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Les caractéristiques du droit conventionnel applicable

En interprétant les dispositions de la Convention de 1982, la juridiction compétente fait référence aussi bien aux dispositions conventionnelles qui y sont prévues qu’au droit international général et aux autres règles et normes qui figurent dans les accords techniques incorporées dans la Convention de 1982331.

Divers exemples pertinents permettent d’illustrer la référence au droit applicable par d’autres instruments juridiques internationaux compatibles avec la Convention de 1982. À cet égard, l’article 30, paragraphe 5 de l’Accord sur les Stocks de poissons chevauchants dispose que

[l]a cour ou le tribunal saisi d'un différend relevant de la présente partie applique les dispositions pertinentes de la Convention, du présent Accord et de tout accord sous-régional, régional ou mondial de gestion des pêcheries applicable ainsi que les normes généralement acceptées en matière de conservation et de gestion des ressources biologiques marines et les autres règles du droit international qui ne sont pas incompatibles avec la Convention, en vue d'assurer la conservation des stocks de poissons chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs concernés

330Conformément au dernier paragraphe du préambule de la Convention de 1982, « les questions qui ne sont

pas réglementées par la Convention continueront d’être régies par les règles et principes du droit international général ».

331Tel est cas de l’article 39, paragraphe 2 selon lequel : « Pendant le passage en transit, les navires se

conforment : a) aux règlements, procédures et pratiques généralement acceptées en la matière [...] ». L’article 41, paragraphe 3 dispose : « Les voies de circulation et les dispositifs de séparation du trafic doivent être conformes à la règlementation internationale généralement acceptées ». L’article 94 paragraphe 5 de la

Convention sur le droit de la mer précise également que: « [...] chaque État est tenu de se conformer aux règles,

procédures et pratiques internationales généralement acceptées et de prendre toutes les dispositions nécessaires pour en assurer le respect.».

111 De même, la Convention sur la conservation et la gestion des ressources halieutiques de l’Atlantique Sud-Est, adoptée à Windhoek, en Namibie, le 20 avril 2001332, précise dans le

paragraphe 5 de son article 24 que

[l]es cours, tribunaux ou groupes d’experts auxquels des différends ont été soumis en vertu du présent article appliquent les dispositions correspondantes de la présente Convention, de la Convention de 1982 et de l’accord de 1995, ainsi que les normes généralement acceptées en matière de conservation et de gestion des ressources biologiques marines et d’autres règles de droit international compatibles avec la Convention de 1982 et l’Accord de 1995, en vue d’assurer la conservation des stocks de poissons concernés

Les éléments pertinents de la notion de droit applicable mis en exergue dans l’article 293, paragraphe 1 de la Convention de 1982, sont donc étayés dans ces instruments juridiques internationaux. Dans les affaires du Thon à nageoire bleue, le juge ad hoc australien Shearer a déclaré qu’il est « tout à fait artificiel » de procéder à une distinction entre les dispositions de la Convention [pour la conservation du thon à nageoire bleue] de 1993 et celles de la Convention de 1982 ; celles-ci étant intimement liées333. Si les parties en litige avaient décidé d’exclure, par l’application de l’article 16 de la Convention pour la conservation du thon à nageoire bleue, le règlement obligatoire des différends survenant dans le cadre de la CCTNB, il n’en demeure pas moins qu’elles n’auraient pas eu l’intention d’écarter le règlement obligatoire des différends en vertu de la Convention sur le droit de la mer334.

Par ailleurs, l’article 293, paragraphe 2 qui autorise le juge à statuer ex aequo et bono lui permet d’écarter le droit positif, s’il estime que son application serait dans un cas déterminé, « inéquitable »335. Or, en statuant sur la base de l’équité, il ne peut écarter les normes impératives de jus cogens336. Au demeurant, le pouvoir du juge de statuer ex aequo et bono

332Convention sur la conservation et la gestion des ressources halieutiques de l’Atlantique Sud-Est,, 20 avril

2001, L234/40 (2002) (Entrée en vigueur : le 13 avril 2003) Journal officiel des Communautés européennes,

333Voir l’opinion individuelle de juge ad hoc M. Shearer.

334Voir les critiques adressées par Alan BOYLE, “The Southern Bluefin Tuna Arbitration” (2001) International

and Comparative Law Quarterly, de la page. 448 à la page 452.

335Dominique CARREAU et Fabrizio MARRELLA, Droit international, Paris, Pedone, 2012, 11ème éd., à la

page 357

336Le terme jus cogens désigne « selon la Convention de Vienne (1969), [une] catégorie de normes impératives

du droit international ayant les caractéristiques suivantes : norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être modifiée que pas une nouvelle norme de droit international général ayant le même caractère. » Voir Jean Salmon, Dictionnaire de droit international publicop.cit, à la page 631.

112 est limité par le contenu des dispositions de la Convention de 1982, à l’aune desquelles il décide d’appliquer d’une manière équitable le droit. Aussi, la juridiction compétente ne peut- elle, somme toute, faire abstraction des dispositions de la Convention de 1982 et des accords qui s’y rapportent, quand elle tranche un différend sur la base de l’équité337.

Sans doute la Convention de 1982 restreint-elle le champ de compétence du Tribunal aux différends qui peuvent poindre de son interprétation ou de son application, en vertu du premier paragraphe de l’article 288. Toutefois, le Tribunal peut, en vertu de l’article 293, se référer au droit applicable dans chaque cas d’espèce, en gardant à l’esprit que ces règles applicables doivent être compatibles avec les dispositions de la Convention de 1982.

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