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CHAPITRE 2 ÉTAT DE L’ART

2.4 La mesure de performance organisationnelle

2.5.3 Les défis actuels en mesure de performance

La révolution dans les systèmes de mesure de performance au début des années 1990 a ouvert l’ère des systèmes de mesure de performance équilibrés combinant les indicateurs non financiers aux traditionnels indicateurs financiers. Il semble qu’aujourd’hui, les systèmes de mesure de performance traverseraient une nouvelle crise due au fait que les organisations sont inondées par une abondance d’indicateurs. Neely (2001, p.27) déclare à ce sujet : « The fundamental problem today is not that people are measuring the wrong things. Instead, it is

17 Du nom de l’ex-Secrétaire d’État américain au Commerce Malcolm Baldrige, grand promoteur de la

démarche qualité, le concours dénommé Malcom Baldrige National Quality Award est lancé en 1987 par le Congrès américain et vise à promouvoir la gestion de la qualité dans les entreprises par la reconnaissance celles qui ont implanté les meilleures pratiques suivant six critères : 1- leadership, 2-planification stratégique, 3- orientation client et marché, 4-mesures, analyses et gestion des connaissances, 5-ressources humaines, 6- gestion de processus, 7-résultats de la performance d’affaires et organisationnelle (http://asq.org/learn-about- quality/malcolm-baldrige-award/overview/overview.html, consulté le 15 janvier 2016)

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that they are trying to measure too much ». L’auteur y voit plusieurs raisons : le volume de données auquel l’accès est possible grâce aux nouvelles technologies est sans cesse croissant, sans regard à leur validité et leur robustesse. De plus, plusieurs parties prenantes telles que les actionnaires, les gouvernements, exigent de plus en plus de l’information sur les activités des organisations, ce qui force ces dernières à capturer de plus en plus de données. Cependant, ce qui importe pour les organisations, c’est de capturer les indicateurs pertinents.

Dans un environnement dynamique et turbulent, les organisations doivent en permanence mettre à jour leur stratégie. Est-ce que cette mise à jour s’accompagne toujours de la mise à jour de leur système de mesure de performance ? C’est la préoccupation que portent Melnyk

et al. (2013) dans une recherche sur la synchronisation entre les objectifs de l’entreprise et

son système de mesures et de récompenses. À l’issue d’une étude Delphi en 3 étapes, les auteurs ont développé une matrice d’alignement de la performance basée sur deux dimensions : les résultats attendus par l’organisation et les solutions à mettre en œuvre à cet effet. Cette matrice résumée dans le Tableau 2.2 ci-dessous permet d’avoir les 4 situations suivantes :

- Quand les résultats attendus sont spécifiés et les solutions à mettre en œuvre le sont également, on parle d’une gestion basée sur les mesures. Cette gestion convient à un environnement stable et les changements prévisibles.

- Quand les résultats attendus sont spécifiés, mais les solutions sont plus générales, on est dans une situation où le gestionnaire sait ce qu’il doit faire, mais beaucoup moins comment il doit le fait, on parle de solutions basées sur les résultats. L’organisation se garde une flexibilité dans les solutions pour arriver aux résultats. Il est alors plus difficile de définir des indicateurs spécifiques.

- Quand les résultats attendus sont difficiles à spécifier et d’ordre général, mais les solutions sont spécifiques, on est dans une situation où le gestionnaire a du mal à définir les objectifs, mais établit tout de même les activités à réaliser, on parle de

résultats basés sur les solutions ; il y a risque de pilotage à vue ou encore de

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- Quand les résultats et les solutions sont difficiles à spécifier, on est dans une situation où le gestionnaire fait confiance à l’expertise de son équipe pour des initiatives de croissance et leur évaluation, on parle de gestion basée sur l’évaluation.

Tableau 2.2 Matrice à deux dimensions d’alignement de la performance Tiré de Melnyk et al. (2013)

Par ailleurs, pour Melnyk et al. (2013), la mise en place d’un système de mesure de performance est insuffisante si elle n’est pas accompagnée d’un système de gestion de performance. Ceci corrobore les propos de Neely (2002, p.81) pour qui un système de mesure de performance n’a de pertinence que s’il sert à la prise de décision. Pour lui, la seule question qui vaut la peine d’être posée est la suivante : est-ce que les mesures me fournissent les données dont j’ai besoin pour répondre aux questions dont les réponses me permettront de mieux gérer ?

Micheli et Mari (2013) en appellent à une vue plus pragmatique de la mesure de performance dans les sciences sociales. D’après ces auteurs, la conception de la performance est passée d’une période métaphysique à une période antimétaphysique et la période actuelle serait

Objectifs généraux et

solutions générales : gestion basée sur

l'évaluation Objectifs spécifiques et solutions générales : solutions basées

sur les objectifs

Objectifs généraux et

solutions spécifiques : résultats basés sur les solutions

Objectifs spécifiques et

solutions spécifiques : gestion basée sur

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relativiste. Dans la période métaphysique qui est attribuée aux fondateurs de la physique, les mesures traduisaient les propriétés inhérentes des objets mesurés. La deuxième période est localisée au début du 20e siècle lorsque les concepts de mesure en physique ont été adoptés dans le domaine des sciences sociales en faisant passer la mesure de la vraie expression de la réalité à la représentation de celle-ci. Ce passage est important et Micheli et Mari (2013) déclarent à ce sujet : « This move is crucial, as it implies a sharp shift of emphasis, from ontology (measurement as a means to know how reality is) to epistemology (measurement as a means to acquire and consistently express information on reality) ». La troisième période appelée relativiste est consacrée par la prépondérance des modèles et le remplacement de l’erreur par l’incertitude. La mesure devient alors un processus d’acquisition de connaissances et non une détermination empirique de la valeur préexistante d’une propriété. Pour Micheli et Mari (2013), l’adoption d’une perspective de mesure basée sur les modèles met en relief l’importance du contexte, de la procédure de mesure, de l’interprétation des résultats en fonction des objectifs fixés par l’organisation, l'importance de la prudence dans la comparaison entre organisations.