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Interprétation de l’imagerie acoustique EM302 :

1. Les glissements sous-marins

1.2. Le glissement en masse (Mass Transport Complex – MTC)

L’origine et l’architecture de ce MTC a fait l’objet d’un article publié dans le numéro spéciale “Carbonate slopes and gravity deposits” du journal Sedimentary Geology en mars 2015 (Tournadour et al., 2015, annexe A). En plus de reconstituer la géométrie atypique de cet élément architectural, cet article propose également de comprendre les relations entre le transfert de sédiment de la plate-forme vers la pente, les courants de contour et les glissements sous-marins. Dans cette section, nous relaterons uniquement les faits saillants concernant l’architecture et l’origine du MTC de manière à comprendre la mise en place et l’évolution des glissements le long de la pente nord de LBB.

Morphologie générale de la cicatrice du MTC sur le fond marin

A l’extrémité nord-ouest de la pente nord de LBB, la partie proximale de la pente progradante est affectée par un large glissement d’une dimension deux à trois fois plus importante que les glissements observés le long de la pente moyenne. La tête de la cicatrice d’arrachement du MTC est située entre 275 et 460 m de bathymétrie et présente une longueur totale de 44 km et une largeur de 12 km (fig. 2.21A). La forme générale de la cicatrice d’arrachement est dissymétrique d’est en ouest. La branche est de la cicatrice présente une forme linéaire avec une sinuosité de 1,26, tandis que la branche ouest est méandriforme avec une sinuosité de 1,82 (fig. 2.21A). Cinq profils bathymétriques transversaux montrent le caractère asymétrique de l’escarpement. La bordure externe est quasiment verticale avec une hauteur de 40 à 70 m. Elle est plus haute et plus pentue que la bordure interne de la cicatrice (fig.2.21A). A l’intérieur du glissement, le profil 6 longitudinal au MTC montre une rupture de pente à une bathymétrie de 360 m, avec une inclinaison de pente passant de 1° à 0,6° (fig.2.21A). Dans la partie méandriforme de la tête du MTC la bordure interne est affectée par des glissements de faibles dimensions, de 1 à 2 km de large, suggérant la formation de glissements secondaires le long de la bordure interne (fig. 2.21C). Les profils de Chirp 242 et 243-244 indiquent la présence de dépôts glissés en pied de pente et à l’intérieure de ces petites zones d’arrachement (fig. 2.21C). Enfin, au front de la cicatrice, entre 450 et 570 m de bathymétrie, de nombreuses dépressions circulaires, sont présentes sur le fond marin (fig. 2.21A et B). Ces dépressions ont en moyenne un diamètre de 180 m et une profondeur de 11 m. Ces structures sont interprétées comme des pockmarks c’est-à-dire des

structures sédimentaires résultant d’une expulsion de fluide vers la surface. Les pockmarks peuvent

être localement associés à des structures en reliefs interprétées comme des monts carbonatés d’eau froide (fig. 2.21B).

Géométrie du MTC reconstituée à partir des profils de sismique HR

Le MTC est traversé par plusieurs profils sismiques HR permettant de visualiser la surface d’arrachement et la géométrie des dépôts glissés en subsurface (fig. 2.22A). Le profil longitudinal 77 montre une surface discordante majeure entre 40 et 150 ms twt sous le fond marin (fig. 2.22B). Dans

la partie distale de ce profil (zoom 3, fig. 2.22.B), aux fronts des clinoformes progradants, la surface discordante correspond à la zone d’arrachement du glissement enseveli décrit précédemment (fig. 2.19 et 2.20). Dans la partie proximale de la pente, la surface discordante commence par un escarpement d’environ 120 ms twt de haut (zoom 1, fig. 2.22B). Cet escarpement est interprété comme

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Figure 2.21 (page précédente): Caractérisation du Mass Transport Complex (MTC) à partir de données de surface. Vue 3D de la carte bathymétrique au niveau du MTC (A) et zoom sur les pockmarks au front de la cicatrice du MTC (B) et sur la bordure ouest méandriforme (C) (adapté d’après Tournadour et al., 2015).

