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L'œuvre interprétative du Tribunal international du droit de la mer

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(1)

© Raïhan Cherrouk, 2018

L'oeuvre interprétative du Tribunal international du droit

de la mer

Thèse

Raïhan Cherrouk

Doctorat en droit

Docteure en droit (LL. D.)

Québec, Canada

(2)

L’œuvre interprétative du Tribunal international du droit

de la mer

Thèse

Raïhan Cherrouk

Sous la direction de :

(3)

iii

RÉSUMÉ

Le rôle du Tribunal international du droit de la mer, en tant que juridiction internationale spécialisée dans le droit de la mer, révèle une importance certaine dans le contentieux international. En tant qu’organe chargé de trancher un différend sur la base du droit, le Tribunal contribue à la mise en œuvre de la règle, à son interprétation, ainsi qu’à son développement.

La présente étude interroge la manière dont le Tribunal œuvre à l’interprétation des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui peuvent enfermer des points obscurs que le Tribunal tente toutefois d’éclaircir dans les affaires qui lui sont soumises. De ce point de vue, mes réflexions montreront, sous un angle original, qu’en s’inscrivant dans un maillage juridictionnel qui caractérise la société juridique internationale actuelle, le Tribunal participe à l’interprétation de la Convention de 1982, en optant, dans certains cas, pour une continuité consolidant le droit international, ou en faisant preuve, dans d’autres circonstances, d’un dynamisme judiciaire, plus particulièrement dans un domaine aussi sensible que celui de la protection de l’environnement marin, contribuant de la sorte au développement du droit international.

Enfin, face aux craintes exprimées par certains auteurs quant à la création du Tribunal, ainsi qu’à l’apparition de divergences jurisprudentielles entre cette juridiction spécialisée dans le droit de la mer et d’autres juridictions internationales, cette étude s’attache à démontrer que le Tribunal s’est toujours soucié de la cohérence du droit international, participant ainsi à la consolidation et au développement du droit international et non à sa désintégration ou déstabilisation.

(4)
(5)

v

TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ --- iii

TABLE DES MATIÈRES --- v

Remerciements --- xii

INTRODUCTION --- 1

I. Mise en contexte: Le règlement juridictionnel des différends en droit international ... 2

II. Sujet de recherche : L’intégration du Tribunal dans le mécanisme de règlement des différends obligatoire ... 8

III. Définition du concept-clé de la recherche ... 9

IV. Problématique ... 16

V. Hypothèse ... 17

VI. Approche et méthode de travail ... 18

VII. Intérêt et originalité du sujet ... 20

A. Intérêt social ... 20

B. Intérêt scientifique et originalité ... 21

PREMIÈRE PARTIE. L’INSERTION DE L’ŒUVRE INTERPRÉTATIVE DU TRIBUNAL DANS LA CONTINUITÉ DU DROIT INTERNATIONAL --- 24

TITRE I. L’INTÉGRATION DU TRIBUNAL DANS LA CONSTELLATION DES JURIDICTIONS INTERNATIONALES ... 26

CHAPITRE I. LA PLACE DU TRIBUNAL DANS LE MÉCANISME DE RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS OBLIGATOIRE 28 Section I. L’institution originale du Tribunal --- 28

§1. Aux origines de la création d’une juridiction internationale spécialisée en droit de la mer --- 28

§2. Les particularités novatrices du corps judiciaire du Tribunal --- 33

A. La composition du Tribunal --- 33

1. Les critères de répartition géographique équitable au sein du Tribunal --- 33

2. La possibilité de désigner un juge ad hoc --- 36

B. La variété des chambres du Tribunal --- 37

1. Les chambres permanentes obligatoirement constituées par le Tribunal --- 38

a.La Chambre de procédure sommaire --- 38

b. La Chambre pour le règlement des différends relatifs aux fonds marins --- 39

2. Les chambres marquant la spécialisation du Tribunal --- 41

a. Les chambres spécialisées du Tribunal --- 41

b. Les chambres ad hoc créées à la demande des parties --- 44

i.Les chambres ad hoc créées dans le Tribunal --- 44

(6)

vi

Section II. La liberté de choisir le Tribunal dans un maillage juridictionnel international concurrentiel --- 46

§1. La compétence consentie du Tribunal au cœur du libre choix des parties --- 47

A. Le choix préalable des parties comme condition de la compétence du Tribunal --- 47

B. La conclusion d’un accord international reconnaissant la compétence du Tribunal --- 49

1. La conclusion d’un accord basé sur la Convention de 1982 --- 49

2. La conclusion d’un accord international rejoignant les buts de la Convention de 1982 --- 50

§2. Les implications de l’intégration du Tribunal dans le mouvement de la juridictionnalisation du droit international --- 53

A. Des risques potentiels pour l’unité interprétative du droit international --- 54

1. Les chevauchements de compétences --- 54

2. Le risque de divergences d’interprétation --- 59

a. Les précédents en droit international --- 61

b. Les précédents en droit de la mer --- 63

B. Une évaluation positive de l’insertion du Tribunal dans l’ordre juridique international --- 66

CHAPITRE II. LE CHAMP DE COMPÉTENCE OBLIGATOIRE DU TRIBUNAL: UNE INNOVATION DANS LE CONTENTIEUX INTERNATIONAL... 70

Section I. Le contentieux de l’urgence --- 70

§1. Le fondement original de la demande en prescription des mesures conservatoires --- 71

A. Historique de l’article 290 de la Convention de 1982 --- 71

B. Nature et objectif des mesures conservatoires --- 73

C. Compétence et recevabilité --- 75

1. La compétence du Tribunal pour la conservation et la gestion des ressources halieutiques --- 77

2. La compétence du Tribunal pour la protection du patrimoine culturel subaquatique --- 79

3. La compétence du Tribunal pour la protection du milieu marin contre la pollution --- 80

a. Vérification de la compétence prima facie --- 81

b. La notion d’urgence --- 82 c. Une valeur juridique obligatoire --- 84

§2. Les contours particuliers de la procédure de prompte mainlevée de l’immobilisation d’un navire et de libération de son équipage --- 85

A. Historique de l’article 292 de la Convention de 1982 --- 85

B. Nature et objectif de la procédure de prompte mainlevée de l’immobilisation d’un navire et de libération de son équipage --- 87 C. Compétence du Tribunal et application de l’article 292 de la Convention de 1982 --- 90

1. La mainlevée de l’immobilisation d’un navire imposée par l’application des lois et règlements relatifs aux pêcheries --- 92

2. La mainlevée de l’immobilisation d’un navire imposée par l’application des lois et règlements relatifs à la protection du milieu marin --- 93

a. Article 220, paragraphes 6 et 7 de la Convention de 1982 --- 93

b. Article 226, paragraphe 1, lettres b) et c) de la Convention de 1982 --- 94

Section II. Le contentieux des fonds marins --- 95

§1. Contrôle direct du régime d’exploration et d’exploitation de la Zone --- 96

§2. Contrôle indirect des actes de l’Autorité--- 98

A. Un contrôle par voie contentieuse --- 99

(7)

vii

TITRE II. L’ARTICULATION DES RÈGLES DE LA CONVENTION DE 1982ET DES AUTRES RÈGLES DU

DROIT INTERNATIONAL PAR LE TRIBUNAL ... 104

CHAPITRE I. UNE INTERPRÉTATION DES RÈGLES DU DROIT DE LA MER CONFORME À LA JURISPRUDENCE INTERNATIONALE ... 106

Section I. Le cas de la délimitation des zones maritimes s’étendant en-deçà de 200 milles marins --- 106

§1. Détermination du droit applicable--- 109

A. Les caractéristiques du droit conventionnel applicable --- 110

B. La clarification des dispositions applicables entre le Bangladesh et le Myanmar --- 112

§2. Le renforcement des méthodes de délimitation des zones maritimes en-deçà de 200 milles marins ---- 113

