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Les avantages financiers de la reconnaissance

A) La reconnaissance du droit de constituer une organisation religieuse

2) Les avantages financiers de la reconnaissance

L'attribution d'un statut juridique reconnu par l'État à une communauté religieuse est un élément essentiel pour qu’elle puisse profiter des avantages réservés aux cultes reconnus et notamment la possibilité d’avoir un financement direct (1) ou indirect (2) de la part des pouvoirs publics.

502 Décision de la Cour administrative fédérale de 1999, cité par Sébastien LHERBIER-LEVY, « Actualité des relations entre l'État et les nouveaux mouvements religieux en Allemagne », mars 2006, disponible à l'adresse : http://www.droitdesreligions.net/edito/edito03_2006.htm, page consultée le 25 mars 2009.

503 Sylvie TOSCER-ANGOT, « La régulation conflictuelle du pluralisme religieux en Allemagne », Revue transatlantique de recherche sur l’Europe (Eurostudia), volume 4, n° 1, août 2008.

a) Le financement direct

L'État dans certains pays de l'Union européenne participe directement au financement des communautés religieuses505. C’est le cas en Allemagne, en Belgique, au Danemark, en Espagne et en Italie. Dans ces pays, les contribuables financent les besoins des cultes en versant une partie de leurs impôts à un culte de leurs choix. Mais pour réaliser ses objectifs, ce système doit être ouvert à toutes les confessions religieuses et pas seulement à l'Église catholique, qui profite d'un privilège historique comme c’est le cas dans certains pays.

Le financement direct prend des formes diverses : rémunération des ministres du culte en Belgique et au Danemark ; impôts cultuels et subventions directes en Allemagne ainsi qu'au Danemark et affectation d'une fraction de l'impôt sur le revenu en Espagne et en Italie506. Concernant la Belgique, la Constitution de 1831 a établi le principe du financement public des cultes. L'État reconnaît certains cultes, ce qui a entraîné plusieurs conséquences. D’abord, la prise en charge par l’État des traitements et des pensions des ministres du culte reconnus507 en vertu de l’article 181-1 de la Constitution qui dispose que : « Les traitements et pensions des ministres du culte sont à la charge de l'État ; les sommes nécessaires pour y faire face sont portées au budget »508.

S'ajoutent, ensuite, la prise en charge par les communes des déficits liés au temporel du culte et la mise à disposition d’un logement pour les ministres du culte et la prise en charge des réparations des édifices religieux509.

Depuis le 1er janvier 2002, les fabriques des églises510 ont été régionalisées511. Un accord de coopération a été signé le 27 mai 2004 entre l'État belge et les régions en ce qui concerne la

505 Voir l'article de Jean-François BOUDET, « États et religions en Europe : perspectives financiers », Revue internationale de droit comparé, n° 4, octobre-décembre 2005, p. 1000.

506 Op. cit., Rapport du Sénat français, Service des affaires européennes, « Le financement des communautés religieuses », p. 2.

507 Catholique, protestant, israélite, anglican, musulman et orthodoxe.

508 Op. cit., « Les Constitutions des États de l'Union européenne », textes rassemblés et présentés par Constance GREWE et Henri OBERDORFF, p. 145.

509 Op. cit., Rapport du Sénat français, « Le financement des communautés religieuses ».

510 Les fabriques des églises : « C'est l’ensemble des personnes chargés de l’administration des fonds et

revenus affectés à la construction et à l’entretien d’une église », définition disponible à l'adresse :

http://www.emploi.belgique.be/DOBECOM/fabrique_d_eglise1.pdf, page consultée le 4 février 2010. 511 Séminaire, « 175 ans de financement public des cultes en Belgique : un bilan », 23 octobre 2006, 15 janvier

2007, Université Libre de Bruxelles-Université d'Europe, Centre interdisciplinaire d'étude des religions et de la laïcité (CIERL), disponible à l'adresse : http://droitdesreligions.net/colloques/002.htm, page consultée le 4 février 2010.

reconnaissance des cultes, les traitements et pensions des ministres des cultes, les fabriques d'église et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus512. Selon cet accord, le financement des cultes reste à la charge de l'État fédéral mais les régions peuvent donner leurs avis et leurs suggestions concernant les cultes. Cette régionalisation peut conduire soit à renforcer le financement des cultes car les régions ont plus de capacité d’évaluer les besoins réels des différents cultes, soit à freiner ce financement à cause de son coût important qui a dépassé le montant de 579 millions d’euros en 2000513.

