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L’autonomie des groupes religieux et celle de l'État

B) La reconnaissance du droit à l’autonomie des groupes religieux

2) L’autonomie des groupes religieux et celle de l'État

La revendication du principe d’autonomie des communautés religieuses contre les autorités publiques est possible étant donné qu'il est considéré comme un droit subjectif544. Ce principe, qui existe partout en Europe545, permet aux groupes religieux de s’administrer librement sans aucune ingérence de la part de l'État. La Cour EDH a abordé cette question dans l'arrêt Serif contre Grèce546. Dans cet arrêt, le requérant, qui est membre de la communauté musulmane, a été élu par les fidèles comme mufti sur un poste devenu vacant. L'État a, de son côté, nommé une autre personne pour le même poste sans l’accord de la communauté musulmane. Le requérant a été condamné pénalement par les autorités grecques sous le prétexte qu'il a utilisé des fonctions de ministre d’une « religion connue » et qu'il a porté en public l’habit de ce ministre sans en avoir le droit. La Cour EDH a sanctionné la Grèce et elle a considéré que cette ingérence pénale de l'État grec dans le droit de manifester une religion collectivement, par le culte est incompatible avec les dispositions de l’article 9 de la Convention EDH. La

543 Op. cit., Commission EDH, requête n° 7374/76, « X. c. Danemark », décision du 8 mars 1976, p. 160. 544 Emmanuel TAWIL, « Norme religieuse et droit français », Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2005, p.

186.

545 Francis MESSNER, « La reconnaissance des religions en Europe. L'exemple des mécanismes d’accès au statut et au régime des cultes », Revue de droit canonique, n° 54, 2004, p. 17 et s.

546 Cour EDH, requête n° 38178/97, « Serif c. Grèce », arrêt du 14 décembre 1999, Recueil des arrêts et décisions 1999-IX.

Cour a estimé que la liberté de manifester une religion collectivement par le culte, implique le droit d’organiser ce culte librement selon les règles propres de ce culte et en toute conformité avec la volonté de ses membres sans ingérence pénale de la part de l'État.

Dans l’arrêt Hassan et Tchaouch contre Bulgarie547, la Cour EDH a estimé que lorsque l’organisation de la communauté religieuse est en cause, l’article 9 doit s’interpréter à la lumière de l’article 11 de la Convention qui protège la vie associative contre toute ingérence injustifiée de l'État. L’origine de cette affaire est un conflit entre plusieurs factions rivales de la communauté musulmane pour la représentation des musulmans en Bulgarie. Les autorités bulgares ont interféré dans ce conflit et ont favorisé une partie en expulsant le chef de l’une des factions des locaux qu’il occupait. La Cour EDH a confirmé la liberté des communautés religieuses de s’organiser librement selon leurs propres règles et l’obligation de l'État de s’abstenir d’intervenir dans cette démarche. La Cour a précisé que « l'autonomie des communautés religieuses est indispensable au pluralisme dans une société démocratique et se trouve donc au cœur même de la protection offerte par l'article 9 »548. La Cour a, d'ailleurs, estimé que le fait de favoriser un dirigeant d'une faction religieuse en lui reconnaissant le statut de direction officielle unique de la communauté contre la volonté de ses membres, constitue une ingérence dans le droit à la liberté religieuse et une violation de l'article 9 de la Convention EDH549. La Cour a aussi rappelé que le droit d’une communauté religieuse de s’organiser pacifiquement sans ingérence de l'État n’implique pas celui d’être reconnue officiellement comme la seule leadership d’une communauté religieuse contre la volonté des autres leaders rivaux550. La Cour a estimé que l'État ne doit intervenir que pour protéger l'ordre public et les droits d'autrui551.

La Cour EDH a, également traité une affaire similaire dans un arrêt de 2009. Les requérants se sont plaints que l'État bulgare est intervenu de manière arbitraire dans le conflit interne de l'Église orthodoxe bulgare dans le but de forcer tous les membres du clergé et des croyants d'accepter le leadership de la personne favorisée par les autorités. La Cour EDH a estimé que dans une situation de conflits au sein des groupes religieux, s'il est nécessaire pour l'État de prendre des mesures pour concilier les intérêts des différentes religions et groupes religieux

547 Op. cit., Cour EDH, requête n° 30985/96, « Hassan et Tchaouch c. Bulgarie », arrêt du 26 octobre 2000. 548 Idem, § 62.

549 Idem, § 78.

550 Cour EDH, requête n° 39023/97, « Haut Conseil spirituel de la communauté musulmane c. Bulgarie », arrêt du 16 décembre 2004, § 85.

qui coexistent dans une société démocratique, l'État a le devoir de rester neutre et impartial dans l'exercice de son pouvoir de réglementation et dans ses relations avec les diverses religions, confessions et croyances552. Ce devoir de neutralité et d'impartialité est incompatible avec toute la puissance de l'État partie pour évaluer la légitimité des croyances religieuses. Le rôle des autorités n'est, alors, pas de supprimer la cause des tensions en éliminant le pluralisme, mais de veiller à ce que les groupes concurrents se tolèrent entre eux553. La Cour a ajouté que dans une société démocratique, l'État n'a pas besoin d'intervenir pour faire en sorte que les communautés religieuses restent sous une direction unifiée. Des telles mesures qui favorisent un dirigeant d'une communauté religieuse divisée ou qui cherchent à contraindre la communauté, ou une partie de celle-ci à se placer sous une seule direction, contre sa volonté, constituent une violation de la liberté de religion554

Deuxième paragraphe : Les relations entre l'État et les religions

Les relations entre les églises et l'État dans les pays de l'Union européenne ont évolué pour permettre aux nouvelles communautés religieuses de trouver leur place parmi les autres communautés reconnues.

Un certain nombre de principes communs oriente les relations entre les églises et les États dans les pays de l'Union européenne tels que : la reconnaissance de la liberté religieuse, la laïcité et la coopération entre l'État et les églises. Dans chaque pays, les rapports entre les églises et l'État sont le fruit d'une histoire qui prend en compte les situations de diversité religieuse et de séparation de la sphère publique et de la sphère privée, plus ou moins marquées555.

552 Op. cit., Cour EDH, requêtes n° 412/03 ; 35677/04, « Holy Synod of the Bulgarian Orthodox church and

others v. Bulgaria », arrêt du 22 janvier 2009, § 119 ; voir dans le même sens, Cour EDH, requête n°

39023/97, « Haut Conseil spirituel de la communauté musulmane c. Bulgarie », arrêt du 16 décembre 2004, § 93, op. cit., et Cour EDH, requête n° 45701/99, « Église métropolitaine de Bessarabie et autres c. Moldova », arrêt du 13 décembre 2001, § 123, op. cit..

553 Idem, Cour EDH, requêtes n° 412/03 ; 35677/04, « Holy Synod of the Bulgarian Orthodox church and

others v. Bulgaria », § 120.

554 Idem, § 147.

555 Claude SINGER, « Les religions et l’Union européenne », article paru dans la Raison, n ° 474, disponible à l'adresse : http://librepenseefrance.ouvaton.org/dossiers/europe/religions_UE_laraison474.htm, page

consultée le 27 mars 2009.

Chaque pays a dû choisir un modèle de relation avec les religions dont les fidèles vivaient sur son sol. Le cadre actuel des relations prendre des formes différentes (A). Pour gérer leurs relations avec les différentes communautés religieuses, les différents pays de l'UE ont mis en place des organes chargés de l'administration des cultes (B).