• Aucun résultat trouvé

La reconnaissance constitutionnelle implicite

A) Le cadre constitutionnel de la consécration des droits des minorités religieuses

2) La reconnaissance constitutionnelle implicite

Les pays de l'UE refusent en général de reconnaître explicitement leurs minorités religieuses au niveau constitutionnel. Le respect de toutes les croyances, mêmes celles des minorités, est imposé par le respect de la liberté de religion combinée avec le principe de non-discrimination. Les Constitutions européennes contiennent des dispositions qui reconnaissent les différents cultes et qui s’engagent à garantir la liberté du culte sous réserve du respect de l’ordre public.

La liberté religieuse a un rôle essentiel pour les droits des minorités religieuses. Le droit à la liberté religieuse protège chaque citoyen contre toute ingérence de l’État qui toucherait au noyau dur de ses convictions religieuses665. Le droit à la liberté religieuse est inaliénable, c'est

661 James CASY, « Tha Constitutional status of religion : Ireland », dans « Le statut constitutionnel des cultes dans les pays de l'Union européenne », actes du colloque, Université de Paris XI, p. 172, op. cit..

662 Voir à ce sujet, Joël-Benoît D'ONORIO, « Religions et Constitutions en Europe : à propos d’un préambule contesté », Revue de droit public, n° 3, mai-juin 2006, p. 716.

663 Préambule de la Constitution polonaise du 2 avril 1997, disponible à l'adresse : http://mjp.univ-perp.fr/constit/pl1997.htm, page consultée le 8 février 2010.

664 Op. cit., « Les Constitutions des États de l'Union européenne », textes rassemblés et présentés par Constance GREWE et Henri OBERDORFF, p. 24.

665 François BELLANGER, « Le statut des minorités religieuses en Suisse », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], n° 121, janvier-mars 2003, p. 88, mis en ligne le 17 novembre 2005, disponible à l'adresse : http://assr.revues.org/index2390.html, page consultée le 8 février 2010.

pourquoi, l'État ne peut pas limiter, sans justification, la pratique ou l’expression des convictions religieuses. La liberté de conviction oblige aussi l’État à respecter une sorte de neutralité confessionnelle qui empêche les autorités étatiques à s'ingérer excessivement dans les affaires religieuses666.

La liberté religieuse et du culte est assurée dans la Constitution espagnole de 1978 en vertu de l’article 16§1 pour les individus et les communautés sans autre limitation dans leurs manifestations que celle qui est nécessaire pour maintenir l’ordre public protégé par la loi. Cet article a été renforcé par l'adoption de la loi organique relative à la liberté religieuse de 1980667. Cette loi a été adoptée pour répondre aux questions inhérentes aux problèmes des communautés religieuses en Espagne.

En Italie, la liberté religieuse dans ses dimensions individuelles et collectives a été affirmée par l’article 19 de la Constitution de 1947 qui indique que : « Tout individu a le droit de professer librement sa foi religieuse sous quelque forme que ce soit, individuelle ou collective, d'en faire propagande et d'en exercer le culte en privé ou en public, à condition qu'il ne s'agisse pas de rites contraires aux bonnes mœurs »668.

L’article 6§1 de la Constitution des Pays-Bas de 2002 protège, également, la liberté individuelle et la liberté collective de religion. Elle dispose que : « Toute personne a le droit de manifester librement sa religion ou ses convictions, individuellement ou en collectivité »669. Le système de reconnaissance des cultes en Belgique est, d'ailleurs, applicable aux principales religions dans le pays. La liberté religieuse acquise avec la Constitution de 1831, a été confirmée par la Constitution de 1994 dans les articles 19 et 20670. Chacun peut donc exercer publiquement le culte de son choix et manifester librement ses opinions en vertu de l’article 19671 et personne ne peut être contraint d’en subir l'aliénation selon l’article 20672. La doctrine belge a considéré que la Constitution de 1831 garantit la liberté religieuse positive et

666 Idem.

667 Op. cit., Loi organique 7/1980 du 5 juillet 1980 sur la liberté religieuse.

668 Op. cit., « Les Constitutions des États de l'Union européenne », textes rassemblés et présentés par Constance GREWE et Henri OBERDORFF, p. 324.

669 Idem, p. 356.

670 Rik TORFS, « Le régime constitutionnel des cultes en Belgique », dans « Le statut constitutionnel des cultes dans les pays de l'Union européenne », 1995, p. 66, op. cit..

671 « La liberté des cultes, celle de leur exercice public ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute

manière sont garanties sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés ».

