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2. 3 Les chenaux et les complexes chenaux/levées

2. Les facteurs extrinsèques

2.1. La variation du niveau marin et séquences stratigraphiques

Dans les systèmes silicoclastiques les éventails turbiditiques sont préférentiellement mis en place lors des périodes de chute du niveau marin relatif (lowstand) lors de l’érosion des reliefs continentaux

(Vail et al., 1977). Les systèmes carbonatés, quant à eux, présentent un comportement tout à fait différent face aux variations du niveau marin compte tenu de leur production sédimentaire in-situ

dépendantes de nombreux paramètres environnementaux.

De nombreuses études sur des systèmes modernes montrent que la production carbonatée et par conséquent l’export de matériel vers le bassin est maximale pendant les périodes de haut niveau marin (highstand shedding) lorsque la plate-forme est submergée (Droxler et Schlager, 1985 ; Grammer et

Ginsburg, 1992 ; Schlager et al., 1994 ; Jorry et al., 2010).

Handford et Loucks (1993) appliquent le modèle de highstand shedding mais selon une nouvelle

approche de la stratigraphie séquentielle en intégrant les nombreux facteurs environnementaux qui contrôlent la production carbonatée. Les auteurs proposent des modèles d’évolution en réponse de la variation du niveau marin pour des systèmes carbonatés ou mixtes, barrés ou sous forme de rampe, dans un contexte humide ou aride. Voici la description d’une séquence de dépôt pour un système de plate-forme carbonatée isolée barrée en milieu humide selon une période de lowstand, de

transgression et de highstand (fig. 1.32).

- Lowstand. Durant les périodes de bas niveau marin, la production carbonatée est réduite et l’exondation favorise l’érosion de la bordure de la plate-forme et les glissements sous-marins. Il en résulte la mise en place de larges débrites le long de la pente (fig. 1.32). Handford et Loucks (1993) précisent cependant que les glissements en masse peuvent se déclencher indépendamment du niveau marin relatif estimant que ces derniers peuvent être provoqués par une activité tectonique. - Transgression. Lors de la remontée du niveau marin, la sédimentation carbonatée à lieu dans un

premier temps dans un environnement restreint et passe ensuite à un milieu plus ouvert où des

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- Highstand. Enfin lors des périodes de haut niveau marin, la production carbonatée est maximale et l’augmentation de l’accommodation diminue, la plate-forme prograde alors vers le bassin. Une grande quantité de particules fines dérivent vers le bassin (off-bank transport) induisant une forte

accumulation de boue de péri-plate-forme le long de la pente et dans le bassin. Des glissements peuvent alors se déclencher le long de la pente progradante par surcharge sédimentaire (fig. 1.32).

Figure 1.32 : Modèle de séquence de dépôt d’une plate-forme isolée et barrée en milieu humide (adapté d’après Handford et Loucks, 1993).

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Jorry et al. (2010) montrent que l’ennoiement rapide d’une plate-forme peut favoriser l’initiation de turbidites lors de période de forte production sédimentaire peu de temps après son ennoyement. Cependant, la mise en place des écoulements gravitaires ne se fait pas uniquement pendant les périodes de haut niveau marin relatif. En effet même si la fréquence des turbidites est plus importante en période de highstand, les glissements en masse et les écoulements gravitaires peuvent se

déclencher indépendamment des variations de niveau marin. Ainsi Reijmer et al. (1992) identifient à l’ouest de Great Bahama Bank des turbidites de haut niveau marin riches en grains venant de la

plate-forme et des turbidites de bas niveau marin avec des grains plus grossiers provenant de la marge. Bien que l’évolution faciologique des turbidites carbonatées en fonction de niveau marin soit aujourd’hui relativement bien connue, l’évolution des géométries en revanche reste très peu documentée. Il reste encore beaucoup de questions quant à la mise en place des principaux éléments architecturaux dans un cadre séquentiel établi. Existe-t-il une relation entre la production carbonatée et la mise en place des systèmes distributaires de canyons ou de chenaux ? Un export important de matériel est il uniquement synonyme de clinoformes progradants ou peut-il s’exprimer par la mise en place d’un système distributaire et par une accumulation sédimentaire plus lointaine dans le bassin sous forme de lobes ou de nappes d’épandages ?

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HAPITRE

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L’archipel des Bahamas est probablement le système carbonaté actuel le plus étudié. En effet, les plates-formes bahamiennes permettent une description des environnements de dépôts quaternaires de manière continue de la plate-forme au bassin. Ce cadre d’étude unique au monde constitue un lieu déterminant pour la compréhension des systèmes carbonatés.

Depuis le Jurassique, les plates-formes carbonatées des Bahamas enregistrent des phases successives d’expansions verticale et latérale, d’ennoiement ou encore de dislocation. Ces différents épisodes sont à l’origine de la physiographie actuelle des Bahamas où les plates-formes carbonatées sont séparées par de profonds bassins.

