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CHAPITRE 3 : L’APPLICATION D’UN MODÈLE D’INTERVENTION DE CRISE

3.1. Une présentation du modèle classique d’intervention en situation de crise

3.1.4. Les bases de l’intervention en situation de crise

3.1.4.1. L’immédiateté, la brièveté et la directivité

En quoi l’intervention de crise diffère-t-elle des autres approches, comme l’approche thérapeutique classique, par exemple? Comme il s’agit d’intervenir auprès de personnes en grande souffrance ou détresse, l’intervention en situation de crise cherche d’abord et avant tout à répondre rapidement et efficacement auprès de ces personnes afin de les aider à enrayer la crise et réduire la tension qu’elle cause. Quels que soient les types de crises, les interventions auprès de personnes en crise doivent être immédiates, brèves et directives (Séguin et coll., 2006).

L’intervention en contexte de crise se fait immédiatement après la crise, et parfois même, au moment où elle se produit. Elle peut donc se faire en toutes sortes de lieux et selon diverses modalités : en face-à-face, au téléphone, en centre de crise, aux urgences, dans les cliniques de santé mentale, à l’endroit où la personne menace de se suicider, sur les lieux d’un sinistre, etc. Lorsque l’intervention se fait au moment de, ou immédiatement après la crise, l’aide offerte par l’intervenant est généralement acceptée, car la personne peut vivre une telle souffrance qu’elle est prête à tout pour que ça arrête. Cependant, dans le feu de l’action, il peut s’avérer difficile de recueillir des données précises et d’évaluer la situation de manière exhaustive (Ibid.).

L’intervention en situation de crise se démarque également par sa brièveté dans le sens qu’elle vise à aider la personne en crise à retrouver rapidement un sentiment de contrôle sur sa situation et l’espoir qu’elle est en mesure de résoudre sa situation. L’intervention de crise a souvent été comparée à la thérapie brève en raison de certaines caractéristiques communes comme, justement, la brièveté de l’intervention et la concentration sur les motifs de la consultation. Cependant, la thérapie brève vise plutôt « à l’élimination des symptômes par la compréhension de la dynamique de certains conflits » (Ibid., p. 34). L’intervention en situation de crise ne prétend pas résoudre l’ensemble des problèmes de la personne en crise, mais d’atténuer la tension que la crise fait surgir chez elle. Les objectifs sont donc différents. La brièveté de l’intervention en situation de crise n’exclut pas la poursuite d’un suivi thérapeutique à plus long terme, si cela s’avère nécessaire, comme c’est souvent le cas lorsque des personnes en crise ont des problèmes de santé mentale.

Enfin, la directivité distingue l’intervention en situation de crise d’autres approches thérapeutiques qui prônent la neutralité de l’intervenant. Étant donné qu’une personne en grande souffrance puisse en venir au passage à l’acte, le potentiel de dangerosité exige une certaine directivité de la part de l’intervenant. Cependant, d’après LeBlanc et Séguin, certains intervenants dirigent trop rapidement l’intervention vers l’explication rationnelle ou la suggestion de solution cognitive, car ils ne sont pas à l’aise d’être témoin de tant de souffrance (Ibid.). Cela peut avoir pour effet que la personne en crise ne se sente pas accueillie et cela risque de compromettre le processus thérapeutique. Nous verrons plus en détail dans une section subséquente l’évaluation de la dangerosité

qui doit être faite en situation de crise et l’intervention en cas de risques suicidaire et homicide.

3.1.4.2. Les étapes et stratégies

Selon LeBlanc et Séguin, l’intervenant en situation de crise doit agir à trois niveaux en même temps : créer un lien de confiance avec la personne en crise, recueillir les données nécessaires pour pouvoir faire une évaluation adéquate de la crise, et maintenir l’engagement de la personne en crise dans la démarche thérapeutique (Séguin et coll., 2006). Pour aider les intervenants dans le déroulement de la première rencontre avec une personne en crise, LeBlanc et Séguin proposent un modèle d’entrevue divisé en 7 étapes, que nous choisissons de présenter ici brièvement en raison de son caractère exhaustif. Précisons toutefois que si les étapes sont présentées séparément dans ce qui suit, toutes ces étapes sont menées simultanément pendant l’entretien.

1. Créer un lien de confiance et susciter l’engagement. Le lien à créer ne va pas

de soi. La personne en crise en général ne connaît pas l’intervenant et peut être habitée par l’idée que personne ne peut la comprendre. De son côté, l’intervenant peut être déstabilisé par la souffrance de l’autre. L’intervenant doit aussi prendre soin de son propre état émotionnel, car la souffrance de l’autre peut faire resurgir des émotions de sa propre histoire. Pour favoriser la création d’un lien thérapeutique, l’intervenant doit avant tout se présenter comme un témoin de la souffrance de la personne en crise, pour que celle-ci se sente moins seule. Si l’événement déclencheur paraît anodin à l’intervenant, celui-ci doit se montrer sans jugement et attentif à la souffrance vécue par la personne en crise. Selon S.C. Shea (Ibid.), cinq éléments favorisent la création d’un lien de confiance : la transmission efficace d’un sentiment d’empathie ; l’aptitude à mettre en place un climat propice à la sécurité ; la faculté de paraître authentique et naturel ; la capacité d’afficher une compétence rassurante ; et l’évaluation de l’alliance.