672 « Nul ne peut être contraint de concourir d'une manière quelconque aux actes et aux cérémonies d'un culte,

ni d'en observer les jours de repos ».

négative673. La liberté religieuse positive implique, selon l’article 19 de la Constitution, le droit pour chacun d’exprimer ses croyances et d’exercer le culte. La liberté religieuse négative est le droit de ne pas participer à l’exercice d’une religion.

Quant à la Hongrie, la liberté religieuse individuelle et collective a été reconnue constitutionnellement en vertu de l’article 60 de la Constitution674 qui a été renforcé par la loi n° IV de 1990 sur la liberté de la conscience et de la religion et des églises675.

De son côté, la Loi Fondamentale allemande de 1949 qui reprend le régime des cultes adopté par la Constitution de Weimar a interdit la discrimination fondée sur la religion en vertu de l’article 3 et elle a proclamé la liberté religieuse dans son article 4§2 qui dispose que : « Le libre exercice des cultes est garanti »676.

En Grande-Bretagne, il n'y a pas de Constitution écrite. Cependant, chaque individu peut profiter des droits et libertés en tant que membre de la société. L'Église anglicane est une Église d'État alors qu'il n'y a pas de statut propre pour les cultes non anglicans677. Il n’existe aucun texte général qui énonce formellement la liberté religieuse. Celle-ci a été assurée à partir de la fin du XIXe siècle par des textes qui autorisent des réunions à caractère religieux comme les lois de 1855678.

En France, plusieurs textes de valeur constitutionnelle assurent ensemble la liberté des cultes tels que l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789679, l’alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946680, et l’article 2 de la Constitution de 1958681.

673 Op. cit., Catherine HAGUENAU-MOIZARD, « État et religion en Europe », p. 51.

674 Article 60 : « 1. Dans la République de Hongrie toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience

et de religion. 2. Ce droit implique la liberté de choisir ou d'adopter une religion ou une autre conviction, ainsi que la liberté de manifester ou de ne pas manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites ou d'une autre façon, de la pratiquer et de l'enseigner », disponible à l'adresse : http://mjp.univ-perp.fr/constit/hu1949.htm, page consultée le 3 mars 2010.

675 Loi n° IV de 1990 sur la liberté de conscience et de religion et des églises, disponible en anglais à l'adresse :

http://www2.misha.fr/flora/doc/ILEGI/hon1990-IVeng.pdf, page consultée le 8 février 2010.

676 Op. cit., « Les Constitutions des États de l'Union européenne », textes rassemblés et présentés par Constance GREWE et Henri OBERDORFF, p. 25.

677 Francis LYALL et David MC CLEAN, « The constitutional status of churches in Great Britain », dans « Le statut constitutionnel des cultes dans les pays de l'Union européenne », actes du colloque, Université de Paris XI, p. 149, op. cit..

678 Op. cit., Jean DUFFAR, « Le régime constitutionnel des cultes : rapport et synthèse », dans « Le statut constitutionnel des cultes dans les pays de l’Union européenne », p. 4.

679 « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes religieuses ».

680 « Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses

croyances ».

681 « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la

L’article 1§1 de la loi de 1905 concernant la séparation des églises et de l'État complète, également cette liste des dispositions constitutionnelles dans le domaine des cultes en déclarant que : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public »682. L’article 67 de la loi constitutionnelle danoise de 1953 dispose, en outre, que : « Les citoyens ont le droit de se réunir en communautés pour adorer Dieu de la manière qui répond à leurs convictions, pourvu que rien ne soit enseigné ou pratiqué qui soit contraire aux bonnes mœurs ou à l’ordre public »683.

En Grèce, l’article 5 de la Constitution de 1975 garantit la protection de la liberté à toute personne se trouvant sur le territoire national sans distinction fondée sur les convictions religieuses. Cette garantie est reconnue aux cultes par l’article 13§2 qui indique que : « Toute religion connue est libre, et les pratiques de son culte s'exercent sans entrave sous la protection des lois. Il n'est pas permis que l'exercice du culte porte atteinte à l'ordre public ou aux bonnes mœurs. Le prosélytisme est interdit »684. Selon la jurisprudence du Conseil d'État grec, la liberté religieuse est reconnue à toute religion connue, c’est-à-dire toute religion dont le dogme, l’enseignement et les rites sont accessibles685. Mais cette jurisprudence administrative grecque n'est pas acceptable. En effet, il n'est pas possible de refuser d'accorder la liberté religieuse à une religion si elle n'est pas accessible. Cette notion d'accessibilité peut empêcher les adeptes de certaines religions de pratiquer librement leur culte.

La protection des minorités religieuses est alors assumée en grande partie par la consécration de la liberté religieuse au niveau constitutionnel. Qu’en est-il maintenant des autres moyens de protection interne ?