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La reconnaissance constitutionnelle explicite

A) Le cadre constitutionnel de la consécration des droits des minorités religieuses

1) La reconnaissance constitutionnelle explicite

En Europe, la protection des minorités est devenue une obligation constitutionnelle notamment pour les nouveaux pays de l’Union européenne. Cette protection des minorités a été imposée comme l’un des critères de l’adhésion des pays de l’Est à l’Union644. A titre d’exemple, la Hongrie qui compte 13 minorités différentes ( allemande, bulgare, tzigane, grecque, croate, polonaise, arménienne, roumaine, russe, serbe, slovaque, slovène, ukrainienne ), a protégé ses minorités en les regroupant en collectivités autonomes financées par l'État645. Ces minorités notamment nationales et ethniques sont protégées en vertu de l’article 68 de la Constitution qui indique que : « La République de Hongrie protège les minorités nationales et ethniques. Elle assure leur participation collective à la vie publique, le développement de leur propre culture, l'utilisation de leur langue maternelle, l'enseignement dans la langue maternelle, le droit à l'utilisation de leur nom dans leur propre langue »646.

D’autres pays d’Europe centrale ont protégé leurs minorités en leur garantissant certains droits comme le droit de se présenter aux élections législatives (garanti par la Constitution de la Pologne, par exemple647) et en leur autorisant à créer leur propres institutions culturelles pour préserver leur propre identité et notamment religieuse648.

644 Op. cit., Peter KOVACS, « La protection internationale des minorités nationales aux alentours du millénaire », éditions A. Pedone, Paris, 2005, p. 31.

645 Voir l'article de Peter SANDOR, « L’Europe pour une paix des minorités », La Croix, le 30 avril 2004. 646 Constitution de la République de Hongrie du 20 Août 1949 amendée notamment le 23 octobre 1989, article

68, disponible à l'adresse : http://www.droitsdelhomme-france.org/IMG/Hongrie.pdf, page consultée le 10 juin 2010.

647 Op. cit., Peter SANDOR, « L’Europe pour une paix des minorités », La Croix, le 30 avril 2004. 648 Article 35 de la Constitution polonaise.

En ce qui concerne les minorités religieuses, certains pays de l'UE ont choisi la reconnaissance constitutionnelle de plusieurs confessions religieuses. C'est le cas de l’Espagne, de l’Italie et de la Pologne qui citent notamment dans leurs Constitutions l'Église catholique. Cela n’a pas empêché de nouer des relations avec les autres confessions religieuses présentes sur le territoire national, ce qui a permis de signer avec elles, des accords et des ententes de droit interne, qui constituent une consécration légale des communautés religieuses649.

En Espagne, la Constitution reconnaît les différents mouvements religieux de la société espagnole et incite les pouvoirs publics à entretenir des relations de coopération avec l'Église catholique et les autres confessions religieuses en vertu de l’article 16§3 de la Constitution650. La liberté des confessions religieuses devant la loi et la place privilégiée de l'Église catholique ont été, en outre, mentionnée dans les articles 7 et 8 de la Constitution italienne651. Des ententes ont été signées avec les différentes confessions religieuses. Ces ententes ont permis aux minorités religieuses d’obtenir la reconnaissance de leurs statuts652.

En Allemagne, certains articles de la Constitution de Weimar de 1919, relatifs à la religion et aux sociétés religieuses, demeurent en vigueur. Ils accordent un statut de droit public aux grandes églises et laisse aux Länder la tâche de réglementer l'exercice de la liberté religieuse653.

De son côté, la Lituanie reconnaît expressément dans l’article 43 de la Constitution les différentes confessions religieuses « si elles ont une base dans la société et si leur doctrine et leurs rites ne sont pas contraires a la morale et a la loi »654.

649 Op. cit., Joël-Benoît D'ONORIO, « Dieu dans les Constitutions européennes : pour un compromis communautaire » dans « Dieu a-t-il sa place en Europe », sous la direction d'Elizabeth MONTFORT, actes du colloque du 3 avril 2003, p. 170.

650 Op. cit., « Les Constitutions des États de l'Union européenne », textes rassemblés et présentés par Constance GREWE et Henri OBERDORFF, p. 182.

651 Article 8 : « Toutes les confessions religieuses sont également libres devant la loi. Les confessions

religieuses autres que la confession catholique ont le droit de s’organiser selon leurs propres statuts, à condition qu’ils ne soient pas en contradiction avec l’ordonnancement juridique italien. Leurs relations avec l'État sont réglées par la loi sur la base d’ententes avec les représentants de chaque confession ».

