• Aucun résultat trouvé

Interprétation de l’imagerie acoustique EM302 :

1. Les glissements sous-marins

1.1. Les glissements de la pente moyenne

Deux glissements récents de faibles dimensions affectent la pente moyenne à l’ouest des canyons entre 600 et 800 m de bathymétrie. Les deux cicatrices de glissement, notés Gl-1 et Gl-2 (fig. 2.15) ont une longueur respective de 17 km et 12 km et une largeur de 10 km et 3 km. En plus de ces deux glissements clairement identifiables sur la carte bathymétrique, d’autres glissements en partie comblés sont observables à l’extrémité ouest de la zone d’étude, le long de la pente moyenne.

Glissement 1

Le glissement 1 présente une cicatrice d’arrachement en deux parties (fig. 2.16A et B). La partie la plus à l’est montre des bordures très rectilignes tandis que la branche ouest est plus sinueuse. L’escarpement de la cicatrice d’arrachement a une hauteur comprise entre 30 et 60 m et présente une succession de loupes d’arrachement entre 200 et 500 m de large (fig. 2.16A et B).

A l’intérieur du glissement, les profils Chirp 217 et 148 montrent un corps sédimentaire caractérisé par un échofaciès lité continu de type I.1 qui se termine à 800 m de bathymétrie (en bleu sur les fig. 2.16D et E). La carotte CARKS-22, d’une longueur totale de 12,35 m, a été prélevée à l’intérieur de ce glissement (fig. 2.16A, D et E). Elle indique un faciès de boue de péri-plate-forme non indurée et bioturbée. Ce corps sédimentaire boueux surmonte un intervalle à échofaciès chaotique localisé en pied de pente (en violet sur les fig. 2.16D et E). Enfin, à environ 5 km de la cicatrice, le profil Chirp 217 montre un échofaciès transparent avec une base érosive de type V.2 (en orange sur les fig. 2.16D). Cet échofaciès est partiellement traversé par la carotte CARKS-23 (fig. 2.16A et D), de 2,17 m de long, indiquant la présence d’un intervalle de sable fin à moyen de 50 cm intercalé dans de la boue de péri-plate-forme. Cet ensemble à échofaciès transparent situé en face du glissement 1 (fig. 2.8) peut être interprété comme des dépôts resédimentés pendant une phase d’érosion intra-pente.

142

Tournadour - 2015

Figure 2.16 : Caractérisation du glissement 1 à partir des données de surface. Zoom sur la carte bathymétrique 3D (A), 2D (B) et sur la carte de réflectivité (C). Les profils sismiques du sondeur de sédiment (Chirp) 217 (D) et 148 (E) permettent de caractériser les dépôts présents à l’intérieur du glissement. Sur la carte bathymétrique 3D (A) sont localisés les profils de Chirp 217 et 148 et la carotte CARKS-22.

143

Tournadour - 2015

Du fait de la faible pénétration du signal émis par le sondeur de sédiment (Chirp), ces observations prennent sens uniquement avec l’intégration de l’analyse des profils sismiques HR. Ainsi le profil HR 73, positionné au même endroit que le profil Chirp 217, permet d’observer les dépôts à échofaciès chaotique dans leurs intégralités (fig. 2.17). Le profil HR 73 montre que le corps sédimentaire boueux est caractérisé par des réflexions continues, parallèles et de forte amplitude. Cet ensemble recouvre un intervalle composé de réflexions divergentes en discordances sur une surface basale. Cet intervalle est lui-même au-dessus d’un ensemble caractérisé par un faciès sismique chaotique délimité frontalement par une limite de faciès presque verticale (fig. 2.17). La surface basale discordante est alors interprétée comme la surface du glissement. L’intervalle à réflexions divergentes et l’unité à faciès chaotique sont interprétés respectivement comme les dépôts de la masse glissée en extension et comme les dépôts comprimés contre la limite frontale du glissement. Enfin le corps sédimentaire de boue de péri-plate-forme remplit la dépression formée (fig. 2.17).

