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ETAT DES CONNAISSANCES

1. Les processus gravitaires

1.2 Les écoulements gravitaires

Tournadour - 2015

La diversité des sédiments présents dans le domaine profond des systèmes carbonatés implique trois processus majeurs de transport: les processus gravitaires, les courants de fonds et la décantation des particules fines en suspension que l’on regroupera sous le terme de off-bank transport. A ces trois

processus de resédimentation peuvent s’ajouter des processus de constructions carbonatées sur la pente qui complexifient la dynamique sédimentaire du domaine carbonaté profond.

1. Les processus gravitaires

Les processus gravitaires sous-marins ont fait l’objet de nombreuses études principalement dans les systèmes silicoclastiques modernes ou anciens, aussi bien par des observations de terrains que par des études expérimentales en bassin ou avec des modèles numériques. Les différentes nomenclatures qui en découlent reposent soit sur le comportement physique des écoulements soit sur les faciès. Cette section propose dans un premier temps une présentation des processus gravitaires et leurs dépôts selon deux grandes catégories : les glissements en masse et les écoulements gravitaires (Mulder et Cochonat, 1996). Dans un second temps une discussion sera proposée sur l’impact de la lithologie des carbonates sur le comportement des écoulements et les faciès résultants.

1.1. Les glissements en masse

Les glissements en masse correspondent à des phénomènes de déformation et de déplacement de volumes sédimentaires homogènes le long d’un plan de cisaillement (surface de glissement plane ou courbe). Parmi les glissements en masse on distingue : les avalanches et les chutes de blocs, les glissements translationnels (slides) ou rotationnels (slump) et le fluage (creeping) où la déformation

sédimentaire est lente et graduelle sans rupture systématique du matériel. Ces déstabilisations s’initient souvent en contexte tectonique actif et/ou pendant des périodes de forte accumulation sédimentaire.

1.2 Les écoulements gravitaires

Les écoulements gravitaires sont laminaires ou turbulents suivant le régime de l’écoulement défini par le nombre de Reynolds (rapport des forces d’inerties sur la viscosité cinématique de l’écoulement). Les écoulements laminaires assurent le transport des particules par cohésion de la matrice, l’interaction entre les grains et la pression interstitielle, tandis que les écoulements turbulents assurent le support des particules par la composante verticale de la vitesse générée par la turbulence (Middleton et Hampton, 1973).

Les classifications des écoulements gravitaires étant nombreuses, la synthèse de Mulder et Alexander (2001) sera utilisée comme référence. Cette classification est basée sur la cohésion des écoulements et sur le mécanisme de support des particules qui influencent le comportement des écoulements (Mulder et Alexander, 2001) (fig. 1.1).

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La classification de Mulder et Alexander, 2001

Les coulées de débris (debris flow) :

Ces écoulements présentent une matrice cohésive et une rhéologie pseudo-plastique. Les coulées de débris peuvent contenir des blocs hétérogènes de taille variable (centimétriques à décamétriques) dont le support est assuré par une forte cohésion de la matrice et par les forces de friction et de flottabilité des particules (Mulder et Alexander, 2001). Ces écoulements ont la particularité de pouvoir transporter du matériel sur plusieurs centaines de kilomètres notamment grâce au phénomène

d’hydroplanning qui consiste en l’incorporation d’une fine couche d’eau à la base de l’écoulement

permettant la réduction des forces de frottement et de leur potentiel érosif (Mohrig, et al., 1998). Le dépôt résultant est une débrite.

Les écoulements hyperconcentrés et concentrés

Ce sont des écoulements non-cohésifs où le transport des particules est assuré par l’interaction entre les grains et les phénomènes de pression dispersive. La distinction entre les écoulements hyperconcentrés et les écoulements concentrés est établie sur leur concentration en particules. Le passage entre les deux se fait suite à une dilution de l’écoulement par incorporation d’eau à son sommet ou par diminution de sa charge sédimentaire. Au phénomène de collision entre les grains s’ajoute alors des processus de turbulence au sommet de l’écoulement constituant ainsi des écoulements bipartites où les écoulements laminaires et turbulents coexistent. Un écoulement est considéré purement turbulent lorsque sa concentration est inférieure à 9% (Bagnold, 1962).

Les écoulements turbulents

Les écoulements turbulents assurent le transport des particules par suspension entretenue par la turbulence du fluide c’est-à-dire la composante verticale de la vitesse dirigée vers le haut (Middleton et Hampton, 1973). Parmi les écoulements turbulents se distingue les bouffés turbides, les courants de turbidité et les courants hyperpycnaux (Lüthi, 1981).

Les bouffées turbides constituent des phénomènes transitoires de courte durée (défini par analogie avec les avalanches de neige) présentant un volume limité de fluide qui n’est pas alimenté par l’arrière (Ravenne et Beghin, 1983 ; Laval et al., 1988).

Ils se

distinguent alors des courants de turbidité qui sont caractérisés par une alimentation prolongée par l’arrière (Mulder et Alexander, 2001). Ces écoulements ont des durées variables, de plusieurs heures à plusieurs semaines. Les dépôts résultant des courants de turbidité sont appelés « turbidites ». Les courants hyperpycnaux sont des écoulements entretenus qui se forment à l’embouchure des grands fleuves. Suite à des épisodes de crue, la densité de l’écoulement fluviatile arrivant dans la mer est supérieure à la densité du fluide ambiant. Ce changement de densité peut induire alors un plongement des eaux denses et générer un écoulement gravitaire turbulent dit « hyperpycnal », et à l’origine des dépôts appelés « hyperpycnites » (Mulder et Syvitski, 1995 ; Mulder et al., 2001).

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Dans les systèmes carbonatés, l’absence de système fluviatile ne permet pas la mise en place de ce type de dépôt. Cependant des phénomènes de remise en suspension des particules des eaux du lagon peuvent induire le plongement d’eau dense vers la mer, on parle alors de « density cascading » (Wilson

et Roberts, 1992 et 1995) (voir section 3. Off-bank transport).

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Transformation et évolution des écoulements gravitaires

Les écoulements gravitaires sont des processus dynamiques caractérisés par des changements de propriétés physiques dans le temps et l’espace au fur et à mesure de leur propagation. En effet pendant leur propagation ils peuvent incorporer du sédiment par érosion du substrat ou bien se diluer par incorporation d’eau ou par diminution de la charge sédimentaire suite au dépôt des particules. Mulder et Alexander (2001) caractérisent le passage progressif d’écoulements gravitaires hyperconcentrés à des écoulements turbulents en fonction de la vitesse de l’écoulement, leur concentration et le mécanisme de support des particules tout en indiquant l’évolution de l’épaisseur des dépôts et des faciès résultants (fig. 1.2).

Figure 1.2 : Evolution de la vitesse de l’écoulement, de la concentration en particule, du mécanisme de support des particules et de l’épaisseur des dépôts lors de transformation d’un écoulement hyperconcentré à un écoulement concentré puis à un écoulement turbulent (Mulder et Alexander, 2001).

Les facies associés aux écoulements gravitaires

De nombreuses classifications de faciès génétiques ont été établies suite à l’étude des systèmes gravitaires silicoclastiques. Ces classifications permettent de faire le lien entre les dépôts observés et le type d’écoulement gravitaire à leur origine.