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1 Problématique

1.8 La formation des enseignants

1.8.1 Les connaissances en acte des enseignants

La formation initiale des futurs enseignants ne leur permet pas toujours d’établir les bases d’une stratégie de développement professionnel. En effet, plusieurs maitres en formation modèlent leurs pratiques sur celles des enseignants rencontrés pendant leurs stages et perdent de vue les principes acquis durant les cours de pédagogie et de didactique de leur formation initiale (Hattie, 2009 ; Minier et Gauthier, 2006). Pour se justifier, certains enseignants évoquent parfois un manque de maturité des élèves qui seraient, selon eux, incapables de s’investir dans la construction du savoir (Karwera, 2012). Par ailleurs, certains enseignants se méfient des perspectives constructivistes et se résignent aux méthodes transmissives promues par les manuels (Boilevin, 2013 ; Glaserdfeld, 1994).

Dans un métier qui « consiste à prendre d’incessantes décisions dans l’instant, à tenir compte de multiples interactions en situation » (Astolfi et al., 2008, p. 6), le développement continu des connaissances et des compétences professionnelles est pourtant essentiel. Tavignot (1995), par exemple, a noté qu’au moment de la planification, les enseignants compétents ne font pas toujours une transposition didactique adéquate de certaines notions mathématiques mais qu’ils améliorent rapidement cette transposition en salle de classe, au fur à mesure qu’ils s’adaptent aux besoins de leurs élèves. Toutefois, Legendre (1994) confirme que les pratiques d’enseignement dépendent des savoirs et des compétences de l’enseignant ; Talbot (2012) signale que ces pratiques ne peuvent pas répondre à des méthodes systématiques transférées en cours de formation mais qu’elles doivent s’ajuster au contexte. Plusieurs chercheurs (Morgue, 2003a/ 2008 ; Porlan, Azcarate et Martin, 1998 ; Shulman, 1986) reconnaissent, de plus en plus, que l’enseignant est incapable de développer des connaissances en acte à partir de sa formation initiale et qu’il a besoin de formations plus pratiques. Dans le cadre de ces formations,

l’enseignant interagit avec sa classe et s’adapte à divers contextes, tout en gardant le contrôle sur le contenu pédagogique et didactique proposé à ses élèves. Le développement des connaissances et des compétences professionnelles, dans les programmes de formation initiale, pourrait donc être amélioré (Boilevin, 2013) en réfléchissant à un volet pratique plus efficace.

Concrétiser les curriculums en des activités constructivistes centrées sur l’apprentissage n’est pas évident (Granger, 2014). L’enseignant doit faire construire un savoir qu’il ne peut pas nommer au préalable, par des moyens qu’il ne peut pas annoncer. « La situation didactique doit conduire l’élève à faire ce qu’on veut, mais en même temps, elle ne doit pas le conduire » (Brousseau, 1988, p. 16). En d’autres termes, l’enseignant doit assumer deux rôles contradictoires dans une même situation didactique : faire construire à l’élève une connaissance et contribuer à transformer cette connaissance en un schème cognitif que l’élève pourra activer dans de nouvelles situations (Brousseau, 1988). Quand il joue ces rôles, l’enseignant peut créer les conditions favorisant une dévolution et une dédidactisation du concept pour que l’élève accepte une « construction épistémologique cognitive intentionnelle » (Brousseau, 1988) des connaissances avant qu’elles ne soient institutionnalisées. Un enseignant compétent planifie des séances d’apprentissage favorisant la construction du savoir par l’élève ; il structure les activités pour atteindre des objectifs d’enseignement et réduire les difficultés du programme ; il évalue et réexamine ses stratégies (Hattie, 2009). Dans ces conditions, des connaissances sur l’histoire du concept, les étapes de sa construction et les processus de sa conversion en texte de savoir seraient essentielles pour l’enseignant parce qu’elles fournissent des modèles du cheminement intellectuel des élèves (Azcona et al., 2002 ; Furió et al., 2000 ; Padilla et Furió, 2008 ). Cela dit, la formation initiale des enseignants, et plus particulièrement en chimie, offre peu de notions épistémologiques et historiques au sujet des concepts à enseigner (Furió et al., 2000).

Dans les programmes centrés sur l’apprentissage, l’efficacité de l’enseignement se mesure par les performances des élèves (Gauthier et Dembélé, 2004 ; Shymansky et Kyle, 1992 ) et ceci particulièrement dans les milieux défavorisés (Bressoux, 2008 ; Coleman, Campbell, Hobson, Mcpartland, Mood, Weinfield et York, 1966 ; Crahay 2000 ; Wang, Heartel et Walberg, 1993). Par ailleurs, quand un enseignant s’engage dans une démarche d’évolution de ses pratiques pédagogiques et didactiques, les apprentissages des élèves s’améliorent (Sanders et Horn, 1998). En enseignement des sciences, ce type de démarche, qui pourrait former la base d’un développement professionnel ultérieur à la formation initiale, confère à

l’enseignant les compétences qui lui permettent de susciter un développement des connaissances, des aptitudes d’argumentation et des attitudes scientifiques chez les élèves (Hofstein et Lunetta, 2004).

Selon Hashweh (1996), les conceptions des enseignants influencent leur transposition des programmes scolaires. Il ajoute que même si les manuels proposent une vision constructiviste des sciences, la majorité des enseignants en possèdent une vision positiviste traditionnelle. Kind et Kind (2011) soulèvent une problématique plus profonde : Un peu partout dans le monde, au secondaire, les disciplines scientifiques sont regroupés dans une même discipline appelée « science et technologie » mais les enseignants n’ont souvent pas été bien formés dans toutes les disciplines scientifiques. Kind et Kind (2011) montrent que l’enseignement d’une discipline qui n’est pas la spécialité de l’enseignant est plus fragile que celui de la discipline principale de leur formation scientifique. En chimie, si cette discipline n’est pas leur spécialité, les enseignants ne possèdent pas les SMK (Subject Matter Knowledge) qui englobe les modèles, les savoirs, les méthodes et les approches permettant de l’enseigner correctement.

La formation des enseignants fait partie des intérêts de recherche importants en didactique. L’étude de la formation s’effectue particulièrement dans le cadre de recherches de développement. Par exemple, dès 1993, Joshua et Dupin se sont interrogés sur la possibilité de remplacer des rapports à d’anciens savoirs, souvent devenus des obstacles, par des rapports à des savoirs nouveaux en stimulant le développement des connaissances professionnelles des enseignants. À noter que le « rapport à » est selon Charlot « une relation de sens, et donc de valeur, entre un individu (ou un groupe) et les processus ou produits de savoir » (Kalali, 2007). Plus récemment, des méthodes de recherche comme « l’ingénierie didactique » et le Design

Based Research ont permis le développement de divers dispositifs de formation des enseignants.

1.8.2 Des dispositifs de formation pour le développement des pratiques