Au-dessus de 500 m sous le niveau marin actuel, un intervalle à faciès chaotique, déconnecté de la surface d’arrachement, onlappe la surface discordante vers 400 m de bathymétrie et est frontalement

confinés par une limite quasiment verticale marquée par un changement de faciès et soulignée par des troncatures d’érosion (zoom 2, fig. 2.22B). Ces dépôts à faciès chaotique sont interprétés comme la masse glissée du MTC frontalement confinée (sensu Frey-Martinez et al., 2006) à environ 500 m sous le

niveau marin actuel. Les profils transversaux 79 et 81 (fig. 2.22C) montrent que le MTC est également latéralement confiné dans la pente par des bordures latérales très escarpées en partie affleurantes sur le fond marin actuel (fig. 2.21A). La dépression formée par le MTC est ensuite remplie par un des dépôts aggradants s’épaississant dans la partie proximale (fig. 2.22B). Cet intervalle est caractérisé par des réflexions parallèles, continues et de forte amplitude. Il est partiellement calibré par la carotte MD99-2202 (26 m de long) (fig. 2.21A et fig. 2.22C) dominée par de la boue de péri-plate-forme avec quelques niveaux grossiers à débris cimentés (Lantzsch et al., 2007). Dans la partie proximale de ce remplissage, contre la tête de l’escarpement (zoom 1, fig. 2.22B), une zone chenalisée est associée latéralement à des dépôts en forme de biseau. Ces géométries sont à l’origine du changement de pente observée à 360 m de bathymétrie (fig. 2.21A). Ces structures peuvent être interprétées soit comme des dépôts de débordement d’un écoulement longeant l’escarpement et formant une levée ou bien comme une zone de plunge pool où la zone de plongement induit une érosion faisant suite à une zone

d’accumulation sédimentaire (zoom 1, fig. 2.22B). D’autres structures chenalisées sont observables dans ce remplissage à proximité des bordures de l’escarpement (profil 79, fig. 2.22C). Il s’agit cette fois-ci de structures chenalisées aggradantes pouvant être interprétées comme des petits glissements ou comme d’ancien pockmarks comblés. Enfin tout le long de la pente, de petites failles listriques

associées à des réflexions ondulées caractérisent cette unité de remplissage (fig. 2.22B et C).

Origine et évolution du MTC

Etape 1 : mise en place du MTC

La large cicatrice d’arrachement visible sur le fond marin est le résultat d’un MTC frontalement confiné en milieu de pente. La forme sinueuse de l’escarpement suggère qu’il n’y pas eu un seul glissement mais plusieurs événements gravitaires à l’origine d’une cicatrice d’arrachement remodelée par des glissements secondaires lui conférant sa forme atypique méandriforme (fig. 2.23).

Etape 2 : remplissage de la dépression

L’unité de remplissage de la large dépression est constituée de boue de péri-plate-forme. La présence de structures chenalisées contre l’escarpement peut être le résultat de la circulation de courant le long de la cicatrice de glissement ou bien induit par un phénomène de plunge pool par des écoulements

venant du haut de pente (fig. 2.23). Au-dessus de la masse glissée, au front de la cicatrice du glissement, le remplissage boueux montre des réflexions ondulées et est traversé par de nombreux

pockmarks. Ces structures peuvent être le résultat de l’expulsion de fluides lors de la compression de

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Figure 2.22 (page précédente) : Caractérisation du Mass Transport Complex (MTC) à partir des données de subsurface. Localisation des profils sismiques sur la carte bathymétrique 3D (A). Le profil longitudinal 77 (B) et les profils transversaux 79 et 81 (C) illustrent la géométrie du MTC confiné et la complexité de son remplissage (adapté d’après Tournadour et al., 2015).

Etape 3 : instabilités de l’unité de remplissage

L’unité de remplissage est affectée par de nombreuses figures d’instabilité avec la présence de failles listriques et de petits glissements le long de la bordure interne de la cicatrice d’arrachement complexifiant davantage la géométrie du MTC (fig. 2.23). Ces figures d’instabilité caractérisent la nature instable de cette unité de remplissage pouvant être en partie provoquée par le mouvement de la masse glissée sous-jacente (fig. 2.23).

Figure 2.23 : Modèle de formation et évolution du Mass Transport Complex (MTC). Etape 1 : mise en place du MTC frontalement confiné par un ou plusieurs événements gravitaires. Etape 2 : remplissage de la dépression par des dépôts boueux de péri-plate-forme et formation de pockmarks par expulsion de fluide de la masse glissée en compression au front du glissement. Etape 3 : instabilités gravitaires dans l’unité de remplissage et formation de petits glissements à l’intérieure de la cicatrice d’arrachement (adapté d’après Tournadour et al., 2015).

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