. Le PDU a été définitivement approuvé le 2 mai 2000.

Elargissement de la concertation lors de la mise en conformité du PDU

En 2002, le PDU est mis en conformité avec la loi Solidarité et renouvellement

urbain. L’agence d’urbanisme conserve la maîtrise d’œuvre de cette nouvelle phase

d’études et met à nouveau en place trois groupes thématiques de travail, composés, comme pour l’élaboration du PDU, des partenaires issus des services de l’Etat, de la Région, du Département, des communes et aussi des représentants des organismes, comme les concessionnaires des parcs de stationnement, la Chambre de Commerce et d’Industrie, ou le CERTU. Sont aussi présentes, à titre d’expert, un petit nombre d’associations spécialisées : unions de commerçants, fédération des transporteurs routiers, d’associations de défense de l’environnement. L’ouverture en direction de la société civile, est limitée à quelques associations et ce bien que l’on soit en présence d’une forme intégrée de débat public. Ces groupes se réunissent d’octobre 2002 à janvier 2003. Les associations locales, dans le cadre de la concertation préalable obligatoire, disposent de la journée du 11 mars 2003, pour donner leur avis sur la mise en conformité du PDU. Les citoyens dans leur ensemble ne sont consultés qu’à l’occasion de l’enquête publique. Dans les deux cas, la concertation est peu intégrée au processus décisionnel puisque le projet est déjà élaboré quand il est présenté. Au moment de l’évaluation à mi-parcours, on dresse le constat suivant : aucune modalité de débat public n’est engagée pour accompagner cette phase. L’évaluation n’est donc pas participative.

La mise en conformité (2002-2003) est donc perçue comme une actualisation du document adopté le 26 mai 2000. Nombreux sont les acteurs publics locaux qui insistent sur l’aspect limité des modifications à apporter au document, qui a anticipé, dès 2000, plusieurs éléments de mise en conformité avec la loi SRU. Les modifications portent principalement sur le stationnement, le transport et la livraison des marchandises. Cette volonté de réduire la phase de mise en conformité explique le recours limité à la participation. Les élus estiment que l’expertise associative est nécessaire sur des points précis et considèrent que le « ciblage » de cette participation est indispensable pour obtenir de telles expertises. De ce point de vue d’ailleurs, ils considèrent que les apports des associations aux débats sont importants ou intéressants.

relancer la dynamique du PDU et de faire connaître plus largement le document (à la société civile), tout en saisissant l’opportunité de créer un véritable réseau d’experts locaux. En 2003, soit cinq ans après le lancement des premières réflexions liées au PDU, un état des lieux des comportements de mobilité par exemple n’aurait-il pas été bienvenu ?

CONCLUSION

Le débat public facteur potentiel de mise en cohérence de l’action collective urbaine

Le débat public, malgré toutes les difficultés que suppose son organisation, peut favoriser la cohérence entre les stratégies de transports que le Plan de déplacements urbains cherche à mettre en œuvre. Il est donc facteur de cohérence interne au PDU. Il peut par ailleurs contribuer à mieux articuler les actions conduites en matière de transports et celles qui concernent l’urbanisme. Il est alors facteur de cohérence externe.

Du point de vue de la cohérence interne au PDU, le débat public, activé au moment de la production du projet, contribue à enrichir les approches des élus et des techniciens. Par exemple, l’expertise contradictoire portée par le milieu associatif, dans le cas grenoblois, a donné lieu à des exercices de débat public riches et a contribué à structurer le contenu du PDU. La débat public oblige à dépasser la séparation traditionnelle, qui perdure dans la très grande majorité des agglomérations françaises, entre une politique des grandes voiries (celles qui seraient dévolues au transit) qui relève de l’Etat et une politique des transports collectifs (supposés au service des déplacements internes à la région urbaine) qui est de la responsabilité des collectivités locales. Il montre la non pertinence de la dichotomie trafic de transit / trafic interne, qui est à la source de toutes les réflexions sur les déplacements et favorise l’adoption d’une stratégie fondée sur l’intermodalité.

