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ETAT DES CONNAISSANCES

2. Les courants de contour

Tournadour - 2015

Eberli (1991) définit alors quatre différences majeures dans les turbidites carbonatées :

- 1. Le tri. Les turbidites calcaires, et plus particulièrement celles à granularité moyenne et grossière, montrent un très faible tri des particules comparé aux turbidites silicoclastiques. Le tri des particules dépend majoritairement de l’hétérogénéité des sédiments à la source, de la distance de transport et de la capacité de transport des écoulements. Dans les turbidites carbonatées le faible tri des particules peut être le résultat d’une grande variabilité de densité des grains liée à l’hétérogénéité lithologique des particules bioclastiques.

- 2. La bimodalité. Beaucoup de turbidites calcaires montrent une distribution bimodale des lithoclastes et des particules biodétritiques avec à la base une dominance des lithoclastes. Selon Eberli (1991) cette bimodalité est également le résultat d’une faible densité des débris squelettiques cimentés.

- 3. Séquence de Bouma. Les turbidites calcaires montrent souvent : (1) un granoclassement inverse à la base due à la différence de densité des grains carbonatés, (2) une imbrication des clastes allongés dans l’intervalle Ta, (3) des rides et des convolutes rarement présentes dans les séquences turbiditiques grossières mais fréquentes dans les séquences de turbidites fines, (4) une absence de l’intervalle Te dans les turbidites grossières, peut-être liée à l’absence d’une surface à charge électrostatique (présente dans les argiles terrigènes) pouvant entraîner la floculation. - 4. Figures de base de banc. Les figures sédimentaires de base de banc sont rares dans les

turbidites carbonatées. Le manque de cohésion de la matrice peut empêcher la préservation des flûtes et groove marks.

Ces différences majeures énumérées par Eberli (1991) sont aujourd’hui sujet à discussion. Les critères faciologiques des turbidites calcaires peuvent être davantage enrichis et leurs interprétations en termes de processus sédimentaires doivent être testées par des modèles analogiques en bassin. De plus, de manière générale, les classifications des dépôts gravitaires basées uniquement sur la dynamique de l’écoulement sont trop restrictives pour décrire les systèmes gravitaires carbonatés. En effet, il est essentiel dans ces types de système d’intégrer des classifications texturales (Folk, 1962 et Dunham, 1962) renseignant la nature des grains et leur matrice. Ces dernières apportent des éléments déterminants sur la source des particules resédimentées et par conséquent sur les processus de transport impliqués.

2. Les courants de contour

Les courants de contour circulent le long des marges continentales à différentes profondeurs et sont responsables de processus d’érosion, du transport de particules d’argiles et de sables fins et de larges constructions sédimentaires appelées drift contouritique. Ils correspondent soit à des courants

profonds qui résultent de la circulation océanique thermohaline contrôlée par des changements de température et de salinité, soit à des courants de surface mis en mouvement sous l’action des vents. De manière générale, ces écoulements sont identifiés comme semi-permanents et géostrophiques avec un déplacement parallèle aux isobathes.

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Dans les systèmes carbonatés modernes les courants de fond influencent la sédimentation profonde en marge des plates-formes carbonatées. Ils remobilisent les particules fines du nuage boueux de péri-plate-forme et induisent alors un étalement de ces dépôts dans le sens de propagation des courants. Le terme de péri-plate-forme drift est proposé par Betzler et al. (2014) pour décrire ces corps

sédimentaires boueux en étalement observés à l’ouest de Great Bahama Bank (Betzler et al., 2014), au

nord-ouest de Little Bahama Bank (Mullins et al., 1980 ; Tournadour et al., 2015 ; Chabaud et al., en révision), sur les bordures des atolls des Maldives (Betzler et al., 2013) et au niveau du Marion Plateau

au nord-est de l’Australie (Isern et al., 2004).

En revanche dans les systèmes carbonatés anciens le rôle des courants de contour dans la dynamique sédimentaire profonde est très peu discuté. Quelques études évoquent néanmoins la présence de contourites sableuses (Bein et Weiler et al., 1976 ; Cook et al., 1983).

Les contourites

Les contourites sont les dépôts résultant de l’action des courants de contour. Elles présentent une organisation verticale liée à la dynamique des courants de fond. La première séquence type est définie sur le drift de Faro (Faugères et al., 1984; Gonthier et al., 1984), elle s’organise selon une

granocroissance des faciès vaseux aux faciès sableux suivit d’une granodécroissance des faciès sableux aux faciès vaseux (fig. 1.6). Cette séquence traduit l’augmentation puis la diminution de la vitesse et de la compétence d’un courant de fond.

A ce jour il n’existe pas de séquence contouritique type relative aux systèmes carbonatés. Les sédiments prélevés dans les péri-plate-forme drifts des systèmes carbonatés modernes indiquent

uniquement la présence de boue de péri-plate-forme associés éventuellement à des intervalles d’argiles terrigènes.

Figure 1.6: Séquence contouritique type et relation avec la vitesse du courant de fond (redessiné par Rebesco et al., 2014, d’après Gonthier et al. 1984 et Stow et Faugères, 2008).

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Les drifts contouritiques

La formation des drifts contouritiques est contrôlée par quatre principaux facteurs : (1) la

morphologie des fonds marins, (2) la vitesse du courant et son évolution, (3) la quantité et la nature des sédiments disponibles et (4) la périodicité des courants de fond (Faugères et al., 1999). Ces facteurs de contrôle induisent des drifts contouriques avec des géométries variées qui peuvent être

regroupés en quatre types, contourite sheeted drifts, elongate mounded drifts, channel-related drifts et confined drifts (McCave et Tucholke, 1986 ; Stow et al., 1996 ; Faugères et al., 1999;) (fig. 1.7).

Figure 1.7 : Synthèse des différents types de drifts contouritiques. Les flèches noires indiquent le sens de migration et d’aggradation des drifts (Faugères et al., 1999).

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Les interactions entre les écoulements gravitaires et les courants de contour

En domaine marin l’interaction entre les processus gravitaires (downslope) et les courants de fond

(alongslope) est fréquente (Faugères et Stow, 1993; Faugères et al., 1999, Stow et al., 2002). Plusieurs

scénarios d’interaction entre les processus sont alors possibles (Faugères et al., 1999) (fig. 1.8) : - Lorsqu’un courant de contour intéragit avec un écoulement turbulent, cela induit une migration

latérale du système de levée. Les courants de contour capturent du matériel du système turbiditique et forme alors un fan drift (Carter et McCave, 1994).

- Lorsque l’activité de ce courant est maximale le système de levée peut être partiellement érodé, notamment dans la partie distale.

- Enfin, si des courants turbiditiques se propagent en direction d’un drift contouritique cela peut

induire le déplacement latéral du chenal, des levées et du lobe du système turbiditique. Le cas le plus complexe est atteint lorsque le drift est recoupé par le système turbiditique. Une partie des

turbidites s’accumulent alors en amont du drift (ponded turbidite) tandis que des chenaux érosifs

le recoupent et forment des éventails turbiditiques au-devant du drift.

Figure 1.8 : Les différents scénarios d’interactions entre les écoulements gravitaires et les courants de contour (Faugères et al., 1999).

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