A. La ligne de délimitation de la mer territoriale --- 113

1. La qualification juridique par le Tribunal des procès-verbaux de négociations pour la délimitation de la frontière de la mer territoriale --- 115

2. Le tracé de la ligne de l’équidistance --- 118

B. La ligne unique jusqu’à 200 milles marins pour délimiter la ZEE et le plateau continental --- 120

1. Les régimes juridiques de la zone économique exclusive et du plateau continental --- 121

a. La zone économique exclusive --- 121

b. Le plateau continental --- 123

2. La ligne unique jusqu’à 200 milles marins --- 125

Section II. La clarification des activités liées à la navigation --- 129

§1. L’interprétation conventionnelle de la nationalité du navire --- 129

A. Le régime juridique de l’immatriculation du navire --- 129

B. La nécessité d’un lien substantiel entre le navire et l’État du pavillon --- 132

§2. L’encadrement conventionnel de l’exercice du droit de poursuite --- 135

A. Évolution de la notion du droit de poursuite en droit international --- 136

B. Clarification des conditions de l’exercice du droit de poursuite --- 137

1. Les infractions justifiant l’exercice du droit de poursuite --- 138

2. La continuité de la poursuite --- 139

3. L’émission d’un signal de stopper --- 139

CHAPITRE II. LA CONSOLIDATION DE L’ÉDIFICE CONVENTIONNEL À TRAVERS LE RECOURS AU DROIT INTERNATIONAL ... 142

Section I. La référence au droit international pour compléter les règles de la Convention de 1982 --- 142

§1. Des limitations à l’emploi de la force en mer --- 143

A. La notion d’emploi de la force en mer en droit international --- 143

1. L’essence de la notion d’emploi de la force --- 144

2. Les justifications du recours à l’emploi de la force en mer --- 146

B. L’emprunt par le Tribunal aux règles de droit international applicables à l’emploi de la force en mer ---- 147

1. Le renvoi aux considérations d’humanité --- 148

2. L’encadrement du recours à la force en mer --- 150

§2. La cristallisation du caractère coutumier de la responsabilité internationale --- 152

A. Les conditions engageant la responsabilité internationale --- 154

B. Les conséquences résultant de la responsabilité internationale --- 158

Section II. Les interactions entre les règles conventionnelles et les règles de droit international général pour la protection de l’environnement marin --- 161

§1. L’obligation générale de coopérer pour la protection et la préservation de l’environnement marin --- 162

A. La notion de coopération internationale en droit international de l’environnement --- 162

(8)

viii §2. Une souplesse dans l’interprétation de l’approche de précaution pour la protection de l’environnement

marin--- 170

A. Définition des contours de l’approche de précaution --- 170

1. L’incorporation du principe de précaution dans la sphère conventionnelle internationale --- 171

2. Les critères définissant le déclenchement du principe de précaution --- 173

B. Éclairage par le Tribunal sur le principe de précaution dans la procédure de prescription des mesures conservatoires--- 176

CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE ... 182

DEUXIÈME PARTIE. LA CONTRIBUTION DE L’ŒUVRE INTERPÉTATIVE DU TRIBUNAL AU DÉVELOPPEMENT DU DROIT INTERNATIONAL --- 184

TITRE I. L’INTERPRÉTATION NOVATRICE DES RÈGLES RELATIVES AUX PROCÉDURES D’URGENCE ... 186

CHAPITRE I. L’APPRÉCIATION DES CRITÈRES JUSTIFIANT LA PRESCRIPTION DES MESURES CONSERVATOIRES ... 188

Section I. Les conditions de la prescription de mesures conservatoires--- 188

§1. La détermination de la compétence prima facie --- 188

A. L’existence d’autres procédures excluant la compétence du Tribunal --- 189

1. Le recours à d’autres mécanismes de règlement des différends --- 190

2. L’application d’accords régionaux ou spéciaux pour le règlement des différends --- 194

3. Le non respect de l’obligation de procéder à des échanges de vues --- 196

B. Des limitations et exceptions à la compétence prima facie --- 200

§2. Une souplesse dans l’évaluation de l’urgence de la situation --- 204

Section II. Les circonstances appelant l’adoption de mesures conservatoires --- 208

§1. La préservation des droits respectifs des parties --- 208

A. La notion de préjudice irréparable aux droits des parties --- 209

B. La notion d’aggravation ou d’extension du différend --- 213

§2. La protection du milieu marin de tout dommage grave --- 215

CHAPITRE II. L’APPROCHE ORIGINALE DU TRIBUNAL DANS L’INTERPRÉTATION DES CONDITIONS DE PROMPTE MAINLEVÉE DE L’IMMOBILISATION D’UN NAVIRE ET DE PROMPTE LIBÉRATION DE SON ÉQUIPAGE ... 220

Section I. Le contrôle des conditions de compétence et de recevabilité --- 220

§1. L’examen de la compétence du Tribunal --- 221

A. Le respect du délai fixé --- 221

B. Le lien entre le demandeur et l’État du pavillon --- 223

§2. La vérification de la recevabilité de la demande --- 225

A. Le non-respect de l’obligation de fournir une garantie financière --- 226

B. La compatibilité de la confiscation du navire avec la procédure de prompte mainlevée --- 228

Section II. Une marge d’appréciation du caractère raisonnable de la caution --- 231

§1. L’interprétation novatrice du caractère raisonnable de la caution --- 231

§2. L’évaluation des critères d’application du caractère raisonnable de la caution --- 233

A. La gravité des infractions imputées et des sanctions encourues --- 235

B. Le critère de la valeur du navire et de sa cargaison --- 236

C. Le critère du montant et de la forme de la caution ou autre garantie financière --- 238

(9)

ix CHAPITRE I. LA CONTRIBUTION DU TRIBUNAL À LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT MARIN POUR LA

GOUVERNANCE DES OCÉANS ... 242

Section I. La gestion durable des perspectives offertes par l’exploration et l’exploitation des fonds marins --- 243

a. La Zone internationale des fonds marins --- 245

i. La non-appropriation de la Zone--- 246

ii. L’utilisation pacifique de la Zone --- 247

iii. L’exploitation de la Zone dans l’intérêt de l’humanité --- 247

b. Les activités menées dans la Zone --- 248

c. Le patronage --- 249

§1. Les obligations des États qui patronnent --- 250

A. Obligation de « diligence requise » de veiller à--- 250

B. Obligations directes des États qui patronnent --- 253

1. Une affirmation audacieuse au sujet de l’approche de précaution dans le contexte des activités d’exploration et d’exploitation des fonds marins --- 254

2. Les limitations à l’application du traitement préférentiel accordé aux États en développement --- 257

3. L’obligation d’une évaluation de l’impact sur l’environnement --- 258

§2. La responsabilité des États qui patronnent --- 259

A. La responsabilité des États qui patronnent pour manquement à leurs obligations --- 260

B. La responsabilité résiduelle des États qui patronnent --- 263

Section II. La lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et l’importante gestion durable des ressources halieutiques --- 266

§1. Compétence consultative du Tribunal en formation plénière --- 267

A. Le contexte de l’affaire --- 267

B. La compétence consultative du Tribunal en formation plénière--- 269

§2. Une clarification du problème de pêche INN --- 272

A. Le concept de pêche INN --- 272

B. Les droits et les obligations des États dans la lutte contre la pêche INN et la prise en compte de la gestion durable des pêcheries --- 273

1. Les obligations de l’État du pavillon en cas de pêche INN à l’intérieur de la ZEE d’États tiers --- 274

2. La responsabilité de l’État du pavillon pour pêche INN pratiquée par des navires battant son pavillon --- 275

3. La responsabilité de l’État du pavillon ou d’une structure internationale pour la violation de la législation de l’État côtier par un navire --- 276