Par ailleurs, il existe en Allemagne et au Danemark, deux types de financement direct des cultes : les impôts cultuels et les subventions publiques.

En ce qui concerne l'Allemagne, les principales communautés religieuses profitent de ces deux modèles de financement dans les conditions fixées par les Länder en vertu de l'article 137-6 de la Constitution de Weimar514. Les collectivités religieuses qui sont reconnues comme des collectivités de droit public, ont le droit de lever ce type d'impôts. Les différents Länder ont donc adopté des lois sur les impôts cultuels. Ces impôts constituent une partie importante du budget de différentes confessions religieuses reconnues. Leur montant représente non moins de 80 % du budget des Églises catholiques et évangéliques d'Allemagne pour la seule année 1999515. Les églises reçoivent, également, des subventions publiques qui couvrent une partie de leurs frais de personnel, de leurs dépenses d'entretien des immeubles et de leurs frais généraux.

Les impôts cultuels collectés par les communes et les subventions publiques des cultes versés par le Ministère des Affaires ecclésiastiques existent, également au Danemark, où l'Église évangélique luthérienne, qui est une Église nationale, bénéficie de ces deux types de financement516.

512 Accord de coopération entre l'autorité fédérale, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale en ce qui concerne la reconnaissance des cultes, les traitements et pensions des ministres des cultes, les fabriques d'église et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, le 27 mai 2004, accord publié dans le Moniteur belge le 14 juin 2004.

513 Jean DE BRUEKER, « Informations chiffrées sur le financement public des cultes et de la laïcité en Belgique », mai 2005, http://www.ulb.ac.be/cal/laiciteAZ/documents/tableaux_financement.pdf, page

consultée le 26 mars 2009.

514 Jean-Georges BOEGLIN, « États et religions en Europe. Tome 1, le modèle catholique des relations Église- État et sa prépondérance en Italie, en Espagne et au Portugal », l'Harmattan, Paris, 2006, p. 275.

515 Op. cit., Rapport du Sénat français, Service des affaires européennes, « Le financement des communautés religieuses », p. 13.

En Espagne, les contribuables peuvent verser une partie de leurs impôts sur les revenus uniquement à l'Église catholique tandis qu’en Italie et selon la loi de 1985517, un nouveau système a été introduit pour faire profiter également les autres communautés religieuses qui ont conclu un accord avec l'État518.

En 2006, un accord a été trouvé entre l'État espagnol et l'Église catholique qui permet à celle-ci d’être financée grâce à 0,7 % du montant des impôts sur les revenus des contribuables qui expriment leur désir519. En cas de silence de la part du contribuable sur le bénéficiaire de cette disposition, les fonds sont destinés aux organisations non gouvernementales qui ont des activités sociales520.

Il paraît que le système des impôts cultuels est très intéressant car il permet à tous les pays de l'UE et même ceux qui suivent un système de séparation entre les églises et l'État de trouver une solution juridique qui permettent de financer directement les confessions religieuses. A part ces modalités directes de financement, il y a des États qui utilisent des modalités indirectes pour financer les cultes.

b) Le financement indirect

Le mode de financement indirect des cultes est utilisé par la plupart des pays de l'UE. Il prend plusieurs formes telles que le financement public des aumôneries et des cours d'instruction religieuse, ainsi que le régime fiscal favorable dont bénéficient les confessions religieuses. En ce qui concerne l’enseignement religieux, il est à la charge de l'État dans plusieurs pays où ces cours sont obligatoires dans les écoles publiques comme l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne. C’est le cas aussi en Italie, mais seulement pour l’enseignement religieux catholique dans les établissements publics d'enseignement primaire et secondaire. Par contre,

517 Loi n° 121 du 25 mars 1985 portant ratification et exécution de l'accord et de son protocole additionnel, signé à Rome le 18 février 1984, modifiant le Concordat du Latran du 11 février 1929 entre la République italienne et le Saint-Siège, G.U. 10 avril 1985, n° 85, suppl. Ord. :

http://www2.misha.fr/flora/doc/ILEGI/ita19850325_121fre.pdf, page consultée le 4 février 2010. 518 Op. cit., Stéphane PAPI, « Les statuts juridiques de l’islam dans l’Union européenne », p. 81.