L’acculturation des acteurs locaux résultant des exercices de débat public, l’apprentissage collectif qu’ils suscitent sont également des facteurs de cohérence de l’action urbaine, et ce au-delà de la production du PDU. Dans le cas lyonnais, il semble que l’acculturation des acteurs locaux aux problématiques de déplacements et de mobilité lors des débats publics liés au PDU génère des échanges entre techniciens des sphères du transport et de l’urbanisme qui perdurent et alimentent désormais d’autres processus de planification (Schéma de cohérence territoriale notamment). Dans ce cas, c’est la cohérence externe, entre politiques urbaines, qui bénéficierait des vertus du débat public.

A Bordeaux, le débat public porte essentiellement sur le projet de tramway et n’est pas intégré au processus d’élaboration du PDU. Si dans le cas du tramway, sa portée est réelle, car il a contribué à faire remonter des informations et des demandes auprès des acteurs publics en charge du dossier, il est difficile de dire ce qui serait advenu si le débat public avait aussi sous-tendu l’élaboration du projet de PDU. On peut cependant mettre en évidence les limites du processus d’élaboration tel qu’il s’est déroulé.

Durant l’élaboration, la mise en œuvre puis l’évaluation du PDU, on soulignera donc la faible portée du débat public qui se résume à la tenue d’une journée de

concertation à la demande des associations concernées. Les acteurs publics n’ont pas souhaité réitérer l’expérience des débats publics de 1998 et ont ainsi limité le nombre de participants et les objectifs de la concertation liée au PDU. Cette « restriction » nous apparaît préjudiciable dans la mesure où le PDU ne concerne pas uniquement le tramway et devrait pouvoir aborder d’autres thématiques pour lesquelles un diagnostic complet et partagé semble indispensable.

Nous considérons que la capitalisation des études antérieures sans véritablement réactualisation des données d’une part, la faible ouverture de l’expertise, notamment en direction de la société civile ou d’experts indépendants extérieurs à Bordeaux, au moment de la production du projet de PDU d’autre part, contribuent à cette pauvreté du diagnostic du PDU. Le PDU est en quelque sorte capturé par le projet de TCSP qui laisse alors peu de place aux autres problématiques liées à la mobilité urbaine quotidienne. De plus, le projet TCSP relève d’une approche en termes d’offre de transport, ce qui ne couvre pas l’ensemble du spectre des enjeux de l’action publique en termes de gestion des déplacements. Ainsi, l’ampleur des débats autour du TCSP n’est pas ici remise en question, c’est plutôt la faible réactualisation et le faible recentrage des débats au moment du PDU qui semblent faire défaut à Bordeaux.

L’absence de participation de la population à l’élaboration du PDU a pour conséquence une méconnaissance du document par la société civile. Une recherche PREDIT antérieure à la nôtre a conclu sur ce point en soulignant qu’au mieux le PDU était perçu comme un simple plan de circulation ou carrément qu’il était assimilé au projet de tramway dans sa totalité (SACHET, 2000). Il existe donc une certaine opacité des processus de planification stratégique à l’échelle de la communauté urbaine de Bordeaux, au moins dans le champ des déplacements urbains et de la gestion de la mobilité. La participation des associations et des citoyens à des débats contradictoires, comme nous l’avons souligné par exemple dans le cas de Grenoble, est non seulement un facteur de renforcement de la démocratie locale, mais peut aussi contribuer à un enrichissement du contenu même des documents de planification. Le PDU ne peut se résumer au débat autour du tramway et de l’aménagement des espaces publics. Le forum du tramway et la mise en conformité du PDU démontrent qu’il existe à Bordeaux de ressources associatives (expertise) et que les acteurs locaux sont en capacité d’ouvrir le processus décisionnel. Dans la troisième partie du rapport, nous revenons sur les enjeux qu’il y aurait pour la CUB à mieux intégrer le débat public dans le processus de décision sous-jacent au Plan de déplacements urbains.

CHAPITRE 5