4. La gestion durable des ressources halieutiques --- 277

CHAPITRE II. LE RÔLE ACTIF DU TRIBUNAL POUR LA DÉLIMITATION MARITIME DANS LE CONTENTIEUX INTERNATIONAL ... 279

Section I. L’apport jurisprudentiel du Tribunal à la délimitation du plateau continental étendu --- 280

§1. Le régime juridique du plateau continental étendu --- 280

A. Les spécificités de l’extension du plateau continental en droit de la mer --- 281

1. La conception du plateau continental étendu en droit international --- 281

a.L’encadrement des activités d’exploration et d’exploitation du plateau continental étendu --- 282

b. Le rôle particulier de la Commission des limites du plateau continental dans la procédure d’extension - 284 i. Les fonctions de la CLPC --- 284

ii. Le fonctionnement de la CLPC --- 285

iii. Quelques exemples de cas soumis à la CLPC --- 286

(10)

x B. Le rôle du prolongement naturel dans la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles

marins --- 292

1. Le prolongement naturel et le titre de l’État côtier sur le plateau continental étendu --- 292

2. Les différents rôles du prolongement naturel dans la délimitation du plateau continental--- 294

3. Le prolongement naturel en tant que circonstance pertinente dans la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles nautiques --- 295

§2. La contribution du Tribunal à la délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins --- 297

A.La clarification de la compétence du Tribunal pour la délimitation du plateau continental étendu --- 297

1. Les arguments des parties --- 297

2. La vérification de la compétence du Tribunal --- 299

B. La délimitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins --- 302

1. Les titres des parties dans l’affaire relative à la Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale --- 302

2. La ligne de délimitation --- 305

a. La « zone grise » --- 306

b. Le test de disproportion--- 307

C. La confirmation de la décision du Tribunal par un tribunal arbitral pour la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh et l’Inde dans le golfe du Bengale --- 309

Section II. Le recours au principe d’ « intégration systémique » et le développement d’une complémentarité entre les juridictions internationales --- 311

§1. L’article 31, paragraphe 3, lettre c) de la Convention de Vienne de 1969 en tant que représentation du principe d’ « intégration systémique » --- 312

A. L’article 31, paragraphe 3, lettre c) et le principe d’ « intégration systémique » --- 313

1. Les contours du principe d’ « intégration systémique » --- 315

2. Les éléments de l’article 31, paragraphe 3, lettre c) --- 317

a. La notion de « contexte » en vertu de la Convention de Vienne de 1969 --- 317

b. La signification de la « prise en considération » des règles extérieures dans le processus interprétatif--- 319

c. Les règles pertinentes de droit international --- 320

d. Les règles applicables entre les parties --- 325

e. Débat doctrinal sur la définition du terme « parties » --- 325

B. La dimension intertemporelle de l’interprétation des traités : Entre stabilité et changement --- 329

1. L’approche statique de l’interprétation des traités --- 330

2. L’approche évolutive de l’interprétation des traités --- 331

§2. L’article 31, paragraphe 3, lettre c) de la Convention de Vienne de 1969 en tant que garantie du développement cohérent du droit international --- 332

A. Le principe d’ « intégration systémique » dans la jurisprudence internationale concernant le droit de la mer --- 333

1. Le Tribunal et l’interprétation de la Convention de 1982 à la lumière d’autres instruments internationaux --- 334

2. Le recours au principe d’ « intégration systémique » dans le raisonnement du tribunal arbitral constitué conformément à l’annexe VII de la Convention de 1982 --- 338

B. Quelques exemples des interactions entre le droit de la mer et d’autres règles de droit extérieures : Une liaison utile pour le développement cohérent du droit international --- 339

1. Les interactions entre le droit de la mer et la protection du patrimoine culturel subaquatique --- 341

2. Les interactions entre le droit de la mer et la sauvegarde de la diversité biologique --- 344

(11)

xi

CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE ... 353

CONCLUSION GÉNÉRALE --- 357 BIBLIOGRAPHIE --- 363

(12)

xii

Remerciements

Rédiger une thèse de doctorat est une belle aventure silencieuse qui, à travers les profondeurs de la recherche, ne peut toutefois être réalisée avec délicatesse qu’avec le soutien de plusieurs personnes.

Mes remerciements les plus sincères vont d’abord à Madame Véronique Guèvremont, ma directrice de thèse. Ses conseils avisés m’ont permis d’élucider les points obscurs qui ont pu croiser mon raisonnement.

Je remercie également Monsieur Georges Azzaria dont le soutien et les conseils m’ont toujours été précieux. Mes remerciements vont aussi à la Faculté de droit de l’Université Laval.

Par ailleurs, je cultive une passion pour les méandres du droit de la mer grâce au professeur Monsieur Mohamed Bennani de l’Université Hassan II, de Casablanca. Son éloquence intellectuelle et son érudition ont sculpté dans ma mémoire une reconnaissance infaillible. Il demeure une référence incontournable du droit international et une grande source d’inspiration. Je souhaiterais également remercier la professeure Madame Naïma Guennouni.

Que soient ici remerciés le Fonds québécois de la recherche pour la société et la culture (FQRSC) qui m’a offert une belle bourse de doctorat, ainsi que le Centre pour l’Innovation dans la Gouvernance Internationale (CIGI) qui m’a fait l’honneur de faire des rencontres fertiles.

Me plonger dans l’univers de la mer et de son droit n’a pu se réaliser avec enthousiasme en en enjambant toutes les épines qu’avec le bel appui de mes parents et celui de mes sœurs, dont le flot de la présence, de la confiance et des encouragements m’a toujours insufflée de la force et submergée de bonheur et de sérénité.

Enfin, en longeant le cours du fleuve doctoral, j’ai eu l’occasion de faire la connaissance de Nasser qui m’a appris à mieux déambuler dans les mystères de l’art de l’amitié.

(13)

xiii

À mes parents À mes sœurs À Nasser

(14)

xiv « Les traités ne sont pas de simples parchemins, ce sont des instruments destinés à offrir une stabilité aux parties signataires et à réaliser les objectifs qui y sont inscrits. Ils peuvent donc se modifier dans le temps, s’adapter à de nouvelles situations, évoluer en fonction des besoins sociaux de la communauté internationale et, parfois, tomber en désuétude »

— Georg Nolte1

1Voir Rapport de la Commission du droit international, 60ème session, 5 mai – 6 juin, 7 juillet- 8 août 2008,

(15)
(16)

1

INTRODUCTION

e rôle des juridictions internationales2 révèle une importance certaine en droit international. En tant qu’organe chargé de trancher un différend sur la base du droit, la juridiction internationale contribue à la mise en œuvre de la règle, à son interprétation, mais également à son développement3. L’existence de la juridiction internationale est, pour ainsi dire, « le critère décisif du fait que la société interétatique constitue un véritable ordre juridique »4.

De ce point de vue, l’expansion des différends internationaux soumis au règlement juridictionnel conduit à la recherche de solutions basées sur le droit international. Cela s’exprime par une clarification, une interprétation voire un développement des règles de droit applicables, grâce à l’interprétation à laquelle procède le juge international. En effet, il convient de noter que le juge international est amené à construire un édifice jurisprudentiel par son raisonnement dans des cas concrets5. Comme l’affirme Budislav Vukas, « [t]he crux of the role [of an international tribunal] is to resolve the dispute between the parties on the basis of a correct interpretation of the applicable legal rules »6.

2Une juridiction internationale peut être définie comme une « institution permanente, préconstituée par un acte

international qui en définit la compétence et en règle l’organisation et le fonctionnement, avec une compétence déterminée de façon abstraite par référence à des catégories de différends (exemples : C.I.J., Tribunal international du droit de la mer, etc.) », Voir Jean SALMON, Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, 1198, à la page 628.

3Sur le rôle de la justice en droit international, voir, par exemple, Stephen M SCHWEBEL, Justice in

International Law, Cambridge University Press, 2011, 648.