Figure 2.17 : Caractérisation du glissement Gl-1 à partir des données de subsurface. Profil sismique HR 73 passant par le glissement Gl-1 et positionné au même endroit que le profil Chirp 217 (voir localisation figure 2.16). Le profil de sismique HR 73 permet d’identifier la surface de glissement et de caractériser la géométrie de la masse glissée frontalement confinée en pied de pente.

144

Tournadour - 2015

Le corps sédimentaire boueux qui remplit la dépression est caractérisé par des réflexions ondulées pouvant être interprétées comme des figures de fluage (fig. 2.16D et 2.17). En plus de ces figures d’instabilité, le profil Chirp transverse 148 montre des surfaces érosives et des formes chenalisées au sein du remplissage boueux (fig. 2.16E). En effet, les bordures du glissement sont caractérisées par des structures chenalisées non remplies formant des gouttières de 10 à 25 m de profondeur positionnées le long des escarpements (fig. 2.16A et B). Quelques zones en dépression peuvent également être observées au pied de l’escarpement de la tête du glissement (fig. 2.16B). Elles sont interprétées comme des figures de plunge pool marquant le plongement d’eau dense du fait d’un brutal changement

topographique. En amont de la cicatrice d’arrachement, des dépressions allongées (S.1) soulignées par une couleur claire sont visibles sur la carte de réflectivité (fig. 2.16C). Ces dernières confirment un transfert des sédiments de la pente supérieure vers le glissement 1 via des écoulements plongeant au niveau des zones d’arrachement. Ces écoulements se propagent ensuite le long des bordures du glissement (fig. 2.16A et B).

Glissement 2

Le glissement 2 est juxtaposé au canyon n°1. La cicatrice de ce glissement, composé de deux branches, présente une hauteur de 50 à 80 m. La branche ouest, plus sinueuse que la branche est, s’imbrique en amont de cette dernière. Les bordures de l’escarpement sont également affectées par de nombreuses loupes d’arrachement de 300 à 600 m de large (fig. 2.18A). Enfin, ces systèmes sont bordés par des structures en reliefs interprétées comme des monts carbonatés d’eau froide (fig. 2.18A).

Les profils Chirp 148 et 146 montrent les dépôts sédimentaires respectivement à l’intérieur du glissement 2 et du canyon n°1 et à l’embouchure de ces deux systèmes (fig. 2.18). Le profil Chirp 148 indique que ces deux systèmes sont confinés dans la pente moyenne et remplis par des dépôts présentant un échofaciès lité continu de type I.1 synonyme d’un remplissage boueux de péri-plate-forme (fig. 2.18B). Ce remplissage boueux s’organise sur plusieurs niveaux formant des terrasses étagées bordant des talwegs et des structures chenalisées (fig. 2.18A et B). Le talweg du canyon 1, situé le long de la bordure orientale présente une profondeur de 30 m. A l’intérieur du glissement 2, il n’y a pas de talweg à proprement dit, mais le remplissage boueux est entrecoupé par deux structures chenalisées localisées dans la continuité des gouttières longeant les bordures du glissement (fig. 2.18A et B). A l’embouchure de ces systèmes, le profil Chirp 146 montre une faible épaisseur de dépôt entre 5 et 15 ms twt au-dessus d’une surface érosive (fig. 2.18C). Ces dépôts sont caractérisés par un

échofaciès très hétérogène alternant avec des réflexions litées continues et des passages chaotiques. Le zoom 1 du profil Chirp 146 indique de nouveau la présence de petits chenaux qui semblent constituer l’évolution distale des structures chenalisées observées sur le profil 146 (fig. 2.18). Ces petits chenaux peuvent être associés de part et d’autre à des intervalles de dépôt en forme de biseaux interprétés comme des dépôts de débordement formant des levées (fig. 2.18C).

