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1 Problématique

1.8 La formation des enseignants

1.8.2 Des dispositifs de formation pour le développement des pratiques

Plusieurs recherches ont étudié l’impact de divers dispositifs de formation sur le développement des pratiques professionnelles. De façon générale, dans ce type de recherche, rendre les pratiques « intelligibles » consiste souvent à identifier et à confronter trois types

d’informations : la perception des pratiques, les représentations et les pratiques effectives (Bru et Talbot, 2001, p. 24).

Par exemple, Brownlee, Dart, Boulton-Lewis et McCrindle (1998) ont mené une recherche auprès de six enseignants qui devaient appliquer en classe des notions théoriques acquises au cours de leur formation initiale et partager leurs pratiques en adoptant des démarches réflexives. En plus, des jeux de rôles avaient lieu durant les rencontres afin de simuler des situations d’enseignement et d’apprentissage qui étaient plus tard discutées et critiquées. Les enseignants ont confronté leurs représentations pré-expérience théoriques à leurs représentations post-expérience issues des pratiques et ont constaté un développement de leurs pratiques professionnelles. Chacun devait tenir un journal de bord pour noter ses convictions, ses représentations, ses actions, ce qui a favorisé la métacognition, l’évaluation et la décision dans l’action de chaque enseignant. Une complexification de certaines conceptions naïves des enseignants en des connaissances déclaratives, procédurales et métaprocédurales a également été notée.

Akerson et Hanuscin (2007) ont mené une recherche de développement professionnel auprès d’enseignants du primaire qui avaient un rapport négatif aux sciences et à l’enseignement des sciences. Les enseignants ont suivi une formation basée sur le principe de l’homomorphisme, principe selon lequel les situations d’enseignement et d’apprentissage sont semblables à celles que les enseignants peuvent proposer à leurs élèves et se déroulent dans un environnement similaire (Trudel et Métioui, 2010). Suite à cette formation, les chercheurs ont constaté un changement dans les conceptions et les pratiques des enseignants. Par exemple, plusieurs enseignants ont réalisé que les théories scientifiques ne sont pas des vérités immuables, que le questionnement et l’exploration sont essentiels pour un apprentissage efficace, que la distinction entre le temps d’enseignement et le temps d’apprentissage est importante et que les compétences des élèves se développent à travers des activités conçues selon une approche constructiviste.

Doyon, Pruneau et Langis (2010) ont accompagné des enseignants dans la construction de leurs propres stratégies d’enseignement du phénomène des changements climatiques. La formation était animée par des personnes spécialisées en environnement et en éducation relative à l’environnement. Durant la formation, deux types d’activités étaient offertes : des activités de transmission et de construction des connaissances ainsi que des activités pratiques permettant

une grande implication sur les plans cognitif et affectif. Les enseignants ont interagi au sujet des défis qu’ils devaient surmonter et de leur expérience avec les élèves, en salle de classe. Les chercheurs ont constaté qu’une interaction continue favorise la cogestion, la coréflexion et la coévaluation et que l’enthousiasme et l’engagement des enseignants se transmettent implicitement aux élèves. Comme l’avait montré Duit (2007), un investissement dans la recherche, une analyse des contenus et une évaluation de l’efficacité des activités se sont produits, ce qui a favorisé le développement professionnel des enseignants.

Trudel et Métioui (2010) ont planifié une formation visant à ce que de futurs enseignants intègrent la stratégie d’enquête scientifique en physique. Durant cette formation, un contenu disciplinaire a été structuré et les enseignants se sont engagés dans des activités identiques à celles qu’ils devaient éventuellement animer dans leur classe. Une évolution des pratiques favorisant un apprentissage efficace a été constatée.

L’utilisation des pratiques sociales de référence peut limiter l’effet de la décontextualisation, de la dogmatisation et de la dépersonnalisation (Thouin, 2017a). De même, Martinand (1985) a proposé qu’une proximité entre les pratiques sociales de référence et les pratiques familières des élèves pourrait avoir un impact positif sur la motivation de ces derniers et sur le degré de signification des apprentissages scolaires réalisés. Dans ce contexte, Granger (2014) a montré qu’il était possible d’engager les enseignants dans des activités de type constructiviste en reliant le savoir à enseigner à des pratiques de références culinaires. L’homomorphisme entre les activités de la formation et les activités que les enseignants ont proposées à leurs élèves a provoqué, chez les enseignants, une meilleure appréhension des perspectives constructivistes de l’enseignement. La transposition de ces pratiques dans leur classe a augmenté la motivation et l’engagement des enseignants, surtout parce qu’ils ont noté une augmentation de l’efficacité des apprentissages. Toutefois, le chercheur a relevé aussi certaines limites de cette pratique. Par exemple, l’engagement de tous les enseignants dans des formations continues visant de telles démarches didactiques n’est pas toujours possible. De plus, le matériel et les ressources humaines qui facilitent la réalisation d’activités de type constructiviste ne sont pas nécessairement disponibles. La logistique de l’école et du milieu scolaire pourrait donc être remise en question si l’on souhaite faciliter de telles activités de formation (Philippe, 2010).

naïves au sujet des pratiques d’enseignement. Par exemple, la majorité des enseignants pratiquent un enseignement déductif plutôt traditionnel (Rocard, Csermely, Jorde, Lenzen, Walberg-Henriksson et Hemmo, 2007). De plus, bien que les démarches d’investigation recommandées dans les recherches en sciences de l’éducation (Morge et Boilevin, 2007) soient reconnues pour leur efficacité (Minner, Levy et Century, 2010), les enseignants se méfient des perspectives constructivistes dont elles découlent. L’engagement des enseignants dans des formations professionnelles peut créer et maintenir la dévolution en créant un environnement d’accompagnement professionnel et en favorisant l’acquisition implicite de « connaissances en acte » (Bru et Talbot, 2001, p. 20) à travers des activités ancrées dans leurs pratiques. Les enseignants qui sont accompagnés pour développer des pratiques innovantes craignent moins les problèmes de perte de temps, de gestion de classe ou d’attitude des élèves (Calmettes, 2008 ; Monod-Asaldi, Prieur, Vince, Fontanieu et Perret, 2011). Ainsi, il y a avantage à penser la formation continue comme « un moyen d’intervention efficace sur les systèmes d’enseignement » où « la position professionnelle est remodelée » (Mercier, 2002, p. 151) selon les attentes des curriculums et les résultats des recherches en didactiques.