4Charles LEBEN, « La juridiction internationale » (1989) 9 Droits, à la page 144.

5Sur ce sujet, voir par exemple, Hugues LE BERRE, « La jurisprudence et le temps » (2000) 30 Droits 71. 6Budislav VUKAS., “Possible Role of the International Tribunal for the Law of the Sea in Interpretation and

Progressive Development of the Law of the Sea” dans Davor VIDAS et Willy OSTRENG (dir), Order for the

Oceans at the Turn of the Century, 1999 The Hague/ Kluwer Law International, à la page 95.

(17)

2 I. Mise en contexte: Le règlement juridictionnel des différends en droit

international

Dès le début des années quatre-vingt-dix, une impressionnante accélération7 du mouvement de la multiplication des juridictions internationales a pris corps dans l’ordre juridique international. Selon le Professeur Jean-Pierre Cot, « […] la justice internationale a été bousculée par un formidable appétit de droit et de tribunaux »8. En effet, une vague de diversification des cours et tribunaux internationaux a déferlé dans l’ordre juridique international, car à côté de la Cour internationale de Justice (ci-après la C.I.J.), qui s’est épanouie au cours des soixante dernières années, d’autres cours et tribunaux internationaux ont vu le jour et pu voir leurs compétences se développer dans diverses branches du droit international pour embrasser des champs variés, tels que le droit de la mer, le droit international de l’environnement, le droit du commerce international, le droit international économique ou encore le droit international pénal.

Il convient de rappeler que le premier forum international de règlement des différends entre les États a été incarné par la Cour Permanente d’Arbitrage qui, née en 1899, a été chargée d’assurer la gestion des arbitrages internationaux. Mais « après des débuts assez prometteurs, [...] la CPA a connu un très net déclin »1. Plus tard, en 1922, la Cour permanente de Justice internationale (ci-après la CPJI) a été mise en place par le Pacte de la Société des Nations puis, en 1945, son héritière, la C.I.J., considérée comme l’organe judiciaire principal des Nations Unies, lui succède. Au fil des ans qui ont suivi, diverses facettes de mécanismes universels, spécialisés ou régionaux de règlement des différends ont vu le jour, comme, par exemple, la Cour européenne des droits de l’homme (1959), les tribunaux chargés de régler les différends relatifs aux investissements dans le cadre du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, le CIRDI (1966), la Cour interaméricaine des droits de l’homme (1979), l’Organe de règlement des différends dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (1995) (ci-après OMC), le Tribunal

7Voir Mireille COUSTON, « La multiplication des juridictions internationales : Sens et dynamiques » (2002)

129 :5 J.D.I., à la page 7.

8Jean-Pierre COT, « Le monde de la justice internationale », dans SFDI, La juridictionnalisation du droit

(18)

3 international du droit de la mer (1996) ou encore la Cour pénale internationale (2002). De surcroît, des tribunaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie (1993) et le Rwanda (1995) ont été institués pour poursuivre les personnes responsables des violations au droit international humanitaire. D’autres instances mixtes ont également vu le jour, comme le Tribunal spécial pour le Cambodge (2003), le Tribunal spécial pour la Sierra-Leone (2002) et le Tribunal spécial pour le Liban (2007). À côté de ces corps juridictionnels spécialisés ou régionaux, d’autres tribunaux internationaux administratifs ont été établis permettant aux employés des organisations interétatiques de poursuivre en justice leurs employés. Parmi ces enceintes, il convient de citer l’Organisation internationale du Travail ou le Tribunal administratif des Nations Unies

Ce rythme de « dispersion de la justice internationale […] [qui] favorise la pénétration de la justice internationale dans certains secteurs des relations internationales »9reflète ainsi les germes de l’évolution du règlement juridictionnel des différends en droit international.

Dans ce contexte, un vocabulaire juridique foisonnant exprime ces évolutions, à l’instar du terme de multiplication à connotation objective ou du terme de « prolifération » revêtant une teinte plus négative10. Les juridictions internationales coexistent donc au sein d’une constellation juridictionnelle qui reflète un contexte international évolutif, ce qui « constitue désormais un élément de première importance dans l’évolution de la structure de l’ordre juridique international »11. C’est ainsi que

[l]'apparition de nouvelles instances internationales, juridictionnelles ou quasi-juridictionnelles, l’introduction d'organisations non gouvernementales ou de personnes privées dans le procès ont entraîné un important développement du contentieux international. Il faut s’en féliciter et encourager cette synergie nouvelle12

9Voir le discours du Président Bedjaoui dans Annuaire de l’Institut du Droit International, 1994-II, à la page

86.

10Laurence BURGORGUE-LARSEN, « Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international"

dans SFDI, La juridictionnalisation du droit international (Colloque de Lille) », Paris, Pedone, 2003, de la page 203 à la page 264.

11Pierre-Marie DUPUY, Droit international Public, Paris, Dalloz, 2008 à la page 567.

12Voir la déclaration du juge Jean-Pierre Cot suite à l’arrêt du Tribunal du 20 avril 2001 dans l’affaire du Grand

Prince, Affaire no 8, Arrêt du 20 avril 2001, [2001] Recueil des arrêts, avis consultatifs et ordonnances du

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4 Cette multiplication rapide des cours et tribunaux internationaux peut s’expliquer par la complexification des relations interétatiques au cours du vingtième siècle13. En effet, la

nécessité d’introduire une expertise sectorielle dans de nouvelles branches du droit international a trouvé un écho dans le foisonnement de nouveaux corps juridictionnels dans la seconde moitié du vingtième siècle14. Il est donc évident que ce phénomène de multiplication s’explique par la nécessité ressentie par les États de créer de nouvelles juridictions internationales permanentes et spécialisées qui pourront répondre à un besoin de spécialisation imprégnant le corps des normes internationales.

Se justifie alors la création de nouvelles instances juridictionnelles ou quasi-juridictionnelles pour interpréter les règles de droit applicables conformément au droit international, écartant ainsi l’auto-interprétation de ces règles par les États ou par d’autres acteurs15. Dans cette

perspective, la création d’une nouvelle juridiction spécialisée abreuve donc « la soif [des États] du spécial »16 et répond à « l’inadéquation d’une juridiction [préexistante] aux exigences de la communauté internationale à un moment historique »17.

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (ci-après la Convention de 1982), adoptée le 10 décembre 1982 et entrée en vigueur le 16 novembre 199418, n’échappe pas à ce constat, puisqu’elle a prévu la mise en place d’une nouvelle juridiction permanente et spécialisée, en l’occurrence le Tribunal international du droit de la mer (ci-après le Tribunal) dont la compétence couvre l’ensemble du droit de la mer.

13Cesare P. R. ROMANO, « The Proliferation of International Judicial Bodies: The Pieces of the Puzzle” (1999)

31 New York Journal of International Law, à la page 729.

14Voir, par exemple, Jonathan I. CHARNEY, “Is International Law Threatened by Multiple International

Tribunals?", RCADI 1998, Tome 271, aux pages 125 et 126.

15Comme le note le Professeur Syméon Karagiannis, « [l]’insuffisance d’une juridiction, ou plutôt, […] d’un

mode de règlement juridictionnel des litiges, incite à la création d’une nouvelle juridiction », Syméon KARAGIANNIS, « La multiplication des juridictions internationales : un système anarchique ?", dans SFDI,

La juridictionnalisation du droit international (Colloque de Lille), Paris, Pedone, 2003, de la page 7 à la page

161.

16Ibid.., à la page 27.