Du fait de leur héritage géologique, les Bahamas montrent des profils de pente très variés. Suivant leur hauteur, Schlager et Ginsburg (1981) définissent alors des pentes en érosion, en by-pass et en

accrétion. Ces morphologies évoluent également en fonction de leur orientation aux vents et de la présence de courants de contour. C’est seulement à partir des expéditions ODP Legs 101 et 166 (1986 et 1996) qu’une caractérisation sismo-stratigraphique est proposée pour les pentes dites en accrétion (sensu Schlager et Ginsburg, 1981). Ces études sont déterminantes pour la compréhension des

processus sédimentaires et permettent une première caractérisation des différents éléments architecturaux en domaine marin profond (drifts contouritiques, canyons, ravines, chenaux, lobes). Enfin un regain d’intérêt pour les pentes bahamiennes depuis 2010 est à l’origine de nouvelles missions océanographiques permettant une description à très haute résolution des pentes bahamiennes au nord de Little Bahama Bank et à l’ouest de Great Bahama Bank. Ces nouvelles

acquisitions permettent des avancées considérables sur l’étude des pentes carbonatées.

Ce chapitre propose dans un premier temps une description du contexte environnemental des Bahamas suivit d’une présentation du cadre géodynamique et d’une synthèse non exhaustive de l’histoire géologique des Bahamas et du Blake Plateau. Enfin la dernière section sera consacrée aux

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A.P

HYSIOGRAPHIE ACTUELLE

,

CONTEXTE CLIMATIQUE ET CIRCULATION OCEANIQUE

L’archipel des Bahamas se situe sur la marge ouest de l’Océan Atlantique à l’est de la Floride et au nord de Cuba dans la région des Caraïbes. Les Bahamas sont constituées de plusieurs plates-formes dont les plus larges sont celles de Great Bahama Bank et de Little Bahama Bank. Les plates-formes carbonatées

s’étendent sur presque 1000 km de long selon une direction SE-NO. Elles sont limitées au nord par le

Blake Plateau et à l’est par le Blake-Bahama Escarpment avec un pied de pente à 4000 m de profondeur

marquant la limite avec le bassin profond. Great Bahama Bank est séparé de Little Bahama Bank par Providence Channel et est segmenté par les profondes gouttières de Tongue of The Ocean et Exuma Sound. Enfin le détroit de Floride forme un couloir de séparation entre les Bahamas et la Floride d’une

profondeur d’environ 850 m (fig. 1. 33).

Figure 1.33: Physiographie actuelle des Bahamas et principaux courant de surface (flèches jaunes) et le courant de fond Western Boundary UnderCurrent – WBUC (flèche verte) localisés sur une image satellite (source : Esri).

Les Bahamas sont sous l’influence d’un climat subtropical avec une température annuelle de 25°C. L’archipel est caractérisé par deux saisons, un été chaud et humide et un hiver frais et sec. Les écarts de température sont plus importants au nord avec une différence d’environ 8°C tandis qu’ils sont seulement de 4°C au sud (Bergman, 2010). La pluviométrie annuelle moyenne des Bahamas est de 85,7 cm avec des valeurs comprises entre 10 à 150 cm/an augmentant graduellement vers le nord (Bosart et Schwartz, 1979 ; Newell et al., 1959 ; Buchan et al., 2000). Les Bahamas sont le lieu de

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passage de nombreux ouragans et de tempêtes tropicales d’août à octobre. En moyenne trois ouragans traversent les Bahamas tous les quatre ans (Shaklee, 1989 ; Buchan et al., 2000).

La circulation océanique joue un rôle important sur l’évolution du climat et influence la production carbonatée des plates-formes bahamiennes.

- La circulation océanique de surface autour des Bahamas est dominée par le courant des Antilles à l’est et le courant de Floride à l’ouest (fig. 1.33). Le courant de Floride est alimenté par des masses d’eau en provenance de la mer des Caraïbes et du Golfe du Mexique qui se poursuivent le long du détroit de Floride. A la sortie du détroit, au nord de Little Bahama Bank, le courant de Floride

fusionne avec le courant des Antilles et forme le courant du Gulf Stream. Le courant de Floride est

particulièrement intense en surface avec des vitesses comprises entre 100 et 170 cm.s-1 sur les 200 premiers mètres de la colonne d’eau. L’intensité du courant diminue en profondeur et devient inférieure à 20 cm.s-1 en dessous de 800 m de bathymétrie (Richardson et al., 1969 ; Leaman et al., 1995). Les courants circulant entre les plates-formes carbonatées le long de Old Bahama Channel,

de Santaren Channel et de Northwest Providence Channel sont orientés vers le courant de Floride et

contribuent à sa capacité de transport (fig. 1.33).

- Des courants profonds résultant de la circulation thermohaline circulent également dans la région des Bahamas. Le Western Boundary UnderCurrent (WBUC) prend naissance au niveau du

Groenland dans le bassin d’Irminger. Il circule vers le sud le long de la marge est d’Amérique du Nord et se mélange au North Atlantic Deep Water (NADW) à environ 35°N de latitude (Amos et al.,

1971). Le WBUC passe à proximité de la Blake Outer Ridge et longe ensuite le Blake-Bahama Escarpment où il influence la sédimentation profonde (fig. 1.33).

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B.E

VOLUTION GEODYNAMIQUE ET SEDIMENTAIRE