Enfin à l’est du canyon n°1 et des monts carbonatés, le profil Chirp 146 montre des dépôts à échofaciès chaotique situés en face de discrètes loupes d’arrachement visibles sur la carte bathymétriques (fig. 2.18A et C). Ces observations suggèrent un phénomène d’érosion intra-pente le long de la pente moyenne entre les canyons 1 et 2.

145

146

Tournadour - 2015

Figure 2.18 (page précédente) : Caractérisation du glissement 2 et du canyon n°1 à partir des données de surface. Zoom sur la carte bathymétrique 3D (A), et profils sismiques Chirp permettant de caractériser les dépôts à l’intérieur du canyon n°1 et du glissement 2 (profil 148, B) et à l’embouchure de ces deux systèmes (profil 146, C).

Les glissements enfouis

A l’extrémité ouest de la zone d’étude, le long de la pente moyenne, entre 600 et 800 m de bathymétrie, il n’y pas de cicatrice d’arrachement directement visible en surface mais deux incisons rectilignes entaillent le fond marin sur environ 5 km de long (fig. 2.19A). Ces incisions profondes de 20 à 70 m sont associées à des monts carbonatés d’eau froide (fig. 2.19A).

147

Tournadour - 2015

Figure 2.19 (page précédente) : Caractérisation des glissements ensevelis à partir des données de surface. Zoom sur la carte bathymétrique 3D (A) et sur les profils sismiques Chirp 143 et 224 (B et C). Les glissements partiellement ensevelis à l’extrémité ouest de la zone d’étude laissent apparaître en surface uniquement deux incisions rectilignes surmontées de monts carbonatés d’eau froide.

Les profils Chirp 143 et 224 montrent que ces incisions linéaires correspondent à des zones de non dépôt ou de by-pass (fig. 2.19B et C). En effet la pente moyenne est structurée par un corps

sédimentaire à échofaciès lité continu délimité par une base érosive et se terminant en biseau sur la pente inférieure, à 800 m de bathymétrie (fig. 2.19B et C). Ce corps sédimentaire est discontinu et se répartit entre les monts carbonatés d’eau froide. Il se termine en onlap sur les bordures orientales des

monts, tandis que les bordures occidentales forment des zones de non dépôt ou de by-pass générant

les structures linéaires (fig. 2.19B). Ce corps est en partie calibré par les carottes CARKS-20 et 21 (fig. 2.19A et B) indiquant un faciès de boue de péri-plate-forme bioturbée et non indurée avec quelques niveaux centimétriques riches en argiles (Chabaud et al., en révision).

Figure 2.20 : Caractérisation d’un glissement enseveli à partir des données de subsurface. Profil sismique HR 77 positionné au même endroit que le profil Chirp 224 (voir localisation figure 2.20). Ce profil sismique longitudinal permet d’identifier un glissement entièrement enseveli sous un intervalle de dépôt boueux de péri-plate-forme et de caractériser sa géométrie.

148

Tournadour - 2015

A la base de ce corps sédimentaire, des dépôts à réflexions ondulées sont localement présentes entre les monts carbonatés et les escarpements (en violet sur les fig.2.19B et C). Le profil longitudinal 224 montre que ces dépôts irréguliers sont confinés au niveau de la pente moyenne (fig. 2.19C). Cependant l’étendue de ces structures peut être appréhendée uniquement avec le profil sismique HR 77 (fig. 2.20). Il montre que ces dépôts à réflexions ondulées sont discordants sur une surface érosive interprétée comme la surface d’arrachement d’un ancien glissement aujourd’hui totalement enseveli (fig. 2.20). La masse glissée de ce glissement est caractérisée par une zone proximale en extension affectée par de petites failles listriques (fig. 2.20). La partie en compression de la masse glissée est caractérisée par deux intervalles de dépôt avec des réflexions très irrégulières et à faciès chaotique en discordance l’un sur l’autre. Ces sous-ensembles sont interprétés comme des chevauchements de front de déformation résultant de la compression des dépôts en pied de pente (fig. 2.20).

149

Tournadour - 2015