17Ibid., à la page 16. Comme la pratique en témoigne, « [d]ans la jungle des relations internationales, toute

tentative de juridictionnaliser un secteur de plus de celles-ci, c’est-à-dire de pacifier le comportement des États, doit être bienvenue. La multiplication des instances juridictionnelles doit être regardée comme autant d’occasions fécondes de faire reculer le domaine fauve de la jungle internationale », voir Mohamed BEDJAOUI, « La multiplication des tribunaux internationaux ou la bonne fortune du droit des gens », dansSFDI, La juridictionnalisation du droit international (Colloque de Lille), op.cit.,, à la page 539.

18Convention des NationsUnies sur le droit de la mer, 10 décembre 1982, 1834 R.T.N.U. 3 (entrée en vigueur:

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5 Dans un tel contexte, il faut préciser que les traités et conventions internationales sont le fruit de compromis délicats. Ils prévoient ainsi dans leurs dispositions des procédures juridictionnelles internationales pour le règlement des différends pouvant naître de l’interprétation des points obscurs que leurs textes peuvent enfermer19. De ce point de vue,

la Convention de 1982 a établi un mécanisme de règlement des différends qui peuvent résulter de l’interprétation et de l’application de ses dispositions, ce qui peut s’avérer utile pour dissiper les zones d’ombre existantes.

Constituant la « pierre angulaire »20 de cet édifice conventionnel, la Partie XV de la Convention de 1982est relative au « Règlement des différends »21, en vue de contourner les auto-interprétations subjectives des États de cet instrument conventionnel. De ce point de vue, la section 1 de la Partie XV requiert des États Parties de régler leurs différends par des voies diplomatiques avant d’évoquer les procédures obligatoires de la section 2. L’article 279 de la Convention de 1982 qui prend place dans la section 1, incite les États Parties à régler pacifiquement leurs différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de la Convention22.

De même, l’article 280 reconnaît la liberté dont disposent les Etats pour parvenir à un règlement de leurs différends, ce qui permet de constater que les parties en litige optent le

19Le Professeur Paul Reuter a noté que « la volonté commune des parties n’existe souvent pas, les traités

masquant dans des formules ambiguës des désaccords fondamentaux », voir Paul REUTER, Droit international

public, Paris, PUF, 1993, à la page 145.

20Voir Andronico O. ADEDE, The System for the Settlement of Disputes under the United Nations Convention

on the Law of the Sea, Dordrecht/Boston/Lancaster, Martinus Nijhoff Publishers, 1987, à la page 5. Voir

également Louis B. SOHN, "Peaceful Settlement of Disputes in Ocean Conflicts: Does UNCLOS III Point the Way?" (1983) Law and Contempory Problems, à la page 195, qui qualifie la Convention de 1982 de « code pour le règlement des différends ».

21La Partie XV, intitulée « Règlement des différends », contient les articles 279 à 299. Elle est complétée par

les Annexes V (Conciliation), VI (Statut du Tribunal international du droit de la mer), VII (Arbitrage) et VIII (Arbitrage spécial). ». Cette Partie contient vingt et un articles et quatre annexes composées de soixante-treize articles.

22Cet article dispose que « [l]es États Parties règlent tout différend surgissant entre eux à propos de

l’interprétation ou de l’application de la Convention par des moyens pacifiques conformément à l’article 2, paragraphe 3, de la Charte des Nations Unies et, à cette fin, doivent en rechercher la solution par les moyens indiqués à l’article 33, paragraphe 1, de la Charte ».

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6 plus souvent pour les procédures d’arbitrage ou pour d’autres moyens, tels que la négociation23 ou la conciliation24.

Mais, outre le règlement des différends par ces moyens politiques ou diplomatiques, la section 2 de la Convention de 1982 prévoit, elle, la possibilité d’un recours à des « procédures obligatoires aboutissant à des décisions obligatoires ». De ce point de vue, l’article 286 dispose que:

[s]ous réserve de la Section 3, tout différend relatif à l’interprétation ou à l’application de la Convention qui n’a pas été réglé par l’application de la Section 1 est soumis, à la demande d’une partie au différend, à la cour ou au tribunal ayant compétence en vertu de la présente section25

L’article 286 fait ainsi référence à l’article 287 qui énumère les instances juridictionnelles auxquelles les Parties peuvent ou doivent recourir. Il s’agit du Tribunal, de la C.I.J., d’un tribunal arbitral constitué conformément à l’annexe VII ou d’un tribunal arbitral spécial constitué conformément à l’annexe VIII pour une ou plusieurs catégories de différends qui y sont spécifiés, à savoir la pêche, la protection et la préservation du milieu marin, la recherche scientifique marine ou la navigation, y compris la pollution par les navires ou par immersion26. Ainsi, le point saillant qui ressort de la disposition de l’article 287 est la liberté

23La négociation désigne un « mode de solutions normal des différends internationaux consistant en des

pourparlers en vue de parvenir à une entente directe entre les parties en litige en vue de déterminer la procédure que les parties suivront d’un commun accord pour résoudre le litige qui les oppose », Voir Jean SALMON,

Dictionnaire de droit international public, op.cit., à la page 734.

24La conciliation se définit comme « l’intervention dans le règlement d’un différend international d’un organe

sans autorité politique propre, jouissant de la confiance des parties en litige, chargé d’examiner tous les aspects du litige et de proposer une solution qui n’est pas obligatoire pour les parties ». Voir Jean-Pierre COT, La

Conciliation internationale, Paris, Pedone, 1969, à la page 8. Dans le cadre de la Convention de 1982, la

conciliation est obligatoire dans un certain nombre de différends relatifs à la recherche scientifique marine (article 297, §2, lettre b), à la pêche (article 297, §3, lettre b), à la délimitation des zones maritimes et aux différends relatifs aux baies ou aux titres historiques (article 298, §1, lettre a). Dans ce cas, la procédure sera engagée par une notification écrite d’une partie au différend à l’autre ou aux autres parties, qui seront dès lors obligées de se soumettre à la procédure. Composée de cinq membres, la commission de conciliation est chargée de déposer un rapport de conciliation, reflétant la fin de la procédure. Dénué de tout caractère contraignant, ce rapport contient tout accord intervenu et, à défaut d’accord, ses conclusions sur l’objet du différend, en plus des recommandations que la commission juge appropriées quant au règlement amiable du différend. Le rapport, qui est déposé auprès du Secrétaire Général des Nations Unies, est transmis aux parties, qui peuvent toujours se prononcer sur les propositions de la commission.

25Il convient de noter que la Section 3 de la Partie XV est relative aux « Limitations et Exceptions à l’application

de la Section 2 ».

26Conformément à l’article 287, paragraphe 1 de la Convention de 1982, « [l]orqu’il signe ou ratifie la

Convention, ou y adhère, ou à n'importe quel moment par la suite, un État est libre de choisir, par voie de

déclaration écrite ,un ou plusieurs des moyens suivants pour le règlement des différends relatifs à l'interprétation ou à l'application de la Convention: a) le Tribunal international du droit de la mer constitué conformément à

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7 dont disposent les États Parties pour choisir un ou plusieurs modes de règlement juridictionnel de leurs différends lors de la signature de la Convention, de sa ratification, de l’adhésion « ou à n’importe quel moment par la suite ».

Il convient de préciser qu’en vertu du paragraphe 6 de l’article 287, la déclaration de l’État demeurera en vigueur pendant trois mois après la notification de la révocation au Secrétaire général des Nations Unies, sachant qu’ « une nouvelle déclaration, une notification de révocation ou l’expiration d’une déclaration n’affecte en rien la procédure en cours devant une cour ou un tribunal ayant compétence en vertu du présent article, à moins que les parties n’en conviennent autrement » (article 287, paragraphe 7). Par ailleurs, le paragraphe 4 de l’article 287 mentionne que « si les États Parties en litige ont accepté la même procédure pour le règlement du différend, celui-ci ne peut être soumis qu’à cette procédure, à moins que les parties n’en conviennent autrement ». Il convient également d’envisager le cas d’un différend dans lequel les deux États n’ont pas choisi la même procédure, au sens où le premier État a choisi le Tribunal et un tribunal arbitral de l’Annexe VIII et le second a préféré la Cour internationale de Justice et un tribunal arbitral de l’Annexe VII. Dans ce cas, le différend sera donc soumis à un tribunal arbitral de l’Annexe VII, juridiction compétente par défaut (article 287, paragraphe 5). De même, si les deux États Parties ont choisi, sans ordre de préférence, le Tribunal et la Cour, le demandeur devrait pouvoir saisir l’une ou l’autre de ces juridictions.

