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Interprétation de l’imagerie acoustique EM302 :

1. Les glissements sous-marins

2.8 Comparaison avec d’autres canyons sous-marins

A partir des 5849 canyons sous-marins silicoclastiques recensés sur l’ensemble des océans du monde, Harris et Whiteway (2011) distinguent trois principaux types de canyon. Les canyons de Type 1 incisent le plateau continental et sont connectés physiquement à un système fluviatile. Les canyons de Type 2 incisent également le plateau mais leur connexion avec le système fluviatile n’est pas clairement établie. Enfin, les canyons de Type 3 sont restreints à la pente continentale et n’incisent pas le plateau, on parle alors de canyons « aveugles » (Harris et Whiteway, 2011).

Dans le cas des canyons sous-marins de la pente nord de LBB, en domaine purement carbonaté, le système fluviatile et le plateau continental sont inexistants. Cependant pour cette étude nous assimilerons les canyons de la pente nord de LBB à des canyons de Types 2 et 3 (sensu Harris et

Whiteway, 2011) du fait de leur non connexion avec la plate-forme (fig. 2.33). Par opposition, un canyon de Type 1 (sensu Harris et Whiteway, 2011) serait un canyon relié à la bordure de la

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forme. Dans le cas des plates-formes à barrières récifales discontinues, les canyons peuvent éventuellement être connectés à des passes tidales qui confinent les flux sédimentaires venant de la plate-forme.

Une première comparaison peut être entreprise avec des canyons silicoclastiques de Types 2 et 3 de dimensions équivalentes tels que ceux de la marge californienne ou les canyons méditerranéens du Golfe du Lion, de la marge nord du bassin de Ligure ou encore ceux de la marge Calabro-Ionienne (fig. 2.33A). Tous ces canyons présentent une largeur relativement régulière et sont fréquemment surcreusés par une incision axiale (fig. 2.33C). Les canyons de la pente nord de LBB montrent au contraire un contraste morphologique très marqué. Ils sont caractérisés par une forme très évasée en milieu de pente pouvant former de large amphithéâtre (jusqu’à 4,5 km) et se poursuivent ensuite sur la pente supérieure par des incisions linéaires plus étroites (inférieure à 2 km) (fig. 2.33B).

Une deuxième comparaison peut être réalisée avec des canyons sous-marins de systèmes mixtes tels que ceux de la marge nord-est australienne au nord de la Grande Barrière de Corail (Puga-Bernabéu et al., 2011, cf. Partie 1, fig. 1.25). Tout comme les canyons de la pente nord de LBB, ces derniers peuvent être assimilés à des canyons de Type 1 lorsqu’ils sont connectés à la bordure de plate-forme ou des canyons de Types 2 et 3 lorsqu’il y a absence de connexion. Le modèle d’évolution de ces canyons est très similaire aux stades d’évolutions 1 à 3 des canyons de la pente nord de LBB (fig. 2.31). Toutefois le contraste morphologique n’est pas aussi marqué. Les canyons de la marge nord-est australienne sont très incisés (jusqu’à 400 m de profondeur) et présentent une partie évasée uniquement dans la partie proximale à proximité de la bordure récifale. Dans ce cas, l’érosion régressive atteint son stade ultime jusqu’à la bordure de plate-forme où elle est bloquée par les récifs (fig. 2.33D). Dans ce secteur, l’intense érosion régressive semble être liée à la forte inclinaison de pente (7-15°).

Finalement les canyons de la pente nord de LBB présentent des géométries atypiques observées dans aucun autre système connus à ce jour. Le fort contraste morphologique qui les caractérise semble être lié à un gradient du niveau d’induration de la boue carbonatée. La cimentation sous-marine augmente régulièrement vers le haut de pente limitant ainsi l’érosion régressive. Cette spécificité lithologique associée à un profil de pente convexe et de faible inclinaison permet alors une érosion régressive en deux temps à l’origine de ce contraste morphologique.

Malheureusement la formation des canyons sous-marins en domaine purement carbonaté est relativement peu documentée et il n’existe pas d’autres cas d’étude permettant d’évaluer l’impact de la cimentation sous-marine dans ce type de système.

Figure 2.33 (page suivante) : Comparaison des canyons sous-marins de système carbonaté, silicoclastique et mixte. A. Tableau de comparaison des principaux paramètres physiques des canyons de Redondo et Santa Monica sur la marge californienne (Tubau et al., 2015), du Cap Creus et du Bourcart dans le Golfe du Lion (Baztan et al., 2005), de Roya et Verde sur la marge Ligure (Coste, 2014), de Botricello et Assi sur la marge Calabro-Ionienne (Coste, 2014) et des canyons de 10 et 15 de Ribbon Reef sur la marge nord-est australienne (Puga-Bernabéu et al., 2011). Modèles simplifiés et images bathymétriques des canyons sous-marins de la pente nord de LBB (B), du canyon de Redondo de la marge californienne (C) et des canyons Ribbon Reef de la marge NE australienne (D).

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B.L

ES ELEMENTS ARCHITECTURAUX DE LA PENTE INFERIEURE

En-dessous de 1000 m de bathymétrie, les canyons de la partie orientale se poursuivent par un réseau de sillons distributaires se propageant vers des zones de dépôt plus distales. Les sillons distributaires s’initiant à l’embouchure des canyons sont juxtaposés à des nappes d’épandage localisées en face de grandes zones d’arrachement (fig. 2.34). L’ensemble de ces éléments architecturaux est entrecoupé par des structures sédimentaires d’orientation N°300 à N°270 interprétées comme le résultat du passage du courant des Antilles dans ce secteur. L’objectif de cette section est de décrire ces systèmes dépositionnels longtemps considérés comme de simples tabliers de pente formés par l’accumulation de dépôts gravitaires mais dont l’organisation semble en réalité plus complexe.

Figure 2.34 : Les éléments architecturaux de la pente inférieure. Les sillons distributaires (traits oranges) s’initient à l’embouchure des canyons et se poursuivent le long de la pente inférieure en direction de trois zones dépositionnelles notées D1 à D3 (rayées jaunes clairs). Les sillons distributaires sont juxtaposés à deux nappes d’épandage notées Np1 et Np2 (rayées mauves). Les carottes CARKS-30, 31 et 32 sont localisées dans les sillons distributaires tandis que la carotte CARGC-25 est localisée dans la zone dépositionnelle D1.