652 Op. cit., Francis MESSNER, « Les rapports entre les Églises et les États en Europe : la laïcité comme modèle ? », dans « Laïcité, liberté de religion et Convention européenne des droits de l'Homme », p. 67. 653 Op. cit., Catherine HAGUENAU-MOIZARD, « État et religion en Europe », p. 29.

654 Constitution de la République de Lituanie du 25 octobre 1992, article 43, disponible à l'adresse :

L’article 15 de la loi fondamentale autrichienne relative aux droits généraux des citoyens du 21 décembre 1867655, qui a une valeur constitutionnelle, a garanti un exercice commun et public pour les églises et communautés religieuses reconnues par la loi656 : « Toute église ou communauté religieuse reconnue par la loi a droit à l'exercice public et collectif de sa religion, règle et administre ses affaires intérieures librement, garde la propriété et la jouissance de ses établissements, fondations et fonds destinés au culte, à l'enseignement et à la bienfaisance, tout en restant, comme toute société, soumise aux lois générales de l'État »657. Le système autrichien a, dès lors, consacré l’inégalité de traitement entre les cultes reconnus et ceux qui ne le sont pas étant donné que l’égalité de traitement existe seulement entre les cultes reconnus658.

Les articles 62 à 69 du Traité de Saint-Germain de 1919 prévoient, également la protection des minorités ethniques, linguistiques ou religieuses. La liberté religieuse a été étendue à tous les habitants de l’Autriche par l’article 63 du traité qui a une valeur constitutionnelle : « Tous les habitants de l’Autriche auront droit au libre exercice tant public que privé, de toute foi, religion ou croyance dont la pratique ne sera pas incompatible avec l’ordre public et les bonnes mœurs » 659.

Indépendamment du statut constitutionnel accordé ou refusé aux différentes confessions religieuses, plusieurs pays de l'UE ont fait une référence expresse à Dieu dans leurs Constitutions nationales (La République d’Irlande, la Grèce, la Pologne, et l’Allemagne)660. L’exemple le plus net est la Constitution de la République d’Irlande. La référence religieuse a été citée plusieurs fois dans le préambule de cette Constitution qui commence ainsi : « Au nom de la Très Sainte Trinité dont dérive toute puissance », et dans les articles 6, 40 et 44 de

655 « Loi fondamentale de l'État du 21 décembre 1867 relative aux droits généraux des citoyens dans les royaumes et pays représentés au Conseil de l'Empire », disponible à l'adresse : http://mjp.univ-perp.fr/constit/aut1867.htm, page consultée le 7 février 2010.

656 Bruno PRIMETSHOFER, « The constitutional status of religous entities in Austria », dans « Le statut constitutionnel des cultes dans les pays de l'Union européenne », actes du colloque, Université de Paris XI, p. 39, op. cit..

657 Op. cit., « Les Constitutions des États de l'Union européenne », textes rassemblés et présentés par Constance GREWE et Henri OBERDORFF, p. 134.

658 Voir sous la direction de Brigitte BASDEVANT-GAUDEMET et Francis MESSNER, « Les origines historiques du statut des confessions religieuses dans les pays de l’Union européenne », PUF, Paris, 1999, p. 138.

659 Constitution de la République d'Autriche, Section V de la IIIe partie du Traité d'État de Saint-Germain du 10 septembre 1919, « Protection des minorités », http://mjp.univ-perp.fr/constit/aut1919.htm, page consultée le 30 mars 2007.

660 Op. cit., Joël-Benoît D'ONORIO, « Dieu dans les Constitutions européennes : pour un compromis communautaire » dans « Dieu a-t-il sa place en Europe », p. 163.

la Constitution661. Néanmoins, il n’y a pas d’Église d'État dans ce pays et les subventions publiques sont interdites à toutes religions selon l’article 44§2 de la Constitution662.

La Constitution polonaise de 1997 et notamment son préambule approuve, d'ailleurs, l’égalité entre les croyants en Dieu et les athées : « Nous, Nation polonaise, (…) Conscients de la responsabilité devant Dieu ou devant notre propre conscience »663.

Le préambule de la Loi Fondamentale allemande de 1949 affirme également que le peuple allemand est « conscient de sa responsabilité devant Dieu et devant les hommes »664.

Toutefois, la reconnaissance d'un Dieu par ces Constitutions n'équivaut pas à la reconnaissance constitutionnelle du droit des minorités. Ce n'est pas parce que des groupes religieux se réclament d'un Dieu que la référence à ce Dieu dans la Constitution leur donne un droit explicite à l'exercice du culte. Mais la référence à Dieu peut avoir son intérêt, par exemple en terme de déférence du pouvoir temporel envers le pouvoir spirituel.