En droit international, la compétence du juge international repose toujours sur le consentement préalable des États, notamment par la ratification de l’instrument instituant la juridiction. La compétence est donc qualifiée de « consentie » en raison de la rencontre de la volonté des États, de l’expression d’une acceptation de la compétence de la juridiction.

À cet égard, quel que soit l’environnement juridique dans lequel il s’insère, le juge est un interprète de la règle de droit dont il clarifie les obscurités qui opposent les parties à un différend. Il est vrai qu’en droit international, la compétence d’interprétation appartient d’abord aux États. Toutefois, le juge international, bien que sa compétence demeure assujettie

l’annexe VI ; b) la C.I.J. ; c) un tribunal arbitral constitué conformément à l’annexe VII ; d) un tribunal arbitral spécial, constitué conformément à l’annexe VIII, pour une ou plusieurs des catégories de différends qui y sont spécifiés ».

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8 au consentement de ces derniers, joue un rôle déterminant dans l’explication et l’interprétation des ambiguïtés que pourraient enfermer les normes internationales.

II. Sujet de recherche : L’intégration du Tribunal dans le mécanisme de règlement des différends obligatoire

Mis en place en 1996 conformément à l’annexe VI de la Convention de 1982 et siégeant à Hambourg, le Tribunal est chargé d’interpréter et d’appliquer un instrument conventionnel, régissant un domaine spécifique du droit international27, en vue du maintien de la paix entre les États, ce qui constitue le socle du droit international28. Il s’intègre ainsi dans un mécanisme de règlement des différends institué par la Convention de 1982, et ne constitue, de fait, que l’une des options que les États peuvent choisir pour régler leurs litiges.

La création du Tribunal illustre une importante innovation dans le mécanisme de règlement des différends en droit international29. Cette innovation s’explique par le champ de

compétence de cette juridiction spécialisée qui reflète une originalité au regard du fait que certains différends relèvent de sa juridiction obligatoire en raison de l’urgence qui les caractérise. Depuis son entrée en fonction, le Tribunal a d’ailleurs joué un rôle important dans le cadre de telles procédures d’urgence30. De même, les règles de la Convention de 1982 laissent entrevoir une spécialisation matérielle du Tribunal dans des différends portant sur le droit de la mer. De surcroît, il est intéressant de préciser que l’originalité du Tribunal s’explique également par le fait que divers acteurs peuvent se présenter devant son prétoire, puisqu’il est ouvert aussi bien aux États qu’à des personnes morales ou physiques et des

27Selon l’article 288, paragraphe 1 de la Convention de 1982, « une cour ou un tribunal visé à l’article 287 a

compétence pour connaître de tout différend relatif à l’interprétation et à l’application de la Convention qui lui est soumis conformément à la Partie XV ».

28Le juge de toute juridiction internationale comme le Tribunal « se prononce en droit, à l'issue d'un examen

extrêmement méticuleux de chaque affaire, sans en ignorer les données métajuridiques, sans ignorer les aspirations des parties, sans ignorer les impératifs de justice et de paix » Ce sont les termes employés par l’ancien Président de la C.I.J., Mohamed Bedjaoui dans sa déclaration faite devant l’Assemblée générale des Nations Unies, 49ème session, 13 octobre 1994.

29Voir infra, à la page 26.

30Il s’agit aussi bien de la procédure de prescription de mesures conservatoires (art. 290 de la Convention) que

de la procédure de prompte mainlevée de l’immobilisation d’un navire et prompte libération de son équipage dès le dépôt d’une caution raisonnable (art. 292).

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9 organisations internationales31, alors que la C.I.J. n’est ouverte qu’aux États parties à son

Statut32.

En raison de son champ de compétence opératoire, qui porte sur le droit de la mer dans le cadre posé par la Convention sur le droit de la mer, mais qui peut également couvrir d’autres branches du droit international, le Tribunal participe au règlement juridictionnel des différends qui, du reste, perce dans sa spécialisation. Il reflète, pour cela, une influence sur la place qu’il occupe dans un environnement juridictionnel concurrentiel où diverses juridictions sont appelées à coexister, tout en affirmant son rôle d’interprète de la Convention de 1982 et du droit international général, dans une société qui demeure marquée du sceau de la souveraineté des États.

III. Définition du concept-clé de la recherche

Interroger l’œuvre d’interprétation de la règle de droit par le Tribunal conduit à percevoir le sens du concept-clé qui borde cette étude, en l’occurrence le concept d’interprétation. En droit international, l’interprétation des traités est guidée par la Convention de Vienne sur le droit des traités, datant du 23 mai 196933 (ci-après la Convention de Vienne de 1969) qui s’ouvre dans son article 3134, paragraphes 1 et 235, à diverses méthodes d’interprétation. En

vertu du paragraphe 1 de cet article, « 1. [u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but ». L’interprète doit donc d’abord chercher le sens clair des mots (méthode

31En vertu de l’article 37 du Statut du Tribunal, « La Chambre [pour le règlement des différends relatifs aux

fonds marin] est ouverte aux États Parties, à l’Autorité et aux autres entités ou personnes physiques visées à la section 5 de la partie XI [de la Convention de 1982] » En ce qui concerne le tribunal arbitral compétent en vertu de l’annexe VII de la Convention de 1982, l’article 13 de cette annexe dispose : « [l]a présente annexe s’applique mutatis mutandis à tout différend mettant en cause des entités autres que les États ».

32L’article 35, §1 du Statut de la C.I.J. dispose que : « [l]a Cour est ouverte aux États parties au présent Statut ». 33Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969. Texte dans RTNU 1969, Vol. 1155.

34L’article 31 de la Convention de Vienne de 1969 est relatif à la règle générale d’interprétation.

35Conformément au paragraphe 2 de l’article 31, « 2. Aux fins de l'interprétation d'un traité, le contexte

comprend, outre le texte, préambule et annexes inclus: a) tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l'occasion de la conclusion du traité; b) tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l'occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité ».

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10 textuelle)36 qui doit être analysé à la lumière du contexte, du but et de l’objet du traité

(méthode téléologique).

Le terme « interprétation » a fait l’objet de diverses définitions37. Alors que la tendance positiviste attribue au juge un rôle passif, car il ne fait qu’appliquer la volonté du législateur, en « discern[ant] le véritable sens d’un texte obscur »38, en revanche, d’autres auteurs conçoivent l’interprétation comme un processus de compréhension et de volonté39.

Qualifiée d’œuvre d’ « art » juridique40, l’interprétation est définie dans le Dictionnaire du

droit international public, comme

une opération intellectuelle tendant à établir le sens d’un ou de plusieurs termes, ou celui de dispositions d’un instrument juridique, notamment d’un traité ou d’une coutume. La Cour est d’avis que, par l’expression ‘interprétation’, il faut entendre l’indication précise du ‘sens ‘ et de la ‘portée’ que la Cour a entendu attribuer à l’arrêt en question”. (Cour Permanente de Justice internationale, Interprétation des arrêts numéros 7 et 8 (Usine de Chorzow), arrêt du 16 décembre 1922, série A, n°13, p.10)41

L’interprétation se distingue ainsi de l’application en ce que celle-ci désigne une opération « consistant à donner effet à une règle de droit [...] dans une espèce déterminée ou dans une généralité de cas particuliers »42.