519 Manuel LOPEZ, « Espagne : des cultes non catholiques demandent une égalité de financement », La Coruna, le 5 octobre 2006, disponible à l'adresse : http://www.blogdei.com/index.php/2006/10/10/87-espagne-des-cultes-non-catholiques-demandent-une-egalite-de-financement, page consultée le 15 avril 2009. 520 Op. cit., Jean-Georges BOEGLIN, « États et religions en Europe », p. 275.

au Danemark, l'État accorde des subventions, aux écoles primaires et secondaires privées, qui couvrent les dépenses de fonctionnement correspondant à chaque élève. De leur côté, les Pays-Bas financent aussi les établissements d'enseignement privés, y compris universitaires, à condition « qu’elles offrent les mêmes prestations que les établissements publics »521.

Un autre type de financement indirect aux confessions religieuses est celui de l’exonération de certains impôts et la déduction des dons effectués à leurs profits de l’impôt sur le revenu. Plusieurs pays de l'UE prennent, également en charge le financement public pour l’entretien des lieux de culte à l'instar de la loi française du 25 décembre 1942 modifiant le dernier alinéa de l'article 19 de la loi de 1905 relative à la séparation des églises et de l'État522. C'est le cas aussi en Angleterre. Les communautés religieuses de ce pays bénéficient de financements publics indirects qui prend la forme des subventions pour l'entretien de certains bâtiments et de la spécificité de leur régime fiscal. En vertu de la loi de 1969 sur les églises désaffectées et les bâtiments religieux, le fond pour l'entretien des églises peut recevoir des crédits publics pour l'entretien des bâtiments ecclésiastiques désaffectés523. Cependant, il semble que cette loi a plutôt un mobile urbanistique qu'un mobile religieux car une église qui menace de s'effondrer est dangereuse dans un centre urbain.

Le statut d'institutions charitables est, par contre, accessible pour toutes les communautés religieuses, ce qui leur permet de jouir d'un régime fiscal avantageux et notamment l’exemption de tout impôt sur leurs revenus524.

Un nouveau moyen de financement indirect a été trouvé en Espagne par la création de la fondation « Pluralismo y Convivencia ». Cette fondation a été créée en octobre 2004 afin d’apporter un soutien culturel, éducatif et social aux confessions minoritaires principales qui font l'objet d'un accord de coopération avec l'État espagnol ou qui ont un enracinement notoire et reconnu525.

521 Op. cit., Rapport du Sénat français, Service des affaires européennes, « Le financement des communautés religieuses », p. 48.

522 Loi n° 1114 du 25 décembre 1942 portant modification de la loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation des églises et de l'État, JORF du 2 janvier 1943.

523 Op. cit., Stéphane PAPI, « Les statuts juridiques de l’islam dans l’Union européenne », p. 55.

524 Op. cit., Rapport du Sénat français, Service des affaires européennes, « Le financement des communautés religieuses », p. 17.

525 Op. cit., Mercedes RICO CARABIAS, « L’administration des cultes en Espagne », dans « L’administration des cultes dans les pays de l’Union européenne », p. 127.

En tout état de cause, le financement étatique direct ou indirect est indispensable pour la survivance des confessions religieuses et notamment pour les religions les plus récentes dans l'UE comme la religion musulmane. Ce financement va permettre, d’un côté, de faciliter la pratique religieuse qui est une composante essentielle de la liberté de religion et d’un autre côté, d’éviter le recours à des financeurs étrangers qui essaient de s'immiscer dans les affaires internes d'un État via certaines confessions religieuses.