2. Évaluer la sévérité des symptômes et la dangerosité. Tout en maintenant le lien

de confiance, l’intervenant doit recueillir les données nécessaires pour évaluer la sévérité et la dangerosité de la situation. La dangerosité concerne la létalité du scénario : la vie d’une personne doit être en danger ou il doit y avoir un risque de blessure pouvant compromettre la santé ou la sécurité de soi ou d’autrui. L’intervenant doit donc poser des questions directes à la personne sur ses intentions et le moyen choisi lors du passage à l’acte. Il doit pouvoir répondre aux questions suivantes : Quel est l’événement déclencheur? Quelles sont les réactions affectives, cognitives et comportementales de la personne en crise? A-t-elle des pensées suicidaires ou homicides? Est-elle en danger ou représente-t-elle un danger pour autrui? Souffre-t-elle de symptômes psychiatriques? Les réponses à ces questions orienteront l’intervenant vers une intervention appropriée. L’évaluation de l’urgence permet d’évaluer l’imminence du passage à l’acte et de déterminer les priorités d’action.

3. Comprendre la situation de crise. L’intervenant doit d’abord s’appuyer sur la

perception que la personne en crise a de sa situation. Cela renseigne l’intervenant sur l’interprétation que la personne fait de l’événement (s’agit-il d’une perte, d’une menace ou d’un défi), sur ses réactions (s’agit-il de réactions d’anxiété, de dépression ou d’espoir), et sur son sentiment d’impuissance. Ensuite, l’intervenant doit se renseigner sur les stratégies utilisées par la personne pour se sortir de la crise. Selon Lazarus (Ibid.),

lorsqu’une personne souhaite modifier les circonstances entourant l’événement stressant, elle tentera d’utiliser des stratégies centrées sur les problèmes et l’action. Si la personne souhaite plutôt réduire la détresse, elle utilisera des stratégies émotionnelles ou d’évitement.

4. Favoriser l’expression des émotions. C’est une étape que l’intervenant doit

exercer dès le début de l’entretien. Les réactions émotionnelles des personnes en crise sont variées et l’expression des émotions peut être parfois difficile. L’intervenant doit donc être attentif aux messages verbaux et non verbaux de la personne pour mieux comprendre sa réaction. Il est important d’encourager la personne en crise à exprimer ses émotions afin que cela l’aide à clarifier les événements qui lui sont arrivés et diminuer le sentiment de solitude. Pour que les clients se sentent compris, les intervenants doivent être en mesure de cerner correctement au moins une ou deux des émotions intenses vécues par la personne. En outre, le niveau de stress ne diminue de façon significative que si l’intervenant saisit adéquatement les besoins de la personne en crise (Kirk, Stanley et Brown, 1988, dans Ibid.). Cette étape permet à la personne d’être plus disposée à réfléchir sur sa situation et les stratégies d’adaptation qui l’aideront à traverser la crise.

5. Briser l’isolement. Il s’agit à cette étape-ci d’explorer le soutien que

l’entourage de la personne peut lui offrir. Des études ont montré qu’en l’absence de soutien social, la personne est davantage prise avec des sentiments d’impuissance. Des membres de la famille, des amis ou des collègues de travail peuvent être source de soutien. Cependant, certaines personnes de l’entourage peuvent se sentir épuisées par la situation ou manquer de ressources elles-mêmes. Alors, l’intervenant déterminera avec la personne en crise les personnes les plus aptes à lui venir en aide.

6. Formuler la crise et le plan d’action. À cette étape, l’intervenant partage sa

compréhension de la situation avec la personne en crise. Il propose des hypothèses permettant de faire des liens entre la nature des événements, l’intensité des réactions de la personne et l’issue possible de la crise. Ces hypothèses doivent prendre en considération la dimension affective de la situation de crise. Il doit également présenter le processus de crise à la personne et la situer dans ce processus. Ensuite, l’intervenant doit planifier l’intervention. Même si cela nécessite une certaine directivité, cela ne signifie pas qu’une collaboration avec la personne en crise est impossible. En effet, la participation de la personne dans le plan d’intervention lui fait entrevoir les moyens qu’elle peut elle-même mettre en place et ainsi nourrir l’espoir qu’elle peut s’en sortir. Pour mettre en place le plan d’action, il importe donc de discuter les limites de l’intervention, négocier les objectifs réalistes à atteindre, se concentrer sur le présent, viser des résultats appropriés, combiner différentes stratégies d’adaptation, adopter un style de communication directe, être prêt à faire face à la résistance des personnes en crise, planifier la fin de la thérapie et du suivi post-crise (Ibid.).

7. Effectuer le suivi après la crise. Cette étape permet à l’intervenant de vérifier si

la personne a retrouvé son niveau de fonctionnement d’avant la crise. Cela lui permet aussi de voir les éléments du plan d’action qui ont réellement été appliqués et leur efficacité. Cela renseigne l’intervenant sur la qualité de sa pratique.

3.2. Un nouveau modèle d’intervention de crise proposé par Marie Fondaire et