36. 3. Il sera tenu compte, en même temps que du contexte: a) de tout accord ultérieur intervenu entre les parties

au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions; b) de toute pratique ultérieurement suivie dans l'application du traité par laquelle est établi l'accord des parties à l'égard de l'interprétation du traité; c) de toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties. 4. Un terme sera entendu dans un sens particulier s'il est établi que telle était l'intention des parties ».

37Sur la question de l’interprétation et, plus particulièrement, de l’herméneutique juridique, voir Hugues

RABAULT, « Le problème de l’interprétation de la loi : la spécificité de l’herméneutique juridique » (2005) 15

Le Portique : Philosophie et Sciences Humaines, 4.3.

38Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2011, 9ème éd., à la page 565.

39Georges ABI-SAAB, ""Interprétation" et "auto-interprétation" : quelques réflexions sur leur rôle dans la

formation et la résolution du différend international", dans Ulrich Beyerlin, Michael Bothe; Rainer Hofmann et Ernst-Ulrich Petersmann (Hrsg.), Recht zwischen Umbruch und Bewahrung – Festschrift für Rudolf Bernhardt, Berlin/Heidelberg/New York, Springer-Verlag, 1995, à la page 9

40La Commission du droit international a souligné, en 1966, que « [...] l’interprétation des documents est dans

une certaine mesure un art, et non une science exacte », Voir Annuaire de la CDI, 1966, Volume II, à la page 238, §4.

41Voir Jean SALMON, Dictionnaire de droit international public, op.cit., à la page 603. 42Ibid. à la page 73.

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11 Par ailleurs, la théorie générale du droit souligne l’existence de trois théories de l’interprétation43. Il s’agit de la théorie cognitive, la théorie mixte et la théorie sceptique44.

Selon la théorie cognitive, l’acte interprétatif est un acte de connaissance, au sens où l’opérateur juridique cherche à découvrir le « vrai sens » ou le « sens objectif » d’une règle de droit45. La théorie mixte de l’interprétation considère, pour sa part, celle-ci « comme une activité de connaissance qui se double dans certains cas d’une activité de volonté »46. S’agissant de la théorie sceptique, l’interprétation est « un acte de volonté [...] compte tenu de l’indétermination du langage normatif qui contraint à faire des choix quant à la signification d’une disposition »47. Ainsi, l’interprète qui attribue volontairement un sens au

texte, est par-delà même créateur de la norme48. Il ressort ainsi de cette dernière définition que l’interprétation par le juge est marquée de subjectivité, au sens où il tient compte de ses croyances, de sa personnalité ou de ses préférences.

Si la juridiction estime que le résultat est absurde ou déraisonnable49, elle pourra recourir aux travaux préparatoires associés à la méthode subjectiviste ou historique, car ils permettent d’identifier la volonté des parties. Il convient de noter que l’acte à interpréter peut être un traité50, une norme coutumière51 ou un principe général de droit52.

43Voir Hervet Lionel Adolphus Hart, The Concept of Law, Oxford, Clarendon, 1961, rééd.1993, à la page 123. 44Au sujet des trois théories de l’interprétation, voir Pierre BRUNET, « Aspects théoriques et philosophiques

de l’interprétation normative » (2011) 115 :2 RGDIP 311.

45Ibid, à la page 313. 46Ibid., à la page 315. 47Ibid, à la page 314.

48À cet égard, l’Évêque Hoaly a souligné, “Whoever hath an absolute authority to interpret any writer or spoken

laws, it is he who is truly the Law-giver to all intents and purposes and not the person who first wrote or spoke them”, Propos cite dans John Chipman Gray, The Nature and Sources of the Law, 1938, N.Y. MacMillan Cy, à

la page 102.

49Voir Yves Le BOUTHILLIER, « Article 32 »dans Olivier CORTEN et Pierre. KLEIN (dir.), Les Conventions

de Vienne sur le droit des traités. Commentaire article par article, Bruxelles, Bruylant, 2006, de la page 1347

à la page 1353.

50Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, a) de la Convention de Vienne sur le droit des traités, « a) l'expression

« traité » s'entend d'un accord international conclu par écrit entre États et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes, et quelle que soit sa dénomination particulière »

51La coutume est « le résultat de la conjoncture d’une pratique effective et de l’acceptation par les États du

caractère juridique – et donc obligatoire – des conduites constitutives d’une telle pratique (opinio juris

necessitatis). », voir Jean SALMON, Dictionnaire de droit international public, op.cit, à la page 284.

52Les principes généraux de droit sont « des principes communs aux ordres juridiques internes (in foro

domestico) (droit « civil », romano-germanique, Common law, droit musulman, etc.) et transposables à l’ordre

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12 Le texte qui reflète une volonté extériorisée des parties est la plus sûre expression de la volonté de celles-ci53. En outre, l’article 31 dispose dans son paragraphe 4 qu’« un terme sera

entendu dans un sens particulier s'il est établi que telle était l'intention des parties ». Les parties peuvent ainsi employer les termes dans un sens différent, technique ou particulier. Dans sa recherche de la règle de droit applicable et de la signification d’un énoncé particulier, le juge dispose toujours de plusieurs voies parmi lesquelles il lui faudra choisir afin d’attribuer un sens à des termes souvent caractérisés, comme dans tout langage, par leur polysémie. Il n’existe donc pas de sens clair, parce que l’utilisation même d’un langage, qu’il soit ordinaire ou semi-artificiel comme l’est la langue juridique, conduit nécessairement à une pluralité de significations possibles : « [à] un noyau de signification relativement établi, s’oppose donc une zone de « pénombre » où règne l’incertitude »54. Le sens ordinaire désigne

le recours par l’opérateur juridique au sens d’un terme, qui sera, toutefois, éclairé et modulé par le contexte.55

En outre, il importe de noter que le texte se trouve enserré dans une série d’éléments qui aiguillent le processus d’interprétation. Il s’agit de la bonne foi, du contexte, de l’objet et du but qui sont autant d’éléments qui interagissent entre eux pour former une unité indissociable.

Du point de vue de l’interprétation par le contexte, elle repose sur l’idée selon laquelle les éléments soumis au processus d’interprétation ne doivent pas être considérés isolément mais plutôt mis en rapport comme un tout. Le contexte porte ainsi sur une interprétation concrète. Certes, le « sens ordinaire » est le pivot de l’interprétation internationale. Mais, le texte peut ne pas être compris et donc interprété isolément, en dehors de son contexte. Celui-ci comprend, du reste, tout accord ayant un rapport direct au traité et intervenu lors de la conclusion de ce dernier entre toutes les parties56.

53Une figure de proue de l’idée de se référer à la volonté réelle des parties contractantes est Sir H. Lauterpacht

H., « Les travaux préparatoires et l’interprétation des traités », RCADI, vol. 48, 1932 4-II, p.713, à la page 713 et s.

54Michel VAN DE KERCHOVE, "Le sens clair d’un texte : argument de raison ou d’autorité ?" dans Patrick

Vassart, Guy Haarscher et Léon Ingber (dir.), Arguments d’autorité et arguments de raison en droit, Bruxelles, Nemesis, 1988, à la page 306.

55Voir à cet égard, Waldemar HUMMER, “Ordinary’ versus ‘Special’ Meaning” (1975) 26 OZöRV, p.. 102 56En vertu de l’article 31, paragraphe 1, lettres a) et b) de la Convention de Vienne de 1969.

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13 S’agissant de l’’interprétation d’un traité par l’objet et le but, elle porte sur la recherche du sens d’une norme, de son but et de la finalité qu’elle poursuit57. L’objet désigne la matière

soumise à la réglementation qui peut être le droit des traités ou une matière technique, alors que le but renvoie aux finalités de l’accord.

Au demeurant, l’article 31 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités précise dans son paragraphe 3 alinéa c), qu’il « sera tenu compte, en même temps que du contexte », « de toute règle pertinente de droit international applicable entre les parties ». Cette disposition invite donc l’interprète à ne pas considérer le traité isolément58.

À côté des éléments principaux, l’article 32 propose des éléments complémentaires d’interprétation. Ainsi, l’interprète pourra recourir aux travaux préparatoires ou aux circonstances de conclusion du traité. Il ne pourra toutefois recourir à ces moyens complémentaires que lorsque les moyens principaux d’interprétation laissent le sens de la disposition obscur ou ambigu. Les moyens complémentaires peuvent également confirmer le résultat auquel l’interprète est arrivé par les moyens principaux.

Il convient de noter que l’interprétation n’est pas seulement une opération mécanique. Bien au contraire, elle fait intervenir d’autres considérations qualifiées de « politiques »59, au sens

où l’interprétation n’est pas uniquement une simple technique de « savoir » ; elle est également une stratégie de « savoir » qui fait appel à un pouvoir de décision. Cette définition conduit à mettre l’accent sur la manière par laquelle Hans Kelsen, dont le projet épistémologique s’inscrit dans le sillage de la démarche d’Emmanuel Kant60, a analysé le

concept d’interprétation et ses traits saillants.

Kelsen, juriste autrichien, a affirmé, dans sa Théorie pure du droit61, que l’interprétation n’est

pas uniquement un

57Voir Denys, SIMON, L’interprétation judiciaire des traités d’organisations internationales, Paris, 1981, aux

pages 391 et s.

58Pour plus de détails sur cette question, voir infra.

59Le terme « politique » se définit comme «la manière concertée de conduire une affaire », Voir Le nouveau

Petit Robert, Dictionnaire de la langue française, Paris, Dictionnaire le Robert, 2006, 2837.

60La réflexion de Hans Kelsen s’est en effet inspirée de l’œuvre de Kant, Critique de la raison pure au regard

de l’élaboration d’une « science objective du droit » , Voir, Emmanuel KANT, Critique de la raison pure, Paris, Aubier, 1997, 749.

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14 acte purement intellectuel de clarification ou de compréhension, comme si l’organe d’application du droit n’avait à mettre en mouvement que son intelligence, son entendement, mais non pas sa volonté, et comme si une activité purement intellectuelle permettait de faire parmi les différentes possibilités existantes un choix correspondant au droit positif62

L’interprétation est donc une « opération de connaissance [qui] s’unit à un acte de volonté par lequel l’organe applicateur de droit fait un choix entre les possibilités révélées par l’interprétation à base de connaissance »63. Dans la même veine, le professeur Frédéric Géa

affirme qu’ « [i]nterpréter, c’est choisir […] Nous pensons qu’il faut concevoir la figure du choix de l’interprète comme un élément incontournable de l’interprétation en droit »64.

Dans cette perspective, lorsque le sens d’une règle n’est pas clair ou lorsque la solution donnée au cas d’espèce ne semble pas logique, le juge devra rechercher celle-ci ailleurs que le texte lui-même, en se référant à d’autres textes ou aux diverses méthodes d’interprétation qui lui sont offertes, comme par exemple, l’objet et le but de la règle ou le contexte.

L’interprétation d’une règle doit donc prendre en considération des éléments extra-textuels65

ou des « politiques »66 sous-tendant l’activité juridictionnelle d’une juridiction internationale et orientant les décisions des juges à la lumière des « données réelles » dans lesquelles ils assoient leur œuvre interprétative67.

Dans le cadre de son interprétation et application de la règle de droit international, le juge international devra, en effet, tenir compte de certains facteurs extra-juridiques au sens où

[l]’interprétation juridictionnelle n’étant que partiellement enserrée par le droit, ne saurait être conçue comme un processus tout entier juridique. Ce qui implique pour le juge une compétence partiellement liée et partiellement discrétionnaire,

62Ibid., à la page 338. 63Ibid. à la page 340.

64Frédéric GÉA, Contribution à la théorie de l’interprétation jurisprudentielle. Droit du travail et théorie du

droit dans la perspective du dialogisme, Clermont-Ferrand : Fondation Varrenne, Paris, LGDJ, 2009, aux pages

1007 et 1008.

65Voir, par exemple, Aharon BARAK, Purposive Interpretation in Law, Princeton and Oxford UP, 2005 66Voir infra.

67Voir par exemple Rosalyn HIGGINS, “The International Court and South West Africa – The Implication of

the Judgment" (1967) JICJ, à la page 17; Selon Higgins, «the legal process does not involve merely the application of certain rules to particular circumstances; it also involves interpreting whether the scope of certain rules does indeed extend to the particular circumstances. And it is in this interpretative function – which is particularly important in the international system, lacking as it does a central legislature – that the individual standpoints and philosophies of the individual Judges become so relevant”.

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15 avec une interpénétration de motivations, finalités, solutions politiques encadrées, soumises, présentées dans un moule juridictionnel68

En somme, le monde de la norme et celui du contexte se rencontrent, se parlent, s’entrecroisent69.

Le juge international peut, au demeurant, adopter diverses attitudes lorsqu’il traite d’une affaire qui lui est soumise. Il peut, en effet, opter, en fonction des circonstances de l’espèce, le juge international peut donc se mouvoir soit dans une attitude prudente en ne limitant sa contribution qu’au règlement du différend, soit dans une stratégie dynamique et évolutive en participant au développement de la règle de droit international70. Ainsi, l’interprétation juridique est aussi bien une technique de connaissance qu’un acte de volonté, permettant au juge international de prendre une décision quant au choix entre les divers sens que peut revêtir une règle de droit international.

Cependant, le juge international demeure assujetti à des contraintes qui encadrent son raisonnement71. En effet, il doit toujours tenir compte, dans le cadre de sa fonction

d’interprétation et de création du droit, des limites qui canalisent son action. Selon la C.I.J., « le caractère politique d’un organe ne peut le soustraire à l’observation des dispositions conventionnelles qui le régissent, lorsque celles-ci constituent des limites à son pouvoir ou des critères à son jugement »72. De par sa fonction d’interprète, « le juge prend soin d’adapter l’interprétation des règles au résultat social recherché »73.

68Serge SUR, « L’interprétation en droit international public », dans Paul AMSELEK. (dir.), Interprétation et

droit, Bruxelles, Bruylant, 1995, aux pages 322 et 323.

69La C.I.J. a souligné dans son avis consultatif relatif à l’Interprétation de l’accord du 25 mai 1951 entre

l’OMS et l’Égypte du 20 décembre 1980 qu’ « [...] une règle de droit international coutumier ou Conventionnel

ne s’applique pas dans le vide ; elle s’applique par rapport à des faits et dans le cadre d’un ensemble plus large de règles juridiques [...]. La Cour doit d’abord s’assurer de sa signification et en mesurer toute la portée dans la situation de fait et de droit où il convient de l’examiner », C.I.J, Interprétation de l’accord du 25 mai 1951 entre

l’O.M.S et l’Égypte. Avis consultatif du 20 décembre 1980, Recueil 1980, p.76, §10.

70Iain GM SCOBBIE, "The Theorist as Judge: Hersch Lauterpacht’s Concept of the International Judicial

Function" (1997) EJIL 277.

71Voir Ronald DWORKIN, “Judicial Discretion” (1963) 60 Journal of Philosophy 624.

72Voir C.I.J., avis consultatif du 28 mai 1948, affairedes Conditions de l’admission d’un État comme membre

des Nations Unies, Rec. C.I.J. 1948, à la page 64.

73Michel VAN De Kerchove et François OST, Le système juridique entre ordre et désordre, Paris, PUF, 1988,

à la page 133. Les auteurs ajoutent également que, « [c]herchant à éviter les solutions manifestement « déraisonnables » ou iniques, le juge introduit dans le système juridique des conditions relatives à l’opportunité, à la justice et à l’intérêt général ».

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